Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France

Réunion du 7 février 2017 à 15h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • adolescent
  • discipline
  • médecin
  • psychiatre
  • psychiatrie
  • pédopsychiatrie

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Lors de l'audition de la directrice générale de l'offre de soins, la semaine dernière, la nécessité d'y voir plus clair sur la formation des pédopsychiatres et la place de la pédopsychiatrie à l'université s'est imposée.

Nous avons donc sollicité le collège national des universitaires de psychiatrie dont je remercie le président, le Pr Pierre Thomas, d'avoir répondu rapidement à notre invitation. Le collège regroupant tous les psychiatres, le Pr Thomas nous a proposé d'auditionner en son sein la personne la plus qualifiée pour parler de pédopsychiatrie, qui n'est autre que le Pr Moro, que nous avons plaisir à retrouver.

Nous accueillons également le Dr Bénédicte Barbotin, présidente de l'Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie.

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

Je vous remercie pour cette invitation. Le collège rassemble effectivement les psychiatres d'adultes ainsi que les psychiatres d'enfants et d'adolescents. Nous avons par ailleurs souhaité la présence du docteur Bénédicte Barbotin, présidente de l'association des internes de psychiatrie avec laquelle nous entretenons des liens très forts et avec qui nous avons beaucoup travaillé sur la future maquette de formation des internes.

Les troubles psychiatriques concernent un français sur quatre au cours de sa vie. La moitié des troubles psychiatriques à fort potentiel évolutif, comme les troubles du spectre autistique, les schizophrénies, les troubles bipolaires et les dépressions récidivantes commencent, pour moitié, avant l'âge de 15 ans et, pour les trois-quarts, avant l'âge de 25 ans.

Ces maladies ont un retentissement considérable sur la personne atteinte, sur ses chances dans la société et sur son entourage. Leur impact médico-économique est tel que l'OMS les place, à l'horizon 2020, au premier rang des maladies non-transmissibles en termes d'incapacité.

Pourtant, les forces universitaires psychiatriques sont peu nombreuses au regard des autres disciplines médicales. Il n'y a que 102 postes de professeurs de psychiatrie, 27 en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et 75 en psychiatrie d'adulte. En France, une faculté de médecine sur 5 n'a pas de professeur d'université en pédopsychiatrie ; c'est le cas des neuf facultés de Dijon, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Limoges, Tours, Caen, Grenoble, Antilles Guyane et Réunion-Océan indien. Sur 2 000 internes en psychiatrie, deuxième spécialité après la médecine générale pour le nombre d'internes, un interne sur cinq, dans ces régions, n'a pas accès à la formation en pédopsychiatrie. Le taux d'encadrement est le plus faible de toutes les spécialités médicales.

L'offre en postes de chefs de cliniques, qui reflète l'avenir universitaire d'une discipline, est également parmi les plus faibles de l'ensemble des disciplines médicales, parfois dix fois moindre par rapport à d'autres spécialités.

La faiblesse de l'offre de formation génère un risque de perte d'attractivité de la discipline. La psychiatrie universitaire intervient dans la formation universitaire de l'ensemble des professions médicales, dans le cadre du DES de médecine générale, du DES de psychiatrie et de l'actuel DESC de pédopsychiatrie. Or les moyens universitaires actuels ne permettent pas de fournir cette formation de base sur l'ensemble du territoire.

La psychiatrie universitaire contribue à l'amélioration des pratiques. Son implantation dans les CHU, les universités, auprès des établissements de santé, permet une approche pluridisciplinaire des problèmes de santé mentale et une coordination des compétences. Elle traduit en hypothèses de recherche les questionnements issus des besoins de santé et des pratiques avec, pour finalité, la validation et la diffusion des innovations diagnostiques et thérapeutiques.

L'amélioration des pratiques de soin et de prévention dans le champ de la santé mentale des mineurs nécessite d'améliorer l'attractivité et l'image de la discipline par le renforcement de ses ressources universitaires aussi bien en soins qu'en enseignement ou en recherche.

Le message du CNUP est donc une mise en garde sur la paupérisation des ressources universitaires de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent qui risque d'affecter son attractivité et son dynamisme et de freiner l'amélioration des pratiques et des innovations.

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

L'entrée universitaire est un point très important. J'ajouterai que le conseil de l'ordre des médecins a enregistré une baisse de 48 % des inscriptions de pédopsychiatres entre 2007 et 2016. C'est inédit et cela montre la gravité du problème. Il faut reconnaître davantage cette discipline à qui, paradoxalement, on demande de plus en plus. Les pédopsychiatres se spécialisent également : on distingue la périnatalité jusqu'à 3 ans, les enfants, dont les problématiques de langage et de troubles du développement sont importantes, et les adolescents pour lesquels on intègre la notion de développement, la question de la transition...

Des pays comme l'Australie et le Canada ont développé d'énormes travaux et des instituts pour articuler recherches, interventions et enseignements afin de former sur cette période de transition des jeunes adultes pour le soin mais aussi la prévention.

La France fait le chemin inverse avec une paupérisation, un interne sur 5 sans formation en pédopsychiatrie et des régions entières sans professeur. C'est un cercle vicieux : moins les professeurs sont présents, moins on risque d'en nommer. Ce qui pose la question de la représentation des différentes disciplines dans les universités.

Nos propositions sont d'abord d'ordre quantitatif.

Une des caractéristiques de la nomination des pédopsychiatres, c'est la nécessité, pour la compréhension du développement, d'un large spectre de compétences qui va des neurosciences aux sciences humaines. Le développement des enfants est aussi en rapport avec ce que la société en attend ; le contexte est très important. Les professeurs doivent maitriser les neurosciences et les liens avec les sciences humaines.

Dans notre rapport sur le bien-être et la santé des jeunes, nous avions proposé que 3 PUPH soient nommés par université pour les bébés, les enfants et les adolescents, ce qui exige une politique volontariste de nominations.

Sur le plan qualitatif, nous avons un professeur pour 63 internes. Dans d'autres disciplines, c'est beaucoup moins. Pour appréhender des choses aussi fines, aussi complexes que le développement, la transition, le langage, le comportement, le rapport à la nourriture, au savoir, il faut un nombre suffisant de professeurs, à l'image de ce que l'on trouve dans d'autres pays.

Dernier point, il faut une articulation forte entre les soins, la recherche et l'enseignement. Le besoin de recherches cliniques pour inventer des dispositifs de soins et les évaluer est une raison supplémentaire pour avoir plus d'universitaires.

Je dénonce régulièrement une forme de résignation, selon laquelle on ne pourrait rien faire. Pourquoi serait-ce impossible d'agir en France ?

Jusqu'à présent, la pédopsychiatrie n'était pas reconnue comme une discipline à part entière. La formation n'offre pas d'équivalence avec d'autres pays d'Europe, ce qui ne facilite pas la circulation, ni les échanges scientifiques. Avec la nouvelle réforme, dont on ne sait pas encore si elle sera mise en oeuvre à la prochaine rentrée universitaire, il y a une prise en compte de cette nécessité de circulation des pédopsychiatres. Nous avons beaucoup moins de stages qu'en Suisse ou en Allemagne. La question européenne doit entrer dans nos préoccupations.

Debut de section - Permalien
Bénédicte Barbotin, présidente de l'Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie

Je partage entièrement les inquiétudes qui viennent d'être exprimées. Un vrai travail de réflexion a été engagé avec la réforme du troisième cycle. Dans les villes dépourvues de professeur, il n'y a aucune dynamique pour la recherche. Il faut contacter des PUPH dans d'autres villes, ce qui rend difficile l'organisation du travail des internes qui sont par ailleurs soumis à des obligations sur leur terrain de stage.

Il y a peu de terrains de stage en pédopsychiatrie, ce qui rend impossible d'obtenir l'équivalence européenne pour laquelle il faut 6 stages en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.

Il y a également un problème d'encadrement des stages : les encadrants ne sont pas toujours titulaires du DESC. Il y a 400 internes en Ile-de-France. C'est difficile pour eux de trouver des terrains de stage. Pour recréer une dynamique, il faut un encadrement des internes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Quelles sont les raisons de l'absence de PUPH dans certaines universités ?

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

Les raisons sont multiples. La carrière universitaire est complexe. Pour la pédopsychiatrie, il peut y avoir un épuisement du vivier des candidats. Il y a une compétition entre les disciplines pour les nominations dans les universités.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Nous comprenons bien la spirale infernale qui conduit à l'absence d'encadrants et de formations. Mais comment expliquer la désaffection initiale pour la discipline ? On n'observe pas ce même manque pour les psychiatres. La carrière est-elle moins attractive du fait de l'absence ou de la faiblesse de l'exercice libéral?

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

La discipline est très jeune. Elle existe depuis une génération. À la différence d'autres disciplines, il n'y a pas de tradition et, tournée vers le soin, la pédopsychiatrie n'a pas eu comme priorité de prendre en compte la dimension universitaire.

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

La tradition joue. On sait que dans telle université, on va nommer plutôt des cardiologues et, dans telle autre, une autre spécialité. Il existe cependant une petite tradition de nomination à Paris XIII, lieu des créateurs de la discipline.

La tradition joue en médecine, sans nécessairement de prise en compte des besoins de santé publique ou les mutations de la société. L'exercice n'est pas facile en ville : il n'y a pas de reconnaissance des actes en pédopsychiatrie. En Belgique, la valorisation des actes de pédopsychiatrie est différente. Un ensemble d'éléments techniques ont conduit à ce cercle vicieux mais pas seulement. Il y a aussi un enjeu politique. La reconnaissance de cette discipline n'est pas, contrairement à ce que disent certains de nos confrères, un « petit sujet ». La psychiatrie de l'adolescent est difficile. C'est une question très politique que celle de l'objet même de la pédopsychiatrie.

Debut de section - Permalien
Bénédicte Barbotin, présidente de l'Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie

D'après un sondage récent, 30 % des internes en psychiatrie souhaiteraient obtenir le DESC. Il y a donc un décalage. La difficulté de l'exercice en ville est liée à l'absence de valorisation des actes.

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

Même à l'hôpital public, il n'y a pas de valorisation spécifique de la pédopsychiatrie. Des postes sont ouverts en psychiatrie polyvalente ou en pédopsychiatrie. Il n'est pas nécessaire d'avoir obtenu le DESC pour passer de l'un à l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je suis surpris. Lorsque j'organise une réunion publique avec un professeur de pédopsychiatrie, l'affluence est considérable.

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Nous l'observons aussi. Il y a une demande indéniable de la société.

Debut de section - Permalien
Bénédicte Barbotin, présidente de l'Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie

Je souligne que le post-internat est également nécessaire pour valider le DESC, ce qui n'est pas possible dans toutes les villes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Lors de son audition, la directrice de l'offre de soins a évoqué le coDES et la validation des acquis de l'expérience, qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Nous n'étions pas demandeurs d'un coDES. Nous avons obtenu qu'après un DES de psychiatrie en 4 ans, une option en pédopsychiatrie le complète par une année de formation supplémentaire. Pour obtenir le diplôme, il faudra donc avoir suivi 4 semestres au total dans la discipline. Les psychiatres d'adultes qui n'auront pas fait la spécialisation ne pourront pas prendre en charge les enfants ; c'est ce qui a été arbitré.

La VAE existe comme pour les autres disciplines. Nous défendons surtout la possibilité, au cours de la carrière, de suivre des formations complémentaires pour s'occuper des enfants.

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

Je voudrais évoquer la maquette sur laquelle nous travaillons depuis 3 ans. Le DES devrait résoudre le problème de la désaffection dans le public. Le CoDES aurait conduit à deux métiers différents.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ce n'est pas ce que j'ai compris de l'audition de la DGOS.

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

C'est pourtant ce que nous avons obtenu.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Pour répondre à ces problèmes de formation, ne pensez-vous pas qu'il faudrait augmenter le numerus clausus ?

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

L'augmentation a déjà eu lieu. Il y a 2 000 internes en psychiatrie actuellement, il y en avait 1 200 en 2012. Nous avons plutôt un problème d'offre de formation. Dans les Hauts-de-France par exemple, le nombre d'internes permet désormais de faire face aux départs en retraite. Nous sommes plus inquiets sur la formation.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Sans augmentation du numerus clausus, nous en serons au même point dans dix ans sur le déficit de formateurs. Nous faisons venir des médecins d'ailleurs alors que nous pourrions exporter des compétences.

Debut de section - Permalien
Bénédicte Barbotin, présidente de l'Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie

Les effectifs d'internes en psychiatrie ont explosé. Il devient difficile de trouver des terrains de stage. Il faudrait plutôt faire en sorte d'encadrer ceux qui se trouvent actuellement sur le terrain.

Le CODES a été évoqué brièvement mais 81 % des internes interrogés lors d'un sondage ont préféré conserver un DES de psychiatrie générale complété par différentes options facultatives en psychiatrie de l'enfant, en psychiatrie médico-légale et en psychiatrie de la personne âgée.

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

La question de l'encadrement nous semble prioritaire, avec des postes de chefs de clinique pour les jeunes, à la fin de l'internat. Avec un bon niveau d'encadrement, nous pourrions envisager de former plus.

Nous sommes dans un paradoxe : d'autres pays forment nos pédopsychiatres.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

La semaine dernière, la direction générale de l'offre de soins nous a indiqué vouloir nous faire parvenir des documents au sujet du co-DES.

Le premier contact des familles est le médecin généraliste. La précocité du dépistage facilite la prise en charge et les soins. Quelle est exactement la formation en psychiatrie et en pédopsychiatrie qui est dispensée aux médecins généralistes ?

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Cette formation est insuffisante. Il n'existe rien d'obligatoire. Au cours des cinq années pendant lesquelles il se familiarise avec les différentes disciplines, le médecin aura une formation en psychologie médicale et pédopsychiatrie dans le cadre d'une unité d'enseignement en psychiatrie.

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

Pour l'enseignement pratique, nous avions demandé il y a plus d'une quinzaine d'années maintenant que dans le cadre du DES de médecine générale il puisse y avoir au moins un stage en psychiatrie, surtout sur les secteurs de psychiatrie afin de se familiariser avec l'ambulatoire et le travail avec les différents partenaires. Cela nous semblait justifié au regard des 20 % d'activité du médecin généraliste en lien avec la psychiatrie. Il nous a été répondu que dans le cadre du DES de médecine générale en trois ans, il n'y avait pas suffisamment de place pour la psychiatrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

La rémunération est-elle un élément qui explique le trop faible développement de la pédopsychiatrie ? La situation devient inquiétante au regard de la situation des autres professionnels de santé, notamment celle des urgentistes.

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Il y a en effet de quoi s'inquiéter.

Les PU-PH sont très correctement rémunérés, il n'y a pas de différence selon les disciplines. Ce qui est en cause est plutôt la place que l'on donne à la santé psychique et mentale de nos enfants et adolescents. La question se pose de savoir pourquoi il y a si peu de thématiques de recherche dans ce domaine-là. Tout se passe comme si l'on souhaitait éviter la question. Or environ 10 à 15 % des 11-21 ans ont des difficultés psychiques. C'est énorme.

Sur le terrain, les facultés font ce qu'elles veulent, ce qui explique qu'une sur cinq n'ait pas d'expertise en pédopsychiatrie. Cela renvoie à la notion d'universalisme. Une négociation devrait se tenir au niveau national. Il existe bien une régulation ministérielle.

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

Pour avoir le même taux d'encadrement pour les internes en psychiatrie que celui que l'on observe pour les internes en cardiologie, il faudrait nommer en France plus de 200 PU-PH. Le décalage est abyssal, alors que les conséquences médico-économiques des troubles mentaux vont au-delà de ce qu'on observe avec les problèmes de cardiologie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Dans le respect de l'autonomie des universités, les pouvoirs publics ont un devoir d'exigence afin que davantage de pédopsychiatres soient nommés et pour que la filière, à la fois de formation et de soins, soit organisée. Dans les conseils d'administration des facultés, notamment de médecine, il existe de grandes rivalités. La situation de la psychiatrie s'explique peut-être également par le fait qu'il s'agit d'une spécialité uniquement médicale ou humaine, avec peu d'apports techniques. Nous devons être plus coercitifs en fixant des exigences pour les facultés. Il est inadmissible qu'aussi peu de facultés aient de pédopsychiatrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

La situation révèle un problème d'adaptation et un manque d'anticipation. Il existe un stage obligatoire de gynécologie obstétrique et de pédiatrie. Or aujourd'hui, les jeunes médecins généralistes ne font quasiment plus que de gynécologie. Le contenu de la formation n'est donc plus adapté aux pratiques. Un médecin généraliste installé fait aujourd'hui bien plus de psychiatrie que de gynécologie.

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

On nous a toujours opposé jusqu'à maintenant les trois années du DES de médecine générale. La réforme envisagée ferait passer la durée du DES à quatre ans. Dans ce nouveau cadre, il faudrait au moins un semestre de formation en psychiatrie ambulatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

J'ai lu que le retour sur investissement dans la recherche en psychiatrie, de l'ordre de 37 %, était supérieur à celui observé pour tous les autres domaines de la santé. Confirmez-vous ce point ?

Debut de section - Permalien
Pierre Thomas, président du CNUP

Oui. En France, depuis le milieu des années 2000, la dynamique de recherche est importante. On observe une hausse exponentielle des publications. La recherche est assez orientée vers le secteur biomédical mais également vers la santé. Parallèlement, malgré le faible nombre d'universitaires, le nombre de laboratoires labellisés avec les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) sur l'ensemble des universités, a également augmenté. Une structuration s'est mise en place entre les CHU et des établissements mono-disciplinaires comme les centres hospitaliers spécialisés (CHS) ou les centres hospitaliers généraux, qui ont créé des fédérations dans le Nord-Pas-de-Calais, en Midi-Pyrénées, dans le Sud parisien, dans les Yvelines, dans le Poitou-Charentes, ce qui permet une dynamique de recherche en santé. Un besoin d'évaluation des dispositifs de soins, actuels et innovant, existe.

Debut de section - Permalien
Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Il y a beaucoup de recherche clinique en pédopsychiatrie et en psychiatrie, qui trouve des traductions dans la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La question de la recherche en psychiatrie et spécialement en pédopsychiatrie est un des aspects importants de notre mission d'information. Nous avons donc été particulièrement intéressés par la Fondation Pierre Deniker qui finance des appels à projet sur la santé mentale des jeunes.

Je remercie particulièrement Mme Aude Ollé-Laprune, directrice de la Fondation, de sa réactivité ; nous auditionnons grâce à elle le Pr Marie-Odile Krebs, dont les travaux de recherche font l'objet d'une reconnaissance internationale.

Debut de section - Permalien
Aude Ollé-Laprune, directrice générale de la Fondation Pierre Deniker

Merci de nous avoir conviées à cette audition et de vous être emparés de ce sujet très important pour notre avenir. C'est l'occasion de partager notre expérience dans un objectif de co-construction.

La Fondation Pierre Deniker a été créée en 2007 par les professeurs de psychiatrie Lôo et Olié, de l'hôpital Sainte-Anne. Elle est née de leur indignation vis-à-vis de ce qu'ils vivaient quotidiennement dans leur pratique et de leur volonté féroce d'agir.

Rappelons quelques chiffres : un Français sur quatre est touché par des troubles psychiques au cours de sa vie ; près de 20 % des 15-75 ans vivent un épisode dépressif dans leur vie ; on dénombre trois fois plus de morts par suicide que par accident de la route ; l'espérance de vie des personnes touchées par la maladie mentale est de dix à vingt ans inférieure à celle de leurs contemporains ; l'errance entre les premiers symptômes et l'accès aux soins dure huit à dix ans.

Chez les 15-24 ans, le suicide est la deuxième cause de décès ; les pathologies psychiatriques pour cette classe d'âge constituent la première source de handicap ; trois quarts des pathologies débutent à cette période de la vie. Or plus tôt une prise en charge adaptée est mise en place, plus elle est efficace et plus les chances de réinsertion sont élevées.

Il est urgent de traiter cette problématique. La Fondation a pour mission de faire bouger les lignes, en soutenant la recherche ; en favorisant l'accès aux soins et l'insertion des jeunes sur l'ensemble du territoire ; en luttant contre la stigmatisation, afin de délier la parole, de diffuser une information libre et pertinente et d'induire un accès aux soins le plus tôt possible.

Pour les jeunes, la Fondation a élaboré le programme #psyJeunes, qui s'adresse également aux familles et aux équipes pédagogiques. Son but est d'informer et de former.

Ipsos a réalisé un sondage pour la Fondation, en février 2016, auprès de 600 jeunes et 235 enseignants, selon lequel 55 % des jeunes sont un peu ou beaucoup gênés par des difficultés psychiques dans leur vie quotidienne. Or cette situation est largement sous-estimée par les parents, qui ne sont que 39 % à prendre conscience de la situation. À la question « êtes-vous prêt à partir en vacances avec une personne atteinte de maladie mentale ? », 64 % des jeunes répondent non, ainsi que 55 % des parents et 57 % des enseignants. Un jeune sur deux pense qu'une personne atteinte de maladie mentale est dangereuse pour son entourage - la proportion est d'un sur trois pour les parents et les enseignants.

L'école a un rôle à jouer dans l'orientation des jeunes en souffrance selon 82 % des parents et 76 % des enseignants ; la moitié des répondants pensent que les équipes pédagogiques sont bien placées pour détecter la maladie mentale. Enfin, 82 % des enseignants souhaitent être mieux informés sur la prévention en santé mentale, 55 % sont favorables à la désignation d'un professionnel référent pour l'établissement et 45 % favorables à une formation.

Je remercie le Pr Krebs, qui participe à #psyJeunes, de m'avoir accompagnée.

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

professeur de psychiatrie, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent. - Je suis professeur à l'université Paris-Descartes, membre du conseil scientifique de la Fondation Deniker et chef de service à l'hôpital Sainte-Anne, où nous avons mis en place depuis 2003 une consultation spécialisée dans la prise en charge des jeunes adultes et des adolescents, de 15 à 30 ans. Nous avons souhaité réduire le délai entre l'apparition des symptômes et la prise en charge. En évaluant mieux les troubles schizophréniques et bipolaires, on peut réduire le retard de diagnostic, qui est de cinq à dix ans, et éviter la phase de toxicité biologique et sociale.

Nous voyons aussi des maladies de l'enfant non diagnostiquées. Dans une consultation non spécialisée, un jeune de 18 ou 19 ans peut faire l'objet d'un diagnostic erroné de troubles schizophréniques alors qu'il s'agit en réalité de troubles du spectre autistique. Nous assurons également, pour des pathologies de l'enfant diagnostiquées, la transition entre les services de pédopsychiatrie et de psychiatrie adulte. Les pathologies de l'enfant se remanient à l'adolescence, période critique dans la maturation du cerveau, de grande vulnérabilité aux toxiques tels que le cannabis et l'alcool mais aussi d'opportunité pour mettre en place un traitement qui limite l'évolution de la maladie ou empêche la transition psychotique.

Le modèle australien d'early intervention services, qui fait référence, favorise le repérage des sujets présentant des symptômes spécifiques. La prise en charge spécialisée - pas toujours médicamenteuse - réduit le taux de transition vers un épisode psychotique de 30-40 % à 10 %. C'est rentable économiquement : un rapport de la London School of Economics montre qu'une livre investie pour la prévention de la psychose économise 15 livres.

Ces traitements sont-ils hors de portée ? Il existe des complications dans l'organisation des soins, l'interface entre les différents dispositifs. Toutefois, en réalité, des modalités de prise en charge, telles que les thérapies cognitives et comportementales spécifiques aux symptômes psychotiques ou la supplémentation en folates par exemple, pourraient être développées. Ce n'est ni irréaliste ni infaisable.

Parmi les autres défis, je mettrai en avant celui de l'accès aux soins. Il faut donner aux gens envie de venir. Pour cela, la parole doit être libérée. Il faut favoriser l'information sans faire peur, sans stigmatiser pour que les jeunes puissent être réinsérés et retrouver au plus vite le cours de leur vie.

L'école de Jean Delay, Pierre Deniker, Henri Lôo et Jean-Pierre Olié, à laquelle j'appartiens, inculque une capacité d'indignation et la volonté de tout mettre en oeuvre pour rendre possible l'amélioration des soins. Il est indispensable que des thérapeutiques faisables soient disséminées sur l'ensemble du territoire. Cela impose de réfléchir aux maisons des adolescents et aux autres mesures en faveur de la santé et du bien-être des jeunes. Quelle articulation ? Il faut des structures spécialisées en aval des maisons des adolescents. Quelques outils pourraient améliorer l'orientation des jeunes, tels des auto-questionnaires assurant une évaluation simple et légère.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Les noms de Delay et Deniker nous font penser aux traitements chimiques antipsychotiques des années 1950. Quelle place accordez-vous aux différents types de prise en charge - médicaments, psychothérapie, thérapies cognitives et comportementales (TCC), voire psychanalyse ?

Selon le modèle australien, particulièrement intéressant, un jeune repéré peut-il être guéri ? Ce modèle, qui pose la question du repérage précoce et de la prévention, va à l'encontre de l'idée selon laquelle la maladie psychiatrique est une fatalité.

Quid des recherches épidémiologiques ? L'épidémiologie n'est pas le fort des Français - en psychiatrie, c'est semble-t-il presque un tabou.

De quels travaux dispose-t-on sur la psychopathologie du bébé ?

Enfin, parlez-nous de la pédopsychiatrie et de la recherche en neurosciences.

Debut de section - Permalien
Aude Ollé-Laprune, directrice générale de la Fondation Pierre Deniker

Permettez-moi de vous présenter d'abord notre programme #psyJeunes, qui a pour but d'informer et de former en s'appuyant sur des acteurs locaux, collectivités territoriales et rectorats, ainsi que sur des experts scientifiques, professeurs de psychiatrie et structures d'évaluation et de prise en charge, en partenariat avec des acteurs privés et associatifs. Il a vocation à être diffusé dans la France entière.

Nous informons le grand public lors de conférences destinées aux parents au sein des établissements scolaires. Les conférenciers fournissent des informations scientifiques sur le cerveau du jeune, les facteurs qui ont un impact sur son développement, l'identification des premiers symptômes, les actions à mener. Ils expliquent aussi ce que sont un psychiatre, un psychologue, un psychothérapeute. Le schéma de présentation a été élaboré par le Pr Krebs.

La Fondation a également le projet de réaliser un site internet présentant une carte interactive qualifiée de centres de soins. Il sera lancé avant la fin de l'année pour l'Ile-de-France. Nous espérons pouvoir en faire de même dans les autres régions d'ici cinq ans.

La deuxième mission de la Fondation est la formation. Nous formons les équipes éducatives lors de conférences scientifiques pragmatiques dont les directeurs d'établissements sont très friands.

La Fondation a également créé en 2011-2012 la ligne téléphonique Fil'harmonie, dont elle a assuré le suivi scientifique et financier. Cette ligne d'écoute gratuite destinée aux équipes pédagogiques existe pour Paris mais nous aimerions, avec la Fondation Santé des Étudiants de France, l'étendre à la France entière car elle répond à une vraie demande.

Nous souhaitons en outre réaliser une formation spécifique de référents en santé mentale dans les établissements scolaires, par e-learning. Ce dispositif novateur favorise un échange, des rencontres et une validation scientifique.

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

M. le rapporteur a évoqué l'invention des premiers psychotropes spécifiques. Je m'attache moins à la modalité qu'au résultat. Je constate que des patients ont pu sortir de l'hôpital et que leur parcours de vie a complètement changé. Néanmoins, aujourd'hui, nous sommes plus exigeants, à raison.

Nous vivons une révolution, en modifiant le cours des choses. Les ténors de la psychiatrie envisagent une guérison au moins fonctionnelle, si ce n'est complète, en cas de prise en charge très précoce. On me dit : « Vous allez psychiatriser trop vite ». Ce genre d'objection n'est pas formulé pour le dépistage du cancer du sein ou du mélanome. Je le répète : la diminution du taux de transition est réelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Qui aura une approche suffisamment fine pour distinguer un signe avant-coureur de psychopathologie avérée, d'un signe de souffrance ordinaire ne nécessitant pas de prise en charge ? Qui sera formé à ce repérage ?

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Aujourd'hui, grâce à des outils cliniques, on repère les personnes qui ont une chance sur trois d'évoluer vers la maladie. Nous sommes dans une médecine probabiliste. Il faut effectivement adapter la prise en charge au type d'évolution et au stade de la maladie. On ne pose qu'un diagnostic de phase. Même un premier épisode de schizophrénie n'est pas catégoriel : seule la moitié des patients va évoluer vers cette maladie. Une prise en charge très précoce impose un changement de paradigme complet. L'intérêt, pour les décisionnaires, est notamment financier puisque l'on réduit la sévérité des symptômes et éventuellement leur évolution. Les thérapies, dans ces phases, sont adaptées à la situation. La prise en charge est globale, elle prend en compte toute la personne et est faite sur-mesure pour répondre à ses besoins spécifiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Le modèle australien est-il transposable à une culture sensiblement différente ?

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Il est parfaitement transposable. L'un des outils principaux est en train d'être diffusé. Les auto-questionnaires sont en cours de traduction et de validation.

Il reste des améliorations à apporter à la recherche. Les biomarqueurs nous aident à affiner la prédiction. Il faut les étudier. Quant à l'épidémiologie, elle n'est pas taboue, mais mal faite. Pourtant, ce serait possible. La difficulté réside dans le fait que plusieurs acteurs ne mettent pas le même mot, le même diagnostic sur une même situation. Les jeunes sont aussi répartis entre plusieurs services : les cas les plus sévères et agités sont admis directement chez les adultes, où les moins de 25 ans représentent 15 à 20 %, les plus en retrait allant chez les adolescents.

Je ne suis pas qualifiée pour répondre à votre question sur le bébé.

Mme Ollé-Laprune citait l'enquête Ipsos. Si les enseignants et les parents ont exprimé leur intérêt pour un dépistage en milieu scolaire, 70 % des jeunes déclarent qu'ils ne se confieraient pas à quelqu'un dans ce cadre. C'est beaucoup.

La ligne Fil'harmonie facilite le repérage de personnes en retrait, que l'on craint toujours de manquer. En revanche, nous avons noté que tous les jeunes qui ont été signalés avaient subi une sanction scolaire, qu'il s'agisse d'une exclusion ou de redoublements, avant la prise en charge de leur souffrance psychique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Pourquoi avez-vous parlé négativement des maisons des adolescents ?

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Je n'en ai pas parlé négativement. Ces maisons ont des compositions, des fonctionnements, des moyens extrêmement variés. Lorsqu'il y a une grande coopération entre la maison et le service de psychiatrie des jeunes adultes, cela peut fonctionner. Ma seule réserve porte sur le repérage des jeunes présentant un risque d'évolution sévère. Il faudrait un langage et des objectifs communs ainsi que l'implantation systématique d'une évaluation simple. C'est très faisable. Les consultations destinées aux jeunes consommateurs sont aussi un lieu de repérage.

Il y a toujours des superpositions entre les tranches d'âge, ainsi qu'entre les différents stades d'évolution des maladies. Il faut travailler sur ces articulations.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Lors de l'audition précédente, on nous a dit qu'une faculté sur cinq n'avait pas de professeur des universités en pédopsychiatrie, donc pas d'internes. Y a-t-il des internes formés à la recherche en psychiatrie ?

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

La faiblesse de la représentation de la pédopsychiatrie parmi les professeurs d'université freine la recherche en neurosciences pour les plus jeunes. Il y a peu d'équipes investies dans la recherche en psychiatrie en général, face à des neurosciences très développées et très puissantes en France.

Il est évident qu'il est important de former des jeunes à la recherche, en ayant une interface forte entre la recherche modélisatrice et la clinique.

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Je ne sais pas ce que cela veut dire ! Cela signifierait que l'on n'adapte la réponse thérapeutique ? Il faut adapter tout traitement au stade de la maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cela revient à la question du rapporteur : qui peut faire le meilleur diagnostic ?

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Ces situations nécessitent une spécialisation qui soit ensuite diffusée plus largement. En deux à trois ans, les États-Unis ont mis en place le programme d'intervention précoce Recovery After an Initial Schizophrenia Episode (RAISE), qui est remarquable, en fédérant un grand nombre de centres. Il s'agit d'adopter la bonne manière de faire en assurant une prise en charge globale. Nous avons besoin d'évaluer ce modèle in situ, en France. Nous essayons actuellement de fédérer six sites déjà impliqués dans la prise en charge précoce pour valider des outils facilement diffusés, dans le cadre des investissements d'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Vous avez insisté sur les rapports entre Éducation nationale et psychiatrie. Voici un cas curieux : une adolescente de 13 ans dit être harcelée au sein de son établissement scolaire. Les parents, inquiets, la font accompagner par un psychologue en ville. La prise en charge se déroule bien mais l'adolescente déclare toujours être harcelée. Le chef d'établissement la convoque auprès d'un psychologue scolaire, qui atteste l'inverse du psychologue de ville. Il ne s'agit pas ici de déterminer si l'enfant présente des troubles d'affabulation mais de souligner la méthode, qui me paraît curieuse.

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Il faut bien définir le rôle de l'Éducation nationale, donc du chef d'établissement, dans le repérage des personnes qui vont moins bien. L'implantation de thérapeutes dans les établissements créerait un mélange des genres, comme c'est le cas dans la médecine du travail. Les jeunes sondés par Ipsos évoquent le risque de manque de confidentialité.

Il est en tout cas nécessaire que les différents intervenants auprès d'un adolescent partagent leurs informations.

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

En effet, c'est une situation problématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Que pensez-vous de la création d'un corps de psychologues scolaires ?

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Quel serait leur rôle ? J'y suis favorable s'ils procèdent à une évaluation cognitive - derrière un trouble du comportement, il peut y avoir un trouble de l'attention majeur ou une déficience intellectuelle - car il s'agit d'adapter l'accompagnement du jeune dans son parcours scolaire. Mais ces psychologues ne pourraient pas mener de psychothérapies, pour cause de mélange des genres. Qui les coordonnerait, qui les superviserait, comment seraient-ils formés ? Moi qui suis spécialisée dans l'adulte, j'ai appris récemment que les infirmiers scolaires étaient soumis au chef d'établissement quand le médecin scolaire dépend du médecin général coordonnateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Lors de l'audition précédente, les Pr Thomas et Moro nous ont parlé d'un diplôme spécialisé d'études complémentaires (DESC). Quel est votre avis ?

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

La psychiatrie est une spécialité médicale comme les autres. Il faut éviter de se sur-spécialiser trop vite et trop tôt. J'ai reçu une volée de bois vert après avoir suggéré que les internes de psychiatrie suivent un stage en pédiatrie, en médecine interniste, en génétique ou en neurologie. Cette demande n'a pas été bien acceptée, y compris des jeunes collègues. Il est absolument indispensable que les jeunes psychiatres soient formés à l'ensemble de la psychiatrie. On ne peut pas être un bon pédopsychiatre sans connaître l'évolution chez l'adulte, ni être un bon psychiatre d'adulte sans mieux connaître la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Je préfère un complément de formation lors d'une cinquième année plutôt que la spécialisation en pédopsychiatrie.

Il y a un véritable déficit de pédopsychiatre sur l'ensemble du territoire et, ce qui inquiète encore, c'est que les jeunes internes ne s'intéressent pas suffisamment à cette spécialité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Pour ma part, j'aime bien l'idée d'un stage des internes en psychiatrie dans des disciplines comme la pédiatrie et la médecine interne, l'enjeu est clairement médical - les maladies psychiatriques augmentent nettement la mortalité.

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Elles diminuent de quinze à vingt ans l'espérance de vie.

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Aude Ollé-Laprune, directrice générale de la Fondation Pierre Deniker

Cette idée de stage n'est pas bien reçue partout.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Il faut noter qu'il y a comme un mur entre les psychiatres et les autres spécialistes.

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Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Cela est de moins en moins lié à un refus des psychiatres de parler aux autres spécialistes - il faut voir que des services d'urgence renvoient, sans même les examiner, des personnes qu'ils classent comme « grands fous », les situations sont parfois scandaleuses : ces personnes doivent être examinées avant d'être renvoyées aux services de psychiatrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous avons noté une forte demande des psychiatres pour des GHT psychiatriques.

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Il faut en examiner les raisons, elles sont budgétaires plutôt qu'idéologiques. Les jeunes psychiatres ont fait des études de médecine de qualité, ils ont tous passé l'internat et ceux qui arrivent dans nos métiers ne sont pas les derniers de la liste. Mais leur nombre est insuffisant et nous nous préoccupons, comme professeurs d'université, du manque de visibilité de nos métiers et du manque de postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Pour avoir bien connu des services d'urgence, je peux témoigner des réticences de psychiatres à recevoir des patients en première intention, alors que ces patients présentent des risques évidents pour le service.

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Je pense qu'aucun psychiatre n'a refusé d'accompagner un patient pendant le passage aux urgences. En revanche, j'ai vu des médecins prétexter d'un passé psychiatrique de patients, pour les envoyer en psychiatrie sans les examiner, alors que ces patients pouvaient souffrir d'hypoglycémie ou d'embolie pulmonaire, ou encore de crise d'angoisse... et alors qu'un patient sur cinq, aux urgences, a un passé de soins psychiatriques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Certainement, les urgentistes doivent aller examiner les patients en psychiatrie mais il faut voir les dégâts que peuvent faire, dans les services d'urgence, des patients en crise psychiatrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Les relations dépendent pour beaucoup de l'organisation du service.

Debut de section - Permalien
Marie-Odile Krebs, chef du service hospitalo-universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne, fondatrice du Centre d'évaluation du jeune adulte et de l'adolescent

Certainement, mais le manque de psychiatres est patent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Merci pour toutes ces informations.

La réunion est close à 17h15.