Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 22 octobre 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • militaire
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La réunion

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La commission auditionne le général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2015 (mission « Défense »).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je souhaite la bienvenue au général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, qui connaît bien notre commission et son éthique de responsabilité. Le ministre de la Défense nous a parlé à coeur ouvert, la semaine dernière, de son budget pour 2015, des sujets qui exigent notre vigilance, et de sa détermination. Vous nous donnerez aujourd'hui votre éclairage sur cette deuxième annuité de la loi de programmation militaire pour 2014-2019, dont l'équilibre est serré. La part importante que doivent y occuper les « ressources exceptionnelles », ces fameuses REX, nous inquiète, malgré les arbitrages du Président de la République et la confiance manifestée par le ministre de la défense.

Nous souscrivons aux priorités de ce budget : l'amélioration du maintien en condition opérationnelle (MCO), dont les crédits doivent augmenter en continu sur la durée de la loi de programmation ; le maintien de la disponibilité des moyens pour l'acquisition de nouveaux matériels ; la sanctuarisation des crédits de recherche et technologie ; la cyberdéfense. Le projet de budget traduit aussi les efforts de déflation d'effectifs inscrits dans la loi de programmation, avec le plan de restructurations rendu public la semaine dernière par le ministre. Nous connaissons les douleurs et cicatrices qui en résultent dans nos territoires.

Votre point de vue nous sera aussi précieux sur la période 2015-2017, objet du projet de loi de programmation des finances publiques que nous aurons à voter cet automne. Vous semble-t-il en adéquation avec les besoins opérationnels ? Alors que nos armées sont particulièrement sollicitées, sur d'importants théâtres d'opération extérieurs, pour assurer la sécurité de nos concitoyens et permettre à la France d'assumer ses responsabilités internationales, comment percevez-vous le moral des troupes et du pays ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les réunions internationales auxquelles vous participez, comme celle qui s'est tenue récemment entre chefs d'état-major aux États-Unis ? Sachez que notre commission est sensible à la qualité du travail effectué avec vous.

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées. - Je voudrais en tout premier lieu vous remercier de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous. C'est pour moi un honneur et un rendez-vous majeur, car le projet de loi de finances, objet de cette audition, vise à donner à la France, pour l'année 2015, les moyens dont elle a besoin pour sa défense. J'attache en effet la plus grande importance à ces échanges directs avec la représentation nationale. Comme nous le savons tous, la LPM 2014-2019 a été bâtie sur la base de la vision stratégique de la France, exprimée dans le Livre Blanc de 2013. Aujourd'hui, cette analyse stratégique qui a conduit au choix d'un modèle d'armée complet est confortée par la nette dégradation du contexte sécuritaire international.

A l'heure où je vous parle, nos forces sont engagées sur plusieurs fronts. Elles contribuent ainsi à la protection de nos concitoyens et des intérêts de la France. Dans le même temps, ces mêmes armées continuent à se réformer en profondeur. Elles consentent des efforts considérables. Et tout cela, 7 jours sur 7 ; 24 heures sur 24.

Je ne vais pas chercher à vous convaincre de la pertinence de cette loi de programmation qui doit beaucoup à l'engagement des parlementaires, notamment à celui de votre précédente commission dont je tiens ici à saluer l'implication et la connaissance approfondie des enjeux de défense. Je tiens en particulier à rendre hommage à son ancien Président, Jean-Louis Carrère, sur qui j'ai toujours pu m'appuyer, que ce soit comme major général des armées ou comme CEMA ces derniers mois. Votre nouvelle commission, je le sais, s'inscrit déjà pleinement dans cette même dynamique et je me réjouis de pouvoir travailler avec vous car je connais votre engagement sans faille pour la protection de notre outil de défense. Nous en parlions il y a quelques instants avec Jean-Pierre Raffarin, dont je sais l'appétence et la compétence pour les sujets de défense depuis de nombreuses années.

C'est la deuxième fois que je viens, en tant que chef d'état-major des armées, devant votre commission. Aujourd'hui, je souhaite vous donner ma vision des enjeux que porte la loi de finance 2015 pour notre défense et notre sécurité. Pour moi, chef militaire, l'année 2015 s'annonce comme, l'année charnière de la LPM, l'année de vérité. Pour vous le démontrer, j'articulerai mon discours en 3 parties :

Le contexte sécuritaire. Il change sous nos yeux ; nos armées sont dans l'action.

La transformation. Nous sommes sous pression.

Mes préoccupations. En toute transparence.

Première partie, donc : le contexte sécuritaire.

En quelques mois, il s'est profondément dégradé, il s'est durci. La conflictualité, « le tumulte du monde » a augmenté. Les fractures sont multiples : sur le flanc Est de l'Europe, la crise ukrainienne renoue avec les conflits de type interétatique. Sur le flanc Sud, des guerres hybrides, transnationales, de plus en plus violentes, se multiplient : Syrie, Irak, Libye. Dans le même temps, l'épidémie Ebola se propage et menace la stabilité de pays entiers. La menace de type cyber est elle aussi en pleine expansion.

Daech, mais aussi AQMI, Boko Haram ou encore les shebabs somaliens forment une nébuleuse d'organisations terroristes et de trafics mafieux, dont les activités s'enchevêtrent.

Les échos de ce monde tumultueux se font entendre sur le sol national avec la menace grandissante d'actes terroristes commandités depuis l'extérieur ou encore du retour des ressortissants français partis combattre au Levant ou ailleurs. Des appels à enlever, à tuer des Français, se font entendre.

Nos concitoyens sont menacés, ils ont besoin de protection. Nous avons le devoir de ne pas baisser la garde !

Vous le savez tous, mesdames et messieurs les Sénateurs : face à ces menaces croissantes et multiformes, les armées françaises sont déjà pleinement engagées sur le territoire national, mais aussi au-delà de nos frontières.

Elles offrent une protection globale qui passe par la posture permanente de dissuasion nucléaire, qui sanctuarise nos intérêts vitaux grâce à ses deux composantes.

C'est aussi le sens de la surveillance de nos espaces aériens et maritimes avec la police du ciel et l'action de l'État en mer. Le contre-terrorisme maritime et la lutte contre tous les trafics en mer constitue aussi un enjeu majeur, notamment outremer. C'est l'une des missions de notre marine.

A l'heure où je vous parle, nous avons plus de 20 000 militaires déployés hors de la métropole, dont plus de 8 000 au profit de 27 opérations, sur 4 continents, dans les airs et sur tous les océans. Ils participent à la résolution des crises, à la protection des populations civiles et de nos ressortissants, et à la défense de nos intérêts et de nos valeurs. Les autres préparent et soutiennent ces opérations ou y contribuent directement, depuis nos bases prépositionnées, outremer et à l'étranger, en Afrique subsaharienne, comme dans le Golfe arabo-persique.

Dans la bande sahélo-saharienne, l'opération Serval a été un succès. Je peux vous le dire, à chaque fois que je rencontre mes homologues, partout dans le monde, quelle que soit la nation, c'est toujours une vraie admiration pour ce que nos armées ont réalisé. J'étais en Chine la semaine dernière et les principaux responsables militaires me l'ont rappelé de manière très appuyée. Précédemment, j'étais à Washington pour la réunion de la coalition contre Daech. J'ai pu mesurer le rôle et la place des armées françaises auprès des 21 pays concernés, ayant été un des quatre mandatés pour s'adresser au Président Obama.

Aujourd'hui, notre stratégie a évolué avec la régionalisation du dispositif et le renforcement du partenariat avec nos alliés africains. Ce changement d'échelle est porté par la nouvelle opération transfrontalière Barkhane qui s'étend de la Mauritanie au Tchad.

Notre but est maintenant de transférer la sécurisation de la zone aux pays concernés en accompagnant la montée en puissance de leurs capacités. C'est le sens du partenariat élargi que nous avons établi avec la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad. Ces pays forment le groupe qu'ils ont baptisé le « G5 Sahel » et c'est à mon sens la meilleure instance pour faire progresser la sécurité dans la région. J'ai des contacts permanents avec mes homologues de ces 5 pays, auxquels j'ajoute évidemment le Sénégal, ainsi que l'Algérie, où j'étais il y a trois semaines. Je crois que nous pouvons voir dans l'efficience de ce G5 Sahel, le résultat d'années de coopération avec nos amis africains.

Avec ce dispositif dans la bande sahélo-saharienne, nous sommes au croisement des menaces terroristes, dont AQMI et Boko Haram. Nous regardons au Nord en direction de la Libye, qui sert de zone de transit et de refuge, et vers le Sud avec la menace en expansion de Boko Haram. Nous devons aussi rester vigilants, en particulier au Nord Mali, où les groupes armés terroristes pourraient se reconstituer dans les mois à venir.

L'opération Barkhane reste la priorité opérationnelle des armées. La défense de la Nation ne commence pas à nos frontières immédiates. Nous menons au Sahel une défense de l'avant qui participe directement à la défense de la France et de l'Europe.

Pour mener cette opération, outre l'action menée avec nos partenaires africains, j'attache une grande importance aux coopérations actives avec nos alliés. Les Américains, les Allemands, les Espagnols, les Britanniques, mais aussi d'autres pays européens, renforcent nos capacités. Ils le font dans le domaine du recueil de renseignement avec l'emploi de drones, dans le transport tactique et logistique ou encore dans celui de la formation. Ces coopérations pragmatiques sont d'autant plus indispensables que nous avons des réductions temporaires de capacité, qui ne seront comblées que par l'arrivée d'équipements supplémentaires.

S'agissant de la République Centrafricaine, nous sommes actuellement arrivés à un palier militaire ; la prochaine étape sera avant tout politique. Elle devra mener à bien la restauration de l'Etat, de son administration et à la réconciliation nationale grâce aux moyens dont dispose l'ONU. L'opération Sangaris installe, consolide les conditions pour cette nouvelle étape, clé de la pacification du pays.

Le travail effectué depuis le début de cette opération a été aussi remarquable que difficile. En intervenant, en premier, nous avons évité le pire, c'est-à-dire le massacre interethnique et le désastre humanitaire. Les écoles ont rouvert, les marchés sont réapprovisionnés.

Mais en RCA, comme ailleurs, rien ne sert de gagner la guerre si nous ne gagnons pas la paix. Cette paix, nous la gagnerons par une approche globale qui conjugue les champs de la sécurité, du développement et de la gouvernance des Etats.

Pour ce qui concerne la crise ukrainienne, elle est un enjeu collectif de défense pour l'Europe et un défi pour l'OTAN.

A cette occasion, l'Union Européenne a redécouvert que ses frontières étaient instables. La France a été solidaire et a assumé ses responsabilités au sein de l'OTAN. Nous avons déployé des Rafale en Pologne et des navires en Baltique pour « réassurer » certains de nos alliés. Nous étudions actuellement le déploiement, en partenariat avec les Allemands, d'un module de drones en Ukraine dans le cadre de l'OSCE, pour surveiller la mise en oeuvre effective du cessez-le-feu.

Le déploiement, en mer Noire, de navires de notre marine nationale, a permis à la France d'évaluer la situation en toute autonomie ; et nous a donné du poids dans les choix de l'Alliance.

Le dernier sommet de l'OTAN, qui s'est tenu le mois dernier au Pays de Galles, a également adopté différentes mesures. La plus emblématique est la création d'une force à très haute réactivité, sorte de « guépard de l'OTAN ». Nous en avons parlé avec les chefs d'état-major des 28 pays de l'OTAN à Vilnius, lors notre réunion il y a deux semaines, et nous travaillons à la mise en oeuvre de cette force, en liaison avec SACEUR et SACT, les deux commandements stratégiques concernés.

Cette situation sur le flanc Est rappelle, me semble-t-il, l'actualité et la pertinence de notre dissuasion nucléaire, qui ne doit pas être remise en cause par le seul prisme des conflits non étatiques, de type terroriste.

Il nous faut également être présents au Levant, car notre sécurité s'y joue aussi.

Nous parlons là de notre flanc Sud. Les djihadistes de « Daech » représentent une véritable armée terroriste, selon les mots de notre ministre de la défense, composée d'hommes expérimentés, bien équipés et disposant de ressources financières importantes. Là encore, nous sommes engagés, en première ligne, avec nos Alliés. Nous participons aux frappes aériennes, mais aussi au recueil et au partage du renseignement. De ma réunion à Washington il y a une semaine, je tire trois enseignements majeurs.

La France soutient totalement l'action de la coalition contre Daech. Elle considère que la lutte contre les mouvements terroristes est globale. Nous sommes engagés dans cette lutte, au levant comme dans la bande sahélo-saharienne, et nous sommes réjouis, à ce titre, de la tenue de cette réunion.

La lutte sera longue et il faudra gérer au mieux la pression du temps court, dans nos sociétés actuelles qui exigeront des résultats rapides.

Nous avons besoin d'une vision stratégique militaire qui intègre les objectifs militaires, mais aussi politiques, diplomatiques et psychologiques. Pour réussir, notre plan de campagne devra donc être global.

Une conséquence directe des conflits au Levant est la menace grandissante du retour sur le sol national des ressortissants Français partis y combattre. Cette problématique est là pour rappeler le lien très fort, le continuum, qui existe entre sécurité extérieure et sécurité intérieure. Ces combattants étrangers sont un vrai défi pour notre sécurité, celles des Français et plus généralement celle des Européens.

Le Levant met l'accent sur l'indispensable nécessité d'une capacité autonome d'appréciation de situation tactique et stratégique. C'est la vocation de nos capteurs de renseignement, de nos satellites, mais aussi des efforts consentis pour améliorer nos capacités Cyber. Ce constat conforte la priorité mise sur le renseignement dans la LPM.

Ce rapide parcours, non exhaustif, des principaux foyers de crises rend compte de la réalité de l'augmentation des menaces. Et les menaces actuelles n'effacent pas celles d'hier. Mi-septembre, en moins de deux semaines, nous avons ouvert trois nouveaux théâtres de nature bien différents : l'Irak, l'Ukraine avec l'OSCE, Ebola avec notre participation, en cours de définition, à la lutte contre ce fléau déstabilisateur de l'Afrique de l'Ouest qui ne cesse de progresser.

Le corollaire direct est que nos opérations s'installent dans la durée. C'est un constat que je partage avec mes homologues américain, britannique et allemand.

Dans ce contexte, la France peut s'appuyer sur un modèle d'armée, certes taillé au plus juste, mais qui saura répondre aux surprises stratégiques évoquées dans le Livre Blanc. Après la Libye, le Mali et le Levant, que peut-il arriver ?

Nous avons de belles armées et elles sont efficaces. Nous avons un outil militaire très réactif. C'est le fruit d'une culture, d'un processus décisionnel extrêmement performant, d'une préparation opérationnelle rigoureuse et aussi d'une grande expérience, acquise sur tous les fronts ! C'est aussi ce que permet notre dispositif de forces prépositionnées, comme le rappellent les frappes aériennes lancées depuis les EAU et où les trois armées sont représentées. Parce qu'il est crédible, notre outil militaire est considéré par nos alliés, craint par nos adversaires. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes tous ensembles à la tête d'un capital opérationnel exceptionnel accumulé depuis de nombreuses années et qu'il convient d'entretenir, voire de continuer à faire fructifier.

Ces succès entretiennent le moral de nos soldats avec la contrepartie, bien sûr, de peser sur la préparation opérationnelle et d'user les matériels. Deux exemples permettent de l'illustrer : en l'espace de 25 mois, une chirurgienne de 32 ans a participé à cinq opérations extérieures de deux à trois mois chacune, en parallèle de son travail en hôpital militaire. Sur le plan des matériels majeurs, nos hélicoptères s'usent très vite au Sahel avec pour résultat un taux de disponibilité réduit parfois à moins de 50 % de l'ensemble du parc.

Il nous faut prendre en compte cette usure des personnes et des matériels. Pour autant, ces opérations sont aussi pour moi une source de grande fierté. On ne va s'en plaindre ! Le comportement opérationnel de nos armées est le révélateur des qualités de nos jeunes militaires. Elle est la preuve de l'endurance et du dévouement à notre pays de nos jeunes engagés. Nous avons une belle jeunesse. Elle est généreuse. Elle mérite le respect de la Nation, sa considération et son soutien. Très concrètement, nos armées transforment parfois des jeunes, aux parcours chaotiques, ou dans la difficulté, en véritables héros.

La crédibilité opérationnelle des armées est également à mettre au crédit de nos équipements et donc de la direction générale de l'armement et de nos industriels. C'est la force de ce trinôme armées-DGA-industrie qui permet de trouver les solutions les plus adaptées et aussi de gagner sur les marchés export et je tenais à le dire ici devant vous. On n'insiste pas assez sur « l'équipe de France de Défense ». Vous connaissez peut-être mon tropisme pour le football !

Au bilan, les constats établis au cours de cette première partie confirment la pertinence de notre modèle d'armée complet et des choix exprimés dans le Livre Blanc et inscrits dans la LPM.

Nos armées sont au rendez-vous. Elles s'adaptent aux évolutions du contexte sécuritaire et sont en ordre de marche pour y faire face. Dans le même temps, « la vente continue pendant les travaux » : pendant qu'elles sont engagées en opérations, souvent dans des conditions très difficiles, nos armées consentent aussi d'énormes efforts pour se transformer ; ce qui m'amène naturellement à ma deuxième partie.

La transformation des armées. En effet, pour continuer à être au rendez-vous, les armées se transforment sous forte pression budgétaire.

Vous le savez, depuis de nombreuses années, nos armées françaises se sont pleinement engagées dans une profonde transformation dont le but est de concilier les efforts budgétaires demandés avec le maintien de leur excellence opérationnelle. Il s'agit de fournir à la France le meilleur outil de défense possible pour faire face aux menaces, de donner à notre pays l'outil de ses ambitions et de ses besoins.

Tout au long de cette manoeuvre, alors que les lignes bougent, et tout en continuant à assurer les opérations, nous devons conserver la cohérence de nos armées sous forte contrainte budgétaire. Cette contrainte, nous ne voulons pas la subir mais mettre les forces en mouvement par leur adhésion à un projet porteur d'avenir, réaliste. C'est un exercice particulièrement compliqué. Pour cela, nous nous sommes organisés avec soin :

- un plan stratégique a été construit. Il s'appuie sur une cartographie des risques et sur une analyse fonctionnelle ;

- un projet (CAP 2020) a été réalisé. Il traduit le plan stratégique en actions à conduire. Les trois armées et les six directions et services ont, à leur tour, construit et rédigé des projets pour leurs propres entités. Chacun d'eux s'inscrit dans le plan d'ensemble de CAP 2020, qui, pour la première fois, est un projet global, parfaitement cohérent avec la LPM 2014-2019 ;

- trente et un chantiers transverses ont été lancés. Les projets Etat-major, formation, modèle RH ou supply chain (processus logistique) sont les plus structurants et aussi les plus sensibles.

J'insiste sur la grande cohérence qui existe entre les conclusions du Livre Blanc, la loi de programmation militaire, le plan stratégique des armées, le projet CAP 2020 et les projets des armées, directions et services. Ils s'inscrivent tous dans le même horizon temporel. C'est aussi un ensemble fragile. C'est une sorte d'ensemble où chaque pièce repose sur les autres ; si une seule bouge, l'ensemble est remis en question.

Oui, je le dis souvent : le costume est taillé au plus juste. Les marges de manoeuvre sont inexistantes. Avec la Révision Générale des Politiques Publiques puis la Modernisation de l'Action Publique, toutes les pistes d'optimisation ont été explorées et mises en oeuvre. Je me propose de vous en faire la démonstration à travers les trois grands domaines qui structurent le budget : la masse salariale, le fonctionnement et les équipements.

Premièrement, la masse salariale.

Pour le budget 2015, elle sera en baisse pour la quatrième année consécutive avec une diminution de 2,1% par rapport à 2014. Cette baisse concrétise les efforts des armées.

Sur l'année 2015, la masse salariale représentera 10,9 milliards d'euros, sur le budget global de 31,4 milliards d'euros pour la mission défense. Ce sont 7 500 postes qui doivent être supprimés sur le périmètre de la mission défense, dont 7 046 pour les armées directions et services, sous mon autorité, soit une économie de plus de 210 M€. En outre, nous maintenons l'effort de dépyramidage de nos effectifs, en particulier pour les officiers avec la suppression de 1 000 postes. Dans le même temps, les mesures catégorielles ont été réduites à 40 millions par an, soit la moitié du montant de ce qui était inscrit dans la précédente LPM. Compte tenu des efforts demandés à nos personnels, militaires et civils, on ne peut pas descendre plus bas.

En 10 ans, entre 2009 et 2019, nos effectifs auront diminué d'un quart. C'est considérable ! En 2014, le ministère de la défense, à lui seul, assumera près de 60% des suppressions d'emplois d'Etat. En 2015, ce ratio augmentera encore jusqu'à 66%. Et plus on avance, plus il est difficile d'identifier des postes à supprimer. On ne peut pas aller plus vite !

On ne peut pas aller plus vite car, tout en réalisant la déflation d'effectifs prévue par la LPM, il faut continuer à s'adapter, c'est-à-dire rénover le modèle RH et simplifier nos procédures.

Notre modèle RH évolue en effet vers un modèle optimisé, plus fluide, mieux maîtrisé et capable de conserver son attractivité. Il s'agit aussi d'adapter notre organisation. Pour cela, nous réduisons la taille des états-majors centraux, notamment l'état-major des armées qui a vu son effectif passer, en deux ans, de 900 à 600 personnes. Je ne connais pas d'équivalent dans la fonction publique ! Nous aurons aussi à conduire le déménagement du commandement des armées sur Balard. C'est un défi supplémentaire qui nous attend en 2015, un défi, dont il ne faut pas sous-estimer l'ampleur.

Ces réorganisations toucheront aussi les forces de présence et les forces prépositionnées. Il faudra bien en mesurer les conséquences en termes de perte de réactivité, de connaissance des théâtres et, in fine, de liberté d'action.

Voilà pour la masse salariale. On ne peut pas faire mieux, sauf à rompre la cohérence de la LPM.

Deuxièmement, le fonctionnement.

Il représente 7 milliards d'euros pour 2015, et se décompose en deux types d'agrégats : le fonctionnement courant d'une part, l'activité opérationnelle d'autre part. Autrement dit, tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne des unités et à l'entraînement des forces.

S'agissant du fonctionnement courant, à hauteur de 2,6 milliards d'euros, il doit permettre d'assurer des conditions de vie et de travail décentes.

Sur ce point nous sommes déjà en limite de rupture. Et ce dans des proportions telles que le Ministre, Jean-Yves Le Drian, a décidé un abondement de 30 millions d'euros en fin d'année dernière, afin de soutenir les bases de défense, pour satisfaire en partie les besoins les plus basiques, comme le chauffage ou la réparation des douches !

Comment peut-on envisager d'aller plus loin en matière de fonctionnement quand la hausse de la TVA notamment est prise sous enveloppe et que les coûts de l'énergie et des fluides, également pris sous enveloppe, représentent 40% des dépenses des bases de défense ?

Que les choses soient dites, il n'y a plus de marge dans nos armées. J'invite ceux qui n'en sont pas convaincus à aller voir les conditions de travail et de vie de nos soldats. Je sais que les membres de votre commission se rendent régulièrement sur les théâtres d'opérations extérieures ainsi que dans les unités sur le territoire national.

Pour réduire nos coûts de fonctionnement, la seule solution est de continuer à densifier nos emprises, ce qui signifie des restructurations et j'en reparlerai ultérieurement.

Quant à l'agrégat de l'activité opérationnelle, 4,4 milliards d'euros, il comprend l'entretien programmé du matériel et les frais de fonctionnement liés à l'entraînement, comme les munitions et le carburant opérationnel liés aux exercices.

La préparation opérationnelle, c'est le gage de notre réactivité ; c'est l'assurance de la sécurité de notre personnel. La première partie de mon exposé a illustré ce qu'elle rendait possible en opération. Seul un niveau suffisant de préparation opérationnelle, d'entraînement, permet par exemple à des pilotes d'hélicoptère de poser leurs machines sur le pont d'envol d'un bateau de la marine, ou à un pilote de l'armée de l'air de poser son avion tactique sur un terrain de fortune. Il n'y a rien d'inné en la matière ; il n'y a que de l'acquis au fil du temps, lorsque les moyens sont suffisants pour le faire. C'est une question de sécurité pour notre personnel.

S'agissant aussi de l'entretien du matériel, là encore, nous avons dû nous adapter : à l'usure du matériel existant d'une part, et à l'attente de l'arrivée des matériels nouveaux d'autre part.

L'objectif est de remonter progressivement, à partir de 2016, les indicateurs d'activité opérationnelle. Notre ministre, Jean-Yves Le Drian, l'a rappelé devant vous, la semaine dernière, lors de son audition : c'est une priorité de la LPM. Cela nécessite de réaliser des économies structurelles dans le domaine du maintien en condition opérationnel (MCO). C'est l'enjeu du projet « supply chain » qui vise, entre autre chose, à optimiser les fonctions liées aux approvisionnements et à la logistique.

Nous comptons également sur les coopérations internationales, sur lesquelles la LPM insiste et pour lesquelles il s'agit maintenant de faire effort. Ceci dans une approche que je souhaite pragmatique, dans un objectif d'interopérabilité, mais aussi de recherche de gains financiers. C'est par exemple l'enjeu de l'état-major de forces conjoints avec nos amis britanniques, projet qui avance de manière remarquable. Nous serons au rendez-vous en 2016.

Donc, vous le voyez, pour le fonctionnement, je ne vois pas de marges.

Enfin, et troisièmement, les équipements, 13,5 millions d'euros pour 2015. Les équipements concernent principalement trois grands domaines : la dissuasion, les programmes d'armement et l'infrastructure.

La dissuasion : les investissements en la matière représentent 3,6 milliards d'euros annuellement, sur la période. Je me suis déjà exprimé devant vous sur la dissuasion en mai dernier. Nous avons intégré 1,9 milliards d'économies sur la période de LPM. On ne peut pas aller plus loin, sans remettre en cause les choix fondamentaux, ce qui n'est pas souhaitable.

Les programmes d'armement : les commandes, comme les livraisons attendues visent en premier lieu au remplacement de matériels qu'il n'est plus possible de prolonger davantage.

Nos avions ravitailleurs actuels, les KC135, ont plus de 50 ans. Ils datent du début des années 1960, tout comme les avions Caravelle. Qui accepterait aujourd'hui de voler dans une Caravelle ? Nos véhicules blindés actuellement déployés en RCA ont 40 ans. Nos hélicoptères Puma ont eux-aussi presque 40 ans. Je pourrais multiplier les exemples.

L'infrastructure : j'avais déjà fait le constat devant la commission des finances de l'Assemblée nationale en juillet, lors de mon audition sur l'exécution du budget 2013, ce budget est sous-doté : le flux financier est déjà sous tension.

Un plan d'urgence pour l'infrastructure a dû être mis en oeuvre. Ce plan pluriannuel, qui représente 67 millions d'euros en 2014, nous permettra de résoudre 310 points durs sur 670 identifiés. Il s'agit aussi en 2015 de lancer les réparations de bâtiments d'hébergement à Coëtquidan, à Toulon et à Brest, ou encore d'un point d'alimentation sur la base aérienne d'Orléans.

Environ 200 millions d'euros supplémentaires par an seraient nécessaires, ne serait-ce que pour stabiliser la situation actuelle de nos infrastructures, sauf si nous acceptons collectivement de réduire notre empreinte au sol par des effets de structure. Je rappelle de nouveau que la plupart de nos jeunes soldats et sous-officiers vivent dans une enceinte militaire, donc sur leur lieu de travail.

Mesdames et messieurs les sénateurs, il n'y a pas de marge dans nos armées. On attaque déjà le potentiel opérationnel, alors que la situation sécuritaire se dégrade ! C'est mon devoir de vous le dire comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale le 7 octobre dernier.

Cela me mène à ma dernière partie : mes préoccupations, ce que j'ai continuellement à l'esprit.

Elles sont au nombre de 4 : la conduite des opérations, le budget, les restructurations, et le moral.

Premier point de vigilance : la conduite des opérations. Pour conduire les opérations d'aujourd'hui, en tant que chef militaire, j'ai besoin d'être réactif, de durer, de protéger mes forces, de les soutenir. J'ai aussi besoin d'allonge pour me renseigner et frapper au plus loin. Nos armées engagées au front attendent des drones, des ravitailleurs en vol, des véhicules de transport tactique, du blindage, des hélicoptères de manoeuvre, des navires pour le contrôle des flux maritimes.

J'ai besoin que le calendrier de l'arrivée des nouveaux équipements soit respecté !

Il me faut aussi de la souplesse et de la liberté d'action pour adapter les équipements et les effectifs de façon réactive aux contingences des guerres que nous menons.

J'ai besoin de poursuivre les coopérations militaires internationales dans un esprit de partage des coûts et du fardeau sécuritaire.

Enfin, les opérations et les nouveaux engagements doivent faire l'objet d'un remboursement budgétaire. Nous payons le prix du sang. Nous attendons une légitime solidarité pour les coûts financiers !

C'est un besoin essentiel de stabilité budgétaire qui me mène à mon deuxième point d'attention : le budget. Le chef des armées, le Président de la République, m'a confié une mission. Il a garanti les moyens de cette mission : ce sont les 31,4 milliards d'euros pour 2015. Il l'a encore rappelé le 28 août dernier lors de la Conférence des ambassadeurs. Certes, rien que les 31,4 milliards d'euros, mais la totalité des 31,4 milliards d'euros ! C'est sur ce projet que nous sommes engagés.

Je crains l'infiltration rampante, le grignotage progressif de nos ressources financières. J'ai besoin des ressources 2015 en temps et en heure. Cette lisibilité m'est indispensable pour maîtriser les risques et mettre en oeuvre une gestion efficiente. Pour cela :

Les surcoûts OPEX doivent être partagés conformément à la LPM qui comporte, dans son article 4, le principe de leur couverture par recours, sans condition, à la réserve interministérielle de précaution.

Le dégel des crédits doit intervenir suffisamment tôt. Ne serait-ce que pour la santé, voire la survie financière des entreprises qui nous fournissent, et en particulier des PME.

Les ressources exceptionnelles doivent être confirmées. Je me réjouis sur ce point de la décision de création d'une structure ad hoc pour disposer de l'intégralité des 2,3 milliards de ressources exceptionnelles pour 2015. Quel que soit l'outil imaginé, les armées ne peuvent qu'être favorables à cette recherche de solutions innovantes, comme les sociétés de projets, pourvu qu'elles donnent accès aux ressources financières attendues, en volume et en temps utile, conformément à la programmation. Je rappelle que 2015 est l'année la plus richement dotée en REX avec une part relative s'élevant à 7,3% des crédits.

Le risque lié aux prévisions d'export du Rafale doit, lui aussi, être couvert ; uniquement si nécessaire, bien sûr.

Enfin, ces principes vertueux, mais élémentaires, doivent être mis en oeuvre dès l'exercice 2014 afin de ne pas hypothéquer l'année 2015, dont la réussite est aussi conditionnée par les données d'entrée de gestion. L'enjeu est en particulier la maîtrise du report de charges. Je rappelle que celui-ci a atteint, fin 2013, la somme de 3,45 milliards d'euros. Là encore, on ne peut pas, me semble-t-il, aller plus loin !

Vous l'avez bien compris, seule l'obtention en 2015 de l'intégralité des ressources, en volume et au bon cadencement, permettra de franchir la barre. 2015 est l'année de vérité.

Troisième point de vigilance, les restructurations. La réduction des coûts de fonctionnement n'est possible qu'en fermant des sites et en densifiant d'autres, bref en regroupant nos emprises chaque fois que cela est possible et pertinent. Cette manoeuvre doit être mise en regard de celle de la déflation des effectifs. Nous sommes prêts à effectuer ces mouvements de rationalisation. Là encore, conduire une manoeuvre cohérente, préparée et accompagnée dans sa dimension sociale nécessite de la lisibilité.

L'attente des annonces de fermeture de site est toujours une période anxiogène et interdit toute programmation. Je le constate à chaque fois que je me rends dans les forces : c'est la première préoccupation actuelle, tous personnels confondus. L'annonce, la semaine dernière, des restructurations 2015 nous donne la lisibilité nécessaire pour les mois à venir. Lisibilité ne veut pas dire gaieté de coeur. Et ce n'est pas à vous, dont certains sont directement concernés par ces restructurations, que j'apprendrai combien il est toujours particulièrement douloureux de fermer un site ou de dissoudre une entité militaire.

Considérant les conséquences familiales, personnelles et professionnelles de ces décisions, j'estime maintenant indispensable que les annonces, relatives à la période 2016-2019, interviennent quant à elles avant la fin de cette année, ou au plus tard en début d'année 2015. Les chefs d'état-major d'armées et moi-même sommes particulièrement attentifs à ce point qui pèse sur le moral, objet de mon quatrième et dernier point majeur d'attention : le moral.

Les hommes et les femmes de nos armées ont un sens aigu du service. Ils se font une haute idée de leur métier qu'ils vivent souvent comme une véritable vocation. J'ai encore pu le constater lors des commémorations 100 villes, 100 héros, 100 drapeaux, liées à la grande guerre : nos soldats d'aujourd'hui se reconnaissent dans les mêmes valeurs qui ont guidé leurs anciens de 14. Ce sont le courage face à l'adversité, la fraternité d'armes, le sens du service, l'abnégation, le dévouement pouvant aller jusqu'à donner sa propre vie.

Nos armées sont engagées dans de nombreuses opérations qui sont de plus en plus dures et qui vont se prolonger. Dans le même temps, elles se réforment et consentent des efforts sans équivalent pour absorber les contraintes budgétaires qui leur sont imposées et j'ai essayé de vous le démontrer.

Dans ce contexte difficile, et c'est bien compréhensible, le moral de nos soldats, marins et aviateurs est changeant. Il est excellent en opérations. Il est parfois fragile face aux difficultés de la vie quotidienne. Il est à surveiller. C'est une préoccupation majeure : dans notre organisation avant tout humaine, le succès repose d'abord sur la cohésion et les forces morales. Ce sont elles qui nous permettront de franchir l'obstacle et d'être au rendez-vous des combats de demain.

Les efforts consentis, au quotidien, par nos soldats ne se conçoivent que dans une réelle perspective de retour à un niveau acceptable en matière de condition de vie et de travail. Ce n'est que justice sociale !

Je crois vraiment qu'il ne faut pas se cacher que toute économie supplémentaire demanderait d'autres efforts et induirait un risque non maîtrisé d'aller au-delà du seuil de l'acceptabilité sociale.

Ne vous y trompez pas, nos soldats râlent parfois, mais parce qu'ils veulent faire leur métier ! Ils ne demandent qu'une chose : « Da materiam splensescam » : « Donnez-moi les moyens et je resplendirai ». C'est la devise du 2e régiment de Dragons, mon premier régiment.

Mesdames et messieurs les Sénateurs, pour conclure, je dirai que la défense est plus que jamais au coeur de l'intérêt national et des préoccupations de nos concitoyens.

Le contexte sécuritaire actuel renforce la pertinence de la Loi de programmation militaire en faveur d'un modèle d'armée complet. Nous sommes persuadés que c'est le bon choix et nous sommes prêts à poursuivre les efforts qui nous sont demandés pour cela.

Les hommes et les femmes de nos armées, nos jeunes, risquent leurs vies au nom de la France, en notre nom à tous. En retour, nous avons un contrat moral avec eux. Ils ne comprendraient pas, comme d'ailleurs nos concitoyens, que la LPM puisse être amputée de quelconque manière, dans le contexte actuel en France et dans le monde.

Le Président de la République, chef des armées, a garanti le respect de cette LPM. Nous attendons donc une exécution conforme pour l'exercice 2015, d'autant plus que 2015 constitue une véritable année charnière, une année de vérité, dans tous les domaines. Il ne faut pas baisser la garde !

Vous pouvez compter sur mon engagement sans faille, ma détermination et ma totale loyauté. Je compte sur votre soutien et votre vigilance pour le succès des armes de la France.

Je vous remercie et je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

La représentation nationale est fière de ses chefs militaires. Si notre commission avait une constitution, elle s'appellerait « Rohan-Carrère » et nous en serions les garants ! Vous parlez d'« infiltrations rampantes » ; pour avoir exécuté une loi de programmation militaire, je connais en effet les manoeuvres et manipulations dont est capable l'appareil d'État...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Merci pour cet exposé complet et sans langue de bois. Ayons une pensée pour les hommes et femmes de la défense qui méritent notre soutien.

Le projet de loi de finances pour 2015 présente quelques incertitudes concernant les REX : la cession des fréquences hertziennes n'aura pas lieu comme prévu en 2015, ni même en 2016, et devrait être remplacée par des sociétés de projet liées à des cessions d'actifs financiers. La mise en place devra attendre l'été : il ne faudrait pas que les délais soient dépassés. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons l'impression que les régiments ont cessé d'être des unités opérationnelles pour devenir des réservoirs et des préparateurs de forces, d'où sont prélevés un escadron par-ci, une compagnie par-là, pour les déploiements en groupements tactiques interarmes (GTIA) par exemple. Comment concevez-vous la transformation du 8e régiment d'infanterie de marine et du 1er régiment de tirailleurs en régiments d'infanterie de nouvelle génération ? Nous savons que vous tiendrez l'engagement d'une déflation de 7 500 hommes ; mais j'ai été choqué par le faible nombre de restructurations annoncées pour 2015 : un seul régiment entier, le 1er régiment d'artillerie de marine, est dissous, pour le reste il s'agit de suppressions d'escadrons, de compagnies ou de sections d'éclairage dans les régiments d'infanterie. Ce n'est pas ainsi que nous résoudrons les problèmes de coût des unités ; il faut supprimer des régiments, même si c'est dur à vivre politiquement et du point de vue de l'aménagement du territoire. Vous n'y couperez pas. Cela correspond-il à un temps demandé par le nouveau chef d'état-major de l'armée de terre ? Comme vous l'avez dit, il faudra annoncer la dissolution des cinq, six, sept régiments nécessaires fin 2014 ou début 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Vous avez parlé fort et clair. Merci pour ce discours mobilisateur. Nous savons bien, pour les avoir construits, que Livre blanc et loi de programmation militaire taillaient un costume très ajusté. Nous comprenons que leur application soit difficile. Il était prévu que 2015 serait une année charnière. Les commissions parlementaires sont très vigilantes sur le respect de la programmation. L'exécution de la LPM nous engage autant que vous.

Le Livre blanc proposait d'améliorer l'entretien programmé du matériel et de revenir à des MCO raisonnables. Des moyens, mesurés, ont été affectés à ces objectifs. Comment seront-ils utilisés pour renforcer l'entraînement ? Le concept de différenciation et difficile à mettre en oeuvre. Nous ne voulons pas d'une armée à deux vitesses.

Sur les restructurations, je partage le sentiment de Jacques Gautier : il faut faire les annonces plus rapidement ; cela suppose que tout le monde ait contribué à la définition de l'objectif final, or ce n'est pas toujours le cas. Cap 2020 est clair. Reste à le concrétiser en termes d'effectifs et d'infrastructures. À cet égard, 2015 sera bien une année charnière.

Le Livre blanc entendait aussi renforcer les forces spéciales, notamment leur aéromobilité. Nos hélicoptères vieillissent. Nous proposons depuis longtemps de moderniser les hélicoptères anciens, ce qui ne serait pas si coûteux. Nous sommes sur ce point en désaccord avec la DGA ; l'état-major pourrait-il nous appuyer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Merci pour ce tour d'horizon très complet. Vous avez insisté sur la qualité qu'ont conservée nos armées dans une conjoncture contrainte : nous y sommes sensibles.

Les drones sont devenus incontournables dans les opérations extérieures. Les besoins en la matière de nos forces impliquées dans de nouveaux conflits sont-ils bien pris en compte ? Qu'attendez-vous des drones tactiques pour l'armée de terre, dont l'appel d'offres est en cours ? Leur nombre et celui des drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE) sont-ils satisfaisants ? Êtes-vous confiant dans le projet de drones de prochaine génération, qui fait l'objet d'une coopération européenne sur les études amont ?

La suppression du programme d'investissement d'avenir imputé sur les crédits du programme 402 « Excellence technologique des industries de défense », relatif à la maîtrise des technologies nucléaires et spatiales, n'est-elle pas handicapante ? En matière spatiale en particulier, l'effort restera-t-il suffisant pour préparer l'avenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Vous nous avez mis en garde sur la réforme de la gouvernance des ressources humaines. L'« équipe de France de défense », comme vous dites, ce sont d'abord des hommes, et ils sont dans l'incertitude. L'annonce par le Premier ministre des projets de fermeture de services ou d'unités est sans cesse reportée. Cette méthode est anxiogène et empêche nos soldats de faire des projets d'avenir, professionnels ou personnels. Allons-nous respecter la cadence fixée par la LPM ? En particulier, pourrons-nous réellement supprimer 853 postes d'officiers en 2014 et 1 000 en 2015 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Y aura-t-il d'autres annonces de restructurations ? Ce ne sont sans doute pas les dernières... Mieux vaudrait les faire toutes en même temps, afin que le personnel civil et militaire s'organise, et que les territoires se préparent - j'avais déjà formulé cette préoccupation en tant que rapporteur du programme 178. Comment s'organise l'installation à Balard ? Répond-elle à vos attentes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Pour ne pas allonger le débat, je laisse ma collègue co-rapporteur sur ces crédits vous poser nos questions, Général.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Général, vous avez su parler aux troupes parlementaires que nous sommes, nous faire partager votre enthousiasme, nous faire prendre la mesure de la situation. Il n'y a pas de marges de manoeuvre.

Le MCO aéronautique représente, avec plus de 3 milliards d'euros, plus de la moitié du total des MCO. Il est interarmées : le matériel aéronef est largement réparti, utilisé à 28% par l'armée de terre, 16% par la marine. Une réforme est en cours, dont le chef d'état-major de l'armée de terre a été nommé responsable. Quels sont les grands axes ? Qu'en attendez-vous à court, moyen et long termes ?

Ce MCO se caractérise par l'importance du service industriel de l'aéronautique (SIAé) en régie, qui emploie 4 500 personnes et dégage 500 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. Premier réparateur de matériel aéronautique en Europe, il est un outil d'autonomie et d'indépendance de l'État vis-à-vis des acteurs privés. Or, il est touché par les baisses d'effectifs. Quel est son avenir ? Avez-vous de la visibilité sur son plan de charge pour les prochaines années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Merci pour ces propos graves et clairs. La LPM est respectée en apparence. Dans le détail, les mesures engagées ne sont toutefois pas conformes à ce qui était prévu : les crédits budgétaires baissent de 500 millions d'euros, et des ressources exceptionnelles d'un même montant apparaissent comme par un tour de passe-passe. Percevoir effectivement de telles recettes est difficile, nous l'avons déjà dit. Il n'y a pas eu de problème en 2014, grâce aux investissements d'avenir ; mais nous rentrons à présent dans le dur, avec les recettes liées à la vente (repoussée) de fréquences, la création de sociétés de projet... Les REX sont supposées perçues « en temps et en heure » - c'est-à-dire courant 2015. Quelles garanties avez-vous ? En l'absence de REX, que se passera-t-il ?

Le surcoût des opérations extérieures s'est élevé en 2013 à 1,2 milliard d'euros. Votre ministère a participé à son financement au prorata de son budget...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Certes. Mais cela représente tout de même 200 à 250 millions d'euros, et se reproduira en 2014. Quelles en seront les conséquences ?

Nous aurons l'occasion de reparler du montage des sociétés de projet. Quelles seront leurs conséquences opérationnelles sur l'indépendance et l'autonomie de nos armées ?

Enfin, qu'en est-il du Val-de-Grâce ? Quel sera son devenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci pour la franchise de vos propos. Ils soulèvent toutefois d'inquiétantes questions. Les dangers et menaces se multiplient ; la durée de nos interventions augmente - le ministre de la Défense n'annonçait que quelques mois au Mali... Les conséquences sur notre budget, nos équipements et nos moyens humains sont lourdes. Y a-t-il une limite à l'engagement de nouvelles opérations extérieures ? Pourra-t-on projeter de nouvelles troupes en Irak, par exemple ?

Où en est la coopération européenne en matière de défense ? La France ne pourra pas éternellement agir seule. Nos voisins étaient censés nous appuyer au Mali : nous avons vu le résultat. Au reste, lesquels de nos partenaires pourraient nous aider ? La presse a rapporté l'état dans lequel se trouvent les armées allemandes... J'ai effectué une mission avec Jean-Pierre Chevènement sur l'opération Sangaris à Bangui. Le moral des troupes est excellent, mais leurs conditions matérielles dérisoires : pas de douches, pas de machines à laver, traitements antipaludéens peu efficaces... Avec qui pourra-t-on conduire de telles missions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Masseret

Merci pour la clarté de vos propos. Nous sommes au bord du gouffre. Les équilibres trouvés sont très fragiles. La cohérence de notre modèle interarmées nécessite de la collégialité. Or, la rédaction du Livre blanc avait révélé des tensions entre le chef d'état-major et les armées. Où en est cette collégialité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous apprécions ce langage de vérité. Nous visons un moment de rupture, qui appelle la plus grande vigilance. Nos partenaires européens renforcent leurs capacités militaires sur nos théâtres d'opérations, c'est vrai. Mais leur comportement peut avoir des conséquences négatives sur nos ressources. L'année 2015 sera à cet égard aussi une année charnière. L'Allemagne bloque l'exportation des missiles Milan ; c'est un comportement isolé, certes, mais comment envisagez-vous notre partenariat avec l'Allemagne dans ces circonstances, et le projet KANT en particulier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Merci de vos propos. Un mot de la disponibilité des matériels. Nos frégates ne sont disponibles qu'à 49,7%, alors qu'elles ne sont pas si anciennes ; les blindés AMX10 RCR, à 31% alors que nous en avons besoin sur tous les théâtres d'opération ; les hélicoptères, à 44% ; et les avions à 29,7%. Pour une fois que l'Allemagne est disposée à nous épauler, elle est obligée de s'excuser : « nos avions sont en panne »...

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je rentre des Émirats Arabes Unis et d'Arabie Saoudite, où l'on se plaint de la dispersion de nos services de renseignement. Quid du renforcement de la base aérienne Al Dhafra, qui ne coûte pas grand-chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Êtes-vous satisfait du volume de crédits sur le programme 144 pour 2015 ?

Général Pierre de Villiers. - Merci, vos nombreuses questions témoignent de l'intérêt que vous portez à ces sujets, et il est toujours utile d'en discuter avec les experts que vous êtes.

La question des MCO se pose depuis fort longtemps, j'en entends parler depuis que je suis lieutenant, c'est-à-dire depuis 1978... Sur les quatre chars que je commandais alors, nous en avions rarement plus de deux disponibles, car les flux financiers sont calculés au plus juste. Et nous ne sommes pas les meilleurs en organisation, reconnaissons-le... Tous les ans, un rapport est rendu sur le sujet. Celui de l'Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées de 2012 était remarquable ; la mise en oeuvre des 40 mesures proposées à l'issue de ses 1 000 pages a été entamée. La Cour des comptes vient d'en publier un autre, tout aussi excellent.

Nous avons lutté ces dernières années contre la thèse selon laquelle il y aurait des économies à faire sur les MCO car l'argent serait mal dépensé. Nous avons gagné la dernière bataille : la LPM a augmenté de 4% des crédits d'entretien programmé des matériels pour 2014 et 2015, afin de revenir aux taux d'activité qu'elle prescrit : 90 jours de préparation opérationnelle, 180 heures de vol pour les pilotes, etc.

De plus, des mesures structurelles sont en cours de mise en oeuvre : les MCO de milieu sont désormais placés sous la responsabilité de leurs chefs d'état-major respectifs. Ainsi le MCO aéronautique (tous équipements confondus) est placé sous celle du général Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air. Chacun passe des contrats avec ses collègues ; je les supervise tous. Nous avons en outre clarifié nos relations avec la DGA, notamment en matière d'achats, et améliorons nos réseaux logistique en changeant de façon de raisonner : nous nous inspirons des grands réseaux comparables, en constituant de grands hubs logistiques, et recrutons du personnel hyper-compétent - nous les paierons le prix qu'il faudra - afin de moderniser notre gestion des pièces de rechange. Ce chantier est long, car il faut mettre la machine en place.

Le SIAé est très important. Mais il faut le considérer globalement, avec la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et l'ensemble du MCO aéronautique. Le plan Simmad 2016 s'intègre dans ce dispositif global. Le SIAé fonctionne bien dans certains endroits, moins bien ailleurs, là où le taux de charge est insuffisant. Il faut regarder son fonctionnement à l'échelle globale.

Regardons parc par parc, équipement par équipement : les problèmes de l'A400M ne sont pas ceux du Rafale, qui ne sont pas ceux du Mirage 2000. Nous avons des hélicoptères de transport, d'observation et d'attaque, mais trop peu sont disponibles. Cela ne peut plus durer : j'ai lancé un plan d'action pour y remédier, et décidé de réunir régulièrement M. Marwan Laoud, d'Airbus Group, et le PDG d'Airbus Helicopters, pour prendre le problème à bras-le-corps. Les taux de MCO ont remonté immédiatement après notre première entrevue... Le problème n'est pas insurmontable. Les turbines des hélicoptères sont mises à rude épreuve dans le désert, or les pièces de rechange se font attendre ; les NH90 sont livrés avec des défauts structurels... Il faut travailler pragmatiquement, en établissant un plan d'action.

Je suis frappé par le faible niveau de communication entre les industriels, la DGA et les états-majors. Les retours d'expérience des armées ne sont pas communiqués aux industriels, qui gardent leurs stratégies générales pour eux. Le 5 novembre prochain, je réunirai les patrons des grands groupes industriels et le DGA, pour fluidifier nos échanges. L'accent a été mis sur les hélicoptères, qui servent à nos trois armées ; il y a des dossiers très sensibles, comme celui du Caracal. Nous aurons une approche transverse.

Sur les drones, distinguons les tactiques et les stratégiques - ou MALE. Le Reaper a changé considérablement l'appréhension des high value targets, les têtes de réseaux terroristes sur le terrain. Cette chasse a trois composantes : le renseignement, le suivi par drone 24 heures sur 24, et la neutralisation. Reaper renforce les trois dimensions, et garantit une opérabilité avec nos amis britanniques, italiens, américains, et j'espère bientôt allemands.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

C'était une recommandation de notre commission !

Général Pierre de Villiers. - Le système de drone tactique intérimaire (SDTI) est à bout de souffle. Il faudra le remplacer d'ici 2016-2017. Je préconise le Watchkeeper, que j'ai vu à l'oeuvre en Afghanistan, et qui est le fruit de la coopération menée dans le cadre des accords de Lancaster House, mais il faudra passer par un appel d'offres. Le club Reaper, qui rassemble des européens et les États-Unis, nous fera faire, lui aussi, des économies de MCO. Je souhaite que nous avancions également sur le projet de drone européen MALE, qui pourrait voir le jour en 2023 ou 2024. Évitons-nous de revivre le syndrome de l'avion de combat européen...

S'agissant des restructurations, je ne peux continuer à travailler à l'aveugle. Notre feuille de route prévoit la suppression de 26 000 postes entre 2015 et 2019. Au-delà de 2015, il me faut de la visibilité. Les armées se réorganisent depuis la fin de la guerre d'Algérie : les garnisons qui subsistent sont passées à travers les mailles de tous les filets, mais de ce fait toute nouvelle suppression revêt une sensibilité extrême.

Il y a deux méthodes : faire des économies sur les plus gros postes, ou écheniller en rognant progressivement sur tous les régiments. Cette dernière hypothèse nuit à notre efficacité opérationnelle sans réduire nos coûts de soutien, je plaide donc pour la première. La LPM privilégie les effets de structure : structures bataillonnaires pour les régiments, regroupement des bases aériennes... Mais plus on attend, plus le personnel s'inquiète, plus la presse fait monter la pression, plus la réforme est difficile ! Les gens veulent savoir, pour leur famille, leur carrière, les études de leurs enfants, leurs crédits : cela est bien normal. Vous aussi, élus, vous attendez. Un préavis donné à six mois, soit pour l'été prochain, n'est pas satisfaisant. Notre tradition républicaine exige un délai d'un an : c'est une bonne tradition, je souhaite qu'on y revienne.

La réforme précédente avait donné lieu à l'annonce de grosses restructurations en juillet 2008 : terminons-les, et annonçons les prochaines à la fin de l'année. La déflation des effectifs concerne mécaniquement pour moitié l'armée de terre. Son nouveau chef d'état-major, le général Jean-Pierre Bosser, veut donner une nouvelle dynamique, nourrie par le projet Armée de terre 2020. Nous nous rencontrerons à la Toussaint pour en discuter les grandes lignes, puis à Noël pour l'examiner en détail. Les choses ne sont pas encore arrêtées. Ce projet est une bonne base, reste à trouver des solutions novatrices pour le boucler.

J'ai dit à ses auteurs tout le bien que je pensais de l'excellent rapport sur les forces spéciales. Celles-ci, qui représentent un millier de personnes, doivent être bien équipées, car elles sont exceptionnelles, et leurs résultats remarquables : au Mali, elles ont récemment rendu possible la destruction de six pick-ups bourrés d'armement, et la neutralisation de seize terroristes. Leur coopération avec les forces conventionnelles progresse. Les véhicules de ces forces spéciales devront être prêts pour 2016 au plus tard ; si nos industriels ne peuvent nous les fournir, nous les achèterons sur étagère.

S'agissant du domaine spatial, il n'y a pas de raison que le rendez-vous fixé dans la LPM ne soit pas honoré. Sur la composante spatiale optique, les discussions avec l'Allemagne ne sont pas simples, mais elles avancent doucement. Sur Ceres, les délais seront respectés. Nous discutons avec Comsat NG pour le remplacement de Syracuse, prévu en 2021 dernier délai. On ne peut décaler le calendrier sans remettre en cause le modèle. Ou alors c'est une autre feuille de route que l'on s'engage à suivre...

Le déménagement à Balard - qui est aussi le mien - devra se faire tout en me laissant la capacité de conduire les opérations. Aucun problème n'a été soulevé, sauf celui du calendrier. J'en ai discuté avec Opale : le déménagement aurait lieu au printemps, pour une installation définitive avant l'été.

Nous payons à compter de janvier.

Général Pierre de Villiers. - Oui. Les détails sont plutôt du ressort du secrétaire général pour l'administration, qui pilote les négociations avec Opale.

Concernant les recettes exceptionnelles (REX), je suis également un consommateur. À défaut de REX, l'article 3 de la LPM me promet des crédits budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Oui, nous avons insisté pour l'inscrire noir sur blanc dans la loi de programmation.

Général Pierre de Villiers. - Mon problème est le suivant : obtenir les 31,4 milliards d'euros pour rentrer dans le cadre fixé par la LPM. En 2015, 2,3 milliards d'euros de recettes exceptionnelles sont prévues. Il y a 200 millions d'euros au titre des cessions d'emprise, qui sont assurés ; il manque donc 2,1 milliards, qui ne seront pas fournis par la vente des fréquences - ni en 2015 ni en 2016. Pour le reste, je laisse les experts travailler sur la provenance et la nature juridique de ces fonds. En toute hypothèse, ils devront arriver à l'été 2015 au plus tard. Je veillerai à être associé au choix des équipements financés par le système des sociétés de projet.

Le surcoût des opérations extérieures est évalué cette année à 1,1, voire 1,2 milliard d'euros ; seuls 450 millions d'euros ont été budgétés. Nous devrions financer le surcoût complémentaire à hauteur de 18%. Nous avons terminé correctement l'année passée ; j'espère qu'il en sera de même cette année. A ce stade, 2 milliards d'euros d'aléas ont déjà été budgétés : 1,2 milliard d'euros de crédits gelés, un surcoût des Opex estimé entre 600 et 700 millions d'euros, et 250 millions d'euros des programmes d'investissement d'avenir (PIA) ; 2 milliards sur 31,4, c'est beaucoup. Je veillerai à limiter les risques de dégradation. Il est très important de ne pas terminer l'exercice 2014 avec des reports de charge significatifs.

La fermeture du Val-de-Grâce est inéluctable, le ministre vous l'a dit. Cela ne me fait pas plaisir, mais j'y suis favorable, le projet me semble jouable sur le plan opérationnel. La médecine militaire, indispensable pour nos soldats, sera regroupée et réorganisée à Bégin et à Percy. Le coeur des services de santé, dont la formation, demeure au Val-de-Grâce, ce qui est très symbolique.

La montée en puissance de l'EUFOR RCA n'est pas aisée, mais elle fonctionne. Elle regroupe aujourd'hui 500 soldats sur le terrain, dans les 3e et 5e arrondissements de Bangui, ainsi qu'à l'aéroport. Son mandat a été prolongé de trois mois, jusqu'au 15 mars prochain. La coopération européenne est essentielle et conditionne l'exécution de la LPM. Elle est, c'est vrai, à géométrie variable. La CJEF avec les Britanniques est un exemple. Nous coopérons avec l'Allemagne sur le plan industriel ainsi que dans certaines opérations. En matière de renseignement, une cellule inter-agences pour le Levant a été créée au sein du centre de planification et de conduite des opérations, ce qui est une grande première. Nous sommes en prise avec les Américains. Les choses ne sont pas toujours simples, mais une dynamique a été créée, grâce la priorité donnée au renseignement par le Livre blanc. Les effectifs de la DRM et de la cyberdéfense sont en augmentation. Enfin, les crédits prévus du programme 144 sont suffisants... reste à ce qu'ils soient réalisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Mon Général, merci. Chers collègues, si les Français vous avaient vu travailler aujourd'hui, ils seraient fiers de leur Parlement, dont la réalité ne correspond décidément pas à l'image qu'en donnent parfois des débats sans passion dans un hémicycle presque vide. Dommage que nos travaux de commission soient si discrets !

La séance est levée à 11 h 20.

- Présidence de M. Jacques Gautier, vice-président -

La séance est ouverte à 15 heures.

La commission auditionne M. Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2015 (programme 144 : Environnement et prospective de la politique de la mission « Défense »).

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Mes chers Collègues, dans le cadre de notre examen du projet de loi de finances pour 2015, nous accueillons M. Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense et responsable du programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense ».

Monsieur le Directeur, je vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission. Le budget dont vous avez la responsabilité représente 1,3 milliard d'euros pour 2015. Ce budget s'avère en pleine mutation, puisqu'il est destiné à financer le fonctionnement de la future direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la défense - la DGRIS -, dont nous savons que l'annonce a suscité des interrogations, au sein du ministère, et dont la mise en place est en cours.

Il sera donc opportun que vous nous présentiez l'état d'avancement de cette réforme. Quels sont les avantages attendus, les difficultés rencontrées ? Quelle nouvelle architecture de la fonction internationale doit s'ensuivre, au sein du ministère, en particulier sous l'aspect des liens avec l'état-major des armées et celui du pilotage du réseau de défense français à l'étranger ?

Pour le reste, et sans préjuger des questions que vous adresseront mes collègues, je propose que votre propos se concentre, si vous le voulez bien, sur deux autres thèmes. D'abord, les travaux de recherche amont en cours, qui mobilisent plus de la moitié des crédits du programme 144. Une réorganisation a été engagée, en 2013, par le ministère de la défense, en vue d'assurer une meilleure coordination des études et des activités des opérateurs en la matière. Cette réorganisation a-t-elle porté ses fruits ?

Par ailleurs, dans la mesure où le programme 144 comporte les crédits, hors dépenses de personnel, de la direction générale de la sécurité extérieure - la DGSE, pour le renseignement extérieur -, mais aussi ceux de la direction de la protection et de la sécurité de la défense - la DPSD, qui est un véritable service de renseignement interne au ministère de la défense -, pourriez-vous nous indiquer ce qu'il en est de la montée en puissance des moyens consacrés au renseignement, telle que la prévoit le Livre blanc de 2013 et la Loi de programmation militaire (LPM) ?

Par avance, Monsieur le Directeur, nous vous remercions de votre exposé.

Debut de section - Permalien
Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, c'est toujours un privilège pour le directeur chargé des affaires stratégiques (DAS) de s'exprimer devant votre commission, en particulier dans le cadre de ses fonctions de responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». Ce programme, comme vous le savez, traduit en termes d'organisation budgétaire toute l'importance donnée à la fonction stratégique « connaissance et anticipation ».

Quelles sont les priorités fixées par le Livre blanc de 2013, s'agissant notamment de la fonction « connaissance et anticipation », et par la LPM ? Comme le souligne le Livre blanc, « la fonction connaissance et anticipation a une importance particulière parce qu'une capacité d'appréciation autonome des situations est la condition de décisions libres et souveraines ». Cette fonction stratégique recouvre notamment le renseignement et la prospective, soit les deux grandes missions du programme 144.

La LPM accorde des crédits élevés à ces deux missions, en particulier pour les études amont et le renforcement des services de renseignement dépendant du programme 144, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD).

En ce qui concerne la prospective, la LPM permet le maintien d'un effort substantiel en matière de recherche et technologie à travers les ressources consacrées aux études amont, dotées en moyenne de 730 millions d'euros par an sur la période 2014-2019. Ces ressources traduisent notre volonté de garantir l'effort de recherche et de consolider la base industrielle et technologique de défense française. Le Gouvernement entend ainsi maintenir à un niveau élevé les moyens dévolus à la maîtrise des capacités technologiques et industrielles, qui constituent l'un des fondements essentiels de notre autonomie stratégique.

Ensuite, pour le renseignement, la LPM affiche également la priorité donnée aux moyens du développement de nos capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement.

Cette priorité se traduit également par un renforcement des moyens et des crédits affectés au programme 146 « Equipement des forces », tels que les drones, et au programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour la direction du renseignement militaire (DRM).

Au-delà de l'architecture budgétaire, un effort d'investissement majeur est requis dans plusieurs domaines, en particulier pour le renforcement des ressources humaines des services de renseignement, l'amélioration des capacités techniques de recueil et l'accroissement des moyens d'exploitation et d'analyse. Les capacités de maîtrise et de traitement de l'information sont ainsi développées et les effectifs renforcés, en termes quantitatifs mais aussi qualitatifs, puisque le niveau de compétence des agents est ajusté aux besoins induits par la mise en oeuvre de ces équipements et l'analyse de flux d'informations accrus.

Malgré le contexte de contraintes budgétaires, les priorités du ministère ont été préservées en matière de connaissance et d'anticipation : le programme 144, cette année, en témoigne.

Je voudrais à présent résumer les grandes masses financières du programme 144 inscrites au PLF 2015.

L'effort est maintenu pour 2015. Le titre 2 étant transféré au programme 212, le programme 144 se voit doté, en crédits hors titre 2, de 1 350 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et de près de 1 334 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 1,28 % et de 0,08 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

Le programme 144 se compose de trois actions : l'action 3 consacrée à la recherche et à l'exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France, l'action 7 consacrée à la prospective de défense, et l'action 8 consacrée aux relations internationales et à la diplomatie de défense.

En ce qui concerne l'action 3, les crédits s'élèvent, en AE, à 280,6 millions d'euros, et en CP, à 268,4 millions d'euros soit, respectivement, 20,8 % et 20,1 % des crédits du programme 144. Cette action se décompose en deux sous-actions :

- l'action 3-1, d'une part, qui concerne le renseignement extérieur et qui reçoit les dotations suivantes : 270 millions d'euros en AE, et 257,7 millions d'euros en CP ;

- l'action 3-2, d'autre part, qui concerne le renseignement de sécurité et de défense, est dotée de 10,7 millions d'euros en AE et en CP.

S'agissant de l'action 7, consacrée à la prospective de défense, les crédits s'élèvent, en AE, à 1 034 millions d'euros et, en CP, à 1 030 millions d'euros, soit respectivement 76,6 % et 77,2 % des crédits du programme 144. Cette action se décompose en quatre sous-actions :

- l'action 7-1, consacrée à l'analyse stratégique - 6 millions d'euros d'AE et de CP - et destinée plus spécifiquement aux études prospectives et stratégiques commandées à des instituts de recherche ;

- l'action 7-2 qui concerne la prospective des systèmes de forces - 20,8 millions d'euros d'AE et de CP - et concrètement la conduite des études opérationnelles et technico-opérationnelles pilotées par l'état-major des armées ;

- l'action 7-3 consacrée aux études amont qui reçoit 742,9 millions d'euros en AE et 738,9 millions d'euros en CP. Ces crédits ne sont plus répartis par systèmes de force mais, désormais, par domaines sectoriels ;

- l'action 7-4, consacrée à la gestion des moyens et subventions - 264,2 millions d'euros d'AE et de CP - qui recouvre les subventions octroyées aux opérateurs participant à des études et des recherches en matière de défense, à l'instar de l'ONERA.

Enfin, l'action 8, consacrée aux relations internationales et à la diplomatie de défense, a évolué dans son périmètre et dans son libellé, au gré des réformes en cours de la fonction « relations internationales ». Ses crédits sont de 35,4 millions d'euros en AE et CP, soit respectivement 2,6 % et 2,7 % des crédits du programme 144. Ils correspondent aux crédits des actions de coopération et d'influence internationales ainsi qu'aux crédits d'activité de la nouvelle DGRIS.

Je souhaite revenir plus en détail sur deux sujets importants, qui relèvent du programme 144, à savoir les études amont et la recherche stratégique, cette dernière relevant directement de la responsabilité de la DAS.

Premièrement, les études amont sont essentielles à la maîtrise des compétences industrielles et technologiques nécessaires à la réalisation des opérations d'armement. Les études amont sont des recherches et études appliquées, attachées à la satisfaction d'un besoin militaire prévisible et qui contribuent à constituer, maîtriser, entretenir ou développer la base industrielle et technologique de défense (BITD) et l'expertise technique étatique nécessaires à la réalisation des opérations d'armement.

Un triple objectif est poursuivi : élaborer, d'une part, des technologies nécessaires au développement et à l'évolution des systèmes pour lesquels une autonomie nationale totale ou partielle est requise ; disposer, d'autre part, des compétences industrielles et étatiques permettant de réaliser les programmes futurs, dans un cadre national ou en coopération ; enfin, susciter et accompagner l'innovation dans les domaines intéressant la défense, au moyen de dispositifs de recherche coordonnés avec l'agence nationale pour la recherche (ANR) ou favorisant la compétitivité et l'accès au marché de la défense des PME/PMI et les entreprises de taille intermédiaire, en lien avec la direction générale des entreprises.

Une nouvelle gouvernance des études amont est conduite depuis cette année : cette gouvernance est désormais fondée sur une segmentation de la recherche scientifique et technologique par agrégats sectoriels présentant une cohérence en termes d'objectifs capacitaires, industriels et technologiques, détaillés dans le document d'orientation 2014-2019 de la Science et Technologie (DOST), fruit d'un important travail collectif au sein du ministère, piloté par la DGA. Le budget des études amont a été renforcé d'environ 100 millions d'euros en 2013 et il s'est ensuite maintenu à ce niveau. Au-delà du maintien, il convient de souligner l'effort sans précédent réalisé depuis 2012 et qui s'élève à près de 17 %.

Dans le cadre contraint qui est le sien, la LPM maintient un effort substantiel de recherche et technologie à travers les ressources consacrées aux études amont, lesquelles seront de 730 millions d'euros par an en moyenne sur la période 2014-2019 ; ce budget est sanctuarisé.

Ces efforts financiers bénéficieront en particulier à plusieurs domaines comme la préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, la conception des futurs aéronefs de combat en coopération franco-britannique (programme FCAS DP) et la préparation des évolutions de l'avion Rafale, la rationalisation de l'industrie franco-britannique des systèmes de missiles, la montée en puissance de la cybersécurité, ainsi qu'à la coopération avec la recherche civile, notamment le soutien aux PME-PMI-ETI innovantes au moyen des dispositifs du Pacte-défense PME.

Voici quelques thématiques d'études amont, qui ont des retombées sur le secteur civil, actuellement conduites : le domaine aéronautique, les avions et drones de combat, les hélicoptères ainsi que les avions de transport. Les enjeux principaux sont la préparation du système de combat aérien futur ainsi que celle des prochains standards du Rafale et du Tigre. On peut aussi mentionner le démonstrateur technologique de drone de combat aérien NEURON et le projet de démonstration du système de combat aérien futur DEMON.

Les études du domaine de l'information et du renseignement portent en particulier sur les technologies de recueil et de traitement des images, de guerre électronique, d'exploitation et de traitement des données de renseignement, ainsi que sur les technologies relatives aux moyens de communication. L'étude en cours sur le démonstrateur spatial du programme ELINT en fournit un exemple pertinent.

Les études du domaine naval visent à préparer les futurs systèmes navals et les évolutions majeures des plateformes en service. Le domaine recouvre aussi les études relatives à la lutte sous la mer et au-dessus de la surface, ainsi que celles relatives à la survivabilité des bâtiments. Le démonstrateur SLAMF/ESPADON a pour objet de valider un concept d'emploi d'un drone de surface et de robots sous-marins pour la détection de mines.

Les études du domaine terrestre concernent essentiellement l'architecture et les capteurs des futurs systèmes complexes, leur fonctionnement en réseau, la protection du combattant et des véhicules, ainsi que les munitions. On peut citer, en guise d'illustration, le projet pour l'étude du futur système de combat de contact (MGCS) conduite en coopération avec l'Allemagne.

Le domaine innovation et technologies transverses a vocation à renforcer les synergies autour des technologies duales et à participer au financement des projets innovants des PME ou des laboratoires de recherche académique. Par ailleurs, le domaine couvre les expérimentations de technologies ou de produits existants, en conditions représentatives d'une utilisation militaire, à l'instar des travaux sur les composants en nitrure de gallium qui visent à développer et pérenniser une source européenne de composants hyperfréquence ultraperformants.

Enfin, le ministère de la défense fait traditionnellement appel à une recherche stratégique externalisée, par le canal des instituts de recherche, afin de répondre aux besoins d'expertise des différents organismes du ministère. Les champs d'investigation de ces études portent sur les domaines politico-militaires, géopolitiques, économiques et sociaux. Ces études permettent également de conduire des veilles thématiques ou géographiques, d'organiser des séminaires fermés ou publics, ou encore de solliciter une expertise étrangère.

A ce titre, après la réforme de gestion conduite en 2009, qui avait contribué à la mise en place d'un meilleur « suivi qualité », à la valorisation des productions ainsi qu'à l'amélioration du dialogue de gestion interne, le dispositif de soutien à la recherche stratégique mis en oeuvre par la DAS sera révisé en profondeur en 2015. Cette évolution répond au constat fait par le Livre blanc de 2013 sur la fragilité structurelle croissante du champ de la recherche stratégique national. A cette fin, les contrats d'études seront réorientés au profit de contrats pluriannuels plus spécialisés, permettant un investissement financier moyen plus important de l'ordre de quelques centaines de milliers d'euros par an et par contrat, contre 50 000 en moyenne pour les contrats actuels, afin de gagner en efficacité dans les domaines jugés prioritaires.

Cette nouvelle politique s'accompagnera de la mise en oeuvre d'un partenariat fort avec le champ universitaire, comme cela a été acté par le ministre en mai dernier. Ce partenariat devrait se traduire par l'élaboration d'une cartographie des pôles d'expertise universitaires et conduire au développement de la connaissance mutuelle des domaines d'expertise et des dispositifs de financement. Il devrait par ailleurs aboutir à la création de mesures spécifiques de soutien de filières d'expertise, comme le financement d'allocations postdoctorales et la création de chaires spécialisées. La France est en effet profondément handicapée par l'inexistence d'une filière « relations internationales » comme d'une filière « défense et stratégie » dans son système universitaire, contrairement à la situation constatée chez nos principaux partenaires.

Pour finir, il me semble important de vous présenter un état des lieux de la réforme de la gouvernance de la fonction « relations internationales et stratégie » du ministère de la défense, qui se traduit principalement par la création de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). En 2013, le ministre de la défense a décidé, afin de garantir une meilleure cohérence des composantes de l'action internationale du ministère de la défense et d'en supprimer les doublons, de créer une direction générale d'administration centrale chargée de piloter l'action internationale et les affaires stratégiques du ministère de la défense.

La DGRIS sera constituée à partir de l'actuelle délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère, à laquelle elle se substitue, ainsi que d'éléments transférés de l'état-major des armées (EMA), de la direction générale de l'armement (DGA) et, dans une moindre mesure, du secrétariat général pour l'administration (SGA).

Le chef d'état-major des armées (CEMA) et le délégué général pour l'armement (DGA) conserveront chacun sous leur autorité hiérarchique les équipes spécialisées leur permettant de réaliser le volet international de leur mission qui n'est pas détachable de leurs attributions. Il s'agit, pour le DGA, des activités internationales ayant un impact direct sur la conduite des coopérations en matière d'armement et du soutien aux exportations d'armement (SOUTEX) et, pour le CEMA, de la coopération internationale liée à l'activité opérationnelle des forces et à la garantie de leur sécurité.

Les missions et l'organisation de la DGRIS ont été définies au premier semestre de cette année, après un processus d'audit fonctionnel et en étroite coordination avec l'EMA et la DGA. Elles ont été validées lors d'un comité exécutif ministériel présidé par le ministre le 3 avril 2014. Un comité de pilotage suit ainsi les modalités de la mise en oeuvre de la réforme dans toutes ses dimensions pratiques.

Présenté aux instances de concertation internes du ministère le 29 septembre dernier, le projet de décret portant organisation de la future DGRIS est actuellement à Matignon. La création de la DGRIS doit ainsi permettre de doter le ministère de la défense d'un outil assurant la cohérence de son action en matière internationale, dans le cadre des décisions et orientations fixées par le ministre en matière internationale.

Cette future direction générale se verra dotée de compétences dépassant le strict champ des relations internationales, puisqu'elle pilotera également les travaux de prospective stratégique et coordonnera les travaux nécessaires à la préparation du Livre blanc et à son actualisation régulière.

Aux termes du projet de décret, ses missions seraient les suivantes :

- premièrement, piloter et coordonner l'action internationale du ministère en matière de relations bilatérales avec les Etats étrangers, valider les plans de coopération et en superviser le déroulement ;

- deuxièmement, contribuer à la définition des positions de la France au sein des organisations internationales traitant des questions de défense, coordonner, valider et adresser les instructions du ministre destinées aux représentations militaires et de la défense auprès de ces organisations internationales et de promouvoir les positions françaises ;

- troisièmement, définir la stratégie d'influence internationale du ministère de la défense ;

- quatrièmement, élaborer des études et des propositions en matière de stratégie de défense ;

- cinquièmement, suivre la planification de défense et de veiller, en liaison avec le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement et le secrétaire général pour l'administration, à l'articulation entre la stratégie de défense et ses évolutions et la programmation militaire élaborée par le chef d'état-major des armées ;

- sixièmement, piloter et coordonner l'action du ministère dans le domaine de la lutte contre la prolifération, de la maîtrise des armements et du désarmement ;

- septièmement, proposer les orientations en matière de contrôle des exportations de matériels de guerre et assimilés et de biens à double usage et coordonner les travaux du ministère dans ce domaine ;

- huitièmement et enfin, représenter le ministère auprès des autres départements ministériels pour les questions touchant à l'action internationale de défense, à l'exception des activités opérationnelles, de la conduite des coopérations en matière d'armement et du soutien aux opérations d'exportation.

Je pourrai, si vous le souhaitez, revenir devant votre commission vous présenter cette future direction générale dès qu'elle sera opérationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je vous remercie, Monsieur le directeur. Vous nous rassurez en ce qui concerne le suivi du Livre blanc puisqu'avec mon collègue Daniel Reiner, nous avions demandé qu'un comité de suivi soit constitué, car il nous paraissait important de prendre en compte la réalité des relations internationales et de ne pas nous contenter de la réactualisation périodique et formelle du contenu de ce document.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

rapporteur. - Concernant le renseignement, nous constatons une baisse des crédits de fonctionnement purement techniques de la DGSE de l'ordre de 0,4 %. Il faut par ailleurs souligner l'effort interne conduit par cette direction pour rationaliser ce champ d'opération. Qu'en est-il du volet qualitatif de la gestion de carrière des agents et de l'évolution de la répartition des effectifs entre personnels civils et militaires du ministère de la défense, de la réforme des personnels d'encadrement et du renforcement de l'attractivité des carrières des ingénieurs ? Qu'en est-il également du recrutement des qualifications professionnelles considérées comme rares qui constituent, comme l'indique la Loi de programmation militaire, un élément fondamental de notre positionnement et de la reconnaissance de la DGSE parmi les services de renseignements les plus efficaces au monde ? S'agissant de la DPSD et de la contre-ingérence au sein de l'outil de défense lui-même, quel bilan tirez-vous de l'instauration des zones à régime restrictif ? Votre direction dispose-t-elle des moyens d'inspection suffisants pour assurer sa mission ?

Mon collègue et co-rapporteur André Trillard m'a transmis deux questions qu'il souhaitait vous poser : l'une sur la DGRIS, à laquelle vous avez répondu lors de votre présentation, et l'autre sur le bilan du régime d'appui aux entreprises pour l'innovation duale (RAPID). Ce dispositif mis en place en 2009 et prenant part au pacte « défense-PME » a été étendu en 2011 aux entreprises intermédiaires de moins de 2 000 salariés. Quel en est, aujourd'hui, le bilan ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

J'aurai deux questions. La première porte sur le développement de notre capacité de renseignement, qui est pour partie fondée sur le développement de notre compétence spatiale. Vous est-il possible de nous faire un point rapide sur l'avancée des deux programmes destinés à améliorer nos capacités d'observation et d'écoute, en l'occurrence les programmes satellitaires MUSIS et CERES ? Ma seconde question concerne le suivi du « plan d'action réactivité » élaboré lors du dernier sommet de l'OTAN au Pays de Galles, qui a notamment décidé la création d'une force opérationnelle interarmées à très haute réactivité et à très haut niveau de préparation. Que peut attendre la France, en termes stratégiques, d'une telle décision, et quelles seront les incidences de cette décision sur l'évolution des systèmes d'armes futurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

S'agissant de la restructuration de votre direction et de la mise en place d'un nouveau système d'information, je me souviens d'un rapport que nous avions présenté dans notre commission et qui soulignait, entre autres questions, le manque de coordination entre les différents services. Une telle situation présentait une réelle gravité, en ce qu'elle empêchait la transmission à haut niveau de l'information. Je n'ai d'ailleurs pas retrouvé dans votre propos la notion d'anticipation, qui est distincte de la notion de prospective et que nous évoquions dans notre rapport. Cette restructuration sera-t-elle de nature à faciliter l'anticipation, qui s'inscrit quant à elle sur une durée de un à deux ans, et contribuera-t-elle à une meilleure coopération entre les services ?

Debut de section - Permalien
Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense

Les questions relatives aux ressources humaines de la DGSE ne relèvent plus du programme 144, mais désormais, comme vous le savez, du programme 212. Je peux tout de même indiquer que les volets quantitatif et qualitatif sont liés dans un certain nombre de domaines où se fait jour une concurrence entre les besoins exprimés par les services gouvernementaux et par le secteur privé, notamment dans le secteur de la cyber-sécurité. Dans ce domaine notamment, il a d'ailleurs été constaté une sous-consommation des crédits en 2014 du titre 2, en raison des difficultés éprouvées par le recrutement de spécialistes.

S'agissant de la DPSD, du bilan des zones à régime restrictif ainsi que celui du dispositif RAPID, je vous adresserai - avec votre permission, Monsieur le Président - ma réponse par écrit, puisque je ne dispose pas, à cet instant, des éléments requis.

Il nous semble cependant que RAPID a été à l'origine d'un grand nombre d'avancées, à l'instar du travail effectué sur l'exosquelette Hercule qui a vocation à assister les combattants pour le port des charges lourdes. Ce programme répond ainsi à une diversité de besoins exprimés à la fois par les forces armées et le secteur civil, dans des domaines comme le BTP, la sécurité ou encore la logistique. La rapidité avec laquelle des progrès ont été enregistrés dans ce programme me semble tout à fait remarquable, puisqu'en 2015-2016, cet exosquelette devrait assister l'ensemble du corps et rivaliser, à son avantage, en termes de fluidité et d'opérabilité, avec ses concurrents étrangers. De tels résultats ont ainsi été atteints avec des investissements moindres qu'à l'étranger et en privilégiant la synergie entre les capacités de recherche civile et militaire.

Le « plan d'action réactivité » élaboré lors du sommet de Newport répondait, d'une part, à un besoin immédiat de nature politique exprimé par l'ensemble de nos alliés, et plus particulièrement les pays d'Europe centrale et orientale confrontés à la politique extérieure conduite par la Russie en Ukraine et surpris par la rapidité avec laquelle des moyens militaires ont été déployés. Il s'agissait ainsi de conforter le rôle de l'OTAN auprès de ses vingt-huit alliés, même dans le cas où on n'invoque pas l'article 5 du Traité en l'absence d'agression armée contre l'un des alliés. Cette démarche répondait, d'autre part, à un second objectif distinct, dont la poursuite a toujours été soutenue par la France, à savoir la capacité d'une mobilisation rapide des forces de l'OTAN dans une optique de gestion de crise (et pas seulement à l'Est) et pour contrecarrer la lenteur de la réaction parfois constatée de l'organisation.

La création de cette force d'action nouvelle, désignée par l'acronyme VJTF (« Very High Readiness Joint Task Force ») a ainsi répondu à ces deux objectifs. La France demeure cependant l'un des rares pays membres doté de la capacité de déploiement rapide de forces armées, comme elle a pu notamment le faire en Libye ou au Mali, du fait de ses institutions et de ses capacités. En outre, le pré-positionnement de nos forces, notamment en Afrique, contribue au renforcement de cette capacité pour ce qui est des opérations en Afrique.

Cette nouvelle force devrait non seulement rassurer nos alliés d'Europe centrale et orientale en cas de menace sur le flanc Est, mais aussi pouvoir être utilisable sur le flanc Sud où la France est aujourd'hui très active.

D'autres décisions, prises au niveau national et visant à aider nos alliés d'Europe centrale et orientale à renforcer leurs propres capacités, se sont avérées complémentaires à la création de cette nouvelle force, à l'instar du renforcement du partenariat franco-polonais existant. D'ailleurs, la France a proposé à la Pologne, qui accueille sur son sol le Corps multinational nord-est dont le commandement est à Szczecin, à la fois l'affectation d'officiers dans ce commandement et un partenariat avec le corps de réaction rapide basé à Lille ou avec l'état-major de l'Eurocorps de Strasbourg ; une telle démarche s'inscrit en cohérence avec les besoins identifiés par les trois nations-cadres du Corps multinational de Szczecin que sont la Pologne, l'Allemagne et le Danemark.

Pour ce qui est de la prospective, nous avions déjà, suite à votre rapport, mis en oeuvre un certain nombre de réformes et nous sommes à votre entière disposition pour venir vous les présenter. La principale d'entre elles vise à renforcer le comité de coordination recherche et prospective (CCRP), qui rassemble les utilisateurs et donneurs d'ordres - la DAS, l'EMA, la DGA, le SGA, la DRM, la DGSE, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs intéressés à puiser dans les capacités de recherche externes - de façon à coordonner et à prioriser les demandes.

Cette démarche représente un réel progrès par rapport à la situation passée. La création de la DGRIS permettra de mieux articuler notre réflexion sur la stratégie de défense avec la prospective, via la création d'une direction unique qui comprendra un pôle prospective à part entière chargé notamment du pilotage des travaux extérieurs au ministère (centres de recherche privés, etc.), une sous-direction de la stratégie de défense notamment chargée du suivi et de l'actualisation régulière du Livre blanc, ainsi qu'une sous-direction en charge de la lutte contre la prolifération.

Dans le cadre du CCRP, des groupes de travail sont d'ores et déjà en cours de constitution, en conformité d'ailleurs avec les orientations du Livre blanc de 2013. L'un des objectifs du CCRP est de s'assurer que l'anticipation à court terme et la prospective, à moyen et long termes, ne soient pas séparées d'une manière par trop artificielle afin d'éclairer utilement les travaux de la stratégie de défense.

Je ne peux en revanche m'exprimer pleinement sur CERES et MUSIS, qui relèvent du programme 146.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Les études amont enregistrent une baisse de 0,8 % par rapport à 2014, mais c'est tout de même 100 millions de plus par rapport aux années précédentes. Un tel effort consenti sur la programmation d'études amont répond à l'enjeu de conserver des bureaux d'études performants. Cette démarche impose de faire des choix pertinents dans ce domaine ! Certaines PME nous ont cependant fait part de leur déconvenue s'agissant des retombées des plans d'études amont qui semblent bénéficier davantage aux grands groupes, du fait de leurs relations privilégiées avec la DGA. Il serait ainsi dommage de consacrer un effort financier qui suscite en définitive une insatisfaction parmi les entreprises ! Comment assurer la sélection de ces programmes qui évite un tel écueil ? Ce constat ressort de nos nombreux contacts avec les entreprises et me conduit à vous interroger sur l'éventuelle amélioration du processus de sélection des entreprises pour ces études amont.

Autre question, sur l'analyse stratégique : suite à notre contribution à l'actualisation du Livre blanc pour 2012, qui comprenait des analyses pertinentes sur les menaces, nous avions formulé la proposition d'une analyse stratégique « glissante » et non rythmée au gré de la succession, désormais chaque six ans, des Livres blancs. En pratique, comment comptez-vous conduire et délivrer aux responsables concernés une telle analyse ?

Enfin, comment organisez-vous l'externalisation de certaines analyses stratégiques et quels sont les organismes que vous sélectionnez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

J'aurai deux brèves questions à caractère politique. Où en est la coopération entre l'OTAN et la Russie ? Quelles sont les retombées de la regrettable affaire « Snowden » qui m'apparaît comme un scandale : les Etats-Unis se sont-ils engagés à cette occasion et avons-nous les moyens de contrôler si ces engagements sont bel et bien tenus ? Sommes-nous en mesure d'opposer des contre-mesures afin d'éviter, à l'avenir, que de tels événements ne surviennent à nouveau, ou devons-nous simplement accorder créance aux Etats-Unis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Le Livre blanc avait identifié la cyberdéfense comme une priorité. Pouvez-vous nous préciser comment celle-ci conduit à un effort particulier en matière d'études-amont ? Par ailleurs, comment sont sélectionnés les candidats au programme d'accueil des personnalités d'avenir étrangères et comment celui-ci devrait-il évoluer dans les prochaines années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Quelle est la part respective des personnels civils et militaires dans votre direction et comment va-t-elle évoluer dans la nouvelle DGRIS ?

Debut de section - Permalien
Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense

S'agissant de la sélection des candidats à l'obtention des études-amont, les orientations sont approuvées dans le document d'orientation S&T, qui est lui-même approuvé en comité ministériel des investissements (CMI) et rassemble tous les principaux responsables du ministère, au-delà de la seule DGA, sous l'autorité du ministre.

En ce qui concerne l'analyse stratégique, le document évoqué par M. Daniel Reiner émanait du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale mais la direction des affaires stratégiques y a contribué activement. Dans le domaine de la stratégie de défense, notre démarche est triple : d'une part, suivre, pour le ministère de la défense, l'ensemble des travaux de mise en oeuvre du Livre blanc actuel et de sa déclinaison dans la LPM ; d'autre part, identifier et analyser les évolutions ou ruptures stratégiques pouvant modifier notre posture et notre stratégie de défense et, enfin, préparer dans la durée les travaux d'actualisation du prochain Livre blanc pour le ministère. Pour conduire cette nouvelle mission de façon continue, la future sous-direction de la stratégie de défense travaillera dans la même direction que le pôle prospective, mais en sera distincte. Dans le cadre d'une démarche nécessairement transverse, cette sous-direction assurera aussi le secrétariat permanent du nouveau Conseil pour la stratégie de défense que le futur directeur général animera et auquel participeront l'ensemble des acteurs concernés. Elle animera également d'autres instances plus informelles et constituées en fonction des besoins, comme des groupes de travail ad hoc rassemblant les différents responsables du ministère, sur des thématiques plus ponctuelles, par exemple, les capacités et la doctrine de la Russie ou encore la problématique de la montée en puissance.

Ce qui est frappant, c'est que le champ et la complexité des défis, dûment identifiés dans le Livre blanc paru en 2013, se sont avérés tout à fait pertinents.

S'agissant de la conduite concrète des études et recherches stratégiques, il nous arrive de solliciter, à titre individuel, des chercheurs en fonction de leurs compétences et pour un montant inférieur au seuil fixé pour les marchés publics, soit 23 000 euros. Les autres études dépassant ce montant font l'objet d'un appel d'offres qui, certes, garantit l'équité et la transparence entre les candidats mais qui implique, en retour, une plus grande lourdeur procédurale, tant pour leur sélection que pour leur rétribution.

Deux autres outils se sont par ailleurs révélés extrêmement utiles : les observatoires, d'une part, qui peuvent être mis en place par des instituts de recherche à l'issue d'un appel d'offres et le mécanisme des subventions, d'autre part, qui vise à renforcer les capacités des instituts de recherche en leur permettant d'accroître leur visibilité, notamment par le biais d'un renforcement de leurs publications.

J'en viens à présent à la situation de la coopération entre l'OTAN et la Russie. Certes, celle-ci n'était pas très développée avant l'annexion de la Crimée et elle est aujourd'hui proche du point mort ; les ministres des affaires étrangères des vingt-huit Etats membres ont pris la décision, lors de leur réunion de juin dernier, de geler la coopération pratique tout en maintenant les échanges politiques. Les difficultés se trouvent plutôt du côté russe, dans la mesure où a été réaffirmée la volonté de l'OTAN, lors du Sommet de Newport, de renouer avec la coopération le jour où les actions de la Russie seront en cohérence avec ses engagements, en particulier au titre de l'Acte fondateur OTAN-Russie de 1997.

Pour ce qui est de la cyberdéfense, parmi les préconisations du Livre blanc, figurait dès 2008 le durcissement de la sécurité de nos réseaux, qu'ils soient gouvernementaux, c'est-à-dire placés sous la responsabilité de l'ANSSI, ou encore relevant de la responsabilité directe du ministère de la défense, qui incombent au centre d'analyse et de lutte informatique défensive (CALID), et des infrastructures critiques civiles, relevant des opérateurs du secteur privé. C'est pourquoi la dotation de nouveaux moyens, financiers, technologiques et humains, intervenue depuis 2008, nous paraît, rétrospectivement, pertinente, même si l'ampleur de la menace est bien supérieure aujourd'hui qu'à cette époque. Les études amont dans le domaine de la cybersécurité s'élèvent à 25 millions d'euros, sur un total de 730 millions d'euros, ce chiffre ne prenant pas en compte les crédits alloués spécifiquement à la cybersécurité pour la DGSE, la DRM ainsi que la DPSD.

Le programme des personnalités d'avenir pour la défense en est à sa quatrième édition. Analogue au programme d'invitation des personnalités d'avenir mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères, il n'est pas unique à la France, puisque les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore l'Allemagne organisent également des programmes similaires. Notre objectif est d'inviter des personnalités qui sont issues du domaine de la défense, entendue au sens large, et qui ne connaissent pas la France, dans une logique de rayonnement et d'influence. Ces personnes rencontrent alors un large panel de responsables gouvernementaux et non-gouvernementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Notre commission a déjà eu l'occasion de recevoir de telles personnalités.

Debut de section - Permalien
Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense

Je vous suis très reconnaissant de l'accueil que vous réservez aux invités de ce programme. Cette démarche est tout à faire essentielle. Elle s'inscrit dans une logique de soutien aux exportations dont ces personnalités sont destinées à devenir des relais dans leur pays respectif. Nous accueillons ainsi une trentaine de personnalités par an, au terme d'un processus de sélection impliquant nos ambassades et nos missions de défense, qui sont les plus à même d'identifier les meilleurs candidats à ce programme. Un programme de suivi devrait d'ailleurs, avec le recul de plusieurs promotions, nous permettre d'évaluer la pertinence de nos choix initiaux et de constituer, à terme, un réseau d'anciens, relayé par nos missions diplomatiques.

S'agissant de la proportion des civils et des militaires dans la future DGRIS, celle-ci devrait quasiment atteindre la parité, avec un effectif global de 209 agents. Outre une efficacité renforcée, l'objectif de la création de la DGRIS est de réaliser des économies en diminuant le nombre des personnels consacrés aux relations internationales, à la DGA, à l'EMA ainsi qu'à la DAS, à hauteur de 57 équivalents temps-plein (ETP), soit une déflation des effectifs de l'ordre de 12 % sur le périmètre des relations internationales du ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Vous contribuez ainsi à l'objectif global de déflation des effectifs du ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

S'agissant de la direction du renseignement militaire (DRM), quels sont les missions et les moyens qui lui sont confiés ?

Debut de section - Permalien
Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense

Les moyens qui sont conférés à cette direction relèvent du programme 178 consacré à l'appui aux forces, et il m'est difficile de répondre à la place du chef d'état-major des armées. La DRM assume deux grandes missions : une mission d'analyse transverse sur les développements susceptibles d'avoir un impact en matière de défense (technologiques ou en matière de prolifération par exemple), distincte de celle de la DGSE, et une mission opérationnelle d'appui aux forces sur les théâtres d'opération où nos forces sont engagées, comme au Sahel ou en Irak.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Le 13ème régiment de dragons-parachutistes fournit, si je puis dire, les yeux et les oreilles de la DRM !

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Pourriez-vous évoquer la coopération en matière de prospective de défense, en particulier dans le domaine du terrorisme ?

Debut de section - Permalien
Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense

Le ministère a ainsi une coopération avec un grand nombre de partenaires, soit dans un cadre ad hoc, soit dans le cadre de dialogues stratégiques établis dans la durée et qui permettent de confronter nos analyses sur un certain nombre de dossiers, comme l'évolution du djihadisme international. Cette coopération s'inscrit en complément des programmes de coopération plus opérationnels que peuvent mettre en oeuvre la DGSE ou la DGSI avec leurs homologues étrangers. Je citerai l'exemple de Singapour qui suit tout particulièrement l'évolution du djihadisme en Irak ou en Syrie notamment, afin d'en évaluer les répercutions en Asie du Sud-Est. Nous avons également des relations très étroites avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ainsi qu'avec l'Italie, qui suit particulièrement l'évolution de la Libye, et l'Australie, elle aussi confrontée à la problématique des combattants étrangers et impliquée dans la campagne aérienne contre Daesh.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Le Sénat vient d'ailleurs de décider, sur la proposition du Groupe UC-UDI, de la création d'une commission d'enquête sur les filières de Daesh.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Puisque vous travaillez essentiellement au niveau bilatéral sur la question du djihadisme, pensez-vous que la création d'un observatoire multilatéral dédié serait opportune ?

Debut de section - Permalien
Philippe Errera, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense

Pour ce qui est de l'analyse des grandes évolutions du terrorisme international, une approche multilatérale est toujours possible. En revanche, la lutte contre ce phénomène repose sur l'échange de renseignements, qui s'opère avant tout sur une base bilatérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je vous remercie, Monsieur le directeur, de votre intervention et du soin que vous avez apporté à répondre de manière complète à nos questions. J'ai également bien noté que vous nous invitiez à vous rendre visite lorsque votre nouvelle direction sera opérationnelle.

La séance est levée à 16 h 20.