Enfin, la commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, le projet de loi constitutionnelle n° 121 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant l'article 77 de la Constitution.
a tout d'abord présenté la genèse du projet de loi constitutionnelle, rappelant que la question du corps électoral trouvait son origine dans l'équilibre auquel étaient parvenus les signataires des accords de Matignon et de Nouméa, après une période -les années 1984-1988- marquée par l'instabilité et la violence. Soulignant que la Nouvelle-Calédonie, devenue territoire d'outre-mer en 1946, avait bénéficié dès les années 1970 du développement de la production de nickel et attiré ainsi de nouveaux arrivants, il a indiqué que ce contexte avait favorisé la constitution progressive de deux camps : d'un côté, les forces indépendantistes fédérées au sein du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), dirigé par Jean-Marie Tjibaou, de l'autre, le camp loyaliste, structuré autour de Jacques Lafleur, qui crée en 1978 le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR).
Il a rappelé que la Nouvelle-Calédonie avait connu au milieu des années 1980 une situation de quasi-guerre civile, doublée d'une forte instabilité institutionnelle, l'archipel ayant connu en seulement quatre ans, de 1984 à 1988, quatre des huit statuts qui ont existé depuis 1946. Expliquant que les négociations initiées par le Premier ministre de l'époque, Michel Rocard, avaient abouti le 26 juin 1988 à la signature de la déclaration de Matignon, suivie de l'accord Oudinot, fixant le principe d'une consultation sur l'autodétermination à échéance de dix ans et définissant une nouvelle organisation institutionnelle, il a indiqué que ces accords, approuvés à 80 % lors du référendum national du 6 novembre 1988, avaient apporté un nouvel équilibre à la Nouvelle-Calédonie. A l'approche de l'échéance fixée par les accords, les protagonistes se sont accordés sur la nécessité de repousser la consultation sur l'autodétermination, susceptible de raviver les antagonismes, signant le 5 mai 1998 l'accord de Nouméa, qui détermine pour une période transitoire de quinze à vingt ans l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, les modalités de son émancipation et les voies de son rééquilibrage économique et social.
Après avoir présenté les apports essentiels de l'accord de Nouméa (reconnaissance d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie au sein de la nationalité française, possibilité pour le congrès néo-calédonien d'adopter des lois du pays, intervenant dans le domaine législatif), il a souligné qu'ils avaient impliqué une révision de l'article 77 de la Constitution, par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, avant que l'accord ne soit massivement approuvé par la population de l'archipel le 8 novembre 1998 (72 % de OUI).
a ensuite indiqué que la reconnaissance d'une citoyenneté propre à la Nouvelle-Calédonie était une revendication ancienne du mouvement indépendantiste puisque, dès la signature des accords de Matignon en 1988, l'Etat, le RPCR et le FLNKS étaient convenus que seules les « populations intéressées » à l'avenir du territoire, c'est-à-dire celles qui justifiaient d'une implantation ancienne et solide, seraient autorisées à se prononcer lors des scrutins déterminants pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Il a ainsi déclaré qu'en continuité avec les accords de Matignon, l'accord de Nouméa avait clairement posé le principe de la restriction du corps électoral non seulement pour le scrutin d'autodétermination, mais aussi pour les élections aux assemblées de province et au Congrès.
Ayant rappelé que le législateur organique, conformément au nouvel article 77 de la Constitution, avait défini le 19 mars 1999 trois listes électorales distinctes, il les a ainsi décrites :
- la liste électorale pour les scrutins européens, nationaux et municipaux, le principe étant que tous les citoyens français inscrits sur les listes électorales de droit commun en Nouvelle-Calédonie peuvent participer aux référendums nationaux, à l'élection présidentielle et aux élections législatives ;
- la liste électorale pour la ou les consultations sur l'accession à la pleine souveraineté, comprenant notamment les personnes qui ont pu participer à la consultation du 8 novembre 1998, c'est-à-dire celles qui étaient déjà installées à cette date depuis dix ans dans l'archipel, ainsi que les personnes justifiant d'une durée de vingt ans de domicile en Nouvelle-Calédonie ;
- la liste électorale spéciale pour les élections au congrès et aux assemblées de province, comprenant, aux termes de l'article 188 de la loi organique :
. les personnes remplissant les conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998 ;
. les personnes inscrites sur le tableau annexe et domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection ;
. les personnes ayant atteint la majorité après le 31 octobre 1998 et qui, soit justifient de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit ont un parent qui était électeur à la consultation de 1998, soit ont un parent inscrit au tableau annexe.
Après avoir défini le tableau annexe comme la liste des personnes satisfaisant aux conditions générales pour être électeurs, mais ne remplissant pas les conditions particulières pour participer au scrutin considéré, il a expliqué que la définition de ce tableau annexe était l'objet d'une divergence d'interprétation nécessitant l'adoption du présent projet de loi.
En effet, le Conseil constitutionnel, examinant la loi organique du 19 mars 1999, avait retenu pour les élections aux assemblées de province et au congrès l'interprétation d'un corps électoral glissant, permettant à toute personne d'intégrer le corps électoral spécial dès qu'elle justifie de dix ans de résidence dans l'archipel. Le rapporteur a souligné que cette interprétation n'était pas celle qui ressortait des travaux préparatoires de la loi organique, les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat ayant défendu l'idée d'un corps électoral figé en référence au tableau annexe de la consultation de 1998. C'est pourquoi, a-t-il rappelé, un projet de révision constitutionnelle fut rapidement soumis au Parlement et très largement approuvé par les deux assemblées avant que la convocation au Congrès ne soit ajournée, en raison de la difficulté de faire adopter par le Congrès le projet constitutionnel relatif à l'indépendance du parquet.
a souligné qu'en dépit du délai écoulé le nouveau projet de loi constitutionnelle soumis au Parlement ferait prévaloir en temps utile l'interprétation du législateur, les personnes arrivées après 1998 n'ayant pas encore atteint les dix ans de résidence permettant de participer aux élections provinciales dans le cadre du corps électoral glissant. Il a précisé que l'incidence de cette révision constitutionnelle sur les effectifs du corps électoral spécial serait limitée. Il a enfin insisté sur le fait que la définition d'un corps électoral restreint correspondait à un engagement du Président de la République, exprimé le 25 juillet 2003 à Nouméa et qu'au surplus la Cour de Strasbourg en avait validé le principe au regard de la Convention européenne des droits de l'homme (arrêt Py contre France, janvier 2005), précisant.
Après avoir rappelé que la cristallisation du corps électoral était transitoire puisqu'à l'issue du processus défini par l'accord de Nouméa, c'est-à-dire entre 2014 et 2018, soit les populations intéressées voteraient l'accession à la pleine souveraineté, soit une nouvelle organisation devrait être mise en place, avec une redéfinition de la citoyenneté calédonienne, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a formé le voeu que l'adoption de ce texte permette à tous les protagonistes de retrouver le chemin du dialogue et de la stabilité au sein de la République. Il a ainsi proposé à la commission d'adopter conforme ce projet de loi, modifié à la marge par l'Assemblée nationale, afin d'inscrire dans notre Constitution une disposition interprétative respectant l'esprit de l'accord de Nouméa.