Mon général, nous sommes très heureux de vous recevoir pour la présentation des crédits du programme 152, consacré à la gendarmerie, d'autant que ceci me permet de vous rendre hommage. Vous allez en effet quitter l'institution dans quelques jours. C'est donc votre dernière intervention devant le Sénat.
Je voudrais, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, vous dire toute notre reconnaissance. Chacun de nous a apprécié votre franchise, la précision de vos propos, et votre volonté de partager avec nous les grands enjeux de la gendarmerie. Dieu sait si, au cours de ces dernières années, vous avez dû surmonter des défis particulièrement difficiles à relever. Vous vous en êtes ouvert à nous en avec beaucoup de confiance. Vous savez l'attachement que nous portons tous, dans cette maison qui représente les territoires, à notre gendarmerie nationale et à l'engagement des femmes et des hommes qui la composent.
Vous avez également dû vous battre sur le plan budgétaire pour trouver quelques marges de manoeuvre afin de préserver la capacité de la gendarmerie à remplir ses missions. Acceptez donc une fois encore notre reconnaissance. Je serai personnellement présent lors de votre cérémonie de départ, peut-être avec d'autres collègues.
Je parlais de marges de manoeuvre. Malheureusement, cette année n'échappe pas à la rigueur budgétaire et fait écho aux inquiétudes des parlementaires qui ont notamment donné lieu à la création de deux commissions d'enquête au Sénat et à l'Assemblée nationale. Nous préconisons en particulier depuis plusieurs années un effort d'investissement massif pour remettre à niveau le parc automobile et l'immobilier, car s'il existe de belles réalisations, certaines gendarmeries ne sont pas belles à voir. Or le nouveau projet de loi de finances prévoit plutôt un tassement des crédits - pour ne pas parler de diminution.
Nous avons aussi des inquiétudes sur les moyens de fonctionnement qui vous sont consentis et qui stagnent, alors même que l'on prévoit l'augmentation des effectifs. Il y a là une distorsion inquiétante. Vous nous direz quelles sont vos pistes pour maintenir un niveau de service adéquat.
Par ailleurs, l'institution connaît des évolutions importantes, comme la création, au sein du ministère de l'intérieur, de la direction du numérique ou du service des achats, de l'innovation et de la logistique (SAILMI). Tout ceci doit permettre de mutualiser certaines fonctions et - en théorie du moins -, de réaliser des économies d'échelle. On est toujours très inquiet quand ces réorganisations rassemblent sous un même sigle des services qui étaient quelque peu éparpillés. Peut-être y a-t-il derrière ceci une bonne intention : vous tenterez de nous dire quelles sont les conséquences de ces réformes pour la gendarmerie et s'il n'existe pas un risque de centralisation excessive qui pourrait nuire à la réactivité et à la proximité de terrain.
C'est encore une fois avec un sentiment d'inquiétude que nous abordons ce budget.
Comme d'habitude, je vous donne d'abord la possibilité de vous exprimer sur ce budget, puis nos collègues Philippe Paul et Yannick Vaugrenard, en tant que rapporteurs pour avis, s'exprimeront avant les interventions de nos collègues.
Général Richard Lizurey. - Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est en effet la dernière fois que j'ai l'occasion de vous remercier pour le soutien que la gendarmerie a toujours reçu de la part des sénateurs, notamment lors de son passage par le ministère de l'intérieur, en 2009, action déterminante dans le cadre fixé à l'époque, alors que cette période avait constitué un moment d'inquiétude et d'appréhension. Nous avons bénéficié du soutien très appuyé du Sénat dans le maintien du socle de valeurs que nous avons su conserver tout au long de ces années.
Le soutien de votre commission ne s'est jamais démenti. Vous évoquiez les batailles budgétaires qui - et c'est normal - font partie de la vie de l'État. Nous sommes tous comptables du budget de la Nation et de l'argent public, mais il est également important de savoir fixer des priorités et de trouver un soutien dans les territoires.
Je me permets de le souligner car, comme vous l'avez dit, la gendarmerie est l'arme des territoires. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons remis le contact au centre de notre métier. Le contact et la proximité sont l'ADN de notre mission.
Nous avons progressé, et il reste encore des marges de progrès, mais nous avons véritablement réinvesti un certain nombre de territoires. Le gendarme sait aujourd'hui que l'essence de son métier consiste à aller vers les autres : la gendarmerie n'existe pas pour elle-même mais pour les citoyens qu'elle est chargée de protéger. Dans ce domaine, nous avons besoin de votre vision, de vos retours, ainsi que de votre soutien, pour lequel je vous remercie.
Merci également pour les mots que vous m'avez adressés. Je les transmettrai aux 130 000 personnels d'active et de réserve, qui sont au coeur du système. Je dis souvent que le directeur général est un VRP qui ne peut vendre qu'un bon produit. Si le produit n'est pas bon, cela ne peut fonctionner. Je considère que le produit est aujourd'hui excellent. Il peut être encore meilleur demain, mais le souhait de tous les personnels est d'être au service des autres, de s'engager et de protéger nos concitoyens.
On l'a bien constaté à travers les événements de l'année qui vient de s'écouler, par exemple le G7, sous l'autorité du ministère de l'intérieur. L'ensemble du ministère a été mobilisé. Cela fut une belle réussite, qui doit tout à la planification et au travail collectif.
Nous avons aussi connu des moments plus délicats, comme le mouvement des « gilets jaunes » qui, depuis le 17 novembre 2018, a mis le modèle à l'épreuve dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la tactique ou de la gestion des escadrons de gendarmerie mobile.
Je salue aussi l'engagement exceptionnel des personnels. Je rappelle que, le 8 décembre 2018, nous avions sur le terrain 65 500 personnes, dont 6 000 réservistes. Aujourd'hui encore, 2 000 réservistes contribuent au service public sur le terrain, en plus de leurs activités professionnelles. On parle souvent de perte de valeurs : on ne peut qu'être fier de leur engagement.
Le schéma national de maintien de l'ordre, tel qu'il est souhaité par le ministre de l'intérieur, nous donne l'occasion de réfléchir avec nos collègues de la police nationale, mais aussi des universitaires et un certain nombre de personnalités extérieures. Il faut en effet désormais adapter nos modes d'action. La société bouge tous les jours et les institutions doivent se montrer tout aussi agiles.
Il ne faut pas tenir des certitudes pour acquises, mais systématiquement adapter notre raisonnement et nos dispositifs aux besoins. C'est dans ce cadre que la fonction de contact est essentielle, parce qu'elle permet de prendre le pouls de la société, des citoyens et des élus.
La fonction de contact est au coeur du projet d'entreprise qui est le nôtre. Cela fait trois ans que nous avons mis en place 42 brigades de contact. Nous avons aussi 250 groupes de contact différents, avec des dispositifs circulant à bord de véhicules, dans les centres commerciaux...
J'ai souhaité « redonner les clefs du camion » au terrain, car c'est le terrain qui commande. 3 100 brigades territoriales, ce sont 3 100 réalités différentes. Il est donc illusoire et dangereux d'imaginer une politique partant d'en haut, qui explique à chaque gendarme comment procéder sur le terrain. C'est le gendarme qui doit expliquer au directeur général la manière dont les choses fonctionnent. C'est le sens du travail que nous avons réalisé durant ces dernières années, qui s'est encore amplifié au cours des mois écoulés grâce aux remontées du terrain et à l'innovation participative.
Nous avons redynamisé la feuille de route en la transformant en « Cap modernisation ». Aujourd'hui, chaque gendarme peut interroger la direction générale ou proposer n'importe quelle modification du processus. Il aura une réponse dans les quinze jours, par principe positive. On a changé le paradigme : auparavant, on proposait quelque chose et l'administration centrale expliquait doctement, trois mois après, que ce n'était pas possible. On a inversé la donne : le terrain a raison, sauf si, au niveau central, il existe un argument majeur pour expliquer qu'il a tort. Ceci change complètement la manière de voir les choses. On donne l'initiative au terrain et cela permet, en cas de doute, de lancer l'expérimentation.
Le droit à l'erreur est aujourd'hui reconnu et nous permet d'avancer très vite. Il permet surtout aux gendarmes de vivre leur métier de la manière dont ils estiment devoir le vivre et de réaliser leurs missions comme ils pensent devoir le faire. C'est à eux qu'il faut « donner les clefs du camion » !
Ceci a été amplifié au cours de l'année écoulée. « Cap modernisation », ce sont 400 propositions, dont environ 40 à 50 ont été validées et partagées. Nous avons également poursuivi un travail de modernisation technologique. L'important, en matière de contact, c'est le temps. Il faut retourner dans les « bistrots ». Cela a fait rire quand je l'ai dit la première fois, mais c'est là où on a le renseignement, l'information, où la vie locale s'exprime.
Comment donner du temps aux gendarmes ? D'abord en supprimant les missions indues. Ce travail a été engagé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et de la ministre de la justice. Une grande partie de nos missions récurrentes ont en effet trait à la procédure pénale. Le travail sur la procédure pénale numérique est un travail extrêmement intéressant, porteur de beaucoup d'espoirs. Le gendarme en attend un allégement de ses missions dans ce domaine.
Les autres tâches indues concernent les missions d'extraction pénitentiaire. Les choses se sont normalisées. Le travail qu'on a effectué à ce sujet porte à présent ses fruits.
Donner du temps au gendarme, c'est aussi disposer de moyens technologiques. Néogend, déployé fin 2017, représente 67 000 tablettes et smartphones. L'objectif du prochain marché, à partir de 2020, est de 100 000 terminaux. Une partie des crédits budgétaires y est d'ailleurs consacrée, soit 72 millions d'euros. Cet équipement, qui offre l'accès à la totalité des données, permet d'imaginer la fin des ordinateurs de bureau d'ici deux à trois ans.
À moyen terme, cela représente des économies budgétaires intéressantes et libère du temps, puisqu'on n'entre les données qu'une seule fois dans la machine grâce à une intelligence sinon artificielle du moins augmentée. Ce gain temps sera réinvesti dans le contact, car on passe souvent plus de temps à évaluer les choses qu'à agir. Cela ne veut pas dire qu'il faut abandonner toute évaluation, mais ceci doit laisser suffisamment de temps aux gendarmes pour travailler.
Le gendarme doit aller vers la population, ainsi que vers les élus. J'ai donc besoin de votre retour. Si un élu me dit que tout va bien, je considère que l'évaluation est faite. Si un élu me signale un problème, c'est qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Ce lien constant est important. J'ai donc souhaité un rendez-vous semestriel entre le commandant de compagnie, ses commandants de brigades et les élus de la circonscription. Cela se fait dans beaucoup d'endroits. Il faut encore progresser dans certains autres.
Les nouvelles technologies vont également remonter en puissance dans le domaine de la police technique et scientifique ou du numérique. C'est en regroupant les compétences qu'on pourra avancer. Le tout est de fixer une limite à ce regroupement.
On voit en effet que tous les grands programmes, y compris informatiques, s'ils dépassent un certain seuil, finissent par imploser. Ce fut le cas de Louvois ou de l'Opérateur national de paye (ONP). Tout l'enjeu consistera donc à trouver l'agilité nécessaire pour aller de l'avant et rester en contact avec le métier. C'est le métier qui commande. Au quotidien, le gendarme a besoin d'outils opérationnels sur lesquels il a un avis à donner. C'est un des enjeux de la création de la direction du numérique.
Nous continuons également à travailler sur différentes innovations. Nous avons ainsi commencé à déposer des brevets, quatre à cinq par an. Aujourd'hui, nous tirons des royalties de deux brevets. Avec l'Agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE), nous nous sommes associés à un cabinet d'avocats pour que tout soit clair. On reverse une partie du bénéfice à l'inventeur, et on donne ainsi envie aux personnels d'aller plus loin.
Bien évidemment, les brevets actuels tournent pour le moment autour de l'ADN mais, demain, il n'est pas exclu de déposer des brevets dans d'autres domaines. C'est une piste intéressante qui permet d'accroître les capacités budgétaires des administrations. Nous avons des pistes dans le domaine de l'empreinte olfactive, notamment avec nos camarades de la police nationale, ou de l'intelligence artificielle appliquée à la gestion des personnels.
Nous avons mis en place une application pour les officiers afin de leur indiquer le parcours professionnel qu'ils doivent emprunter pour mener la carrière qu'ils souhaitent. Il n'existe pas d'outil permettant aujourd'hui de modéliser les carrières. L'idée est d'en créer un afin que chacun puisse connaître sa ligne de carrière et répondre aux questions qu'il se pose. Nous allons compléter ce dispositif afin d'adapter la formation aux besoins de l'institution et aux envies des personnels.
Cette modernisation touche donc différents domaines : elle se fait au profit du dispositif missionnel, des individus et de l'usager. La brigade numérique est à ce sujet un excellent exemple. Elle représente vingt personnes basées à Rennes, qui sont sollicitées entre 250 et 300 fois par jour à propos de questions de toute nature. Ce service est à la disposition des usagers 24 heures sur 24.
On a, depuis cet été, ajouté à cette brigade numérique un certain nombre de gendarmes qui travaillent de chez eux. Il s'agit de personnels inaptes physiques qui ont connu un accident de service, mais qui font toujours partie de l'institution.
Le signal est très clair : on ne laisse personne au bord de la route. Cette modernisation allie à la fois l'intérêt du gendarme, du ministère et, avant tout, de l'usager. Notre rôle est en effet d'être au service de l'usager et de nous adapter à lui en permanence.
Le budget tel qu'il vous est proposé me semble intéressant au plan du titre II, puisqu'il est en augmentation de 120 millions d'euros, ce qui nous permet de suivre l'évolution des effectifs - environ 490 ETP. Cela nous permet aussi de répondre à l'augmentation catégorielle. Les différents plans engagés les années passées vont se poursuivent dans les années à venir.
Par ailleurs, la réserve opérationnelle est pour nous déterminante pour l'efficacité du service. Nous avons connu une année 2019 quelque peu compliquée, puisque nous n'avons pas pu engager un nombre de réservistes suffisant. Ceci est lié à la gestion budgétaire de la mise en réserve, qui constitue un véritable sujet.
Ce n'est peut-être pas politiquement correct, mais il ne me paraît pas acceptable que le budget soumis aux assemblées, dans la mesure où il est justifié, soit mis en réserve à peine voté.
Nous sommes totalement d'accord avec ce point de vue !
Général Richard Lizurey. - Ces incertitudes pèsent sur la gestion, sur l'organisation, sur les missions et sur la qualité du service public. Je comprends qu'il faille prendre des précautions, mais cela fait des années que j'appelle de mes voeux une réflexion dans ce domaine. Pour un gestionnaire, c'est compliqué ! C'est l'occasion de faire passer le message. C'est aussi un élément important en matière de dépense des deniers publics.
Le budget connaît une augmentation en matière d'immobilier, où l'effort va se poursuivre s'agissant notamment de la sécurisation des casernes. On l'a bien vu ces dernières années : le niveau de violence augmente tous les ans. On compte environ vingt blessés par jour toutes catégories confondues. On a, notamment outre-mer, des foyers de violence extrêmement graves qui nous obligent à revoir la sécurité de nos casernes. La sécurité de nos personnels et de leur famille est un élément déterminant pour l'efficacité du service. J'ai en cet instant une pensée pour nos camarades de la police nationale, qui ont subi une attaque particulièrement dramatique il y a quelques jours. La sécurité des forces de l'ordre, sur leur lieu de travail, ainsi que dans leur vie quotidienne, doit être prise compte.
En matière d'immobilier, le travail va se poursuivre sur le plan de la rénovation des infrastructures. Il faudra sûrement raisonner sur d'autres modèles, moins patrimoniaux, pour ce qui concerne le domanial. Nous avions travaillé, il y a quelques années, sur des possibilités d'externalisation avec de grands opérateurs. Ce sont des pistes intéressantes. Il faut que l'on puisse là aussi trouver des marges de progression. À ce stade, je n'ai pas d'idée précise, mais on est en limite d'un système.
Quant aux véhicules, ils constituent un élément essentiel du travail de la brigade dans les territoires. La circonscription d'une brigade de neuf gendarmes correspond à la superficie de Paris intra-muros. Certes, on y compte moins de population, mais l'espace à couvrir reste néanmoins bien réel. Il faut donc des voitures. Les nôtres ont aujourd'hui sept ans et six mois. Il nous faudrait un volume de véhicules entre 2 800 et 3 000 voitures par an pour conserver notre efficacité opérationnelle. Ceci constitue, pour l'année prochaine, un élément important du budget.
Merci pour cette présentation sous forme d'ultime témoignage.
Croyez bien que nous partageons nombre de vos observations, notamment concernant les gels de crédits. Je disais tout à l'heure à la secrétaire générale pour l'administration que, dès octobre, les mois difficiles commencent ! En matière de forces armées, ce ne sont pas de petites sommes !
Nous essayons, à la faveur de chaque discussion budgétaire, de nous opposer à cette méthode. On ferait mieux de ne pas faire rêver les effectifs qui attendent ces crédits pour les voir systématiquement rognés en fin d'année.
Je vous répète notre attachement à la gendarmerie. Je regrette, avec quelques élus franciliens, de ne plus avoir de gendarmes dans nos collectivités ! Lorsque j'étais maire, nous disposions de six gendarmes qui réalisaient un travail incroyable. Ceci ne met pas en cause, surtout dans les jours que nous traversons, la tâche de la police nationale, mais ce ne sont pas les mêmes méthodes. Prélever des forces de gendarmerie en Île-de-France - même s'il y avait de solides raisons pour les redéployer ailleurs - n'a pas constitué une bonne décision. Croyez bien que vous nous manquez !
La parole est aux rapporteurs pour avis.
Mon général, je tiens à souligner ici tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous. Nos échanges ont toujours été très constructifs et sympathiques.
J'ai beaucoup apprécié votre présentation, mais on ne peut nier une forte dégradation des chiffres du programme de la gendarmerie pour l'année à venir.
Pour ce qui est du fonctionnement quotidien, vous avez évoqué l'achat de véhicules. La limite pour demeurer opérationnel avait été fixée au remplacement de 3 000 véhicules par an. Or on n'a acheté cette année que 1 900 véhicules. Sauf erreur de ma part, on ne devrait en acquérir l'année prochaine, selon le PLF 2020, que 1 500 à 1 600. À combien va-t-on finir ? Toutes les gendarmeries possèdent des véhicules dépassés, voire délabrés.
Par ailleurs, en matière de bâtiments, nous connaissons tous, sur nos territoires, des gendarmeries vétustes, parfois à la limite en matière d'hygiène. Certains lieux risquent de ne même plus pouvoir être utilisés.
J'éprouve également beaucoup d'inquiétudes au sujet des réserves. Vous avez parlé de gel. Nous tenons énormément, sur nos territoires, à la présence des réservistes, en particulier l'été, au moment des diverses manifestations qui se déroulent un peu partout. Or la situation perdure depuis deux ans.
Pour ce qui est de l'investissement capacitaire, on a vu que vous avez remis en service des blindés qui sont de véritables antiquités. Il s'agit presque d'objets de brocante. En outre, le Super Puma utilisé par le GIGN pour l'entrainement est emprunté à l'armée de terre ou à l'armée de l'air, la gendarmerie, compte tenu de son statut particulier, n'étant pas concernée par la loi de programmation militaire (LPM). Or, j'ai récemment appris par une revue bien connue que le GIGN ne pouvait pas les utiliser pour l'entraînement, faute de financement. C'est révélateur !
Par ailleurs, où en est le service national universel (SNU) dans la gendarmerie ? Il paraît que seuls les réservistes pourraient être concernés. Ceux-ci n'étant pas assez nombreux, comment allez-vous faire ?
Enfin, la gendarmerie a mis en oeuvre cinq ateliers d'idéation, dont le premier s'est tenu au Sénat. Le but était de demander à différentes personnes, civiles et militaires, d'essayer de définir la gendarmerie de demain. J'ai participé à cet atelier. Il s'agissait de trouver des pistes pour les futures missions de la gendarmerie, le dénominateur commun résidant dans l'absence de financement. Qu'est-il ressorti de ces ateliers ?
J'ai cru comprendre que la gendarmerie était intéressée par l'idée du Président de la République concernant les maisons France Service. Si vos brigades y ont recours du fait du désengagement de l'État, elles risquent de partager leurs locaux avec la caisse d'allocations familiales, le service des impôts, voire la boulangerie !
Je conclurai en disant que vous avez bien du mérite !
Mon général, je m'associe aux propos qui ont été précédemment tenus : vous serez incontestablement regretté.
La manière dont vous avez exprimé votre conception de la gouvernance dans votre exposé est particulièrement séduisante. Vous estimez que ce sont les 130 000 gendarmes qui détiennent les « clés du camion » et qu'il faut avant tout partir du terrain. Ceci traduit une forme d'humanité qui me convient.
La question centrale, me semble-t-il, est de savoir si celui qui va vous succéder aura les moyens de cette ambition. C'est là toute l'inquiétude par rapport au budget 2020.
Vous avez évoqué votre solidarité avec la police nationale, après les événements survenus à la préfecture de police de Paris. Cela ne concerne pas que la gendarmerie, mais toutes les forces de sécurité et relève du contrat de confiance qui s'était établi entre notre population et les services de sécurité après les attentats de 2015. Cette confiance s'est écornée depuis. Comment faire pour retisser ce lien avec la population qui, me semble-t-il, s'est un peu distendu ?
Plus généralement, s'agissant du moral de la gendarmerie, une récente commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité a relevé certaines difficultés, même si la situation est moins mauvaise dans la gendarmerie que dans la police. Les évolutions budgétaires prévues pour 2020 et au-delà ne risquent-elles pas de mettre le feu aux poudres ? 60 % des gendarmes considèrent que l'état de leur logement n'est pas satisfaisant. Le renouvellement du parc automobile est également insuffisant. Pouvez-vous dresser devant vous ce matin le bilan du climat social au sein de la gendarmerie ?
S'agissant des retraites, le rapport Delevoye préconisait, en juillet de cette année, de tenir compte des spécificités du métier militaire et de préserver en conséquence certains aspects permettant de compenser ses sujétions particulières. Or une déclaration récente du Président de la République a pu susciter de nouvelles inquiétudes. En effet, à Rodez, il a évoqué en même temps les gendarmes et les policiers s'agissant des retraites : qu'en est-il aujourd'hui ? Les gendarmes peuvent-ils être vraiment rassurés ou doivent-ils au contraire s'inquiéter ?
Mon général, je m'associe aux propos de notre président et des deux rapporteurs. Nos gendarmes ont eu la fierté de servir sous les ordres d'un patron qui était l'un des leurs, ce qui n'a pas toujours été le cas. Je voulais vous transmettre ce message qui vient de nos territoires.
Vous me permettez de revenir sur la notion de mutualisation et sur la nécessaire limite à trouver concernant un certain nombre de problématiques.
S'agissant de l'évolution du numérique au sein de la gendarmerie, compte tenu de la faible affectation des crédits fléchés sur cette transformation, ne pensez-vous pas que l'on risque, avec la création de la direction du numérique, de se retrouver dans une situation assez similaire à celle qu'on a connu au sein de la DGSI avec l'achat d'un logiciel étranger ? La gestion des données ne risque-t-elle pas de vous échapper faute de moyens ?
En termes de mutualisation, le Président de la République a appelé de ses voeux le regroupement des numéros d'appel d'urgence. Comment la gendarmerie peut-elle selon vous s'inscrire dans ce regroupement compte tenu de la mise en place de plateformes communes ?
Mon général, je voudrais, après mes collègues, saluer votre action au service de la gendarmerie et vous dire combien elle a été appréciée.
Vous l'avez dit, la proximité constitue l'ADN de votre mission. Nous nous en félicitons au quotidien dans nos territoires, mais cette proximité, en secteur rural, avec une faible densité de population, passe par de très nombreux déplacements. La présence physique est importante, et pas seulement au plan de la sécurité : elle est cruciale pour raffermir le lien qui se distend entre nos concitoyens, l'État et la République. La présence des gendarmes en uniforme est un symbole fort, tout comme la présence des sous-préfets dans les territoires. Tout ce qui incarne l'État en ce moment est bon à prendre !
Ces déplacements passent bien sûr par un parc de véhicules dont on voit qu'il n'est pas adapté, mais aussi par le carburant. Or on nous rapporte régulièrement des tensions sur cette ligne budgétaire. Comment ces problèmes se règlent-ils ? Ils trouvent sans doute une solution au coup par coup, en fin d'année. Ce n'est pas la meilleure solution. Voyez-vous des perspectives en la matière ?
Mon général, je m'associe à tous mes collègues et à notre président pour vous adresser nos remerciements les plus chaleureux pour votre mission à la tête de la gendarmerie, qui va bientôt s'achever.
Je voudrais aborder ici la question du Service central du renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRCGN) et de la sous-direction à l'anticipation opérationnelle (SDAO), qui remonte à 2013. Vous avez sans doute eu l'occasion d'y recourir à propos de sujets autres que le terrorisme - « gilets jaunes », zadistes. Pourriez-vous nous faire un point sur l'action de cette sous-direction et tracer quelques perspectives pour les années qui viennent ?
Mon général, les maires de nos départements nous interrogent sur leur rôle d'officier de police judiciaire. Il est en effet arrivé qu'un maire dépose plainte et que la gendarmerie ait des difficultés à prendre la plainte. Il faudrait que ce soit une priorité.
Par ailleurs, le contact de la gendarmerie avec les maires et les conseillers municipaux nous paraît indispensable. C'est selon moi au commandant de brigade ou à son adjoint de s'en charger, même si j'ai de l'estime pour l'ensemble des gendarmes.
Vous avez par ailleurs cité les cafés. Depuis 48 ans que je suis élu, je ne suis jamais entré dans un café. Si les gendarmes devaient s'y rendre, ils en tireraient une mauvaise image. Le réseau des maires et des conseillers municipaux peut vous fournir de bien meilleures informations.
Enfin, pour information, la commune dont j'ai été maire héberge depuis 24 ans une brigade de gendarmes dans des pavillons où ils sont fort bien logés !
Mon général, ma question est liée à l'actualité, et je pourrais la poser à chacun de vos homologues des forces armées de notre pays. Il y a quelques jours, un événement gravissime frappait la préfecture de police de Paris, coûtant la vie à quatre fonctionnaires. Cet attentat, du fait de sa localisation et de la fonction de celui qui l'a perpétré, est particulièrement choquant et met en lumière le risque d'infiltrations par les djihadistes de tous les services de l'État, y compris les plus sensibles.
Quels sont les organisations, les actions et les moyens qui sont mis ton en oeuvre ou qui pourraient être mis en oeuvre au sein de la gendarmerie pour éviter qu'un tel événement puisse se produire ?
Mon général, vous placez beaucoup d'intérêt et d'espoirs dans la montée en puissance du numérique. Sous un angle prospectif, quelles sont selon vous les nouvelles étapes dans la numérisation de la gendarmerie ? Le programme de reconnaissance faciale lancée par le Centre de recherche de l'école des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN) et utilisé pour les vidéosurveillances depuis 2018 a-t-il été généralisé ?
Pourrait-il recevoir des applications en préfecture afin de faciliter la remise de titres, ou sa dimension est-elle à l'heure actuelle strictement sécuritaire ?
Mon général, je joins mes félicitations et mes remerciements à ceux qui vous ont déjà été adressés. Je le fais en tant que parlementaire, mais aussi en tant que réserviste.
Ma question porte sur les week-ends de manifestations durant lesquels les forces de l'ordre ont été régulièrement mobilisées, notamment les forces de gendarmerie. Cela donne-t-il lieu à des récupérations ? Comment tout cela est-il comptabilisé ? J'imagine qu'au-delà de l'épreuve physique pour les personnels, ceci comporte aussi des conséquences budgétaires.
Mon général, je parlerai avec le coeur et avec émotion. Nous avons en effet été amenés à nous rencontrer à Trèbes, et je dois avouer que l'implication de la gendarmerie lors de moments extrêmement difficiles a constitué un soutien pour tous, y compris pour l'ensemble des élus.
Ma question portera sur le maillage territorial. Avec l'évolution de la délinquance, on a assisté à une déprise de la gendarmerie en secteur rural et hyper-rural. Il est logique, en cas de contrainte des effectifs, d'opérer un redéploiement surtout vers les villes centres, qui aspirent la totalité de l'activité, mais les maires de mon département ne voient plus leurs gendarmes, qui sont donc affectés sur un autre territoire d'opérations.
Certes, on cherche à assurer à nouveau cette présence, mais les personnes en charge des couvertures sécuritaires, pour qui j'ai le plus grand respect, ont une vue quelque peu urbaine des choses. Dans le secteur de la Montagne noire, il y a une autre donne à appliquer. Je souhaiterais que l'on tienne davantage compte des populations rurales et de la sécurité dans ces secteurs, qui peuvent parfois nécessiter une surveillance accrue.
Mon général, vous avez la parole.
Général Richard Lizurey. - Je vous remercie tout d'abord pour les hommages que vous avez rendus à la maison et à son « VRP en chef ».
Monsieur Paul, vous avez évoqué les achats de véhicules. Jusqu'en septembre-octobre, on retient un peu les fonds, puis un dégel intervient. L'an dernier, on a réussi finalement à commander 2 900 véhicules. Cette année, on en est à 1 900 au moment où je parle. Tous les espoirs restent donc permis jusqu'à la fin de l'année. J'espère que l'évolution de la situation budgétaire au cours de 2020 permettra d'augmenter le chiffre de 1 600, qui ne me paraît pas suffisant. Je rejoins votre analyse sur ce point.
Nous bénéficions cependant de ressources extrabudgétaires, dont 1 300 véhicules saisis, de toutes natures, essentiellement employés par les unités de recherche. Nous travaillons également avec un certain nombre de constructeurs et d'industriels dans le cadre d'expérimentations de véhicules électriques ou d'hybrides. Un opérateur nous a récemment contactés pour expérimenter les véhicules à hydrogène. Je suis toujours prêt à tester un matériel gratuitement et à contribuer à l'effort de modernisation. Ces ressources sont certes limitées, mais importantes.
S'agissant de l'immobilier, je souhaite remercier par votre intermédiaire les collectivités locales qui sont engagées de manière exceptionnelle et exemplaire depuis de très nombreuses années auprès de la gendarmerie. L'immobilier locatif est aujourd'hui en meilleur état, les choix budgétaires portant toujours sur le secteur domanial, qui souffre du lissage budgétaire. Je suis très reconnaissant aux collectivités locales de tous niveaux qui s'engagent dans la construction, la rénovation, ou l'entretien de l'immobilier de la gendarmerie. C'est un élément important du moral des troupes et de l'attractivité des territoires.
Il existe cependant des inquiétudes sur la poursuite des rénovations, dont le niveau de l'année prochaine est un peu en recul par rapport à cette année. Ce qui est important, c'est finalement la dynamique générale. Il y a cinq ans, on était quasiment à zéro. La régularité est importante pour préparer les projets et les mener à bien.
Vous avez par ailleurs évoqué les blindés. On a aujourd'hui un parc de 84 blindés opérationnels. On a vu l'intérêt qu'ils pouvaient présenter, mais aussi les limites budgétaires : imaginer un programme d'achat de blindés neufs ne me paraît pas réaliste.
En revanche, nous travaillons depuis quelques mois sur le rétrofit de blindés existants - VBRG, VAB cédés par les armées. C'est là une bonne pratique interministérielle, les armées disposant d'un certain nombre de véhicules dont elles n'ont plus l'utilité et qui peuvent être « gendarmisés ». L'idée est de diviser par quatre ou cinq au moins leur coût d'acquisition
Les deux premiers prototypes ont été livrés. Les résultats, à ce stade, sont extrêmement encourageants. On s'achemine plus vers cette solution que vers l'achat de blindés neufs, qui pourraient coûter très cher et qui n'existent pas sur étagères en tant que tels.
Vous avez évoqué le groupement interarmées d'hélicoptères (GIH) et le GIGN. J'ai récemment rencontré le chef d'état-major des armées à ce sujet, ainsi que le chef d'état-major de l'armée de terre, qui vient de prendre ses fonctions. Le GIH a été créé lorsque les pelotons de sécurité et de protection des centrales nucléaires n'existaient pas encore, ni les antennes GIGN. Le biotope était donc assez simple. L'unité du haut du spectre était basée à Satory, et il fallait pouvoir la projeter en tout point du territoire. On avait donc impérativement besoin d'une capacité de projection à partir du niveau central.
La donne a changé : on a sept antennes GIGN en métropole, six outre-mer et 22 pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (sûreté des centrales nucléaires), qui bénéficient du niveau d'intervention requis pour le droit commun. La projection de l'élément central doit pouvoir se faire avec des moyens différents.
On a évoqué avec le chef d'état-major des armées le contrat capacitaire qui pourrait nous lier. Aujourd'hui, ce sont les hélicoptères. Demain, ce pourrait être n'importe quel vecteur aérien. Nous travaillons pour trouver la réponse capacitaire la plus adaptée à ce nouveau contexte, une grande partie des interventions se faisant depuis les antennes du GIGN.
Quant au SNU, 200 jeunes ont manifesté leur intérêt pour une participation active dans la gendarmerie. Nous avons développé le concept des cadets de la gendarmerie, qui existent déjà dans quelques départements, comme l'Isère. Ce système permet d'intégrer les jeunes dans une version du service national universel qui me paraît bien correspondre à un souci du service public.
Bien évidemment, l'encadrement sera fait par des réservistes. Les moyens qu'on y mettra ne pourront être consacrés à autre chose. Il faudra donc opérer des choix. Cela se fera au moment voulu.
Quant aux ateliers d'idéation, 1 483 réservistes citoyens nous apportent leur vision sur l'avenir de la gendarmerie, dans leur domaine de compétence. Ce regard est indispensable. L'idée est de réaliser ces ateliers à l'extérieur de la maison gendarmerie. Les cinq ateliers m'ont conduit à soumettre 101 propositions au ministre de l'intérieur. Certains domaines ont été retenus, comme la transformation des gendarmes adjoints volontaires en engagés. Ce sont des pistes sur lesquelles on travaille pour les fidéliser, accroître notre capacité opérationnelle, et les inscrire dans une perspective de plus long terme.
Nous travaillons sur d'autres pistes, comme la mutualisation des centres opérationnels. Nous menons des expérimentations avec le 112 dans les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes, ainsi que dans quatre départements de Champagne-Ardenne. La question est de savoir comment rendre concrètement service au citoyen. Il ne faut pas lui faire répéter deux fois le même message, et l'opérateur doit savoir immédiatement orienter l'appel dans la bonne direction. Nous cherchons à appréhender les obstacles techniques. Cela n'a l'air de rien, mais mutualiser deux centres opérationnels n'est pas si simple. L'opérateur a la responsabilité d'amener l'appel en un endroit donné. Dès lors que nous le transférons, c'est l'État qui en porte la responsabilité. C'est un sujet en termes techniques et en termes de responsabilité. Il est intéressant de continuer à y réfléchir dans une perspective globale. Le 112, c'est à la fois le 15, le 17 et le 18. Il me paraît donc intéressant de prendre la totalité du paysage dans le dispositif.
M. Vaugrenard m'a demandé si nous aurons les moyens de notre ambition. Je reste persuadé qu'on peut trouver des pistes, notamment extrabudgétaires, comme le dépôt de brevets. Par ailleurs, un certain nombre d'opérateurs s'adressent aujourd'hui à nous pour payer des réservistes, comme l'Île-de-France ou les Hauts-de-France, qui se sont engagés dans l'emploi de réservistes. Nous les mettons à leur disposition et ce sont eux qui les payent. Cela nous permet d'engager nos personnels et d'avoir des ressources budgétaires extérieures.
Nous faisons la même chose de l'autre côté du channel, avec un financement international. Nous travaillons également sur d'autres pistes. Il faut toutefois s'assurer que ces ressources restent complémentaires. Il faut rester vigilant à ce sujet.
La rupture avec la population est une des raisons qui ont conduit à la création des brigades et des outils de contact. Il faut continuer dans ce sens. C'est le moyen d'aller au contact de la population.
Je ne partage pas votre appréciation sur les bars. Il faut bien sûr aller d'abord vers les élus, mais il est important de rétablir le lien avec la population et enseigner à nos gendarmes ce qu'on attend d'eux. Nous avons mis en place 90 heures consacrées au contact dans la formation initiale afin de le leur expliquer. Il faut aussi donner les clés aux jeunes qui arrivent, qui sont pleins de bonne volonté. On s'est éloigné de ces principes, il faut à présent y revenir.
Quant au moral, je considère que les gendarmes manifestent une certaine confiance vis-à-vis de leurs chefs. C'est un élément déterminant. Une grande partie des gendarmes que je côtoie sont fiers d'avoir retrouvé l'ADN de leur métier, ce qui véhicule une image plutôt positive de la maison. Du coup, il est vrai que cela donne parfois l'impression que tout va bien. Il ne faut toutefois pas oublier que c'est grâce à l'engagement des personnels.
Je considère bien évidemment qu'il faut demeurer vigilant. On a malheureusement eu 33 suicides dans nos rangs l'année dernière. Cette année, on en est à quatorze. C'est toujours un point de fragilité. Les risques psychosociaux font pour moi partie des priorités sur lesquelles il faut continuer à travailler pour valoriser nos personnels au quotidien.
On a réformé la politique disciplinaire. Depuis deux ans, on a divisé par deux les sanctions disciplinaires qui étaient trop nombreuses dans la gendarmerie. En 2019, on enregistre environ 60 000 récompenses pour un effectif de 100 000 personnels d'active, sans compter les réservistes. Je considère en effet qu'il faut savoir être positif plutôt que de systématiquement sanctionner.
Vous avez abordé le sujet des retraites. Je n'ai pas d'indications officielles sur une évolution de la situation. Le ministre de l'intérieur et la ministre des armées ont rappelé récemment que la fonction publique militaire était dans une logique statutaire et serait traitée en conséquence. Aucun changement ne m'a été rapporté. À ce stade, il ne semble pas y avoir d'inquiétudes particulières.
Vous avez évoqué la mutualisation. C'est un vrai sujet, surtout avec l'évolution du numérique et la protection de nos données. Je considère que le numérique constitue un programme ministériel dans lequel nous nous sommes inscrits. Nous avons fait des propositions en temps utile. La décision a été prise. Notre travail est de tout faire pour que cela fonctionne.
La question des logiciels étrangers ou de l'achat de matériels étrangers est un vrai sujet de marché public, qui dépasse largement la gendarmerie nationale. On ne peut pas à la fois parler de souveraineté dans un certain nombre de domaines et, en même temps, expliquer que les marchés publics doivent être ouverts à tout le monde, en Europe ou ailleurs. Si on veut garantir notre souveraineté et la sécurité de nos données, il faut adapter le code des marchés publics. Ce n'est pas mon domaine de compétence, mais je me permets de le dire.
Mme Perol-Dumont a évoqué le lien entre les citoyens et l'État, ainsi que le rôle de la gendarmerie. Dans beaucoup d'endroits, le gendarme est le seul représentant de l'État dans le territoire.
Je fais ici un lien avec les maisons de services publics qui ont été évoquées par ailleurs. La proposition d'utiliser un certain nombre d'unités territoriales et de brigades comme maisons de service public est une proposition que j'ai faite et qui me semble avoir du sens. Aujourd'hui, l'État a besoin d'être présent physiquement dans les territoires. Le gendarme en tenue représente l'État. Les 3 100 brigades territoriales sont des infrastructures qui appartiennent à l'État. Dans ces brigades, l'accueil ne se fait pas toujours 24 heures sur 24, car les gens sont aussi sur le terrain. Il n'est pas complètement anormal d'imaginer que l'on puisse accueillir au sein des brigades territoriales quelques services publics, qui sont souhaités par l'usager.
Cela évite de construire des infrastructures ou d'en louer, et surtout d'irriguer les territoires avec des choses existantes. C'était le sens de ma proposition, et je souhaite que l'on mène une ou deux expérimentations afin de voir ce que cela donne. Ceci n'enlève rien à l'intérêt des sous-préfectures et des autres institutions et me paraît aller dans le bon sens.
S'agissant de la question des carburants, on y a réinjecté en septembre 4,5 millions d'euros grâce à un dégel partiel. La situation était délicate. Cela permet de tenir au moins jusqu'à fin novembre. Peut-être pourra-t-on, dans l'avenir, obtenir un dégel supplémentaire.
M. Boutant a évoqué la SDAO. Elle travaille en liaison étroite et parfaitement symbiotique avec le Service central de renseignement territorial (SCRT). Aujourd'hui, la chaîne de renseignement territorial est partagée. Nous ne sommes pas clients, mais actionnaires. Les services départementaux de renseignement territorial comptent des gendarmes et des policiers. Les renseignements remontent dans la chaîne hiérarchique et sont partagés par le SCRT et la SDAO. La situation a évolué avec le mouvement des « gilets jaunes » et l'augmentation du risque animaliste, qui fait écho aux problèmes des agriculteurs, avec des risques d'affrontement.
On a récemment réformé la SDAO en y adjoignant une branche consacrée aux animalistes, en liaison avec le SCRT. La SDAO me permet d'avoir des informations opérationnelles sur les ZAD, etc., en vue d'actions. Hier, on a évacué la zone de Saint-Victor-et-Melvieu, en Aveyron. Les choses se sont plutôt bien passées. Cela a été un travail de planification, d'anticipation et de renseignement partagé avec le renseignement territorial.
S'agissant des maires et de leurs fonctions d'OPJ, si ceux-ci déposent plainte, cette dernière doit être reçue, au même titre que celle de tous les citoyens. On se bat au quotidien de manière que tout usager qui dépose plainte puisse voir sa plainte recueillie. Il n'y a donc pas de sujet. On fera les rappels nécessaires. Parfois, dans le feu de l'action, on est amené à relativiser tel ou tel point. Je considère que le contact et le dépôt de plainte sont obligatoires.
Je ne partage pas tout à fait votre analyse sur les bars, ni sur les commandants de brigade et les adjoints. Dans certaines circonscriptions, comme la Haute-Garonne, il y a 585 communes et des endroits où la brigade regroupe 50 à 60 communes. C'était une des limites du système précédent. Auparavant, seuls le commandant de brigade et son adjoint avaient pour mission de rencontrer les élus. Ils ne les voyaient donc pas souvent. J'ai ouvert le champ, considérant qu'il était important que le maire ait un référent identifié, que ce soit le commandant de brigade, son adjoint ou un gendarme.
Je crains que les liens se distendent si on limite ces rapports au commandant de brigade et à son adjoint. Permettre à chaque gendarme d'être en lien avec un élu identifié me paraît aller dans le bon sens. Il faut bien entendu que les gens soient formés pour cela, nous sommes d'accord. C'est un sujet sur lequel nous allons continuer à travailler. J'entends votre observation.
Pour ce qui est du dispositif anti-radicalisation de la gendarmerie, tout peut arriver, dans n'importe quelle institution. Aucun système n'a de garantie absolue. Nous avons mis en place depuis 2013 un système d'identification des signaux faibles, qui s'est amélioré et qui a évolué en 2015, à la suite d'un incident important.
Il existe toute une chaîne qui remonte par les compagnies et les groupements vers le Bureau de la lutte anti-terroriste. Un travail est mené toutes les semaines sous la responsabilité de mon chef de cabinet. Il permet de lister les sujets et les cas individuels. Aujourd'hui, nous avons une vingtaine de cas en cours de traitement. Ils ne sont pas tous en rapport avec l'islamisme. Certains sont liés à l'extrême droite.
Depuis 2000, nous avons traité et accompagné vers d'autres horizons professionnels une vingtaine de personnels dont on estimait qu'ils n'avaient pas leur place chez nous. Personne n'est à l'abri, et il nous faut avoir des garanties dans ce domaine.
S'agissant des nouvelles technologies et de la reconnaissance faciale, il existe une asymétrie entre les possibilités technologiques et le cadre réglementaire et légal. Je comprends bien l'intérêt de la préservation des libertés publiques et du droit à la vie privée. Il y a en effet des points sur lesquels il faut rester intransigeant. Toutefois, dans d'autres démocraties, en Allemagne par exemple, la reconnaissance faciale existe également et on peut l'utiliser sans difficulté. Cela permet de résoudre un certain nombre de situations, d'en prévenir d'autres. Ceci échappe aussi à mon domaine de compétence, mais je pense que nous aurions intérêt à réfléchir à une réglementation et à un cadre légal adapté.
La technologie, pour se traduire sur le plan juridique, nécessite des efforts et du temps. Je place la reconnaissance faciale sur le même plan que les empreintes digitales. Demain, on aura peut-être des empreintes olfactives, mais il faut pour cela que le cadre légal et réglementaire accompagne le mouvement et ne le suive pas forcément. Je pense que le législateur doit mener une réflexion à ce sujet.
S'agissant de l'engagement des personnels et de la récupération, il n'existe pas d'heures supplémentaires dans la gendarmerie, et donc pas de questions budgétaires comme dans d'autres institutions. En revanche, il faut bien entendu que le gendarme puisse se reposer. Depuis le 1er septembre 2016, une instruction provisoire sur le temps de travail réglemente le dispositif de temps de travail et donne à chaque gendarme la possibilité de récupérer pendant 11 heures par tranche de 24 heures. Lorsque ce n'est pas possible, ce temps est récupéré plus tard à titre de repos physiologique compensateur.
Mme Jourda, enfin, m'a interrogé sur le maillage territorial. Cette question revient dans le cadre des ateliers d'idéation, où on a évoqué la diversification. Aujourd'hui, on parle de brigades territoriales. La première évolution a concerné les brigades de contact, qui ne font plus que cela. Ce qui est important, c'est la présence du gendarme dans le territoire. Il faut donc diversifier les modes de présence. On réfléchit actuellement à insérer un ou deux postes de gendarme en tenue dans la population, sans pour autant constituer une brigade. Je comprends votre souci. Ces postes peuvent offrir une solution pour rester en phase avec les territoires.
La deuxième option repose sur nos réservistes. Un certain nombre d'entre eux - 10 000 sur un total de 30 000 - sont des anciens de la maison qui continuent à avoir les compétences pour ce métier. Pourquoi ne pas les activer de chez eux ? Il faut étudier les conditions, mais cela permettrait d'avoir une présence du service public en tenue, donc de l'État, sur tout le territoire.
Il faut arriver à contrecarrer le phénomène d'aspiration urbaine avec d'autres méthodes et d'autres dispositifs que ceux d'aujourd'hui. Vous avez raison de parler de formation. Certains élus interviennent dans les écoles de gendarmerie pour expliquer aux jeunes gendarmes la manière dont ils doivent appréhender la coopération.
Aujourd'hui, on a abandonné l'accumulation de connaissances. Avec Néogend, pas la peine d'apprendre le code pénal ou le code de procédure par coeur. Il suffit de savoir utiliser son matériel. J'exagère un peu, mais l'idée est là. Il s'agit de consacrer le temps passé à accumuler les connaissances à la mise en situation, au discernement, au savoir-être, d'autant que les gendarmes qu'on recrute aujourd'hui peuvent être là pour 40 ans, voire plus.
On ne sait ce que sera leur métier dans vingt ans. Cela ne sert donc à rien de leur inculquer des connaissances pures et dures. Il faut simplement leur apprendre à réagir, à s'adapter, à ne pas avoir peur de la transformation. La seule chose qui restera, au bout du compte, c'est le contact humain. C'est ce qui fera la différence. On aura toujours besoin d'hommes et de femmes pour aller au contact d'hommes et de femmes. Il faut apprendre aux gendarmes ce que le service public attend d'eux.
Je vous remercie de votre attention.
Mon général, merci pour toutes ces précisions et pour l'humanisme de vos propos, qui ne dissipent toutefois pas entièrement nos craintes budgétaires.
La réunion est close à 12 h 45.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.