Nous avons été informés le 19 octobre que le Président de la République envisageait de nommer M. Jean Castex au poste de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Comme vous le savez, une telle nomination ne peut intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, auditions qui doivent être suivies d'un vote.
Cette audition est publique et ouverte à la presse. À son issue, nous procéderons à un vote pour lequel il ne peut y avoir de délégation de vote. La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale procédera au dépouillement simultané de ce scrutin.
Je vous rappelle qu'en application de l'article 13 de la Constitution, il ne pourrait être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Ce rappel étant fait, nous souhaiterions vous entendre, Monsieur le Premier ministre, sur les objectifs que vous souhaiteriez poursuivre si nous donnions notre aval à votre candidature. Vous vous êtes récemment déjà prêté à cet exercice puisque nous avions, avec nos collègues députés, donné un avis favorable à votre candidature à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) à la fin du mois de juillet dernier. Naturellement, cette nouvelle candidature, qui intervient 3 mois après cette première nomination à la tête de l'Afitf, nous interroge. Aussi, et dans ce contexte assez inédit, pourriez-vous nous exposer les raisons qui motivent votre candidature à la RATP ?
Je vais sans attendre donner la parole à notre rapporteur, Philippe Tabarot, chargé de conduire votre audition. Vous pourrez ensuite nous présenter votre candidature et nous faire part de vos motivations, avant de répondre aux premières questions du rapporteur.
À l'issue de ce premier échange, mes collègues sénateurs vous interrogeront à leur tour pour une séquence de questions-réponses.
C'est un plaisir de vous accueillir pour cette audition. Il faut bien l'avouer, nous ne pensions pas vous retrouver si rapidement pour étudier votre candidature à une nouvelle nomination.
J'ai préparé cette audition exigeante pour que notre échange soit le plus éclairant possible et qu'il ne soit perçu ni comme une formalité convenue, ni comme une tribune inquisitrice. Ainsi, j'ai échangé avec la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, Didier Migaud, Président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Catherine Guillouard, ancienne présidente de la RATP, qui a récemment mis fin à sa fonction pour raisons personnelles mais qui, avec détermination, a préparé le groupe à l'ouverture à la concurrence et mené à bien de nombreux chantiers.
La question centrale de cette audition est donc celle-ci : l'ancien Premier ministre Jean Castex peut-il être le nouveau PDG de la RATP ?
Sans nul doute, votre appétence et votre compétence sur les transports sont au rendez-vous, comme nous l'avions déjà exprimé très largement en juillet dernier. Je peux en témoigner en tant qu'administrateur de l'Afitf que vous présidez, ou présidiez. Dès vos premiers jours à la tête de cette agence, j'ai pu constater une impulsion nouvelle, une mobilisation accrue des services de l'État et un nombre record de conventions signées et de crédits consommés. J'y voyais un atout et le renforcement du plaidoyer en faveur des transports, alors que ce sujet a été totalement occulté durant la présidentielle et qu'il revient tel un boomerang dans l'actualité.
Pour autant, ce premier point positif est grippé par un chapelet de réserves et de remarques que l'on ne peut camoufler.
Premièrement, votre nomination vient se mêler à une longue liste de « recasages » s'apparentant moins au mérite qu'à la loyauté.
Votre expérience risque injustement de se confondre avec les autres nominations d'Emmanuel Macron, celles des naufragés du suffrage universel, des ex-ministres ou proches de la Première dame ; qu'ils soient nommés à la Cour des comptes, à la préfecture de Police de Paris, au Conseil constitutionnel, au Port et au MUCEM de Marseille, à la Commission de régulation de l'Énergie, à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) ou au Comité de la Biodiversité...
Les Français ou mieux, le Président de la République lui-même, n'en voulaient plus : ils les ont fait sortir par la grande porte de la démocratie, il a trouvé le moyen de les faire rentrer par les fenêtres du copinage. Est-ce donc cela, le nouveau monde ?
Deuxième point, nous sommes pour le moins surpris de vous retrouver si rapidement après vous avoir questionné pour votre nomination à l'Afitf, le 27 juillet dernier. 104 jours seulement séparent le Jean Castex qui se présentait devant nous comme candidat à l'Afitf de celui qui se présente aujourd'hui comme candidat à la RATP.
Reste à savoir si cette candidature sera la bonne, ou si vous restez ouvert à d'autres opportunités de nomination que nous aurons à traiter. Ensuite, quid du devenir de l'Afitf ?
Dernier point, nous avons été forcément embarrassés par les réserves de la HATVP. À première vue, son avis du 18 octobre dernier semblait contraindre assez strictement le possible exercice de vos futures fonctions, vous demandant de vous abstenir de toute démarche auprès des membres du Gouvernement qui étaient en exercice lorsque vous étiez Premier ministre ou encore, jusqu'au 16 mai 2025, auprès des services qui étaient placés sous votre autorité.
Quel dirigeant d'un établissement public de transport aussi important que la RATP peut s'abstenir de tout contact avec le ministre des transports ou le ministre de l'intérieur ?
Mais mon entretien avec le président de la HATVP a permis de m'éclairer et d'écarter les questions pénales et déontologiques de ces réserves. Dans le cadre spécifique de l'ouverture à la concurrence, vous devez simplement vous abstenir de démarcher, c'est-à-dire, selon la définition du Larousse, de mener à bien une entreprise, telle une intervention faite auprès d'une autorité, en l'occurrence auprès de vos anciens collègues ministres. La frontière me semblait poreuse, mais le président Migaud a levé mes doutes.
Le cadre de cette nomination étant ainsi posé, je souhaitais bien sûr vous interroger sur deux sujets qui me paraissent cruciaux : le financement du transport public en France et votre stratégie à la tête de la RATP.
Pour ce qui est du financement du transport public, je sais que vous avez conscience de la situation de crise que nous vivons. Des infrastructures et du matériel vieillissants, des autorités organisatrices de mobilité (AOM) à l'agonie financière, à l'image d'Ile-de-France Mobilités (IDFM) qui n'aura pour seule solution, au grand dam de sa présidente, que de baisser encore son offre ou d'augmenter fortement son Pass Navigo, à contresens de la décarbonation des transports que nous appelons de nos voeux.
Comment trouver de nouvelles ressources en investissement et en fonctionnement, comme cela avait été promis par votre prédécesseur à Matignon, et qui ne sont jamais arrivées ?
Comment rétablir un service de qualité à un coût acceptable, après une dégradation palpable depuis la rentrée ?
Pour ce qui est de la stratégie du groupe, allez-vous continuer la politique de la présidente Guillouard, qui a essayé d'aller chercher des bénéfices dans d'autres pays et vers d'autres corps de métier que le transport public pur, pour lutter contre la perte probable de marchés en Ile-de-France, du fait de l'ouverture à la concurrence et de l'assèchement des subventions publiques ou allez-vous vous recentrer sur le coeur de métier qu'est le transport public et notamment en Ile-de-France ?
Enfin, le président de la RATP Jean Castex sera-t-il celui qui défendra les mesures de sécurité portées par l'entreprise alors que le Gouvernement qu'il dirigeait il y a peu les refusait au travers d'amendements sénatoriaux, comme celui visant à supprimer l'obligation de reclassement en cas d'avis d'incompatibilité rendu pour occuper une fonction sensible, notamment pour les fichés S ?
Pour conclure, en fonction des réponses que vous apporterez à nos questions, comme je l'ai dit : compétence et appétence demeurent pour moi la priorité des priorités.
Aussi, à titre personnel, et sans engager ni mes collègues, ni mon groupe, je voterai pour votre nomination aux fonctions de PDG de la RATP.
Je le fais dans un seul but : celui de ne pas vous affaiblir au moment où, juste après le départ de Catherine Guillouard et avant une grève qui vous est offerte comme cadeau de bienvenue, le climat social et l'offre de transports se dégradent et le marché concurrentiel s'active fortement.
Je crois que nous avons tous plutôt intérêt à ce que vous réussissiez cette grande et belle mission et ainsi éviter le déclassement du groupe RATP et de ses 69 000 salariés, sur un plan local, national et international.
Même si les circonstances sont particulières, c'est un plaisir de me retrouver devant vous, comme candidat à la présidence de la RATP - et même si, je tiens à vous rassurer, je n'ai pas l'intention de renouveler des candidatures tous les trois mois... La RATP est une belle entreprise de notre patrimoine national, elle fait face à des difficultés mais, vous me connaissez, ce n'est pas pour me décourager.
Pourquoi candidater alors que je viens d'entrer à l'Afitf ? D'abord parce que lorsque je me suis présenté devant vous pour la présidence de l'Afitf, il y a trois mois, le poste n'était pas vacant à la RATP - et personne n'imaginait qu'il le deviendrait subitement puisque la vacance tient à une décision personnelle, tout à fait respectable et honorable, de Catherine Guillouard. Je tiens à rendre hommage à son action à la tête de la Régie qu'elle a conduite et faite évoluer avec beaucoup de courage, sachant lancer de grands chantiers qu'il faut maintenant poursuivre. Sa décision de partir, annoncée début septembre, a surpris tout le monde et elle est donc intervenue après que je me suis présenté devant vous pour l'Afitf. Je le dis sans détour : quand l'exécutif m'a demandé si cette fonction m'intéressait, j'ai tout de suite répondu positivement. Est-ce que ce sera pour moi le bon poste ? Le précédent n'était pas mauvais, j'étais heureux et je vous remercie de vos appréciations, mais le poste dont il s'agissait il y a trois mois n'a pas la même dimension que celui dont nous parlons aujourd'hui. L'Afitf, c'est une équipe de 5 agents - à la RATP, en incluant les filiales, on dépasse les 70 000 salariés... Vous m'accorderez que je suis cohérent : je reste dans le même secteur, celui des transports collectifs, et je vous ai dit il y a trois mois combien je crois aux transports collectifs, ils représentent des enjeux quotidiens pour des millions de nos concitoyens, mais aussi des enjeux d'aménagement du territoire et de fabrication de la ville - d'abord en Ile-de-France, même si la RATP s'est étendue hors de cette région et même du pays - et, encore, des enjeux fondamentaux de transition écologique.
Voilà comment les choses se sont passées. Les défis sont nombreux, ils ne me découragent pas, ils m'aiguillonnent, même. Troisième opérateur mondial de transport urbain, très liée à l'histoire de la capitale, la RATP fait face à des défis très lourds et considérables, y compris à très court terme - vous les avez présentés. Je suis candidat, donc loin de tout connaître sur le sujet, mais je veux vous dire ma façon de voir les choses.
Il va d'abord falloir, me semble-t-il, s'occuper du très court terme : chacun le sait à travers la presse, il y a un sujet de qualité et de continuité du service, notamment s'agissant du service de bus, avec un quart de l'offre qui n'a pas été réalisée en octobre ; il y a des difficultés sur un certain nombre de lignes de métro, je le sais très concrètement, en tant qu'usager du métro. La RATP rencontre des difficultés de recrutement, de ressources humaines - mais ne comptez pas sur moi pour faire du RATP « bashing », les difficultés sont loin d'être l'apanage de la Régie, les transports collectifs en général sont en difficulté. Il y a des propositions pour en sortir, venue de la RATP et d'IDFM, il faut avancer.
Autre défi de court terme, la facture énergétique va être très importante : elle était de 210 millions d'euros l'an dernier, elle serait de 265 millions d'euros cette année et elle atteindrait 480 à 550 millions d'euros l'an prochain, c'est une augmentation considérable. La RATP consomme 2,5 térawatts-heures (TWh) par an d'énergie, soit 2 % de la consommation électrique de toute l'Ile-de-France. Sur un tel sujet, il va falloir mobiliser des dispositifs nationaux et je veux vous rassurer : je pourrai tout à fait m'adresser au ministre de l'économie et à celui de l'énergie pour mettre en place des mesures tarifaires ; les réserves de la HAVTP ne concernent que l'ouverture à la concurrence. Or, ce n'est pas la RATP qui organise l'ouverture à la concurrence, c'est IDFM, ce n'est pas le Gouvernement, c'est l'instance régionale, issue du Conseil régional.
Autre défi de court terme, la question des salaires et le mouvement social qui, vous me l'accorderez, ne concerne pas que la RATP. Or, la Régie a augmenté les salaires, en moyenne, de 5,2 % cette année, avec l'effet du point d'indice et celui des primes, qui ont concerné surtout les bas salaires et le travail de nuit. Il faudra, bien entendu, prendre aussi en compte la réforme des retraites, qui aura un impact certain.
À courte échéance, parce que ce sont des événements qui se préparent dès aujourd'hui, se présentent également la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), avec 1 million de voyageurs supplémentaires certains jours, cela représente des enjeux très importants de flux, mais aussi, par exemple, de billettique, avec l'objectif qu'au moins 40 % des passagers achètent un billet digital.
Enfin, il y aura l'ouverture à la concurrence en 2025, qui a déjà commencé mais sur des zones où la RATP était peu présente et qui va bientôt toucher toutes les zones de bus qu'elle exploite aujourd'hui, puis en 2030 pour le tramway, et 2040 pour le métro.
Parmi les enjeux de grande envergure qui impliquent des actions dès aujourd'hui, il y a le changement climatique. Il commande de faire gagner des parts modales au transport collectif, alors même que la RATP n'a pas rattrapé le niveau d'avant la crise sanitaire. Les transports représentent 31 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 94 % pour la route. À distance égale, en Ile-de-France, on consomme 50 fois moins de CO2 en empruntant les transports en commun plutôt que sa voiture - il est clair que la RATP doit conquérir de nouveaux clients.
Pour répondre à l'enjeu climatique, il faut aussi agir pour la sobriété de la RATP. La Régie s'est fixée pour objectif de réduire de moitié ses gaz à effet de serre en 2025 par rapport à 2015, et de 80 % en 2034 ; cela passe par le très ambitieux Plan bus, d'1,8 milliard d'euros, avec l'objectif qu'il n'y ait plus de bus au diesel d'ici fin 2026 - chacun ici, qui a les pieds sur terre, mesure combien c'est considérable. Or, l'objectif est déjà atteint à 57 %, il y a déjà 554 bus électriques, 794 au biométhane, 361 nouveaux bus qui roulent sans diesel ont déjà été introduits cette année - et tout ceci pose, vous vous en doutez bien, des problèmes très difficiles dans cette période pour les achats, les nécessaires reconversions des centres bus, donc des problèmes de permis de construire, de réglementation... Toujours pour sa sobriété énergétique, la RATP agit et doit continuer à agir sur la consommation énergétique de ses bâtiments - l'objectif est ici de 20 %, elle doit augmenter le renouvelable dans l'électricité qu'elle consomme et aussi approfondir le chantier de la publicité et de l'éclairage dans ses espaces.
Les défis ne manquent donc pas, ils me motivent.
Quelles seront mes priorités ? Quelques mots de méthode. Je crois que, dans la vie, il faut faire ce qu'on sait faire - et vous me connaissez, ma méthode passera par de l'écoute, de la concertation et de la proximité.
Il faut écouter les salariés et les usagers de la RATP. Il faut, bien entendu, travailler avec IDFM, qui représente l'essentiel des résultats de la Régie ; je commencerai bien sûr mes visites par la présidente de la région Ile-de-France. Nous avons l'obligation de bien travailler ensemble car, pour les usagers, le fait de savoir si telle difficulté relève de la RATP ou d'IDFM ne compte guère... Mon objectif à court terme, c'est de faire un état des lieux très précis des difficultés pour parvenir rapidement à un plan d'action concerté, et que l'on travaille ensemble au service des Franciliens et de tous les visiteurs. Vous pouvez aussi compter que l'ancien maire que je suis fera le tour des élus, des maires, des présidents de départements, de tous les élus des territoires où la RATP déploie et va déployer son service public. Ce dialogue sera aussi exercé avec les partenaires sociaux de l'entreprise, le dialogue social a une longue histoire à la RATP, il ne faut pas la récuser. Un mouvement de grève est prévu pour ce 10 novembre, on annonce qu'il sera suivi, mais je vois aussi que l'entreprise a signé 25 accords d'entreprise en 2021, c'est dire la vitalité du dialogue social. Et vous savez combien j'y suis attaché, vous avez pu le constater lorsque j'étais Premier ministre, les organisations syndicales l'ont reconnu. Je vais m'employer à faire aboutir les discussions sur le cadre social territorialisé, des négociations longues n'ont pas abouti, une décision unilatérale de la RATP est contestée en justice, une médiation judiciaire est en cours, il faut avancer. Nous devons également anticiper la négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires ; elle sera ouverte dès le mois prochain.
J'entends améliorer le travail avec les usagers et leurs représentants - ce n'est pas une critique envers ce qui se fait, mais je veux aller plus loin encore. Les usagers, ou clients, ont des droits d'expression ; les outils d'expression ont évolué, il faut y travailler.
Je veux aussi insister sur la qualité du management à tous les étages, il y a eu des réformes organisationnelles, il faudra les mener à terme. Je suis pour la plus forte déconcentration possible, pour que la ligne hiérarchique soit mobilisée, responsabilisée, pour trouver les solutions au plus près du terrain.
Sur le fond, je ne suis pas pour une retour en arrière sur la diversification et la filialisation, mais ma priorité des priorités c'est le coeur du métier, qui est de répondre aux attentes des usagers par la ponctualité, la régularité, la propreté, la sécurité, la qualité de l'information, la lutte contre fraude, l'amélioration de la billettique : la diversification de l'activité, qui fait sens, ne doit pas détourner la RATP de ses missions fondamentales, le transport collectif. Nous devons résoudre les difficultés de recrutement, l'absentéisme ; la RATP annonce le recours à de l'intérim, je me donne trois semaines pour un diagnostic partagé et pour trouver de nouveaux outils qui permettent d'avancer.
La sécurité préoccupe nos concitoyens sur certaines parties du réseau, en particulier dans le nord-est parisien, où se rencontrent les problèmes du crack, du vol à la tire, d'agressions en particulier envers les femmes. L'une de mes toutes premières visites sera au centre de coordination opérationnelle, mis en place en juillet dernier et placé sous l'autorité de la préfecture de police de Paris. Le Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) a lui aussi du mal à recruter. IDFM a augmenté ses crédits mais la RATP ne parvient pas aux 958 agents prévus pour la fin 2022, mais je crois comprendre que nous serons à 920, il faut avancer. J'attire votre attention sur le fait que, sur les 45 000 agents que compte l'établissement public, 5 500 sont dans les gares et stations, au contact du public : la présence humaine est importante, il faut poursuivre dans ce sens et, alors que la billettique sera encore modernisée, il faut réfléchir à ce que la présence humaine ne disparaisse pas, il faut même renforcer la présence humaine de proximité, qui est au coeur du service, la RATP étant une entreprise de service public.
C'est aussi par l'investissement, qu'on fera face aux défis du quotidien et que l'on préparera l'avenir.
Il faut continuer d'investir dans les femmes et les hommes qui travaillent dans les 271 métiers de ce service public. Je poursuivrai ici trois objectifs. D'abord, améliorer la vie au travail. Comme je prends le métro, des agents qui me reconnaissent m'abordent désormais, ils me racontent leur vie au travail, leurs difficultés : nous avons besoin d'améliorer la qualité de la vie au travail, en déployant de nouveaux outils ; ce sera l'une de mes priorités. Deuxième objectif : la gestion prévisionnelle des emplois ; elle est indispensable pour lever les difficultés de recrutement qui ont impact direct sur la continuité du service, nous avons une obligation en la matière. Enfin, je veux mettre l'accent, en particulier à travers la formation, sur la diversité, l'excellence, la technicité des métiers de la RATP, qui vont de l'industrie, à l'accueil des usagers et des clients : il faut faire valoir tout cela, ce sont des chantiers porteurs pour l'avenir.
Les investissements sont aussi dans les matériels, ils sont décisifs pour la sécurité, la qualité, la sobriété du réseau. Si l'on veut transporter davantage de gens, il faut accroître l'offre, il n'y a pas de secret. Prenez l'exemple de l'automatisation, installée sur la ligne 1 : que vous preniez les critères de la ponctualité, de la sécurité, du nombre d'incidents, tout s'est amélioré. Il faut généraliser cela, petit à petit, mais le cap est tracé. Des investissements très importants ont été réalisés pour le RER A qui est, avec 1,4 million de voyageurs par jour, la ligne la plus fréquentée au monde : les efforts d'IDFM et de la RATP ont eu une incidence directe sur la ponctualité et sur les indices de satisfaction des usagers, même s'il reste beaucoup à faire. Nous allons investir pour renouveler 60 % du matériel roulant de la RATP d'ici 2035, c'est considérable mais indispensable pour avoir un matériel qui protège mieux, qui soit plus sobre et moins polluant. Le RER B va recevoir 146 trains entre 2025 et 2030, c'est considérable.
Les investissements de la RATP se sont accrus de 70 % entre 2017 et 2022 avec, pour 2021, une enveloppe de 2,7 milliards d'euros, dont 1,2 milliard sur fonds propres, le contrat avec IDF Mobilités porte sur des investissements à hauteur de 8,4 milliards d'euros, le contrat État-région (CPER) prend en charge le quart des investissements. Il faut dégager des ressources nouvelles et supplémentaires par rapport à ce qui a été prévu par la loi d'orientation sur les mobilités (LOM), vous avez raison de le souligner, Monsieur le rapporteur. Je me permets de rappeler que, comme Premier ministre, j'avais accru de 870 millions d'euros la part de l'État dans le CPER, essentiellement grâce au plan de relance, pour la porter à 2,330 milliards d'euros. La politique de diversification et de filialisation doit participer pleinement à la valorisation des investissements, dans la cohérence du groupe. Le métro automatique a démontré ses atouts, il y a des parts de marché à conquérir. Et nous avons besoin d'une vision intégrée des transports, c'est aussi un atout pour la RATP.
Dans ces conditions, nous pourrons relever le défi de l'ouverture à la concurrence ; je suis convaincu que le service public est capable d'y faire face. La réorganisation achevée, nous pourrons passer du statut de monopole à celui d'opérateur choisi ; il manque encore des textes, ce qui génère de l'incertitude pour les salariés, je vais m'y atteler - et pour rassurer ceux qui y verraient une difficulté, je précise que le ministre qui chapeaute les transports, Christophe Béchu, n'était pas dans mon Gouvernement, et qu'il n'y aura donc aucun accroc aux réserves de la HATVP. Enfin, sur la concurrence, je crois que nous devons suivre de très près ses effets et que nous avons besoin d'un observatoire, pour examiner en particulier l'incidence sur la qualité de service.
Je veux dire ma lucidité face aux défis qui sont les nôtres, ma confiance dans les collaborateurs de la RATP, ma détermination à mettre mes expériences au service de l'entreprise et de ses clients usagers ; je crois au service public, aux valeurs du service public qui sont parfaitement conciliables avec la compétitivité, la performance et la concurrence - à condition que celle-ci soit nécessaire, juste et équitable. Je dis aussi mon expérience du dialogue social dans les différentes fonctions qui ont été les miennes, l'impérieuse nécessité du dialogue social, de la considération et de l'écoute. Je dis encore mon expérience pour préparer les grands événements qui attendent Paris et la France, et auxquels la RATP doit apporter son entier concours. J'ai aussi l'expérience du terrain, du concret, des exigences de la vie quotidienne à la fois comme ancien maire et comme utilisateur historique et constant des transports en commun. Et j'ai aussi l'expérience des situations difficiles telles que celles que j'ai pu connaître comme Premier ministre. Enfin, j'ai le sentiment que j'ai encore beaucoup à apprendre dans ce nouveau défi et que mon enthousiasme pour le faire est absolument intact.
Il y a trois mois, nous vous donnions notre accord pour présider l'Afitf, comme le Parlement l'a donné à Emmanuelle Wargon pour la présidence de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) ou encore à Brigitte Bourguignon à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) conformément à l'article 13 de notre Constitution.
Valse des postes bien huilée et bien utile en début de quinquennat ! C'était sans compter les avis de notre HATVP, en place depuis 2013, qui apportent au public un regard nouveau sur ces nominations. En effet, la HATVP rend pour chaque nomination un avis circonstancié et rigoureux sur les conflits d'intérêt potentiels et les incompatibilités. Ce fut le cas pour l'ex-ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, interdit de devenir vice-président de CMA-CGM ou encore Frédérique Vidal, ex-ministre de l'enseignement supérieur, interdite de rejoindre une école de commerce financée par des subventions.
Concernant votre cas, la haute autorité ne dit pas non mais émet des réserves importantes qui peuvent faire douter les parlementaires que nous sommes du bon exercice des fonctions pour lesquelles vous nous demandez notre soutien.
Ainsi, comment envisager que le nouveau président de la RATP ne puisse de sa propre initiative contacter des ministres, tels que l'actuel ministre des transports ou encore la Première ministre, mais également s'interdire toute démarche envers les services anciennement sous votre direction et ce jusqu'au 16 mai 2025 ? Alors que la présidente de la région Île-de-France en appelle à votre pugnacité auprès, je cite, « d'un Gouvernement qui regarde ailleurs », pensez-vous pouvoir honorer cette mission avec de telles restrictions ?
Certes, cet avis n'est pas défavorable, mais il compliquera grandement votre tâche dans un contexte chargé d'ouverture à la concurrence des transports publics en Île-de-France et à quelques encablures des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. N'y avait-il pas d'autres candidatures aptes au poste auquel vous prétendez ? Un processus de recrutement était pourtant engagé et de nombreux candidats étaient en cours d'audition.
Votre candidature confirme les reproches que la Cour des Comptes a pu adresser à l'Afitf, qualifiée de quasi-coquille vide. Cette nouvelle candidature pourrait-elle annoncer un recul sur des projets ferroviaires nationaux structurants, alors que nous avons tant besoin d'investissements dans ce domaine ? Pensez-vous pouvoir mener de front cette double présidence ? Comptez-vous démissionner de l'Afitf ?
Nous nous opposerons à votre nomination à la présidence de la RATP. L'objet de notre opposition ne portera donc pas tant sur vos compétences éprouvées, que sur l'obstination du Président de la République à préférer le bras de fer à la transparence.
Le cheminement inédit de votre candidature nourrit des questions sur cette bifurcation qui vous fait lâcher l'Afitf et qui peut passer à tout le moins pour de la désinvolture - et vos explications consistant à dire que le poste a été vacant après votre nomination à l'Afitf ne répondent pas à toutes les questions. L'avis de la HATVP ne conclut pas à l'incompatibilité, mais ses réserves ne sauraient être sans conséquences sur l'exercice pratique de vos fonctions. Comment comptez-vous enrayer la dégradation du service public, hisser l'offre à la hauteur de nos ambitions de progression des transports publics en part modale ? Comment régler les problèmes de formation et de ressources humaines aussi bien que d'investissement pour faire face aux enjeux de la transition énergétique ?
Comment mener à bien les transformations lourdes nécessitées par les carences d'accessibilité au réseau pour les personnes handicapées ? Quelles actions pour améliorer la qualité de l'air dans le métro où les taux de particules fines sont trois fois plus élevés que dans l'air extérieur ? Et finalement, comment l'ouverture à la concurrence pourrait-elle ne pas désorganiser ce service, creuser les inégalités, et finalement compromettre la continuité du service public ?
J'exprimerai d'abord notre inquiétude pour l'avenir de l'Afitf, que nous pensions avoir stabilisée avec vous à sa tête... Votre candidature est un événement en elle-même puisque nous n'avons jamais eu à recevoir un ancien Premier ministre aussi rapidement après son départ de Matignon. Du reste, l'hypothèse même de votre candidature honore vos compétences et nous partageons pleinement, sur ce point, l'analyse qui a conduit à ce que vous soyez devant nous. Mais je crois aussi qu'on a pensé à vous pour ce poste eu égard à l'ampleur de la tâche à accomplir et des difficultés qui sont devant nous. La RATP est en crise et les conséquences sont d'ampleur nationale, puisque l'entreprise s'est étendue bien au-delà de l'Ile-de-France - elle est présente par exemple en Bretagne. Chacun a ses responsabilités, mais je veux me faire l'écho de toutes les AOM qui sont confrontées à de grandes difficultés depuis la crise sanitaire : la baisse de la fréquentation n'est pas résorbée, je crois que le rattrapage nécessite une grande ambition pour les transports publics.
Nous reconnaissons pleinement vos compétences, nous n'avons pas de suspicion à votre égard, mais nous aurions aimé débattre plus largement et plus fortement des transports publics, de la situation des AOM, de la situation sociale dans les entreprises de transports - autant de débats en suspens, qui nous conduisent à refuser de participer au vote sur votre candidature.
Je veux dire au candidat, à titre personnel, qu'il a toute ma confiance et que je prends pleinement acte de ses compétences pour ce poste. Vous voulez gagner des parts de marché mais vous allez commencer avec une grève, ce n'est guère favorable à votre entreprise. J'ai découvert le métro de Berlin et il m'a semblé bien plus propre que celui de Paris : qu'en pensez-vous ? Et la sécurité ? Nous savons aussi que le Charles-de-Gaulle Express ne sera pas prêt pour les Jeux olympiques de juillet 2024 : comment allons-nous acheminer le surcroît de voyageurs et désengorger le nord de Paris pendant cette période ?
Je comprends que vous regrettiez amèrement mon départ de l'Afitf car je ne vais pas cumuler les deux fonctions, ce sera l'affaire des décrets de nomination. Au moins m'accorderez-vous le bénéfice de la cohérence, je reste dans le même domaine, les transports collectifs. Pour expliciter mes raisons, je me réfèrerai à ce que j'ai dit aux Français lors de mon départ de Matignon : je leur ai dit que je quittais la vie politique nationale, mais que j'entendais continuer à me rendre utile - c'est ce que j'essaie de faire aujourd'hui car, en mon âme et conscience, il me semble que je serai plus utile à la RATP qu'à l'Afitf, les enjeux sont différents.
Il ne m'appartient pas de commenter l'avis de la HATVP, mais de l'appliquer. La restriction porte sur l'ouverture à la concurrence - rien ne m'empêche donc, par exemple, d'appeler le ministre de l'intérieur sur des questions de sécurité, celui de l'économie pour le prix de l'énergie. J'insiste : c'est l'AOM IDFM qui organisera l'ouverture à la concurrence, qui fera les lots et choisira les prestataires. Je comprends vos questionnements, j'ai moi-même écrit à Didier Migaud pour me faire une opinion claire car je suis concerné au premier chef - j'engage ma responsabilité ; il m'a répondu précisément et avec suffisamment de clarté, dans le sens que je vous ai dit. Mon objectif, ici, ce n'est pas d'obtenir un poste ni un honneur, je suis déjà « casé », mais bien d'être utile à mon pays. Et vous savez que lorsqu'on « recase » un responsable, c'est plutôt dans une sinécure, ce qui n'est pas le cas à la RATP, vous en conviendrez volontiers... Mon sujet ici, c'est d'utiliser mes compétences au service des Français, du service public ; il y avait certes d'autres candidats, mais il a dû sembler, c'est une hypothèse, qu'une expérience politique et publique pouvait être un plus dans les circonstances actuelles.
Sur les AOM, je suis d'accord, leur situation mériterait un autre débat que dans cette enceinte.
Sur la propreté, un nouveau marché vient d'être passé par la RATP, il me semble porteur de progrès, je suivrai ce dossier de près.
Le CDG Express intéresse certes la RATP, mais elle n'est pas le seul responsable et on sait depuis longtemps que cette nouvelle ligne ne sera pas terminée pour 2024, ni la ligne 17 qui est censée rejoindre l'aéroport. Le RER B va être plus sollicité encore pour les Jeux olympiques et paralympiques, c'est un défi.
Monsieur Belin, je tiens à la disposition de votre commission le nombre de jours de grève.
Vous aurez été président de l'Afitf pendant deux mois et 19 jours, vous avez été Premier ministre pendant un an et dix mois, vous avez été président de l'Agence nationale du sport (ANS) pendant un an et deux mois, secrétaire général adjoint de la présidence de la République pendant un an et deux mois, conseiller aux affaires sociales pendant deux ans : je ne doute pas de vos compétences pour présider la RATP, mais tiendrez-vous le mandat de 5 ans ? Les enjeux sont importants, vous l'avez dit, et je crois que la RATP a besoin d'une présidence dans la durée pour mener à bien tous ses chantiers, parmi lesquels la qualité du réseau, la régularité du trafic, mais aussi la question du financement. Avec la dette liée à la pandémie, l'augmentation du coût de l'énergie, le financement des nouvelles lignes, il manquera de l'argent à la RATP ; dans ces conditions, que pensez-vous de l'augmentation du Pass Navigo à cent euros ? Est-il socialement supportable que les usagers seuls payent tous les surcoûts, faute de modifier les règles du versement mobilité ?
La qualité de l'air, ensuite, est un sujet majeur, on sait qu'il y a beaucoup de particules fines sur les quais du métro : que comptez-vous faire ?
Merci pour votre propos liminaire qui a largement couvert le spectre de nos questions sur les fonctions que, à titre personnel, j'espère vous voir occuper d'ici peu.
La RATP est un consommateur important d'énergie : quelle stratégie comptez-vous mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs vertueux définis en la matière ? Quelle sera votre stratégie managériale pour que le service public continue d'être, pour les usagers et les clients, cette vitrine si importante à la conquête de nouveaux marchés ?
Je ne doute pas non plus de vos capacités à gérer la RATP. Savez-vous si l'État entend mobiliser des recettes fiscales pour couvrir le milliard d'euros supplémentaires en contrepartie de la couverture des dépenses de préexploitation pour la RATP par IDFM ? C'est un engagement pris par Édouard Philippe, alors Premier ministre, en janvier 2020 : sera-t-il tenu ? Qu'en est-il, ensuite, du financement de la pré-exploitation du Grand Paris Express ? Enfin, que faire contre les arrêts maladie abusifs et le recours aux grèves perlées à la RATP ?
Une petite confidence : lorsque nous vous avons auditionné il y a trois mois, j'avais le sentiment qui peut être le vôtre aujourd'hui, car vous étiez déjà venu en Saône-et-Loire garantir le financement de la mise en deux fois deux voies de la route centre Europe Atlantique (RCEA). Vous étiez même venu, plus près de chez moi encore, inaugurer les pistes de l'aéroport de Saint-Yorre - au point que je me suis demandé, en juillet dernier, si l'on ne risquerait pas le conflit d'intérêt lorsque, une fois que vous seriez à l'Afitf, je serais venu négocier avec vous le financement complémentaire des viaducs de Charolles et de La Roche de Solutré... Vous comprendrez donc que vous voir quitter l'Afitf m'enlève un certain poids, ce dont je voulais vous remercier...
Est-il exact que la délibération n° 2022-380 de la HATVP du 18 octobre 2022 dispose, dans son 8ème considérant, que « M. Castex devra, dans le cadre de sa nouvelle activité professionnelle, s'abstenir de toute démarche, y compris de représentation d'intérêts, auprès des membres du gouvernement en exercice qui l'étaient également lorsqu'il était Premier ministre ainsi que des membres de son cabinet qui occupent encore des fonctions publiques ». Je ne lis guère, dans ce considérant, l'interprétation que vous nous dites être celle de Didier Migaud : la Haute autorité aurait-elle pris une autre délibération que nous ignorerions ?
Ensuite, pour les infrastructures, je déplore votre départ de l'Afitf. Je n'aurais pas l'outrecuidance de vous demander qui va vous remplacer, mais cela ne sera pas simple. Quand Paris bruisse de rumeurs de dissolution, une future ancienne Première ministre serait peut-être intéressée... nous attendrons de voir.
Enfin, le rapport sénatorial sur les incidents du Stade de France a montré que la grève mal anticipée sur le RER B avait été le fait générateur des incidents qui se sont ensuite aggravés en cascade. Comment un pays qui ne sait pas garantir la continuité du service public pourrait-il recevoir dans de bonnes conditions des événements de l'importance des JO et de la Coupe du monde de rugby ?
Le candidat, ancien Premier ministre, pourrait être victime de sa compétence...
Le considérant n° 8 de la délibération de la HATVP, que vous citez à bon titre, commence par : « à cet effet ». C'est qu'il renvoie au considérant précédent, le n° 7, lequel indique ceci : « bien que des relations existent nécessairement entre l'État et un établissement public qui en relève, il apparaît nécessaire, dans le contexte de mise en oeuvre de l'ouverture à la concurrence des transports publics en Île-de-France, d'encadrer les futures relations professionnelles de Monsieur Castex afin de prévenir tout risque de mise en cause de l'indépendance et de la neutralité de l'administration ». Le considérant n° 8 précise le précédent et les restrictions dont il est question portent donc sur le domaine de la concurrence.
J'ai lu le rapport sénatorial sur les incidents du Stade de France, je peux vous assurer que j'en tiendrai le plus grand compte. Le hasard veut qu'en venant ici, j'ai croisé Jean-Pierre Farandou, le président de la SNCF : je compte avoir les relations de travail les plus fluides possibles avec lui. Quant à la capacité à organiser de grands événements sportifs, notre pays en a déjà fait la preuve. Je le dis aussi comme ancien délégué aux grands événements sportifs, et quoiqu'on parle surtout des trains qui n'arrivent pas à l'heure.
J'ai exercé plusieurs mandats pour de courtes durées, c'est exact, mais je ne suis pas l'instigateur de cette brièveté, les élections présidentielles ont interrompu mes fonctions de secrétaire général adjoint à l'Élysée, puis j'ai quitté l'ANS lorsque le Président de la République m'a demandé de devenir Premier ministre... Pour le cas présent, je crois, sans mésestimer l'Afitf, qu'il n'aurait pas été responsable de refuser la présidence de la RATP.
Quels financements affecter au transport, faut-il augmenter le Pass Navigo ? Ce n'est pas le président de la RATP qui en décide, c'est l'État pour le versement mobilité et IDFM pour le Pass Navigo. Ce que j'observe, c'est que nous devrons trouver des ressources supplémentaires, toutes les données comparatives le montrent. La Cour des comptes a rappelé que les recettes de la billetterie en Ile-de-France couvraient le quart du coût d'exploitation des transports, c'est moins que partout ailleurs. Et pour que ce soit tolérable, il faut des paniers de recettes. La crise énergétique montre les défauts de la dépendance à une seule ressource, il faut augmenter le panier de recettes.
Le Grand Paris Express, grand chantier s'il en est, aura un coût d'exploitation qui inquiète l'AOM, chacun peut le comprendre. Le Premier ministre, en janvier 2020, avait parlé d'une affectation de recettes de l'État ; cependant, c'était deux mois avant la crise sanitaire, une période peu propice à prendre une telle décision. Vous n'êtes pas sans savoir, cependant, que pendant la crise sanitaire j'ai pris des décisions assurant la survie des AOM - au point même que, pour IDFM, nous sommes allés au-delà du nécessaire et que cette AOM a dû restituer des sommes à l'État.
La qualité de l'air est un enjeu prioritaire, la RATP a adopté un plan d'action qui commence par surveiller la qualité de l'air. Airparif a conduit en juin dernier une expertise qui a montré que l'outil de mesure était l'un des plus complets au monde. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a conduit elle aussi une étude qui, en juin dernier également, a établi des valeurs guides et constaté l'absence d'effet sanitaire en l'état des connaissances scientifiques, pour proposer ensuite des valeurs indicatives pour inciter les opérateurs à mener des actions d'amélioration de la qualité de l'air. Des contentieux sont engagés par des associations, la RATP est mobilisée sur ce sujet. Dans les nouveaux matériels roulants, les émissions particulaires sont prises en compte.
Je vois votre possible nomination avec intérêt. La RATP est un opérateur mondial de transports urbains implanté dans quinze pays et sur quatre continents, qui exploite au quotidien des transports traditionnels comme le bus, le métro, le tram mais aussi de nouvelles mobilités en tant que partenaire sur les navettes autonomes ou les parkings intelligents connectés.
Certes, la RATP est principalement implantée en Ile-de-France, mais les déplacements de demain, s'ils doivent être innovants, ne seront pas seulement urbains ; dès lors, aurez-vous comme défi d'accompagner les déplacements innovants aussi en dehors des zones fortement urbanisées ? Quelles pistes la RATP pourrait-elle suivre au profit des territoires ?
La RATP est devenue l'un des grands leaders mondiaux des transports urbains, ses enjeux de développement à l'international sont donc très importants ; mais en vous développant à l'international, allez-vous seulement chercher à prendre des parts de marché, ou bien chercherez-vous aussi à compter davantage pour la transition écologique, avec des projets mieux intégrés et qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre ?
La RATP a défini un champ d'expertise sur bien des domaines : les télécommunications, l'immobilier, la logistique urbaine, la gestion de l'énergie, toute une palette de savoir-faire intégrés et complémentaires à l'activité de transport, au point que le groupe, en janvier 2021, a lancé sa filiale RATP Solutions Ville. Quelle place entendez-vous donner à cet « apporteur de solutions » ?
Une remarque : vous dites, si j'ai bien compris, vouloir recentrer l'activité de la RATP sur son coeur de métier et ne plus considérer les filiales ni le développement à l'international, cela me paraît dangereux.
À titre personnel - mon groupe politique ne donne pas de consigne de vote et laisse chacun libre de son choix -, je ne voterai pas pour votre candidature. D'abord, parce que je l'ai déjà fait il y a trois mois pour l'Afitf. Ensuite, parce que je crois que votre candidature représente un message du Président de la République qui va contribuer à éloigner nos concitoyens de la chose publique : il disait en finir avec « l'ancien monde » où le pouvoir plaçait ses candidats aux postes de responsabilité, je ne vois nulle rupture avec ces pratiques dans votre candidature. Ce choix n'a rien à voir avec vos compétences ni votre capital de sympathie.
Je ne crois enfreindre aucun principe. Quant à l'idée de ne plus tenir compte des filiales, j'ai dû mal me faire comprendre car je ne les oppose pas du tout au coeur de métier, j'ai juste parlé de la cohérence qu'il faut entre ce coeur de métier et les activités développées par les filiales. Il faut trouver l'équilibre, ce qui est vrai d'ailleurs pour la concurrence, car si l'on veut pouvoir entrer sur les marchés étrangers, se développer à l'international, on ne peut dans le même temps vouloir fermer son marché domestique. Nous avons un savoir-faire sur le métro automatique, il faut l'exporter davantage. L'autre marque de fabrique de la RATP, c'est la fabrication de la ville, les transports dans le tissu urbain : c'est un atout à faire valoir. Dans le monde rural, la RATP expérimente des véhicules autonomes susceptibles de rouler dans des zones rurales- il faudra voir ce que cela donne, même si le coeur de métier concerne surtout les villes.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nous avons achevé l'audition de M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Il est procédé au vote.
La réunion est close à 18 h 50.
Après dépouillement du scrutin le mercredi 9 novembre, simultanément à celui de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Castex aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), le résultat du vote est le suivant :
Nombre de votants : 28
Bulletins blancs : 2
Bulletin nul : 0
Suffrages exprimés : 26
Pour : 18
Contre : 8
La commission a donc donné un avis favorable à la nomination de M. Jean Castex aux fonctions de président directeur général de la RATP.