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Interventions sur "parquet" de Robert Badinter


11 interventions trouvées.

...ccupante est la question du recours systématique et généralisé à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC. Ce mouvement, qui s’est dessiné dans les dernières années, prend une ampleur croissante, et je m’en inquiète. On conçoit l’avantage que présente le recours à cette procédure : elle est rapide ! Mais il faut en mesurer la signification : dans ce type de justice, le parquet, tout puissant, contrôle l’enquête. Aujourd’hui, seuls 4 % des affaires – les plus complexes, je le reconnais – font encore l’objet d’une instruction ! La masse du contentieux pénal est donc dans la main du parquet. Après avoir contrôlé l’enquête, le parquet décide de l’orientation de la procédure, voire de son terme. Et lorsqu’il choisit la voie de la CRPC, que reste-t-il des pouvoirs réels du ...

...’avocat n’apporte pas de garanties à cet égard, car nous savons bien qu’aucun contrôle ne sera possible. Cela m’amène à la deuxième question clé : celle du contrôle de la garde à vue. Monsieur le garde des sceaux, vous avez tenu à rappeler – était-ce nécessaire dans cette enceinte ? – que la magistrature, en France, est composée d’une part des magistrats du siège, d’autre part des magistrats du parquet. Ils ont tous la qualité de magistrat, personne ne le conteste, et surtout pas moi : la question n’est pas là ! Le problème – Dieu sait qu’il est complexe ! – est en fait le suivant : alors que l’article 66 de la Constitution dispose que l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle, la Cour européenne des droits de l’homme a dit – sans viser particulièrement la France au départ...

...dance de ces magistrats ne sont pas réunies. J’irai plus loin, monsieur le garde des sceaux : le grand, le profond malaise qui règne actuellement au sein de la magistrature et dont je n’ai pas, au cours d’une très longue carrière, vu d’autre exemple, trouve sa source, pour une grande part, dans le fait que l’exécutif, en France, ne veut pas desserrer son emprise sur la carrière des magistrats du parquet, parce que, pense-t-il, elle lui donne une possibilité d’intervention dans les affaires qui l’intéressent ! Ne jouons pas les naïfs, il suffit de consulter la grande actualité judiciaire pour s’en convaincre. Tant qu’il n’aura pas été remédié à cette situation, tant que les nominations des magistrats du parquet ne seront pas au moins soumises à avis conforme du Conseil supérieur de la magistratur...

.... En matière civile, nous pouvons servir de modèle à bien des juridictions étrangères. Nous avons mis en place des procédures, notamment le référé, mais aussi de multiples modes de solution des conflits que d’autres pays ne connaissent pas et qui aident considérablement la marche de la justice. En matière pénale, les innovations qui ont été apportées sont essentiellement dues aux initiatives du parquet lui-même, tirées de sa pratique. À l’heure où il est question d’adopter le modèle accusatoire, il suffit de s’intéresser, comme c’est mon cas, à l’évolution des justices internationales pour constater que, dans les pays qui ont fait ce choix il y a longtemps – je pense aux pays anglo-saxons, qui ont de grandes justices –, le taux d’erreur judiciaire...

...gistrats subissent-ils un tel traitement ? Pourquoi cette suspicion pèse-t-elle sur eux ? J’en viens maintenant à la question, qui, pour nous, Français, est fondamentale, celle de l’unité du corps des magistrats. Le Conseil constitutionnel a toujours reconnu ce principe. Il n’est qu’à consulter les décisions rendues. Je laisse de côté la question des règles d’organisation et de fonctionnement du parquet. C’est un problème fonctionnel. Le parquet est nécessairement hiérarchisé, indivisible et il a des rapports avec le pouvoir exécutif. Certes, nous pouvons avoir des divergences dans ce domaine, mais là n’est pas l’essentiel. S’il existe un corps unique de magistrats, tous doivent avoir le même statut. Il est impossible d’opérer la moindre distinction entre eux et de donner à certains moins de ga...

...iplinaire. Il n’est pas d’exemple où des magistrats soient jugés par une instance qui ne comprenne pas en majorité leurs pairs. Ce n’est d’ailleurs pas le propre des magistrats. Ici, on ne veut pas ! Sur la question disciplinaire, je pense profondément que ce serait une très grave erreur, pour le ministre de la justice, que de vouloir exercer un pouvoir disciplinaire direct sur les magistrats du parquet. La magistrature peut tout à fait se concevoir selon deux corps séparés : un corps de fonctionnaires qui poursuit, de haut en bas, et un corps de magistrats du siège, complètement indépendant du premier. La France a choisi la voie d’un corps unique. Les personnes qui exercent les fonctions du parquet – elles passeront d’ailleurs souvent au siège – demeurent des magistrats ; elles ont donc droit ...

…il est indispensable d’opérer une dissociation entre l’exécutif et les magistrats quand il s’agit de sanctions. Je considère comme une très grave erreur le fait qu’un membre du Gouvernement puisse sanctionner des magistrats pour des fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions. En revanche, le ministre peut saisir la section parquet du Conseil supérieur de la magistrature et lui demander de poursuivre. Mais il ne faut pas confondre le pouvoir de saisine, la vigilance, avec le pouvoir de sanctionner, ce qui est tout à fait différent. Sur ce point, si vous êtes suivie dans la révision telle que proposée par le texte adopté par l’Assemblée nationale – ce n’est d’ailleurs pas la position de la commission –, ce sera ressenti par...

..., dont je ne méconnais pas l'importance, ne suffisent pas, selon moi, à justifier ce texte. La CRPC, quoi que l'on dise, reste marquée par l'extraordinaire prépondérance accordée à la partie poursuivante dans notre procédure pénale. C'est là une modification structurelle, tant pour la défense que pour le magistrat du siège. Nous sommes entrés, avec cette procédure, dans une ère judiciaire où le parquet, dont je connais à la fois les prérogatives, les mérites... et plusieurs de ses excellents représentants, se voit sans cesse surchargé d'obligations. Or la nécessité de soulager le parquet ne se poserait sans doute pas de la même façon si, au fil des lois, on n'accumulait pas sur ce dernier, qui n'en peut mais, des obligations ne relevant pas fondamentalement de sa mission première, c'est-à-dire ...

... cette décision est extrêmement importante, car elle a restitué à l'audience d'homologation sa véritable nature, laquelle avait été escamotée dans l'exposé des motifs et dans la présentation qui avait été faite du texte. Le Conseil constitutionnel a ainsi expressément déclaré que l'homologation ou le refus d'homologation par le président du tribunal de grande instance de la peine proposée par le parquet et acceptée par la personne concernée constituait une décision juridictionnelle.

...e où cette homologation est susceptible de conduire à une peine d'emprisonnement d'un an, l'audience doit respecter la procédure requise pour une audience. Par conséquent, elle doit être publique. En tout état de cause, puisqu'il s'agit d'une audience correctionnelle et puisque la décision rendue par le magistrat qui statue et qui prononce la peine - laquelle, je le rappelle, est proposée par le parquet -, est juridictionnelle, il est évident - sauf pour les services de la Chancellerie, dont je ne méconnais pourtant pas l'excellence juridique - que la présence du ministère public est obligatoire en vertu l'article 32 du code de procédure pénale. A la lecture de la circulaire d'application qui rend facultatif pour les audiences correctionnelles ce qui, au regard dudit article 32, est obligatoire...

...réoccupe grandement les magistrats. Un amendement aurait d'ailleurs pu être déposé, visant à contraindre le représentant du ministère public d'assister à l'audience dès lors que le magistrat du siège le requiert. Après tout, il appartient au magistrat du siège de décider la manière dont doit se dérouler l'audience ! Cela n'empêche ni la présence volontaire ni la présence constante du magistrat du parquet. Cependant, par commodité, par souci de productivité, par manque d'effectifs, parce que nous n'avons, hélas ! pas les moyens d'appliquer les lois votées, nous bouleversons l'ordre juridique, alors que nous aurions pu procéder d'une tout autre manière. Je n'ai eu de cesse de le rappeler à tous les gardes des sceaux successifs, le corps judiciaire tout entier demande une pause et crie grâce : grâ...