Mission commune d'information Agences de notation

Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • agence
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  • banque
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  • critères
  • notation
  • émetteur

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Merci d'avoir répondu à notre invitation. Voulez-vous présenter votre activité ?

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Je tiens à vous remercier pour votre invitation. J'ai rédigé pour la commission un papier qui résume mon témoignage et que je vais résumer. Je suis responsable de l'équipe de conseil en notation au sein de CA CIB, la banque d'affaire du groupe Crédit agricole. Je me concentrerai sur les missions réalisées pour les entreprises ; je ne suis pas compétent pour discuter des enjeux réglementaires qui sont gérés directement par la direction financière du groupe.

Comment créons-nous de la valeur pour les entreprises ? En leur apprenant à parler le langage des agences. La notation, c'est d'abord un contrat de confiance, et non une démarche inquisitoriale. Sur le risque de solvabilité, il y a des règles transparentes reposant sur une matrice de crédit. Sur le risque de liquidité, là encore, les règles sont transparentes et ont contribué à éviter que la crise de Lehmann Brothers ait des répercussions trop brutales sur l'activité économique.

Notre valeur ajoutée est de nous assurer de la cohérence des notations : la notation d'une entreprise française doit être cohérente avec celle de son concurrent américain. Nous y avons réussi ; cette évolution doit aussi beaucoup à l'autorégulation des agences de notation.

Il faut aussi vérifier la cohérence des critères : la crise des subprimes l'a montré. Les agences se sont vu imposer un back testing, c'est-à-dire une expérimentation permettant d'ajuster les critères et d'éviter le retour des dérives du passé.

Les agences notent la probabilité de défaut ou de perte. La crise grecque illustre le problème posé par la notion de défaut sélectif : une agence doit-elle décider elle-même quand il y a défaut ? Il faut des contre-pouvoirs. Le Crédit agricole a réussi à mettre au point une méthodologie mondiale des critères. Nous soutenons la proposition de l'Autorité des marchés financiers de créer un forum sur les critères, reposant sur un dialogue factuel. Il est dommage que l'Europe cède, trop souvent, le pas aux États-Unis.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Je parlerai du conseil en notation et les opinions que j'exprimerai n'engageront pas la Société générale. La notation sert à donner aux entreprises accès aux marchés de capitaux. Nous avons des bureaux à Paris, New York et Londres : le benchmarking international est important. Je suis responsable des secteurs français et espagnol ; j'ai travaillé dans l'industrie, puis dans la finance, y compris chez Standard and Poor's.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Vous dites que vous ne faites pas de recherches approfondies, mais privilégiez la confiance. Qu'est-ce qui vous différencie des agences de notation ? Vous avez les mêmes clients. La notation par les agences est devenue quasi obligatoire. Est-ce le volume des cas traités qui vous distingue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je n'ai pas compris à quel moment vous intervenez : avant l'appel d'offres ? Après le choix de l'agence ?

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Une notation est une matrice de transition entre cinq et dix ans, d'où la nécessité de construire une relation de confiance entre l'entreprise et l'agence. Notre valeur ajoutée repose sur un travail « en profondeur » en termes de recherche. Le succès « EADS », sur lequel M. Gallois a autorisé le Crédit agricole à communiquer, vous éclairera. Les enjeux étaient importants. EADS était noté BBB+ et Boeing A+. Nous étions au moment de l'affaire Lehmann Brothers, cela pouvait générer un problème d'appel de marges potentiel, avec un risque de liquidités pour EADS sur ses positions de change. Nous nous sommes invités au comité de notation ; nous avons refait le travail que font les agences. Un raisonnement un peu brutal consistait à dire : Boeing a une marge de 10 %, EADS de 1 %, donc une entreprise est rentable, l'autre pas.

Même si les entreprises étaient équivalentes en termes de profil financier, l'argument selon lequel il fallait donner une meilleure note à l'entreprise rentable prévalait. Le travail de notre équipe à consisté à attirer l'attention de l'agence de notation sur des points peu mis en valeur : la vision donnée par Boeing de sa marge comptable est basée sur des comptes aux normes US-GAAP alors qu'EADS élabore ses comptes selon les normes IRFS.

Tout cela impliquait selon nous la nécessité de procéder à des ajustements sur la dette et sur le résultat d'exploitation. Les deux avionneurs font face à des problèmes identiques : ils doivent financer des programmes très lourds, de l'ordre de 10 milliards d'euros pour construire un avion. Airbus inscrit ses charges d'investissement dans son compte de résultat comme des charges effectives, alors que Boeing les inscrit en besoins de fonds de roulement (actifs d'exploitation). Sur ces bases, des ajustements ont été faits pour comparer les deux marges, si bien qu'on a pu obtenir de la part de l'agence que la note d'EADS soit revalorisée.

On le voit, la notation est d'abord un dialogue très technique. Notre métier, c'est d'être les avocats de l'entreprise auprès des agences. Nous essayons de faire en sorte que le jeu soit le plus équilibré possible entre l'entreprise et les agences afin que l'accès à la liquidité de l'économie soit assuré dans les meilleures conditions, en ayant présent à l'esprit que la notation est le passeport du crédit.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Nous ne sommes pas une agence de notation, mais nous aidons les clients dans leurs relations avec les agences.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Cette activité est exercée par des banques, des cabinets de conseil et quelques indépendants. Elle n'est pas liée à un statut particulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je comprends mieux à présent. Quant cette activité est-elle née ? En même temps que les agences ? Conseillez-vous des émetteurs ou des investisseurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Sont-ils vos clients pour cette activité seulement ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Pas nécessairement, mais nous ne nous exprimons ici qu'à ce titre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Vous faites donc du lobbying pour les émetteurs ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Du lobbying analytique. Deux types de missions nous sont confiées : des missions de première notation, pour des clients qui n'ont jamais été notés et sont un peu perdus ; et des missions d'accompagnement, pour des entreprises qui font face à une conjoncture difficile et que nous aidons à trouver de bons arguments analytiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Comment apprécie-t-on vos performances ? Les entreprises s'entourent de beaucoup de conseillers, par exemple des conseillers fiscaux dont on apprécie la qualité à l'aune de leur capacité à réduire le taux d'impôt sur les sociétés. Les sociétés du CAC40 ont un taux de 8 % quand il est normalement de 33 %. Mais vous ? Est-ce en fonction de la notation ? Ne risquez-vous pas d'enjoliver la réalité ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Si la société a le sentiment d'avoir bien présenté ses atouts et justifié ses faiblesses, le conseil en notation peut être jugé performant.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En définitive, n'êtes-vous pas des spécialistes du window dressing ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Pas du tout. Nous ne conseillons qu'une minorité d'émetteurs, par exemple quand leurs équipes financières sont surchargées.

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Je travaille depuis plus de dix ans pour un grand groupe du CAC40 : les succès partagés engendrent une relation de confiance. Dans le contexte actuel de crise de liquidité, la notation est un métier très technique et il faut éviter que des critères incohérents ne créent des distorsions. La notation est un enjeu important pour l'optimisation du coût de financement, voire de la valeur d'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Vous intervenez auprès d'un petit nombre d'entreprises, mais en quoi cela prouve-t-il que vous ne faites pas de window dressing ? Je comprendrais mieux l'argument qui consisterait à dire que de la même manière que de grandes entreprises font appel à des avocats extérieurs tout en ayant des services juridiques importants -par exemple Total pou l'Erika- elles ont recours occasionnellement à un conseil extérieur en notation.

J'en reviens à la Grèce. Comment se fait-il que vous n'ayez pas perçu le risque ?

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Notre équipe travaille pour les clients du Crédit agricole, non pour le groupe lui-même.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Je voulais insister sur le fait que le conseil en notation n'est pas obligatoire.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Le conseil n'est pas toujours facturé : il entre parfois dans une relation globale. Et s'il est facturé, c'est par la banque.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L'idée prévaut aujourd'hui qu'il ne faut pas donner de trop larges responsabilités aux agences. Si vous faisiez remonter des informations, ce serait très précieux.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Nous cherchons à apprécier la valeur des critères des agences, mais nous ne travaillons pas sur tous les sujets au sein de la banque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Un groupe bancaire est aussi un investisseur. Comment faites-vous le partage ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Nous ne donnons aucune recommandation d'investissement à la banque. La segmentation entre les deux activités est nette.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

En somme, votre activité est le bed dressing : vous faites en sorte que les entreprises se couchent aussi confortablement que possible dans les bras des agences...

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

On peut employer toutes sortes d'images. Nous aidons les entreprises à se financer au mieux auprès des marchés, en obtenant une bonne note.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Quel est le cadre éthique de votre profession ? Si vous vous apercevez qu'une agence surévalue une entreprise, en informez-vous quelqu'un ? Certaines entreprises notées AAA la veille se sont révélées être le lendemain dans une situation catastrophique...

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Personnellement, je ne me suis jamais trouvé dans cette situation. Nous avons des règles de déontologie. Ce serait aux équipes de compliance -que j'alerterais- de définir la marche à suivre.

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Juridiquement, nos missions se limitent à une assistance et non à du conseil. Le Crédit agricole est un groupe mutualiste au service de ses clients, et notre devoir est de les accompagner y compris dans les moments plus difficiles.

Anticiper le besoin d'adapter la structure financière et la gestion du risque de liquidité par rapport à une éventuelle dégradation est un enjeu essentiel. Nous cherchons à aider l'entreprise à retarder au maximum le risque de dégradation en obtenant que la notation intervienne « à travers le cycle ».

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Si une entreprise crée des produits structurés, intervenez-vous pour assurer le succès de l'opération ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Notre service n'intervient pas dans cette activité.

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

C'est le travail des équipes de titrisation rattachées à la salle des marchés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je suis admiratif et dubitatif à la fois... Il faut une grande vertu pour faire votre métier, puisque vous faites à la fois du conseil aux entreprises et des investissements. Or je me méfie de la vertu...

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Pour notre part, nous ne faisons que du conseil. Nous aidons les sociétés dans leur dialogue analytique avec des agences de notation.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Je ne sais pas au juste ; il y a dix ou quinze ans en Europe, après les États-Unis.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Le conseil en notation entre dans une relation globale avec les clients. La notation, qui est devenue l'alphabet de la finance, est une préoccupation quotidienne dans une banque. Elle a donc besoin de conseillers spéciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je ne parlerai pas de vertu, mais de charité laïque... Est-il plus confortable pour vous de conseiller des entreprises comme EADS, financièrement solides ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

J'ai conseillé des sociétés notées B ou AA, des sociétés dont la note se dégradait ou s'améliorait... Tout dépend des relations entre la banque et l'émetteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mais n'y a-t-il pas là un mélange de genres ? Et quid des PME ?

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Notre groupe cherche à aider ses clients à faire face au défi de la désintermédiation. Il faut recréer un modèle économique qui assure de la liquidité pour les entreprises comme pour les banques, en redéfinissant le rapport entre obligations et prêts bancaires.

Pour les PME, une petite taille constitue un handicap pour un accès au marché obligataire et pour la notation. Nous avons essayé de creuser ce dossier en favorisant l'accès au marché des placements privés en dollar. Celui-ci repose sur des notations réalisées par les compagnies d'assurance, et non par les grandes agences de notation.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Par provocation, on pourrait dire que votre activité existe en raison de la défaillance des agences de notation.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Les agences de notation ont consenti un réel effort de transparence. Néanmoins, un document de 70 pages détaillant les critères doit être expliqué à l'émetteur ; rien de surprenant à ce qu'il fasse appel à un intermédiaire.

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

La finance reste une science humaine : les erreurs sont inévitables.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Qu'en est-il du recrutement ? Les banques peuvent avoir intérêt à recruter des anciens des agences de notation. N'existe-t-il pas un grand mercato avec primes à la clef des transferts ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Il n'y a pas de mercato. J'ai travaillé dans une agence ; pas M. d'Hautefeuille.

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Notre métier, au-delà du conseil en notation, est l'ingénierie financière. C'est un défi intellectuel qui attire les analystes des agences, car, dans les agences, ils n'ont pas le droit d'avoir des activités de conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je suis surpris. Vous avez beaucoup insisté sur la confiance, le côté affectif. Les dirigeants de Moody's et Pitch se retrouvaient tous à Palm Beach. Chacun couvrait l'autre, un système qui ne favorisait pas la rigueur...

Vous avez déploré le poids des agences de notation américaines. Quels seraient vos conseils quant à la création d'une agence de notation européenne ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Je ne suis pas mandaté pour vous répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

En tant qu'avocat des entreprises, comment améliorer le travail des agences de notation qui sont à l'origine de catastrophes ?

Debut de section - Permalien
Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB

Tout l'enjeu est d'assurer un égal accès à la liquidité : notre métier y contribue en assurant une plus grande transparence sur l'attribution par les agences de passeports de crédit. L'institution d'un forum sur les critères comme le propose Jean-Pierre. Jouyet peut aider l'Autorité européenne des marchés financiers à mettre en oeuvre la régulation européenne qui impose aux agences une « expérimentation » (back testing) de leurs critères.

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

À titre personnel, je considère qu'il faudrait réfléchir sur le sens des notations et l'horizon temporel. À l'automne 2008, les agences de notation ont peiné à comprendre ce qui se passait, ce qui peut se concevoir. À l'autre bout du spectre, le risque systémique est également difficile à appréhender. La notation est surtout fiable à moyen terme. Il est rare que les agences de notation sortent un scoop. En revanche, elles sont des tours d'observation sur le crédit à long terme. Disposant de données sur tous les secteurs, elles pourraient participer aux travaux de recherche des institutions internationale pour le risque systémique sans que leur analyse soit intégrée dans la note. Ce serait une manière de restituer une partie de leur analyse au marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Travaillez-vous différemment selon les agences de notation ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Veron

Nous ajustons nos travaux à leur méthodologie. Cela dit, le travail est similaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Merci de votre venue. Si besoin est, nous nous adresserons à vous avant la publication de notre rapport qui doit intervenir mi-juin.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Au cours de ces mois de travail, nous avons beaucoup discuté, dialogué. Peu de divergences sont apparues entre nous. Nous vous proposons une synthèse qui pourra être augmentée des contributions de chacun. Le ton ne doit pas être agressif, même si nous avons peu de sympathie envers les agences de notation.

Comment se « désintoxiquer » de la notation ? Cela paraît impossible tant les marchés obligataires sont devenus importants. Au lieu d'avoir recours aux prêts bancaires, les entreprises se financent de plus en plus sur des marchés des capitaux mondialisés ; en conséquence, les investisseurs se sont éloignés des émetteurs. Les agences de notation délivrent une sorte de certification.

Le défaut, qui était une réalité pour les particuliers et les entreprises, se concrétise pour les Etats avec l'Argentine hier et, peut-être, aujourd'hui, la Grèce. Les collectivités locales, qui ignoraient il y a quelques années les agences de notation, vont devoir -pour les plus importantes d'entre elles- faire appel à leurs services : c'est déjà le cas pour Paris et l'Ile-de-France, comme l'a confirmé M. Karoutchi. Le besoin de financement des collectivités locales est estimé à 17 milliards d'euros cette année. Les banques sont prêtes à accorder 10 milliards, le gouvernement précédent s'était engagé à hauteur de 5 milliards. Les plus petites collectivités peuvent se regrouper pour accéder au marché obligataire, le ticket d'entrée minimal étant de l'ordre de 5 millions, mais celles qui ont la meilleure situation n'en tireront aucun avantage car l'emprunt sera accordé à un taux moyen.

On déplore le poids des agences de notation tout en incitant à y recourir. Pas un texte réglementaire international qui ne leur donne un rôle. Les agences devraient aller vers plus de transparence et uniformiser leurs critères de notation. Trop souvent, elles s'abritent derrière un secret de fabrication. Le marché ne peut servir de garde-fou quand il est dominé par un oligopole de deux agences et demi. La configuration actuelle ne garantit pas la qualité de la notation. Si les erreurs ont été rares, elles ont abouti à des conséquences catastrophiques. Je pense à la crise des subprimes ou à l'affaire Parmalat en Italie. A ce titre, je suis contre les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité. La nouvelle Autorité européenne des marchés financiers exerce cependant un contrôle croissant.

Comment favoriser l'arrivée d'un nouvel entrant ? La Commission européenne souhaite encourager de petites agences, ce qui semble difficile. La Coface, qui a tous les atouts en main, ne veut pas se lancer dans l'aventure. Faut-il demander à toutes les banques européennes de payer leur écot pour créer une agence européenne ? Encourager le projet du cabinet Roland Berger ? Autre idée de financement, puisque les Etats font des agences de notation un passage obligé, on peut imaginer de les taxer fortement : leur marge est considérable.

Pour conclure, il serait irréaliste de s'imaginer que l'on peut se séparer des agences de notation. Mais ce serait renoncer que de se contenter du statu quo. L'Europe demande la publication des notations à date fixe pour éviter les « effets de falaise ». En novembre dernier, l'annonce fautive de Standards and Poor's concernant la France a provoqué une hausse de notre écart de taux d'intérêt par rapport à l'Allemagne... Réduire le poids des dettes souveraines, harmoniser le régime de responsabilité civile, publier la rémunération des agences et favoriser la création d'une agence européenne sont autant d'axes de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Comment faire des propositions pertinentes qui ne seront pas redondantes par rapport à celles que Bruxelles fera le 2 juillet ? Que proposer au-delà du projet d'agence européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous avons besoin d'un document pour réfléchir. Je ne souhaite pas des contributions individuelles, mais un rapport consensuel, transpartisan, qui aura du poids.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Nous avons présenté un avant-projet de plan, le reste viendra sous quinzaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Que cela nous plaise ou non, les agences de notation existent. À nous d'éviter qu'elles ne soient une épée de Damoclès pour les investisseurs et que leur travail ne reste totalement ésotérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Faut-il considérer ce rapport comme le Graal de ce que seront les agences de notation demain ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'objectif est plus modestement de contribuer au débat. Je crois qu'il y a un problème de méthode. Nous aurions besoin d'une petite note sur les projets de Bruxelles, pour savoir ce que pourrait être notre plus-value. Le plan présenté me convient. Je me réjouis qu'on ne préconise pas la suppression de ces acteurs. Nous sommes tous d'accord sur le constat. Reste à réunir l'unanimité sur les propositions en nous présentant un projet de texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je ne souhaite pas non plus de contributions personnelles. La réflexion a été collective...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je ne comprends pas votre approche. Pourquoi nous cacher le rapport ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Si le plan présenté vous convient, l'écriture du rapport commencera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

J'aimerais en savoir plus sur la taxation des agences de notation. Quel en serait le taux ? Serait-ce une taxe spéciale ? S'il fallait taxer tous les rentiers...

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La rente est d'autant plus forte que les Etats font des agences de notation un passage obligé. Il serait donc normal de les taxer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le meilleur rempart à la rente serait-ce la concurrence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La création d'une agence européenne est une affaire complexe...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je préfère une taxe sur les activités financières à une taxe sur les agences.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Techniquement, il existe déjà une taxe sur les agences pour financer le contrôle exercé par l'AEMF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous pourrions exposer ce que nous avons retiré de notre visite aux Etats-Unis, des alternatives qui y ont été envisagées, de la nécessité de casser le lien consubstantiel entre l'émetteur et l'agence de notation. Pour moi, le mal est la titrisation, non les agences de notation ; ne nous y trompons pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

On ne reviendra pas sur la titrisation parce qu'elle est présentée comme une manière de diffuser le risque.

Notre sujet est les agences de notation et leur poids croissant avec les réglementations « Bâle I » à « Bâle III ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Sauf que dans les titres subprimes, plus personne ne savait ce qu'il y avait, même pas les acheteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il faut faire des propositions sur les régulateurs, qui ne jouent pas leur rôle aujourd'hui. Ils ne sont pas placés au bon niveau de la chaîne.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Que chacun lise le plan, et propose éventuellement des modifications.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Plutôt que de parler d'un marché « pousse au crime », je parlerais franchement des conflits d'intérêts. Appelons un chat un chat.

Pour ma part, je ne crois pas qu'une nouvelle agence soit la solution. Elle sera un sous-marin des trois grandes agences de notation.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Mais un pool de banques européennes pourrait s'associer pour éviter de subir l'oligopole américain. D'ailleurs, une agence publique -dont je comprends toutes les faiblesses- pourrait servir de juge de paix.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

S'il faut une autre agence, elle doit être européenne. En Europe, il y a vingt-sept notations, aux Etats-Unis, une seule. C'est là le problème !

Je ne suis pas sûre que l'agence européenne doive être publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Si la majorité des capitaux est allemande, cela ne changera pas grand-chose à la notation des dettes souveraines...

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Si toutes les banques européennes étaient concernées, leur contribution serait modique et l'indépendance par rapport aux Etats-Unis assurée.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Nous organiserons, début juin, une réunion pour mettre au point le rapport, qui vous sera adressé auparavant.