Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la géolocalisation s'est réunie au Sénat le mardi 18 février 2014.
Elle procède d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Pierre Michel, sénateur, président, et M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président, M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, étant désigné rapporteur pour le Sénat, et M. Sébastien Pietrasanta, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Sueur étant rapporteur du projet de loi relatif à la géolocalisation, j'ai l'honneur de présider cette commission mixte paritaire.
Grâce aux échanges que nos deux commissions n'ont cessé d'entretenir, nos points de vue ont largement convergé. Je souhaite que cette commission mixte paritaire soit fructueuse : il y va de l'intérêt général. Il est urgent de légiférer pour donner à nos forces de police et de gendarmerie les moyens de procéder à des opérations de géolocalisation en temps réel.
Nous avons en effet entretenu un dialogue très approfondi, qui a fondé la solution équilibrée dont nous discutons cette après-midi. Jean-Jacques Urvoas et moi-même avons peaufiné celle-ci ce weekend, à l'occasion de la rencontre des présidents des commissions des Lois des États membres de l'Union européenne, qui s'est tenue à Athènes, berceau de la démocratie.
Article 1er
La proposition de rédaction n° 1 autorise la géolocalisation pour les délits d'atteinte aux personnes, de recel de criminel et d'évasion punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, ainsi que tout autre crime ou délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement.
Nous avons souhaité prendre en compte la jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Cette dernière, dans sa décision Uzun contre Allemagne, n'a admis la géolocalisation que pour des faits d'une particulière gravité. Le Sénat avait initialement retenu les crimes ou délits punis de cinq ans d'emprisonnement, mais les services policiers et judiciaires nous ont fait remarquer que certaines atteintes aux personnes, pourtant graves, n'étaient punies que de trois ans d'emprisonnement. D'où cette proposition de rédaction n° 1.
La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 6 que je présente rétablit la saisine du juge des libertés et de la détention dans un délai de huit jours, ainsi que l'avait voté le Sénat. Ce délai est conforme à la recommandation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), saisie pour avis par la garde des sceaux. Huit jours est un délai de sagesse, même s'il en va autrement dans d'autres pays.
L'avis de la CNIL n'a été porté à notre connaissance qu'après la réunion de la commission des Lois et la séance publique au Sénat, et après la réunion de la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Le cas s'était déjà produit lors de l'examen de la loi de programmation militaire. Il serait bon que les avis de la CNIL soient connus plus tôt.
La CEDH a jugé acceptable un délai de trente jours. Le Gouvernement l'a fixé à quinze, délai accepté par notre commission. Certes, le Sénat a adopté en séance le délai de huit jours proposé par M. Mézard, mais je ne souhaite pas revenir sur l'accord obtenu avec l'Assemblée nationale sur l'ensemble des dispositions restant en discussion : en cas de vote, je m'abstiendrai.
Nous avons demandé par écrit à la CNIL de publier son avis. Celui-ci n'a pas valeur de prescription. Il est destiné à éclairer le débat public et rien ne justifie qu'il demeure confidentiel.
L'étude d'impact révèle que 80 % des mesures de géolocalisation sont mises en oeuvre en moins de quinze jours, et ce délai demeure inférieur à celui d'un mois au-delà duquel la CEDH estime la saisine du juge nécessaire. Par conséquent, je demeure favorable au délai de quinze jours.
Rétablir le délai de quinze jours romprait l'équilibre trouvé au Sénat. Le délai de huit jours fondait d'ailleurs notre soutien à ce texte. Je voterai donc la proposition de rédaction de M. Mézard.
La CNIL a rendu son avis dès le 19 décembre ; la mise à disposition de son document est intervenue plus tard. De plus, elle s'est prononcée en faveur non d'un délai de quinze jours, mais de huit jours renouvelable une fois dans les mêmes conditions. La nuance est ténue.
La CNIL se réfère en outre à la notion de flagrance, dont on se demande quel est le rapport avec la géolocalisation. Il reste qu'entre huit et quinze jours, il n'y a pas lieu de débattre éternellement.
La proposition de rédaction n° 6 n'est pas adoptée.
La proposition de rédaction n° 2 précise les cas dans lesquels les forces de police et de gendarmerie sont autorisées à s'introduire dans un lieu privé pour poser une balise.
Cette précision nécessaire nous avait échappé.
La proposition de rédaction n° 2 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 3 exclut de toute possibilité d'intrusion dans le but de poser un dispositif de géolocalisation les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, prévus à l'article 56-4 du code de procédure pénale. Cela va de soi...
J'y suis favorable.
La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 4 fait la synthèse des positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la question du dossier distinct. Préciser que n'y figurent que les éléments qui ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité et qui ne sont pas indispensables à l'exercice des droits de la défense renforce la sécurité juridique du dispositif.
La question a été soulevée lors des auditions des services de police et de gendarmerie, inquiets des représailles que peuvent subir les personnes qui auraient pu leur venir en aide dans le cadre d'une opération. La rédaction de cet alinéa, améliorée à l'Assemblée nationale, nous a été inspirée par l'article du code de procédure pénale relatif au statut de témoin anonyme. Cette proposition de rédaction préserve opportunément les droits de la défense : le juge des libertés et de la détention pourra prendre la décision de retirer du dossier les seules informations qui ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité et qui ne sont pas indispensables à l'exercice des droits de la défense.
Ne pourrions-nous pas alléger le texte en disposant plutôt que le juge décide que les informations compromettantes n'apparaissent pas dans le dossier principal lorsque leur connaissance n'est « ni utile à la manifestation de la vérité ni indispensable à l'exercice des droits de la défense » ?
Ce « ni-ni » est quasi-mitterrandien !
La proposition de rédaction n° 4 rectifiée est adoptée.
La proposition de rédaction n° 5 supprime le 3° relatif au dossier distinct et renforce le 2°, en précisant les conditions permettant d'identifier des personnes ayant concouru à l'installation ou au retrait d'un dispositif de géolocalisation.
Cette rédaction préserve l'équilibre entre les droits de la défense et les pouvoirs du juge.
La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.
L'article 2 (opérations de géolocalisation menées par les agents des douanes) est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale, ainsi que les articles 2 bis (financement de la lutte contre la délinquance par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)) et 3 (application sur l'ensemble du territoire de la République).
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigé, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la géolocalisation.
En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter le projet de loi relatif à la géolocalisation dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
La réunion est levée à 16h30.