Je souhaite la bienvenue à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, premier invité de notre commission dans sa composition issue des élections sénatoriales du 28 septembre dernier. Nous aurons de multiples occasions de prolonger le dialogue que nous engageons ainsi, Monsieur le ministre. Nous souhaitons vous entendre aujourd'hui sur le projet de loi de finances pour 2015. Comme nous entendrons après vous Mme Annick Girardin, Secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie, sur la mission « aide publique au développement », je vous propose de concentrer votre intervention sur les crédits de l'action extérieure de l'Etat.
Pour la première fois, grâce à ses nouvelles compétences en matière de commerce extérieur et de tourisme, votre ministère dispose d'une capacité d'action renforcée sur l'ensemble des réseaux d'influence. Quelles sont les conséquences de ce changement sur son budget et son organisation ? Qu'attendez-vous de cette réforme ?
Avec une enveloppe budgétaire en légère diminution à périmètre ministériel constant, vous avez dû définir des priorités : maintien des crédits d'influence et d'attractivité, hausse des bourses scolaires pour les Français expatriés - pour tenir un engagement présidentiel -, augmentation des moyens de fonctionnement du réseau et stabilisation des crédits destinés à la sécurité de nos implantations. Vous poursuivez votre politique de redéploiement vers les régions stratégiques et les actions renforçant l'attractivité de notre territoire tout en participant à la stabilisation de l'emploi public. Nous nous réjouissons des efforts entrepris, par le ministère et par ses opérateurs, dès lors qu'ils n'altèrent pas nos capacités dans cette période troublée, où notre diplomatie est présente et efficace.
Je souhaiterais que nous réservions, si vous en êtes d'accord, quelques moments à des questions sur l'actualité internationale, suivant l'usage de mon prédécesseur le président Jean-Louis Carrère.
Merci pour votre accueil : j'ai plaisir à vous retrouver dans cette salle, qui n'a pas changé...
Même si la composition de la commission, elle, a changé ! Je suis naturellement à votre disposition, comme le sont mes équipes, y compris lors de vos déplacements à l'étranger. Je ne doute pas, Monsieur le Président, que nous poursuivrons ensemble l'excellent travail que nous avons effectué avec votre prédécesseur. Mme Girardin viendra s'exprimer devant vous, ainsi que, si vous le souhaitez, d'autres secrétaires d'Etat.
Compte tenu des contraintes budgétaires de la France, nous avons essayé de construire un budget avec efficacité et intelligence. Tout en prenant sa part au redressement économique, le Quai d'Orsay doit préserver sa capacité d'action et de gestion des crises, malgré son lot d'économies, qui ne sont jamais agréables. J'ai donc souhaité un budget économe.
Les crédits de paiement pour 2015 s'élèvent à 4,719 milliards d'euros, ce qui représente, à périmètre constant, une baisse de 97 millions d'euros, soit 2,06 % par rapport à 2014. Nous devons rendre 220 emplois, ce qui fixe notre plafond à 14 235 emplois, pour contribuer à la stratégie générale de redressement des finances publiques. Ces suppressions d'emplois résulteront essentiellement de l'adaptation de notre réseau diplomatique : tout en préservant son universalité, nous procédons à une différenciation des postes en fonction des priorités. Des redéploiements sont en cours, surtout depuis l'Amérique du Nord et l'Europe vers des pays émergents ou en sortie de crise. J'ai demandé à mes équipes de privilégier la diplomatie économique : avec une économie affaiblie, une diplomatie forte est irréaliste.
Le principal levier des redéploiements est la transformation d'ambassades en postes de présence diplomatique (PPD), qui comportent un ambassadeur et quatre ou cinq agents, et remplissent essentiellement les missions de représentation diplomatique et de protection de nos compatriotes. Nous en avons créé 13 depuis 2013 et allons en ouvrir 13 autres d'ici à 2017. Bien sûr, cela requiert un effort d'explication en direction des pays concernés, qui n'accueillent pas toujours favorablement ce changement.
Nous avons obtenu une augmentation de 2 % de nos moyens de fonctionnement : la hausse des coûts de l'énergie, des loyers, l'évolution des taux de change l'imposaient. Nous avons tenu à préserver les crédits relatifs à la sécurité, ce que le contexte international explique aisément : une dotation de 44,3 millions d'euros est prévue pour financer des travaux renforçant la sécurité passive de nos implantations ainsi que leur sécurité active par la présence de gardes de sécurité expatriés et de vigiles. Comment, sinon, envoyer des ambassadeurs en Irak, en Libye ou en Syrie ?
10 millions d'euros supplémentaires pour améliorer la sécurité du réseau proviendront des cessions immobilières : à l'issue de négociations serrées avec le ministre des finances - et ma connaissance du poste, pour l'avoir occupé dans le passé, m'a été bien utile - nous avons obtenu de bénéficier de la totalité des produits de cessions. Nous construisons des ambassades nouvelles à Jakarta, à Bangkok, ou à Dacca, dans le cadre d'une co-localisation franco-allemande, et nous procédons à des rénovations lourdes à Washington, à Moscou ainsi qu'à New Dehli. L'objectif est que nos implantations soient mieux adaptées aux besoins d'une diplomatie moderne, mieux entretenues et moins coûteuses. Pour que ces cessions contribuent aussi au désendettement public, nous verserons, sur leur produit, 25 millions d'euros au budget général de l'Etat, pour solde de tout compte.
Le budget 2015 est le premier construit avec le nouveau périmètre du Quai d'Orsay, pour lequel je me suis battu. Le Premier Ministre et le Président de la République ont accepté mes propositions : loin d'être marginal, le tourisme est une activité économique majeure qui a beaucoup à apporter à la France, qui jouit en ce domaine d'avantages comparatifs importants. M. Raffarin, qui connaît bien la Chine, sait qu'actuellement, 150 millions de Chinois voyagent, mais que dans 15 ans, ils seront 500 millions ! Si nous savons les attirer, notre balance extérieure s'en ressentira.
Le changement de périmètre a pour conséquence le transfert de la subvention à Atout France, d'un montant d'environ 30 millions d'euros, sur le programme 185, dans le cadre de la nouvelle action « développement international - tourisme ». C'est la première fois que le ministère des affaires étrangères dispose de l'ensemble des moyens d'influence : diplomatiques, commerciaux, culturels, consulaires. Il devient un véritable ministère de l'action extérieure de l'Etat. Le but ? Faire travailler ensemble ces différents réseaux pour améliorer notre attractivité. Bien sûr, cela prendra du temps, et nous ne nous substituons évidemment pas aux entreprises. Relevons tout de même que recevoir à la fois un prix Nobel de littérature et un prix Nobel d'économie n'est pas la marque d'une nation à bout de souffle !
Les moyens d'influence culturelle sont intégralement préservés, qu'il s'agisse des dotations aux instituts français et aux alliances françaises ou des bourses de mobilité étudiante ou d'échanges scientifiques et d'expertise. Je tiens à rendre hommage au travail effectué par Xavier Darcos à la tête de l'Institut français. Son successeur, M. Baudry, jeune et dynamique, n'a pas pour seul talent d'écrire des bandes dessinées, notamment sur le Quai d'Orsay (Sourires) : il a accompli un excellent travail à New York et à Madrid, et bénéficie de toute ma confiance.
Nous poursuivons le renforcement des services des visas, qui doivent être délivrés plus vite et dans de meilleures conditions si nous voulons attirer les touristes. Les résultats sont au rendez-vous : depuis janvier, en Chine, nous délivrons les visas en moins de 48 heures ; le nombre de demandes a augmenté de 40 % à 150 % selon les endroits, à telle enseigne que mon collègue allemand m'a demandé mon secret ! Je lui ai demandé de me poser la question par écrit ... (Sourires) Cela n'a pas été simple à cause de la biométrie, qui impose à chaque demandeur de se rendre dans nos locaux. Il faut donc déployer de nombreuses stations biométriques. J'ai signalé à mon collègue du budget que pour avoir plus de visiteurs, il faut accroître le nombre de visas délivrés, alors que nous avons un plafond d'emplois. Pourtant, la délivrance de visas est l'un des rares emplois publics qui rapportent de l'argent ! J'ai donc fait des propositions originales au ministère des finances sur ce point. Le nombre de visas délivrés a augmenté, au premier semestre 2014, de 30 % en Inde, de 44 % en Chine, et même de 126 % dans certains pays du Golfe ! Je souhaite que le nombre total de visas passe de 2,5 millions à 5 millions en 2020, puisque le nombre de touristes devrait doubler dans les 15 prochaines années.
L'attractivité de la France dépend également de l'efficacité de nos opérateurs. Selon la même règle que pour le ministère, les subventions pour charges de service public qui leur seront versées diminueront de 2 %. Quand c'est possible, les crédits qui portent sur le coeur de leur activité sont maintenus, voire augmentés. Ainsi, les bourses universitaires de Campus France sont préservées et les bourses scolaires données par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) augmentent. Le PLF 2015 marque une étape importante dans la réforme des aides à la scolarité. Le Président de la République a souhaité un système plus juste et s'était engagé à rétablir les montants de crédits de 2012 : ces objectifs ont été atteints. Après une année de mise en oeuvre du nouveau système d'octroi des bourses, la ventilation des crédits semble plus équitable : la progressivité des bourses s'est accrue, et les inégalités entre familles vivant dans des pays différents sont mieux corrigées. Le PLF 2015 prévoit une enveloppe de 125, 5 millions d'euros, ce qui correspond au montant programmé pour 2012. L'effort budgétaire et le même mais la répartition diffère.
Dans le cadre de l'effort de simplification mené par le Gouvernement, le Quai d'Orsay a pris plusieurs mesures simplifiant les rapports des usagers avec l'administration. Les dispositifs mobiles de recueil de demande de passeports biométriques, utilisés dans le cadre de tournées consulaires, en sont un bon exemple. Nous cherchons aussi à alléger et à dématérialiser les procédures lorsque c'est possible.
Le programme 105, qui concerne les contributions obligatoires aux organisations internationales et les opérations de maintien de la paix, représente 17 % du budget du Quai d'Orsay. En 2015, ce sont quelques 416 millions d'euros qui seront versés aux organisations internationales, soit 10,8 millions d'euros, ou 2,5 %, de moins que cette année, malgré la hausse de certaines contributions, notamment à la Cour pénale internationale (CPI). Comment maîtriser l'évolution de ces montants ? Au sein des organisations internationales, nous nous efforçons de stabiliser les budgets. Nous évaluons aussi l'intérêt de notre contribution à certaines organisations. C'est ainsi que j'ai décidé de quitter l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).
Pour les opérations de maintien de la paix, 378, 5 millions d'euros sont prévus en 2015. Deux incertitudes pèsent sur ces prévisions : le calendrier budgétaire de ces opérations chevauche le nôtre et, surtout, de nouvelles décisions peuvent intervenir à tout moment. Nous-mêmes, nous réclamons que l'ONU prenne une part plus active dans certaines de nos opérations.
Bref, le Quai d'Orsay participe à l'effort collectif sans mettre en péril l'essentiel de ses missions, grâce un effort de sélection fonctionnelle et géographique de ses tâches. Les organisations syndicales comprennent parfaitement la situation. Nous les consultons régulièrement, et l'atmosphère est globalement bonne dans mon ministère : tous sont fiers des résultats que nous obtenons et du rayonnement de notre diplomatie. La baisse de nos crédits est un peu compensée par des produits de cessions immobilières, elle pourra l'être encore quelque temps, mais pas indéfiniment !
Nous prenons bonne note de votre exigence de sélectivité dans un contexte budgétaire difficile, et avec un périmètre modifié. Notre commission envisage déjà de conduire une réflexion stratégique qui pourrait vous aider dans votre tâche.
Merci de ces précisions. Nous approuvons l'orientation vers la diplomatie économique que vous imprimez activement à notre réseau. Toutefois, nous constatons une certaine inadéquation des redéploiements d'effectifs auxquels vous procédez avec cet objectif : près de 40 % des effectifs en poste sont en Afrique ou au Moyen-Orient, contre seulement 16 % en Asie. Pourtant, un rapport parlementaire récent avait montré la pertinence d'un redéploiement vers l'Asie du Sud-Est où les opportunités sont nombreuses, notamment pour nos PME. Qu'en pensez-vous ?
Comme dans d'autres ministères - hélas ! - les dépenses d'entretien des bâtiments sont négligées : les agents des postes diplomatiques de New York de Londres ont proposé de financer sur leurs propres deniers les dépenses d'entretien de leurs locaux professionnels ! Des cessions immobilières très importantes se succèdent en ordre dispersé. Certaines sont nécessaires, d'autres sont des crève-coeurs, comme celle du magnifique appartement du représentant de la France auprès de l'ONU... D'autres sont étonnantes : pourquoi la France cède-t-elle des terrains à Pointe-Noire, au Congo, alors que ceux-ci prennent chaque jour de la valeur, compte tenu de l'activité des sociétés pétrolières ? À Vienne, la cession, à un prix discutable, du palais Clam-Gallas, outil extraordinaire de développement culturel, qui abritait le Lycée français et l'Institut français, fait polémique : une pétition a recueilli près de six mille signatures d'Autrichiens et de Français qui ne comprennent pas pourquoi la France cède un tel patrimoine. Pouvez-vous nous préciser les critères de décision en la matière ? Les fonds ainsi récoltés serviront-ils à améliorer l'entretien de notre patrimoine ? Lors d'un récent déplacement à Moscou, nous avons pu constater l'état déplorable de la résidence de France dans ce grand pays...mais c'était avant que ne commencent les travaux actuels.
Quel est votre politique en matière de fermeture des sections consulaires ? Vous avez évoqué la nécessité de garantir la sécurité de nos concitoyens. Pourquoi, alors, fermer les sections consulaires du Népal ou du Cap-Vert, alors que les touristes y sont nombreux ?
A côté de la suppression de 111 postes, la page 4 de la note que vous avez distribuée évoque des départs volontaires et la non-reconduction de contrats à durée déterminée (CDD). S'agit-il également de départs volontaires ? Les postes sont-ils supprimés ? J'avais évoqué avec vous la création d'une task force pour promouvoir la diplomatie économique. Allez-vous faire en sorte que les ministres s'impliquent davantage à l'étranger pour aider nos entreprises à obtenir des marchés ? Récemment, la France a perdu un marché qui a été remporté par la Corée, grâce à la venue du ministre et à la présence d'une forte délégation.
Je suis entièrement d'accord avec M. Cambon sur la nécessité d'un redéploiement de notre réseau vers l'Asie. Mais les transferts de postes ne peuvent se faire que progressivement. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) rassemble des pays moyens et grands, dont la population cumulée atteint 650 millions d'euros, qui ont un très grand voisin, la Chine, et apprécient donc beaucoup un pays indépendant comme la France. J'ai demandé à M. Varin, ancien dirigeant de Peugeot, de développer nos relations avec ces pays.
Quels sont les critères des cessions immobilières ? Nous nous efforçons de rationaliser notre parc en regroupant, en mutualisant, en relocalisant si nécessaire, et en améliorant les ratios d'occupation. Nous veillons à la valorisation de nos biens en prenant l'avis de professionnels du marché immobilier, afin de ne pas reproduire certaines erreurs du passé, où des biens ont été vendus à des prix contestables parce que l'ordre en avait été donné depuis Paris. Quant à l'appartement new-yorkais que vous évoquez, il a été vendu au prix de 70 millions de dollars! C'est vrai que certaines cessions sont des crève-coeurs, mais il faut regarder le bas de la feuille. Nous suivons un programme, en tenant compte de la situation du marché. Pour autant, je suis revenu sur les orientations qui avaient été prises à propos de la Maison de France à Berlin.
Parmi les sections consulaires, nous n'avons supprimé que des postes de présence diplomatique, dont les compétences ont été transférées sans grande difficulté aux postes de rattachement. Les CDD supprimés correspondent à des fins de contrat : il y aura 75 suppressions en 2015. Dans les postes réduits, nous mettons fin à des contrats à durée indéterminée (CDI) de recrutés locaux, en assurant à chacun un traitement individualisé lui offrant le choix entre pécule, autre emploi et retraite.
S'il suffisait du long séjour d'un ministre pour obtenir des marchés, je proposerais au Président de la République d'en nommer des dizaines à cet effet ! Mais il n'y a pas de corrélation directe, ni positive, ni négative... L'exemple que vous avez cité révèle un travers de nos entreprises, qui ont tendance à croire qu'il leur suffit de se rendre une ou deux fois chez leurs clients pour remporter un marché. La Corée a obtenu récemment un marché nucléaire très important car ses entreprises avaient implanté dans le pays concerné une équipe considérable pendant un an...
Vous avez raison : le rôle de l'administration est d'aider les entreprises. Nous nous efforçons de nous déplacer, et nos représentants spéciaux font un travail remarquable. Récemment, en Mongolie - pays magnifique, qui considère la France comme son troisième voisin - le Président de la République m'a reçu dans son palais, sous une yourte, et m'a déclaré que son pays n'avait pas reçu de représentant français de ce niveau depuis Saint Louis ! Pour autant, la politique ne remplace pas l'économie et les affaires. Elle peut apporter un avantage, notamment dans les marchés de souveraineté, à condition que l'offre soit concurrentielle et assortie d'un financement compétitif. C'est sur ce dernier point que nous sommes souvent dépassés par nos concurrents. Nous devons donc renforcer notre offre de financement à l'export. Et comme on a diminué le nombre des ministres, ils doivent voyager davantage...
Le nombre de bourses accordées par le Gouvernement français aux étudiants étrangers n'a cessé de diminuer au cours des dernières années. L'enveloppe budgétaire affectée à cet instrument, de 58,9 millions d'euros en 2013, a été réduite de 15,5 % entre 2012 et 2013, ce qui est peu compatible avec le développement de l'attractivité et du rayonnement de la France ! Quelles sont vos intentions en la matière ?
N'oublions pas la diplomatie parlementaire ! Nous sommes quelques-uns à être membres du Conseil de l'Europe. Je vous recommande de veiller aux moyens cette institution, qui siège à Strasbourg et regroupe des parlementaires de 47 pays. L'une de ses institutions satellites, le Centre Nord-Sud, qui siège à Lisbonne, est appelée à jouer un rôle stratégique dans l'accroissement des interactions entre l'Europe et l'Afrique. Ce n'est donc pas le moment de diminuer ses crédits ! J'espère qu'il n'est pas trop tard pour intervenir en sa faveur.
Elu de Loire-Atlantique, je m'intéresse à la société OCEA, qui se heurte pour exporter à des difficultés venues de l'intérieur de notre pays ! Il s'agit de la vente de bateaux de garde-côtes aux Philippines, pour un montant de 90 millions d'euros. N'oublions pas que c'est le client qui doit avoir le dernier mot. Je sais que vous avez pris position en faveur de cette entreprise. Elle a besoin de votre aide : la Coface doit être une assurance, pas un outil politique au service d'industries liées à l'Etat.
Si l'amélioration des procédures de délivrance des visas de tourisme est en effet satisfaisante, elle ne doit pas masquer les difficultés qui persistent. Dans les pays du pourtour méditerranéen, les demandeurs doivent parfois revenir trois, quatre ou cinq fois dans nos locaux, ce qui représente un coût important pour des personnes démunies. Ne pourrions-nous pas simplifier la procédure ?
Au retour d'un voyage en Libye, nous avions appelé l'attention sur l'importance du renforcement de la sécurité de nos implantations. Trois semaines plus tard, notre ambassade a sauté ! Vous parlez d'évolution vers la diplomatie économique, mais certains ambassadeurs que nous avons rencontrés ne considéraient pas cela comme une priorité...
Ce que vous avez dit des visas me fait penser à la situation de Mayotte, qui est inacceptable : des moyens considérables sont consacrés à l'interception d'un flux migratoire incessant, sans réel succès. Ne devrions-nous pas alléger nos procédures de délivrance de visas sur cette zone ? Nos relations diplomatiques avec les Comores ne pourraient-elle contribuer à mettre un terme à cette situation ?
Le programme 105, consacré aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, représente 17 % de votre budget. Ses crédits sont en diminution de 5,1 %. Cette baisse importante ne risque-t-elle pas d'entraver notre capacité à tenir nos engagements internationaux et à tenir toute notre place dans les opérations de maintien et de rétablissement de la paix, qui risquent de se multiplier ?
Vous avez raison de donner à notre action diplomatique une impulsion économique. Il y a quelques mois, en Iran, j'ai pu voir que General Motors faisait de la publicité pour ses voitures alors que Peugeot n'avait pas le droit d'en construire ni d'en assembler sur place. Airbus ne peut pas vendre en Iran, mais Boeing y a une délégation très importante, et les Etats-Unis vendent des pièces d'Airbus à l'Iran... Pourrions-nous retrouver de l'indépendance par rapport à cet embargo inspiré par les Américains ?
Lors d'une visite La Haye, j'avais été surpris par le coût de fonctionnement de la CPI. Vous proposez d'augmenter la contribution de la France à son budget. Ne faudrait-il pas y regarder de plus près ?
Le PLF 2015 consacre 71,6 millions d'euros aux bourses universitaires : c'est le même montant que l'an dernier, il correspond à 14 000 bourses du Gouvernement français, auxquelles s'ajoutent 100 millions d'euros de bourses cofinancées par des gouvernements étrangers.
Je prends note de votre remarque sur le Conseil de l'Europe ; cet organisme bénéficie déjà d'une des plus importantes contributions obligatoires, d'un montant de 35,2 millions d'euros.
Je connais le projet d'exportation aux Philippines que vous avez évoqué. J'ai en effet pris une position favorable : j'espère qu'elle prévaudra.
Il faut absolument recevoir correctement toute personne qui demande un visa, que celui-ci soit ensuite attribué ou non. La politique des visas, elle, doit tenir compte du risque migratoire, notamment dans les pays du pourtour méditerranéen, et développer notre attractivité, en encourageant les étudiants, les chercheurs et les touristes à venir en France. Vous serez bientôt saisis du projet de « passeports-talents ». Pour les étudiants, il faut mettre un terme au renouvellement annuel des visas.
Le problème de Mayotte est très grave, et n'a toujours pas trouvé de solution malgré d'innombrables rapports et le déplacement du Président de la République. Son coût humain et financier est considérable.
L'emplacement de notre ambassade en Libye convenait tant qu'il n'y avait pas de problème de sécurité, mais est devenu absurde ensuite : une petite rue la longeait, dans laquelle il était facile de garer une voiture chargée d'explosifs... Heureusement que l'explosion a eu lieu tôt le matin ; elle aurait pu causer davantage de dégâts humains et matériels.
Il est très difficile d'évaluer le coût des futures opérations de maintien de la paix. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas diminuer leur budget en-dessous d'un certain niveau sans perdre une partie de notre influence. La France dépense beaucoup d'argent pour financer des opérations qui profitent non à sa propre sécurité, mais à celle de l'Europe. Hormis l'Angleterre et l'Allemagne, les autres pays d'Europe ne peuvent en dire autant...
Nous respectons les sanctions imposées à l'Iran dans le cadre de la négociation sur le nucléaire. La prochaine échéance est fixée au 24 novembre. Sera-t-elle respectée ? Je ne sais. Je comprends bien que, pour les entreprises, un tel contexte est imprévisible. Il en va de même en Russie, où la France est devenue le deuxième investisseur, et où les entreprises voudraient savoir ce qu'il va advenir des sanctions.
Notre contribution au budget de la CPI est en effet considérable, mais il s'agit d'une dépense obligatoire dès lors que son budget a été voté.
Merci, Monsieur le ministre.
La réunion se termine à 13 h 10
La réunion est ouverte à 16 heures.
La commission désigne les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2015 :
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement M. Henri de Raincourt (UMP-Ratt.) Mme Hélène Conway-Mouret (SOC) Défense 144 - Environnement et prospective de la politique de défense M. André Trillard (UMP) M. Jeanny Lorgeoux (SOC) 178 - Préparation et emploi des forces M. Yves Pozzo di Borgo (UDI-UC) Mme Michelle Demessine (CRC) 212 - Soutien de la politique de défense M. Robert del Picchia (UMP-Ratt.) M. Gilbert Roger (SOC) 146 - Equipement des forces et
402 - Excellence technologique des industries de défense M. Jacques Gautier (UMP)
Xavier Pintat (UMP) M. Daniel Reiner (SOC) Direction de l'action du Gouvernement 129 - Coordination du travail gouvernemental M. Jean-Marie Bockel (UDI-UC) M. Jean-Pierre Masseret (SOC) Compte de concours financier : avances à l'audiovisuel public 844 - France Médias Monde et
La réunion est ouverte à 16h30.
Je suis heureux d'accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, pour la présentation des crédits dont il a la responsabilité dans le projet de loi de finances pour 2015.
Monsieur le Ministre, je vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission, dans sa composition renouvelée la semaine dernière ; comme mon prédécesseur, Jean-Louis Carrère, je me félicite de la qualité des relations de notre commission avec votre ministère.
Dans les semaines qui viennent, nous allons procéder aux auditions d'usage sur le projet de loi de finances. Nous avons commencé ce matin même, en entendant votre collègue, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius. Il était normal que nous vous entendions, vous aussi, au tout début de ce processus, alors que le budget de la défense, pour l'année prochaine, est notoirement sous tension - plus encore, peut-être, qu'il ne l'a été cette année.
Ce budget 2015 constituera la deuxième annuité de la loi de programmation militaire (la « LPM ») pour 2014-2019. Certes, il se présente conformément à cette programmation et aux décisions du Président de la République, dans la mesure où il prévoit la reconduite du budget prévu en 2014, soit 31,4 milliards d'euros - montant hors pensions, mais ressources exceptionnelles comprises.
De même, le projet de loi de programmation des finances publiques - autre texte que nous aurons à voter cet automne - retient un budget triennal, pour 2015, 2016 et 2017, qui est conforme aux prévisions de la LPM - soit, au total pour ces trois ans, 94,3 milliards d'euros, hors pensions mais, là encore, en tenant compte des ressources exceptionnelles.
Or, dans la prévision budgétaire, la part de ces ressources exceptionnelles - ces « REX », qui sont essentielles pour réaliser le programme d'équipement de nos armées -, a été augmentée de 500 millions d'euros chaque année, de 2015 à 2017, en compensation d'une réduction de même niveau des crédits budgétaires. C'est ainsi en particulier que, l'année prochaine, les REX devraient représenter 2,3 milliards d'euros, dont la majeure partie (2,1 milliards) est supposée provenir des cessions de fréquences hertziennes.
Pourtant, ce produit ne sera vraisemblablement pas disponible à temps, comme l'a constaté notre commission, en juillet dernier, à l'occasion des contrôles sur pièces et sur place qu'ont menés, notamment, nos collègues Jacques Gautier et Daniel Reiner, ce qui a constitué une innovation de méthode que l'on doit à l'initiative de notre commission...
Avec le soutien du ministre de la défense.
C'est vrai. Nous craignons, cependant, que le Gouvernement n'ait remplacé 500 millions de crédits certains par des ressources, les REX, bien plus hypothétiques...
Vous avez annoncé la mise en place d'une ou de plusieurs sociétés de projet, qui seraient financées en partie par l'État, à partir du produit de cessions de participations financières, et en partie par des investisseurs privés ; ces sociétés rachèteraient puis loueraient, au ministère de la défense, des équipements militaires. Ce mécanisme est destiné à mobiliser effectivement les REX prévues pour 2015-2017. C'est là tout le voeu que forme notre commission, Monsieur le Ministre, à une heure où notre outil de défense est particulièrement sollicité.
Nous espérons donc que vous pourrez nous apporter des précisions sur le dispositif envisagé et, plus généralement, nous donner l'assurance que le budget dont vous disposerez, sans perdre de vue le nécessaire redressement de nos finances publiques, sera à la hauteur des besoins de protection de nos concitoyens et des responsabilités internationales de notre pays.
Je vous remercie chaleureusement pour votre accueil et salue l'ensemble de votre commission, avec laquelle j'entretiens des relations de grande confiance qui se conjuguent avec une franche convivialité - un alliage qui autorise chacun ici à parler librement, donc à mieux travailler avec les autres et ensemble ; mon action au gouvernement en porte la marque.
Elaboré dans un contexte de crise, ce budget 2015 est effectivement celui de la deuxième annuité de la LPM, laquelle concilie autonomie stratégique et souveraineté budgétaire et se focalise sur trois grandes missions : la capacité de notre armée à protéger notre territoire et notre population, la dissuasion nucléaire contre des menaces visant nos intérêts vitaux, la possibilité de se projeter militairement à l'extérieur lorsque c'est nécessaire à notre sécurité ou au respect de nos engagements internationaux. J'ai coutume de dire que cette LPM est d'équilibre, parce qu'elle répartit harmonieusement nos efforts entre ces trois grandes missions, mais aussi parce qu'elle permet à l'ensemble de l'édifice de se maintenir, entre ambitions et efforts. Il en va de la crédibilité de notre action, autant que de notre capacité à réaliser les contrats opérationnels que nous engageons.
Des voix avaient déploré, lors de l'adoption de cette loi de programmation, le fait que nous n'aurions pas choisi une option claire entre les différentes composantes de notre défense ; je crois que les faits nous ont donné raison et que nos choix de maintenir l'essentiel de nos capacités étaient les bons, car nous les avions faits au regard des menaces que nous avions identifiées dans le Livre blanc et qui, hélas, sont devenues des réalités.
J'avais ciblé trois grands risques principaux : le terrorisme djihadiste, on sait ce qu'il en est advenu dans une large bande territoriale courant du Waziristan à la Mauritanie, où l'on peut craindre désormais que les différentes poches terroristes ne s'agrègent ; les menaces de la force, ensuite, qui se sont avérées en Ukraine, illustrant la montée des tensions territoriales aux portes même de l'Union européenne ; les risques de la faiblesse, enfin, celle d'Etats en faillite qui deviendraient le creuset de tous les trafics et de guerres : c'est désormais une réalité en Centrafrique, par exemple.
Cette année, nous avons fait évoluer notre dispositif militaire au vu des crises, tout particulièrement dans le Golfe et dans la zone sahélo-sahélienne : je ne ferai ici que mentionner l'opération « Barkhane », que j'ai lancée le 1er août dernier pour disposer de forces de réaction plus rapides contre le terrorisme ; nous avons poursuivi la mutation de nos forces pré-positionnées en Afrique, avec deux bases opérationnelles avancées, Abidjan et Djibouti, et des pôles opérationnels de coopération, à Dakar et Libreville.
S'agissant des programmes, je peux déjà vous dire que, d'ici à la fin de cette année, auront été lancés ou commandés le quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda, le missile balistique M51 de nouvelle génération, ainsi qu'un avion ravitailleur MRTT ; de même, le programme Scorpion, qui renouvelle très largement l'équipement de notre armée de terre, sera effectivement commandé. L'an prochain, notre effort se concrétisera par des commandes supplémentaires, en particulier les satellites CERES - pour une entrée en activité prévue en 2020 -, les MRTT, un deuxième système de drones de type Reaper, ou les bâtiments de soutien et d'assistance hauturier (BSAH). Nous recevrons la livraison de quatre avions A400M, huit hélicoptères NH-90, onze avions Rafale, quatre hélicoptères Tigre, une frégate multimission (FREMM) et 25 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI).
L'an prochain, nous poursuivrons également la réforme de la gouvernance du ministère, avec cinq axes principaux : la réorganisation de la gestion des ressources humaines ; l'organisation de la chaîne financière ; l'organisation des soutiens en bases de défense ; le maintien en condition opérationnelle ; enfin, les relations internationales et stratégiques. Nous progressons sur chacun de ces axes et j'ai mis en place 31 projets pour améliorer la gouvernance du ministère, qui concernent tous les domaines. Cette réforme importante est indispensable pour atteindre nos objectifs de déflation : nous devons supprimer quelque 25 000 postes supplémentaires, j'ai défini comme règle que ces suppressions ne portent que pour le tiers sur des postes opérationnels, les deux autres tiers devant être trouvés sur des postes de soutien et d'administration, grâce à une meilleure gouvernance.
Ce budget, conforme au triennal, respecte donc les orientations de la LPM : nous sommes sur la trajectoire des 94,3 milliards d'euros sur trois ans. Vous savez quelle a été, au printemps dernier, la teneur de ma négociation avec Bercy pour parvenir à ce budget conforme à la LPM. Le Président de la République en a garanti la pérennité du périmètre, s'engageant à ce que 31,4 milliards d'euros figurent au budget 2015, ce qui permet de tenir tous nos engagements, y compris le renouvellement capacitaire.
Une question se pose, cependant, sur les recettes exceptionnelles, les REX, dès lors qu'elles viennent abonder quelque 500 millions d'euros de dépenses en 2015 comme en 2016 et 2017 en lieu et place de crédits budgétaires : vous l'avez parfaitement souligné, Monsieur le Président.
Les recettes exceptionnelles sont réglées par l'article 3 de la LPM et par le point 5.1 de son rapport annexé ; y figurent des cessions immobilières - pour 200 millions d'euros -, des fonds du Programme d'investissement d'avenir, le PIA - pour 1,8 milliard d'euros cette année -, le produit de la vente de la bande des 700 mégahertz, le produit de la cession d'autres actifs, de toute nature, mais aussi une clause de sauvegarde, inscrite à votre initiative. Le produit de la vente de la bande des 700 mégahertz devait, dans la trajectoire budgétaire, intervenir dès 2015 : je sais que ce délai ne sera pas tenu, quoiqu'on m'en ait trop longtemps dit.
Reste, sachant qu'un nouveau PIA est fort peu probable, à regarder du côté de la cession d'actifs, mais aussi à innover financièrement : c'est la voie que j'ai choisie, avec le soutien explicite du président de la République, alors que cette solution avait été refusée à Mme Alliot-Marie. C'est inédit : il s'agit, à partir de la cession d'actifs, de constituer des sociétés de projet qui, en attendant l'arrivée, notamment, du produit de la vente de cette bande 700 mégahertz, achèteraient des capacités militaires et les loueraient au ministère de la défense ; nous travaillons sur cette solution, j'espère que les industriels français s'y joindront, nous pourrions parvenir à une solution pour l'automne 2015.
Dans ces conditions, fort de l'engagement présidentiel pour 31,4 milliards d'euros et pour cette innovation des sociétés de projet, je n'ai plus d'inquiétude sur les REX ; ce qui n'enlève rien à ma vigilance ni à ma détermination - et je sais pouvoir compter sur les vôtres.
Dans ce budget, ensuite, j'ai hissé au premier rang des priorités le maintien en condition opérationnelle (MCO), car nous constatons que le niveau baisse et que nos troupes doivent pouvoir s'entrainer davantage ; c'est pourquoi les crédits du MCO progresseront de 4,3% par an pendant le triennal, 4,5 en 2015, c'est nécessaire pour atteindre les normes OTAN. Les révélations récentes sur l'état de l'armée allemande ont montré combien ce problème de l'opérationnalité n'était pas propre à la France. Les améliorations passent également par des réorganisations : chacune de nos armées a son propre dispositif de MCO pour ses avions et hélicoptères, avec d'importantes pertes en ligne ; j'ai demandé que le chef d'état-major de l'armée de l'air soit responsable opérationnel de l'ensemble du MCO « Air » : ce changement est très utile et, comme vous l'imaginez, il a demandé un important travail de préparation.
Autre grande priorité, l'équipement de nos forces, la recherche et l'innovation technologique. Je sanctuarise ainsi les 740 millions de crédits consacrés à la recherche et aux études, et les crédits d'acquisition passent de 16,4 à 16,7 milliards d'euros.
Enfin, toujours parmi les grandes priorités, la cyber-défense et le renseignement : nous faisons porter l'effort sur le recrutement de spécialistes, le recueil et le traitement du renseignement, lequel est devenu indispensable à l'autonomie stratégique ; nous avons la capacité d'être au tout premier rang européen dans ce secteur, il nous faut accentuer nos investissements.
Un mot sur les opérations extérieures, les OPEX. La loi de finances initiale pour 2014 prévoyait 450 millions d'euros, les dépenses avoisinent le milliard ; est-ce à dire que le budget était insincère ? Non, parce qu'en septembre 2013, lorsque nous vous l'avons présenté, notre perspective était au repli en Afghanistan, au Kosovo, au Mali... puis les crises nous ont fait intervenir au Centrafrique, prolonger une présence dense au Mali, ou encore déployer une présence plus large dans la zone sahélo-sahélienne, avec l'opération Barkhane.
Quelques remarques, enfin, sur les restructurations et les questions de personnel. La LPM implique la suppression de 7500 postes en 2015, je vous ai dit ma décision de n'en prélever qu'un tiers, soit 2500, sur l'opérationnel, le reste devant être trouvé dans la réforme, les économies de gestion, les regroupements, y compris dans la réforme régimentaire que nous lançons et qui tient compte des enseignements en opérations. Je le répète à l'état-major et aux personnels : notre action consiste à appliquer « toute la LPM, rien que la LPM », en ce sens que les garanties apportées à notre budget ne sauraient se passer des économies auxquelles nous nous sommes engagés. Je ferai des annonces demain, avec une liste précise des restructurations décidées ; nous avons travaillé pour préserver au mieux l'opérationnel, mais il faut bien supprimer des postes, il y a quelques dossiers difficiles. Les outils d'accompagnement sont mobilisés pour les sites qui le nécessiteront, nous prévoyons d'y consacrer 150 millions d'euros l'an prochain.
Un mot particulier sur la restructuration du service de santé des armées, qui a fait parler d'elle, notamment la perspective de fermer l'hôpital du Val-de-Grâce. Il faut savoir que cet hôpital n'a pas fait l'objet de travaux d'infrastructures depuis 1976 et qu'il nécessite plusieurs centaines de millions d'euros d'ici 2020 pour être modernisé ; or, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas indispensable à l'offre de soins militaires, déjà assurée par les hôpitaux Bégin et Percy, ni à l'offre civile, dont le centre de Paris est en réalité déjà bien pourvu. Les chiffres sont éloquents, c'est pourquoi la fermeture est envisageable, ce qui n'interdirait pas de promettre les bâtiments historiques du Val-de-Grâce à une nouvelle vocation, par exemple la formation, la recherche ou d'autres fonctions tertiaires du service de santé des armées.
Dernière remarque, sur l'amélioration des conditions de vie quotidienne des unités. A la suite des constats que j'avais faits sur la détérioration matérielle de ces conditions de vie, j'ai initié un plan d'urgence de 30 millions d'euros et fait réaliser une étude complète sur les défauts majeurs d'infrastructures ; cette étude a identifié 700 « points noirs » dans les infrastructures, chiffrant leur résorption à 560 millions d'euros ; pour avancer, nous engagerons l'an prochain 310 opérations d'urgence, pour un montant de 70 millions, avec obligation pour les services de réparer dans l'année les équipements défectueux visés par la subvention.
Je salue votre transparence et votre engagement personnel pour les crédits de la défense et l'application de la LPM : nous sommes à vos côtés dans ce combat ! Je tiens également à rendre hommage à tous les hommes et à toutes les femmes qui, avec un très grand courage et avec efficacité, s'engagent pour défendre notre pays.
Première remarque, nous sommes favorables à l'achat de drones américains, même si les modèles que nous achetons ne sont en service dans l'armée américaine que depuis une année : nous en avons besoin, il faut faire vite.
S'agissant des REX, s'il n'y a effectivement pas lieu de s'inquiéter pour les cessions immobilières ni les redevances des fréquences hertziennes déjà vendues, le pessimisme l'emporte sur le dossier de la bande des 700 mégahertz : les opérateurs télécoms manquent de moyens, l'année 2018 paraît même difficile à tenir. Vous proposez une solution innovante avec la société de projet, c'est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier les faiblesses de ce type de société - ce qui n'enlève rien au mérite que vous avez eu de l'emporter en particulier face aux réserves appuyées de Bercy et de l'Inspection générale des finances : bravo !
J'ai même un arbitrage écrit du président de la République...
Cependant, quels seront les actifs cédés ? Sur quels programmes ? L'A400M, par exemple, sera-t-il impacté ?
Ensuite, où en est la réforme du statut de la DGA ?
A mon tour, je salue vos efforts et votre opiniâtreté, Monsieur le Ministre, ainsi que le respect de la LPM par le Président de la République et le Premier ministre, en dépit des grandes difficultés budgétaires que nous connaissons. Même chose pour le MCO et l'entretien programmé des matériels : nous savons que les difficultés remontent à bien des années, que d'autres armées en connaissent également, on le voit en Allemagne ; vous en prenez la mesure, vous agissez, sans méconnaître les analyses du Livre Blanc : nous ne pouvons que nous en féliciter.
Un mot, ensuite, sur le rapport d'information que nous avons consacré, avec Jacques Gautier et Gérard Larcher, au renforcement des forces spéciales françaises ; nous y constations en particulier les difficultés opérationnelles de certains matériels dans des conditions climatiques difficiles, comme au Sahel ; l'hélicoptère Caracal, par exemple, s'est avéré peu adapté, impliquant un changement de moteur trop fréquent, des coûts de maintenance trop importants. Il en a été tenu compte par les industriels concernés : vraisemblablement, notre intervention a été utile.
Nous sommes très attachés au lancement du programme Scorpion, l'armée de terre attend le remplacement de bien de ses matériels. Pouvez-vous nous préciser la teneur du programme et son calendrier : en êtes-vous aux consultations, ou bien avez-vous commencé à passer commande ? Pour quels matériels ? Dans quel calendrier, en particulier pour 2015 ?
Je salue, enfin, la livraison d'un deuxième MRTT l'an prochain : j'avais compris qu'un seul serait livré...
Un seul sera effectivement commandé cette année, 8 autres le seront l'année prochaine ...
C'est plus clair, merci !
Où en est, enfin, l'exportation de missiles Milan vers le Qatar, que l'Allemagne a récemment bloquée?
Monsieur le ministre, merci pour la clarté de votre propos, tout comme pour votre engagement au service de la défense nationale.
Le spatial prend une place toujours plus considérable dans le fonctionnement de nos armées, des programmes importants s'y consacrent, je pense en particulier aux satellites Syracuse ou Hélios ; cependant, ces moyens sont-ils à la hauteur des besoins et des attentes de nos armées ? Sans nous comparer au géant en la matière, les Etats-Unis, tenons-nous notre rang face à des pays comme la Grande-Bretagne, la Russie ou la Chine ?
Par ailleurs, la restructuration du service de santé des armées semble promettre le Val-de-Grâce à la fermeture : quel sort sera réservé aux huit autres hôpitaux militaires, en particulier à l'hôpital Robert Picqué, en Gironde ?
L'achat d'un deuxième jeu de trois drones est effectivement une priorité ; je note que cet achat « sur étagère » aux Américains a quelque peu accéléré la mobilisation de nos industriels dans ce secteur.
Sur les REX, ensuite, nous avons obtenu le fléchage « défense » du produit de la vente de la bande de fréquence des 700 mégahertz : c'est déjà une bonne chose ; ensuite, je ne saurais vous dire quels actifs pourraient être cédés aux sociétés de projet que nous envisageons de constituer : nous y travaillons, plusieurs options existent, je serai transparent avec vous.
Nos exportations militaires se portent bien, avec une prise de commandes en progression de 43 %, nous sommes dans le haut du spectre, avec des réussites exemplaires ; sur le Milan, les choses progressent, mais lentement, au gré de la négociation avec nos partenaires.
La restructuration du service de santé des armées fait l'objet d'un document écrit, le projet « SSA 2020 », qui, s'il ne mentionne nullement la fermeture possible du Val-de-Grâce - nous n'avons eu les chiffres précis qu'après l'élaboration de ce document -, envisage de repositionner les hôpitaux militaires sur des missions complémentaires, en fonction de l'offre de soins globale de l'armée et de l'offre locale civile ; les huit hôpitaux militaires autres que le Val-de-Grâce seront donc maintenus, même s'ils devront s'adapter au projet d'ensemble.
En matière spatiale, nous sommes performants et les choses progressent ; nous nous orientons vers trois satellites d'imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l'observation, du projet MUSIS, dont la réalisation d'ensemble fait aussi appel à l'accord des Allemands, des Belges, des Espagnols, des Grecs et des Italiens : nous y travaillons. De même, nous lançons le programme CERES, qui devrait être opérationnel pour 2020 et, l'an prochain, nous lancerons le programme de télécommunications militaires par satellite Comsat NG, pour une mise en service prévue en 2021. Ces moyens sont devenus nécessaires, car la force d'un pays est désormais fonction de sa capacité de renseignement.
Si demain l'établissement principal des munitions « Centre » établi à Salbris, dans le Loir-et-Cher, devait être restructuré, appelé à se regrouper avec un autre, à quel interlocuteur devrions-nous nous adresser pour négocier un plan de reconversion ?
La perspective d'une fermeture du Val-de-Grâce inquiète les personnels de cet établissement et au-delà, on ne voit pas clairement quelle stratégie le ministère poursuit pour le Service de santé des armées ; le moins qu'on puisse dire, c'est que l'information ne passe pas, ou mal.
Le Livre blanc faisait l'esquisse d'une Europe de la défense qui apparaît, à l'épreuve des crises, de plus en plus comme un mirage ; car enfin, la France s'engage, nos dépenses s'élèvent à un milliard d'euros pour les OPEX au lieu des 450 millions prévus, quand d'autres pays, tout autant menacés que nous puisque la menace est globale, participent bien moins, voire pas du tout : ne peut-on pas répartir les dépenses plus équitablement entre pays ?
Quel vous paraît le rapport de force, au sein de l'OTAN, pour les relations avec la Russie ? De manière connexe, quelles suites donner aux propos du chef d'état-major américain incitant les Européens à passer de la réassurance, à « l'auto-assurance » ? Quel bilan faites-vous, enfin, de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ?
Où en est l'exportation des navires Mistral à la Russie ? La France livre-t-elle des armes aux Kurdes de Syrie, en particulier des lance-roquettes ? Quel vous paraît, enfin, la probabilité que des syndicats voient le jour dans l'armée ?
Monsieur le Ministre, vous ne nous dites rien du logiciel de paie Louvois, en service dans l'armée et dont la Cour des comptes a dressé un bilan très sévère et tout à fait justifié : est-ce à dire que le problème est réglé ?
Dans le programme 144, ensuite, si je note l'évolution positive des crédits pour le renseignement, je m'inquiète de voir ceux aux études amont reculer de 8 %, et ceux de la prospective, de 18 % : disposerez-vous de moins de moyens pour les études amont ?
Dans le rapport qu'elle vient de rendre public sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires, la Cour des comptes suggère de réorganiser l'outil de stockage et de gestion des matériels, d'en diminuer l'hétérogénéité ainsi que le nombre de sites de stockage ; elle souligne les difficultés très concrètes liées au nombre très important de pièces de rechange, s'interrogeant finalement sur l'avantage qu'il y a à conserver des matériels dont le coût d'entretien est très important, plutôt que de commander de nouveaux équipements qui intègrent le MCO dès leur fabrication : qu'en pensez-vous ?
Au vu du développement rapide et alarmant des conflits du Proche-Orient au Liban, vous paraît-il souhaitable et envisageable, que la France envoie des armes à l'armée libanaise ?
Si le site interarmées de munitions de Salbris devait être regroupé avec un autre, Monsieur Lorgeoux, votre interlocuteur naturel serait le préfet, ainsi que le délégué à l'accompagnement des restructurations au sein du ministère de la défense.
Je suis surpris, Monsieur Pozzo di Borgo, de vous entendre dire que les personnels du Val-de-Grâce seraient inquiets pour leur avenir, les réunions que j'ai tenues n'ont pas eu cette tonalité, mais j'en prends bonne note - l'information et la communication sont toujours perfectibles. Il faut bien comprendre que nous nous plaçons du point de vue du service médical offert aux militaires et aux civils, considérant les dépenses à engager pour la rénovation de cet hôpital. Notre Service de santé des armées est de très grande valeur, c'est un atout pour nos armées, un facteur essentiel d'engagement pour les soldats, qui savent pouvoir être rapatriés et soignés dans les meilleurs délais en cas de problème.
Je suis parfaitement d'accord avec vous, Monsieur Néri, l'effort est mal réparti entre les nations contre la menace globale du terrorisme. Il faut savoir aussi que, même pour les opérations décidées à l'échelon européen, la participation du budget européen est plafonnée à 10 % des dépenses tandis que chaque Etat contributeur prend à sa charge 90 % des dépenses liées à sa contribution à une action européenne : c'est un fait politique.
L'OTAN, Monsieur Masseret, me paraît avoir trouvé les réponses justes face aux tensions à ses frontières ; alors qu'il y un an, on se demandait quel pourrait être l'ordre du jour du Sommet de Newport, le moins qu'on puisse dire est que le travail y a été intense ; nous avons, collectivement, décidé de renforcer la réactivité des forces de l'OTAN, c'est une décision importante où la France a joué un rôle de premier plan. Notre présence au sein du commandement intégré est décisive, stratégique, et je peux dire que les choses se passent bien, la France a toute sa place et elle est respectée dans l'organisation - car son instrument de défense lui permet de participer pleinement aux missions de l'Alliance, avec un haut niveau de réactivité.
Pour la livraison des navires Mistral, Monsieur de Montesquiou, le président de la République prendra sa décision à la mi-novembre ; jusqu'à présent, il n'y a eu ni rupture, ni suspension, le contrat se déroule normalement ; mais le président de la République a été très clair lors du sommet de l'OTAN à Newport en déclarant que s'il devait signer immédiatement l'accord de livraison, il ne le ferait pas, précisant qu'il faudrait qu'un cessez-le-feu soit instauré dans l'est de l'Ukraine et qu'un règlement politique soit trouvé à la crise pour que la livraison soit faite ; la situation évolue, le président de la République prendra sa décision en novembre.
Je puis vous dire, ensuite, que la France ne livre pas d'armes aux Kurdes de Syrie du parti de l'union démocratique (PYD).
Quant à la syndicalisation de l'armée, elle n'est pas à l'ordre du jour, même si nous réfléchissons aux suites de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme sur la liberté d'association.
Le système de paie Louvois, Monsieur Trillard, est encore en vigueur quoique les pannes en soient irréparables, nous travaillons à son remplacement mais le nouveau logiciel n'est pas encore opérationnel : j'espère que nous y parviendrons au plus vite.
Madame Demessine, je partage très largement l'avis de la Cour des comptes sur le MCO, la réforme en cours en porte du reste la marque : ce rapport est accablant, mais il est juste.
Enfin, Madame Kammermann, il ne faudrait pas que la France soit accusée d'un péché qu'elle n'a pas commis : le président de la République et le roi d'Arabie Saoudite se sont mis d'accord, en décembre, pour un montant de 3 milliards de dollars de livraison d'armes au Liban, nous avons fait des propositions, elles ont été validées - nous n'attendons plus que la signature des autorités saoudiennes.