Intervention de Pierre Médevielle

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « écologie développement et mobilité durables » - programmes 113 159 174 181 et 217 et mission « recherche et enseignement supérieur » - programme 190 - examen du rapport pour avis

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle, rapporteur pour avis :

Je vous présente ce matin mon avis relatif aux crédits de la prévention des risques et de la conduite des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables.

Concernant la prévention des risques tout d'abord, comme l'an passé, je regrette que les crédits ne bénéficient d'aucune revalorisation notable, et connaissent même une légère baisse : - 1,4 % en autorisations d'engagement et - 0,7 % en crédits de paiement. Si cette diminution s'explique en partie par une dépense exceptionnelle en 2019 liée à l'immeuble du Signal à Soulac-sur-Mer, elle résulte également d'une nouvelle érosion des moyens pour certaines actions.

J'évoquerai en premier la question des risques naturels. La mission d'information sur les risques climatiques, dont nos collègues Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy étaient respectivement président et rapporteure, a proposé un bilan clair et précis de la situation. Leur principale conclusion est la suivante : face à l'amplification et à la multiplication des catastrophes naturelles, notre politique de prévention n'est pas à la hauteur.

On ne peut donc que déplorer l'absence de toute impulsion budgétaire donnée à la prévention des risques naturels, et, une fois encore, le plafonnement des ressources du fonds de prévention des risques naturels majeurs, fixé à 137 millions d'euros, alors que ses dépenses s'élevaient à 174 millions en 2018.

Il faudrait au contraire revoir à la hausse les interventions du fonds, pour accroître l'effort de prévention, face à l'augmentation à venir des phénomènes extrêmes. La prévention permet de sauver des vies humaines et de réduire significativement l'ampleur des réparations, puisqu'un euro investi dans la prévention permet en moyenne d'économiser sept euros en indemnisation.

J'en viens aux risques technologiques, qui constituent un autre sujet de préoccupation. L'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen du 26 septembre dernier nous rappelle collectivement l'importance des risques associés à l'activité industrielle de la France, souvent localisée à proximité d'habitations et d'autres activités économiques.

Il s'agit d'une problématique de grande ampleur puisqu'on dénombre environ 490 000 installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Le nombre d'accidents dans ces installations a augmenté de 34 % en deux ans, pour atteindre 1 112 évènements en 2018.

Les effectifs de l'inspection des ICPE sont heureusement maintenus en 2020. Toutefois, cette situation n'est pas pleinement satisfaisante, alors que l'accidentologie augmente et que la complexité du travail d'inspection s'accroît, avec une diminution du temps consacré aux contrôles sur place.

L'achèvement du processus d'élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est invoqué pour justifier la baisse des crédits en 2020 (- 6 % en autorisations d'engagement). Pourtant les mesures de protection prescrites dans le cadre des plans approuvés ne sont que très partiellement mises en oeuvre à ce jour alors que le dispositif a été créé il y a seize ans. Les crédits auparavant utilisés pour l'élaboration des PPRT pourraient donc être utilement réorientés vers d'autres actions en matière de risques industriels.

En outre, les moyens de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) appellent une vigilance particulière dès lors que l'institut se voit imposer depuis plusieurs années et à nouveau en 2020, un rythme élevé de réduction de ses effectifs (- 2 % par an).

Lors d'un déplacement au siège de l'établissement, effectué conjointement avec mon collègue Jean-Michel Houllegatte, j'ai pu mesurer l'importance des travaux menés par ses équipes, et l'impérieuse nécessité de préserver ses ressources. À ce titre, le « recentrage sur les activités-clés pour l'appui aux politiques publiques », envisagé dans le cadre du prochain contrat d'objectif et de performance avec son ministère de tutelle, irait dans un sens tout à fait contraire au développement, sinon même à la sauvegarde des capacités de l'État pour la maîtrise des risques industriels.

Enfin, en matière de risques nucléaires, l'année 2019 et les perspectives pour 2020 témoignent une fois encore de l'ampleur sans précédent des défis à relever pour assurer un niveau élevé de sûreté nucléaire, face à une grande diversité d'installations : certaines dont la durée de vie est prolongée, comme les réacteurs 900 mégawatts, ; d'autres en cours de construction, tels l'EPR de Flamanville et le projet Cigéo de Bure. Sur ce volet du programme 181, l'Autorité de sûreté nucléaire verra ses effectifs augmenter légèrement en 2020, ce qui permettra d'accompagner l'accroissement de sa charge de travail.

Pour terminer sur la question des risques, je souhaiterais attirer votre attention sur le troisième plan national santé-environnement (PNSE 3), couvrant la période 2015-2019, qui a fait l'objet de deux rapports d'inspection particulièrement critiques en décembre 2018. Ces travaux ont mis en évidence de vraies faiblesses dans le pilotage du plan, une absence de moyens additionnels pour sa mise en oeuvre et des difficultés à mesurer ses résultats, faute d'indicateurs précis. Au total, les effets concrets de ce plan sont jugés extrêmement difficiles à mesurer.

Ces résultats sont en décalage complet avec l'ampleur des problématiques et des préoccupations liées à la santé-environnement. J'espère que le quatrième plan, qui doit être présenté dans les prochaines semaines, prévoira des mesures plus précises et des moyens supplémentaires.

Enfin, permettez-moi de dire un mot du programme 217, qui porte les moyens de fonctionnement et en personnel du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de la cohésion des territoires.

Les crédits du programme diminueront de 3 % en 2020. En outre, une baisse de près de 800 emplois est prévue en 2020, soit le deuxième périmètre ministériel le plus sévèrement impacté par les baisses d'effectifs, après le ministère de l'action et des comptes publics.

En trois ans, le ministère aura donc perdu 6 % de ses effectifs. Nombre de ses opérateurs sont également dans une situation préoccupante, comme notre commission a pu le constater depuis plusieurs années.

J'ai reçu à ce sujet en audition les différents syndicats du ministère qui ont lancé une initiative intersyndicale pour défendre une position commune, à l'exception de l'Unsa. L'état des lieux qu'ils font du ministère et de ses opérateurs est objectivement inquiétant. Au-delà des économies liées à des gains de productivité et à des simplifications, ils expriment de vraies préoccupations quant à la qualité ou la pérennité de certaines missions.

La maîtrise des dépenses publiques implique évidemment des efforts en matière de personnel dans tous les périmètres ministériels. Mais la contribution particulièrement importante du ministère en charge de l'environnement depuis 2018 et une fois encore en 2020 me semble difficilement conciliable avec la volonté du Gouvernement de faire de la réponse à l'urgence écologique le premier axe de sa feuille de route dans le cadre de l'acte II du quinquennat.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le budget 2020 manque sensiblement d'ambition en matière de prévention des risques. S'y ajoute l'importance des baisses d'effectifs imposées une fois encore au ministère de la transition écologique et solidaire.

Pour ces différentes raisons, je proposerai à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes n° 181 et 217. Je vous remercie.

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