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Interventions sur "prostitution" de Chantal Jouanno


35 interventions trouvées.

...mes qui ont besoin de protection et de considération. Le constat est clair et partagé. Dans leur très grande majorité, ces personnes sont victimes de réseaux et de violences, souvent de la part de leurs clients. Dans leur très grande majorité, ces personnes n’ont pas choisi cette vie, elles la subissent. Quant à celles qui l’auraient peut-être choisie hier, elles la subissent aujourd’hui, car la prostitution est un aller simple. Il est difficile d’en sortir, d’autant qu’elle peut vous emmener jusqu’à un âge très avancé. Ce point de vue est aujourd’hui majoritaire dans notre hémicycle. Le deuxième principe fondamental qui nous unit, que nous partageons, est que nous sommes abolitionnistes : nous ne souhaitons ni légaliser ni réglementer la prostitution. J’assume même le fait d’être néo-abolitionnis...

À ce sujet, nous avons eu un débat au sein de notre groupe, dont je ne partage pas les orientations majoritaires. Par ailleurs, l’excuse de l’inefficacité de la pénalisation du client ne tient pas. On a rappelé précédemment les résultats des études en la matière : en Suède, la prostitution baisse et partout ailleurs, elle augmente, notamment la prostitution violente, causée par les réseaux. La seconde excuse classique consiste à affirmer que la pénalisation du client fragilisera les personnes prostituées. Je salue l’objectif, que je partage, visant à ne pas fragiliser davantage ces personnes, qui sont des victimes. Toutefois, c’est également le cas du délit de racolage. Cette excu...

...nt, écoutez les rapports officiels, relisez l’appel d’éminents médecins français daté du 28 mars dernier, la tribune des magistrats du 10 novembre 2013, l’appel des trente-sept associations du collectif Abolition 2012 ou la tribune d’élus municipaux de ce jour. En outre, au-delà des faits, se pose fondamentalement la question de nos valeurs. La société de 2015 n’est pas celle du XXe siècle et la prostitution d’aujourd'hui n’est pas celle d’il y a dix ou quinze ans. La société actuelle est attachée au principe d’égalité et, à côté de l’égalité des femmes, je veux aussi parler de l’égalité des hommes.

Je trouve insupportable d’entendre que la prostitution existera toujours et que nous devons nous y résigner. Il y a beaucoup de crimes qui existent depuis l’antiquité et nous ne nous y résignons pas ! Enfin, parlons de sexualité. Cela a souvent été rappelé, la sexualité doit être apaisée, et il faut parler d’amour et non d’argent. Elle ne relève certes pas du législateur, mais ses dérives marchandes, si. C’est pourquoi il me semble important de pose...

...iberté d’expression. Lorsqu’il s’agit de la traite des êtres humains ou de l’exploitation sexuelle, je ne vois pas très bien où est la liberté d’expression qu’il serait légitime de protéger… J’ajoute que les dernières statistiques du service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique de la criminalité organisée, le SIRASCO, indiquent que, sur les cinquante réseaux transnationaux de prostitution démantelés en 2014, dix-neuf concernaient la prostitution par internet.

Ces dispositions, sur lesquelles je ne vais pas revenir en détail, me semblent d’autant plus nécessaires que nous venons de supprimer le délit de racolage, actif comme passif. Si l’« offre » n‘est pas encadrée, il semble nécessaire d’encadrer la « demande ». Sans cela, nous aboutirons à une libéralisation totale du système de la prostitution.

Compte tenu de tout ce que mes collègues ont déjà pu dire, je serai brève. Je ne reviendrai pas sur les arguments juridiques qui ont pu être avancés. Simplement, il me paraît contradictoire que, après avoir constaté collectivement en toute bonne foi que la prostitution est une violence et que les personnes prostituées sont fondamentalement des victimes, nous considérions ensuite que le client n’a aucune responsabilité.

Nous devons relier cet amendement à l'article 3. L'instance chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution doit reconnaître que la personne entre dans un parcours de sortie de la prostitution et de réinsertion. Elle est à même d'apprécier si la personne a cessé ou non l'activité de prostitution. De plus, la plupart des personnes concernées rechutent au moins une fois. Faisons confiance à cette instance de coordination. La condition couperet posée par la proposition de loi est excessive.

...onsultative des droits de l'homme (CNCDH), qu'offre le droit commun, à travers les délits de trouble à l'ordre public ou d'exhibitionnisme. De plus, cet amendement est susceptible de placer les maires dans une situation délicate vis-à-vis de leurs administrés, qui leur réclameront systématiquement des mesures. Le maire de Vincennes a d'ores et déjà pris des règlements interdisant l'exercice de la prostitution le mercredi après-midi et dans certaines zones.

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période très politique, il est pertinent d’avoir un débat fondamentalement politique. La prostitution, les orateurs précédents l’ont rappelé, pose la question de nos valeurs, de l’humanité que nous accordons aux membres les plus infimes de notre société. C’est un débat délicat. Je m’engage à y participer avec un esprit ouvert, dans le respect des positions exprimées par les uns et les autres. J’espère, mes chers collègues, que vous aurez à cœur de prendre le même engagement. Au préalable, je so...

La question qui se pose à nous est assez simple : choisissons-nous de conserver la législation actuelle ou de la faire évoluer vers la pénalisation du client, sachant qu’une très grande majorité d’entre nous est contre le réglementarisme ? La législation actuelle, en faisant peser la présomption de culpabilité sur la personne prostituée, a été efficace contre la prostitution dite « traditionnelle », qui est en train de disparaître. Toutefois, son application a eu pour effet pervers de favoriser le développement des réseaux, et donc de la prostitution sous contrainte, ce qui rend nécessaire une évolution de notre législation. Nous l’avons affirmé, les personnes prostituées sont d'abord des victimes. Il serait donc logique et cohérent que notre droit le reconnaisse et ...

...ertains de nos collègues prétendent que pénaliser le client reviendrait à fragiliser la situation de la personne prostituée, mais le rétablissement du délit de racolage emportera de plus graves conséquences de ce point de vue ! Il s’agit ici de poser un interdit. Nous avons beaucoup travaillé sur la problématique de l’hypersexualisation. On assiste à une véritable banalisation du phénomène de la prostitution, que ce soit à travers les films, les clips vidéo ou les défilés de mode. Dernièrement, Louis Vuitton a organisé un défilé sur le thème de la prostitution, ce qui n’a choqué personne… En tant qu’abolitionniste assumée, j’estime que nous devons fixer des lignes directrices claires dans notre législation. C’est pourquoi je propose d’introduire la notion de prostitution sous contrainte, à titre de ...

J’avais beaucoup d’espoir quand nous avons entamé ce débat, dont le ton a d’ailleurs été globalement très respectueux. Il me semblait que tout le monde partageait la même vision de la prostitution, telle qu’elle s’exerce aujourd’hui : chacun a expliqué, la main sur le cœur, qu’elle est le fait de personnes qui sont des victimes et non des coupables. J’ai été plutôt consensuelle et constructive ; je ne le resterai pas très longtemps. Ce que j’éprouve à l’issue de ce débat, c’est une immense amertume et une profonde tristesse. Il s’agit vraiment d’une occasion ratée pour le Sénat, qui adres...

Madame Benbassa, vous pouvez râler, mais vous me concéderez que, quand on met en scène la prostitution dans un défilé de mode, c’est un très mauvais message qu’on envoie à la société. En tout cas, ce n’est pas de cette société que je veux pour la France, et je suis très déçue. Au cours de ce vote, le groupe UDI-UC fera du « tricolore ». Pour ma part, je voterai contre ce texte.

... la chance, à l’époque, d’être la plume des discours de son promoteur. Honnêtement, chacun prête aujourd’hui à cette loi des intentions qu’elle n’avait pas alors. La loi de 2003 avait pour objet de supprimer la distinction entre le délit de racolage passif et le délit de racolage actif, distinction qui, sur le terrain, n’avait pas beaucoup d’efficacité. Cette loi était adaptée à la réalité de la prostitution d’alors, qui était majoritairement le fait de femmes françaises, dont la plupart n’étaient pas nécessairement sous l’emprise de réseaux. La situation a radicalement changé. La loi a donc, aujourd’hui, des effets pervers. Elle oblige d’abord les personnes prostituées à se cacher ; elles se trouvent donc plus aisément sous l’emprise des réseaux, ce qui rend la tâche des différentes associations d...

Nous avions retenu une durée d'un an, parce que sortir de la prostitution est un long parcours. Cela dit, le préfet est appelé à suivre ces parcours. S'il constate que les réseaux font un usage abusif de cette mesure, peut-il retirer le titre de séjour avant terme ?

Je n'étais pas sénatrice en 2003, mais j'étais la plume du ministre qui a porté ce texte. L'argument était alors que la distinction entre racolage actif et passif ne tenait pas la route : les policiers n'arrivaient pas à faire la distinction. Cela dit, la prostitution a radicalement changé ces dernières années. Elle est majoritairement le fait de personnes en situation irrégulière sous l'emprise de réseaux très puissants, notamment les réseaux nigérians, très bien implantés. Si bien que cette disposition semble avoir moins d'impact. Lorsqu'avec Jean-Pierre Godefroy nous travaillions à notre rapport, nous étions extrêmement partagés. Les associations nous ont c...

Les travaux que nous avions menés avec Jean-Pierre Godefroy nous avaient fait conclure à la nécessité d'inverser la charge de la preuve et de reconnaître, au vu de la réalité de ce qu'est aujourd'hui la prostitution, le statut de victime aux personnes prostituées. Je ne suis pas certaine que les brillants juristes qui ont pu s'exprimer sur le sujet aient bien conscience de cette réalité nouvelle. Or, le texte de loi auquel nous aboutissons ici n'inverse pas la charge de la preuve. Il revient au statu quo ante, où la personne prostituée est implicitement considérée comme la coupable du vice, qu'elle susciter...

Le dispositif italien s'inspire directement de la lutte contre les réseaux mafieux : accueil dans un « centre de fuite », anonymat complet, protection globale. Tout cela est indispensable pour obtenir des informations. Les personnes extraites sont souvent très méfiantes à l'égard des autorités quand celles de leur pays ont parfois organisé leur mise en prostitution. Je pense aux Nigérianes. Ce parallèle entre mafia et traite des êtres humains se justifie complètement : les deux réseaux sont souvent très proches.