Monsieur le ministre, nous avons souhaité vous entendre, avant la préparation de la loi de finances pour 2016, pour évoquer avec vous la rentrée universitaire 2015, qui semble avoir été quelque peu confuse. On a entendu parler d'inscriptions difficiles, avec 7 500 étudiants sans affection durant l'été, et de conditions de travail tendues : on a parlé de 65 000 étudiants supplémentaires, soit la capacité de trois universités, par rapport à l'an dernier. En pondérant l'effet des doubles inscriptions, les universités ont dû absorber 38 700 étudiants de plus, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2014. Cette situation a-t-elle été suffisamment anticipée par votre ministère et par les services en charge de préparer la rentrée ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour répondre à l'objectif national d'amener 60 % d'une classe d'âge dans l'enseignement supérieur en dix ans ? La présidente et le rapporteur général du comité de la Stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) ont fait des propositions qui ont donné lieu à un débat ici-même. Une des missions fondamentales de votre ministère est de valider, de budgéter et de piloter ces propositions.
secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Je suis heureux d'échanger avec vous sur cette rentrée universitaire et plus généralement sur l'enseignement supérieur. L'avenir de notre pays se dessine dans les amphithéâtres, les laboratoires et leurs publications, mais aussi à travers les MOOC (massive open online course, cours en ligne ouverts et massifs) et les formations professionnelles dispensées aux salariés. Je ne crois pas que la rentrée 2015-2016 se distingue particulièrement des précédentes. En revanche, notre système traverse depuis quelques années une période charnière, avec des effectifs supérieurs à 2,5 millions d'étudiants, ce qui est considérable, d'autant que le nombre d'étudiants progresse surtout dans quatre filières : + 18 % en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), + 11 % en droit, + 10 % environ en psychologie ainsi qu'en première année de médecine. Cette rentrée est également la première depuis la loi Fioraso, en 2013, qui a réformé les structures de l'enseignement supérieur avec la mise en place des Communautés d'universités et établissements (Comue), regroupements stratégiques de compétences autour de 25 centres. Il faut replacer ces évolutions dans une tendance globale au développement de la connaissance dans la société, avec un bagage de formation initiale toujours plus important et un besoin de se former tout au long de la vie pour faire face aux incertitudes à moyen terme. Ces tensions pèseront immanquablement sur l'organisation de notre système d'enseignement supérieur.
Le premier défi sera celui de la qualité. Notre enseignement supérieur figure selon l'OCDE parmi les plus efficaces du monde : 80 % de ceux qui s'y engagent accèdent à un diplôme, soit dix points de mieux que la moyenne de l'OCDE. Pour améliorer encore notre système, nous devrons nous adapter à la diversité des publics et relever le défi d'une démocratisation exigeante. Cela suppose la mise en place d'un suivi mieux personnalisé grâce à des méthodes pédagogiques innovantes. Cela implique également un meilleur usage des potentialités considérables du numérique, une réflexion sur l'immobilier universitaire et son organisation dans les années à venir, et enfin la reconnaissance et la valorisation des enseignants-chercheurs dans leur fonction d'enseignement, car c'est sur eux que reposent l'accueil et la qualification des étudiants. Un autre défi consistera à donner à l'université la place centrale qui lui revient dans une société apprenante, destinée à s'organiser progressivement autour de l'acquisition des savoirs et des compétences. C'est tout le sens de l'objectif fixé par la StraNES de 60 % d'une classe d'âge accédant à l'enseignement supérieur, engagement repris par le Président de la République.
Pour préparer cette nouvelle phase de notre enseignement supérieur, le gouvernement en a fait une priorité budgétaire. Il a anticipé le besoin d'accompagnement social renforcé des futurs étudiants, en mobilisant plus d'un demi-milliard d'euros supplémentaires pour les bourses sur critères sociaux, dont 132 500 étudiants issus des classes moyennes ont pu bénéficier à cette rentrée. Il confortera cette politique par des mesures destinées à préserver le pouvoir d'achat des étudiants, notamment la non-augmentation des droits d'inscription. Conformément à la loi du 10 août 2014, la gratification des stages est passé de 3,30 à 3,60 euros l'heure, soit environ 45 euros supplémentaires par mois, dont bénéficieront plus de 350 000 étudiants en stage dans les universités françaises. Enfin, la nouvelle prime d'activité destinée aux travailleurs dont les emplois dont faiblement rémunérés sera accessibles aux étudiants dont les revenus dépassent 0,70 fois le Smic, soit 900 euros net mensuels au cours des trois derniers mois : 100 000 étudiants salariés sont concernés.
Cet effort sans précédent est complété par le plan de 40 000 nouveaux logements étudiants d'ici 2017, engagé dès 2012. Grâce à des innovations en matière de construction, à la mobilisation du foncier par les collectivités locales et à des maîtrises d'ouvrage tout à fait habiles, c'est plus de la moitié du plan qui sera d'ores et déjà livré et occupé dès la fin de 2015. Les conditions financières sont particulièrement intéressantes : à Avignon, une studette de 17 mètres carrés se loue moins de 100 euros par mois ; à Arras, le loyer net mensuel pour les étudiants boursiers est inférieur à 200 euros. Le plan a été concrétisé rapidement et change les conditions de scolarité des étudiants ; l'objectif de 40 000 logements en 2017 sera tenu. Quant au parc locatif privé, la généralisation de la caution locative étudiante (CLE) depuis 2014 permet à des étudiants dépourvus de garant personnel d'accéder à un logement. Près de 6 000 demandes de CLE ont été validées à cette rentrée, soit deux fois plus qu'en 2014.
Enfin, la concertation nationale autour du Plan national de vie étudiante, dont les conclusions ont été remises au ministre le 6 juillet dernier, doit contribuer à simplifier les démarches, à renforcer l'accès au droit et à dynamiser la vie de campus. Le calendrier de sa mise en oeuvre a été présenté il y a quelques jours par le Président de la République.
Pour résumer, le gouvernement souhaite la progression des effectifs, il s'y est préparé en renforçant le volet social.
Des efforts considérables ont été portés pour rendre plus lisibles les parcours des futurs étudiants. Dès la loi de 2013, le nombre des intitulés de formation de licences et de masters a été considérablement réduit pour améliorer l'orientation : on est passé de 5 000 intitulés de masters en 2013 à 251, de 1 800 intitulés de licences professionnelles à 175 et de 322 intitulés de licences à 45. Le parcours a gagné en lisibilité et en fluidité, d'autant que l'on a également prévu une nouvelle modalité d'accès en deuxième année pour les études de santé, expérimentée dans dix universités, ce qui favorise la diversification des publics.
Troisième élément, la réorganisation des structures de l'enseignement supérieur vise à en reconnaître la diversité, avec la coexistence d'universités, de grandes écoles et d'écoles spécialisées, et à en faire une force grâce à des stratégies territorialisées, comme les 25 Comue qui facilitent la mutualisation des moyens et des compétences sans renier l'identité propre à chacun.
Ces trois réformes engagées depuis 2012 devront être complétées. Nous devrons adapter notre modèle économique pour faire face au nombre accru d'étudiants. Des efforts financiers seront nécessaires de la part de l'État mais aussi des opérateurs, qui devront développer leur capacité à trouver des ressources propres. Le développement de la formation professionnelle continue à l'université est une piste à creuser pour consolider le modèle économique des universités et diversifier leurs sources de financement.
L'orientation est un enjeu majeur si l'on veut répondre à l'objectif de 60 % de diplômés de l'enseignement supérieur. Le travail doit commencer dès le lycée, d'où notre collaboration étroite avec le ministère de l'Éducation nationale. Des mesures précises seront mises en oeuvre rapidement pour renforcer la qualité de l'orientation des élèves et donc celle du parcours des étudiants dans l'enseignement supérieur.
Enfin, nous veillerons à simplifier et à améliorer la vie quotidienne de la communauté éducative, trop souvent aux prises avec des procédures complexes. Elle doit être redynamisée par des expérimentations plus nombreuses et incitée à prendre des initiatives.
Merci. L'orientation est importante à toutes les étapes de la vie d'un jeune. D'où la mission d'information et de contrôle que nous avons lancée sur le sujet sous la présidence de Jacques-Bernard Magner, avec pour rapporteur Guy-Dominique Kennel. Il faut absolument éviter que des étudiants ne se retrouvent affectés, faute de place, dans des filières qui ne leur correspondent pas.
Nous avons regretté l'absence d'une certaine ministre, lors du récent débat dans l'hémicycle sur les conclusions de la Commission d'enquête du Sénat sur les services publics de l'éducation. Je vous remercie d'autant plus d'être là pour nous parler de cette rentrée, qui ne s'est pas faite sans un certain tangage. 1,6 millions d'étudiants ont rejoint l'université à la rentrée 2015, soit environ 40 000 étudiants supplémentaires, même si les chiffres ont divergé. On pouvait craindre que les 100 millions d'euros supplémentaires annoncés ne viennent simplement compenser le prélèvement opéré sur les fonds de roulement des universités. Merci d'avoir levé ces inquiétudes.
Bercy doit être conscient que l'enseignement supérieur et la recherche sont l'avenir de notre pays. Nous serons vigilants à cet égard, même si nous nous heurtons à l'article 40, et comptons sur vous pour faire entendre votre voix. Il faut que le gouvernement finance ses décisions, avons-nous entendu. Certains ont évoqué un manque de 140 millions d'euros pour le glissement vieillesse-technicité, d'autres ont souhaité que l'État participe au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, d'autres encore jugent le budget inacceptable. Sans aller aussi loin, je rappelle que le budget avait augmenté de 9 milliards d'euros entre 2007 et 2012 pour financer l'autonomie des universités, les investissements d'avenir et le plan Campus. Certes, nous sommes en période de crise - mais nous l'étions déjà en 2008 ! J'aurais souhaité que le gouvernement affiche cette logique vertueuse avec plus de force. Il ne suffit pas de transformer l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres) en Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), ni de changer la prime d'excellence en prime doctorale et de recherche, pour avoir un programme. Dans quelle mesure les conclusions de la StraNES influencent-elles votre politique ? Vous avez parlé de 25 % d'une classe d'âge accédant au master. C'est une ambition forte qu'il faudra porter financièrement. Quels outils prospectifs utilisez-vous pour calibrer le système universitaire français ? En quoi le budget 2016 tient-il compte des évolutions démographiques à venir ?
Monsieur le ministre, vous avez brossé un tableau éclairant des orientations politiques de votre mission et avez eu l'élégance de citer votre prédécesseur qui a engagé la réforme de l'université et de la recherche, en s'appuyant sur l'autonomie des universités et en développant des procédures plus démocratiques comme les Comue. Rapporteure de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche de 2013, je note que certains décrets d'application ne sont toujours pas parus. La reconnaissance du doctorat en dehors de la recherche fondamentale n'est pas encore effective. M. Patrick Fridenson, chargé d'une mission sur le sujet, a rendu ses conclusions. Comment tenir cet engagement de valorisation et de reconnaissance du doctorat ?
L'Aeres a vécu et laissé place au Haut Conseil de l'évaluation, même si l'on entend déjà des universitaires se plaindre de la disparition de la notation, alors qu'ils en faisaient reproche à l'agence... Les arrêtés de nomination ne sont pas terminés. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?
La loi accorde une attention particulière au Bac professionnel et aux BTS, ce qui rejoint votre préoccupation d'améliorer l'orientation. Elle renforce la place des enseignants du second degré dans le supérieur et encourage la mise en place des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Éspé). Où en est-on ? Enfin, certains étudiants portent plainte auprès du tribunal administratif pour garder leur place en master ; certaines universités ont été mises en cause au sujet de la mise en place du contrôle continu. Est-ce au tribunal administratif ou au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de décider ?
Chacun a bien conscience qu'il ne s'agit pas de 65 000 étudiants supplémentaires, ni de l'équivalent de trois universités - d'autant qu'en superficie, les universités actuelles sont tout à fait capables d'accueillir les 37 000 ou 40 000 nouveaux inscrits. Les syndicats qui vont se réunir vendredi prochain demandent 500 millions d'euros pour répondre aux besoins des universités ; la Conférence des présidents d'université en demande 300 millions. Le Premier ministre a garanti qu'il y aurait 100 millions d'euros supplémentaires en cash, et vous avez vous-même indiqué qu'il n'était pas inenvisageable de consacrer 1 milliard d'euros aux universités de manière pluriannuelle. Qu'en est-il ?
Le programme national de vie étudiante dont le Président de la République a fait siennes les conclusions implique de définir des priorités. Lesquelles ? Comment organiser la vie sur les campus pour favoriser un écosystème d'adhésion, une culture commune, un engagement citoyen ? Le 4 septembre dernier, vous avez co-signé avec le ministre de l'Intérieur et la ministre de l'Éducation nationale une circulaire pour installer des guichets uniques d'accueil des étudiants étrangers. Quels établissements sont en pointe dans cette démarche ? Quelle est votre position par rapport à l'accueil des étudiants étrangers, et plus particulièrement des réfugiés, à un moment où les États-Unis développent un programme pour augmenter la mobilisation internationale de leur communauté universitaire ? Comment nous montrer concurrentiels dans ce domaine, comme nous avons su le faire en termes d'attractivité, sachant que nous sommes revenus au troisième rang mondial ?
La circulaire sur les bourses est parue tardivement, ce qui a entraîné quelques inquiétudes. Pouvez-vous rassurer les étudiants en leur confirmant que leurs bourses seront versées sans retard ? Enfin, vous avez déclaré que les Instituts de recherche technologique (IRT) étaient des dispositifs prometteurs. Comment comptez-vous inciter les universités à y participer ? Quelle place réserverez-vous à la culture scientifique, technique et industrielle ? On parle beaucoup de pratiques pédagogiques et de recherches nouvelles. Quels leviers souhaitez-vous activer pour donner aux jeunes l'envie de faire de la recherche ?
Merci de ces questions, qui montrent votre appétit de discussion. Ces débats doivent être sur la scène publique, en effet.
On a compté lors de cette rentrée une quarantaine de milliers d'étudiants supplémentaires, hors doubles comptes, c'est-à-dire en neutralisant ceux qui sont inscrits en classes préparatoires. C'est le chiffre le plus important depuis 2012. Je vous confirme que les 100 millions d'euros sont un supplément par rapport au PLF de l'an dernier. La progression budgétaire pour le programme 150 s'établit à + 165 millions d'euros. C'est un chiffre sans précédent depuis le début du quinquennat, qui marque une inflexion budgétaire importante et détermine la période nouvelle dans laquelle entre notre système d'enseignement supérieur. Les questions budgétaires doivent être appréhendées dans leur globalité : projet de loi de finances, mais aussi investissements d'avenir, plan Campus, financements européens, financements de l'Agence nationale de la recherche, etc. Au-delà de l'inflexion budgétaire, le Président de la République a annoncé, il y a trois semaines, qu'un nouveau programme d'investissements d'avenir serait voté durant l'année 2016, avec une enveloppe de 10 milliards d'euros qui nourrira entre autres le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Quant aux conclusions de la StraNES, je considère qu'il s'agit d'un document d'orientation qui fixe un cap. À nous de faire des propositions pour tracer le chemin qui y mène. L'appareil statistique dont nous disposons n'est pas satisfaisant. Nous devrions nous doter d'outils nouveaux pensés à partir de l'autonomie des acteurs et plus proches de la conjoncture. C'est pour moi une priorité.
Prévoir 160 millions d'euros suffit-il à réussir la rentrée 2016 ? C'est satisfaisant sur le plan budgétaire, mais l'argent ne suffit pas : il faut un programme spécifique de préparation à la rentrée avec plus de moyens mais aussi un programme sur l'orientation, avec une réflexion sur la procédure Admission Post Bac, un travail plus fin sur l'articulation entre BTS et Bac pro... Nous travaillons déjà sur toutes ces mesures qui seront débattues lors de l'examen du budget et feront l'objet de décisions avant la fin de l'année 2016.
La reconnaissance du doctorat comprend tant la formation doctorale que l'insertion professionnelle. Le texte sur la formation doctorale est actuellement soumis à la concertation. Il va être retravaillé et aura un caractère définitif à la fin de l'année. Il devra être complété par un effort sur l'insertion professionnelle des docteurs. C'est une urgence nationale : il faut que les doctorants trouvent plus de débouchés professionnels. Dans le public, nous envisageons de créer un concours externe spécial réservé aux docteurs au sein de l'agrégation, auquel seraient réservées environ 15% des places. Les ministères devront également jouer un rôle moteur dans le recrutement des docteurs. Dans le privé, nous allons lancer un travail systématique et sans précédent avec les entreprises et constituer une équipe d'ambassadeurs, des chefs d'entreprises ayant déjà recruté des docteurs qui iront démarcher, avec les partenaires sociaux, leurs homologues. Ce n'est pas du romantisme : nous élaborons déjà des objectifs chiffrés.
Un groupe de travail finalise la position du ministère sur les masters. Les ajustements sont à la marge, ils concernent 150 000 masters 1 et 140 000 masters 2. Le master est un bloc dans l'esprit de la réforme LMD. C'est un moment du parcours étudiant qui doit être travaillé en matière d'orientation et d'outils.
Vous chiffrez l'effort à 1 milliard d'euros. Je n'en sais rien, mais il est sûr que les moyens devront augmenter. Depuis 2012, les programmes budgétaires 150 et 230 ont augmenté de 750 millions d'euros - on est loin de l'austérité généralisée ! On peut imaginer une augmentation du budget et surtout des ressources propres des universités. La solution ne passe pas, en tout cas, par le doublement ou le triplement des droits d'inscription, comme le préconisent certains. La France n'est pas une exception en la matière. En Allemagne, les droits d'inscription sont nuls ; idem dans les pays nordiques, où les étudiants se voient en sus attribuer une bourse, sorte de revenu minimum étudiant. Le modèle continental de l'université est plein d'avenir ! Aux États-Unis, certains candidats démocrates reconnaissent que l'envolée des droits d'inscription que les étudiants ne peuvent pas rembourser a été une erreur ; le président Obama a lui-même plaidé devant le Congrès pour la gratuité. L'augmentation des droits d'inscription est une fausse piste.
D'ici l'examen du budget, j'aurai des précisions sur toutes les mesures évoquées du plan national de vie étudiante. Certains guichets uniques sont déjà en place ; j'en ai visité un remarquable à la Cité internationale. Leur mise en oeuvre sera renforcée lorsque la loi relative aux droits des étrangers sera définitivement adoptée. L'alignement du droit de séjour des étudiants étrangers sur la durée de la scolarité renforcera l'attractivité de la France, qui est déjà une des destinations les plus courues pour la qualité de son université.
Jamais les bourses n'ont été payées aussi tôt que cette année : 160 000 bourses ont été versées le 2 septembre 2015, contre 3 000 l'année dernière à la même époque.
Il est temps de faire un diagnostic des structures de l'innovation créées depuis dix ans, comme l'Institut Carnot, les IRT, les sociétés d'accélération du transfert de technologies (Saat), les pôles de compétitivité... J'échange avec le ministre de l'économie sur les modalités de ce diagnostic et sur ses évolutions. Ces dispositifs ne rendent pas suffisamment justice à la recherche publique. Les entreprises françaises et étrangères développent des produits et augmentent leur compétitivité en utilisant les capacités technologiques et le savoir-faire des laboratoires publics, qu'il s'agisse de technologies ou de sciences humaines et sociales - la puissance de la recherche publique français se trouve dans l'hybridation des deux. Le retour sur investissement pour la recherche publique pourrait être amélioré.
Les universités, autonomes, abritent des Éspé dont l'enseignement suit les arbitrages de la loi. Comment conciliez-vous pilotage et autonomie des universités face aux Éspé ? Les Comue ont été instaurées afin d'avoir un projet partagé et de simplifier le pilotage de l'enseignement supérieur. Des contrats de site entre le ministère et les Comue comprendront un volet spécifique sur chaque université ; dès lors, chaque université connaîtra les moyens de sa voisine. À l'opacité succède une totale transparence. Comment gérer le déplacement de moyens du volet université d'un contrat de site vers le volet commun ? Quelles en seront les conséquences sur les moyens financiers et humains de chaque université ? Le projet partagé sera-t-il réversible s'il n'est pas adopté par la Comue ? Revient-on alors au contrat d'établissement ? Avez-vous un plan B ? Avez-vous évalué le phénomène de bureaucratisation chronophage dont se plaignent de nombreuses universités à la suite des rapprochements ?
Les Éspé sont aux confins de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur. J'ai signé, avec Colette Mélot, un rapport d'évaluation de la mise en place des Éspé. La première année fut chaotique - ce qui était normal. La deuxième année a révélé un problème de positionnement des Éspé dans l'université. La troisième rentrée des Éspé est-elle meilleure ? Les revendications de moyens fléchés pour la formation en alternance des enseignants en master 2 peuvent-elles être satisfaites ? Réussit-on à bâtir une culture commune entre le milieu universitaire et l'Éducation nationale ? Le master Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (Meef) formant les enseignants a-t-il gagné en attractivité grâce aux Éspé, avec plus de professionnalisation dans certaines disciplines comme les mathématiques ou les langues ?
J'ai appris à compter à l'école primaire ; une augmentation budgétaire de 165 millions d'euros pour 40 000 étudiants supplémentaires, cela fait 4 125 euros par étudiant, soit largement moins que le coût annuel d'un étudiant. Il n'y a pas de miracle : comment compenserez-vous ? Qui paiera ?
J'ai été rapporteur pour avis au nom de notre commission sur la proposition de loi relative aux droits des étrangers. Nous saluons l'arrivée chaque année de 60 000 étudiants étrangers mais vous envisagez, dans votre projet de loi, de doubler ce chiffre. Comment les prendre en charge si vous ne voulez pas augmenter les droits d'inscription ?
Je me réjouis des efforts considérables et concrets réalisés. Vous souhaitez améliorer les conditions de vie des étudiants, mais ceux d'outre-mer, outre les difficultés d'adaptation, sont confrontés à d'autres problèmes comme le logement. Il faudrait qu'une part des 40 000 logements prévus d'ici 2018 leur soient réservés. Certains parents se voient refuser des chèques hors-place pour le règlement des frais et droits d'inscription à l'université. Pouvez-vous intervenir ? Ces étudiants méritent que leurs difficultés spécifiques soient prises en compte.
Ce serait être de mauvaise foi que de ne pas reconnaître que le gouvernement actuel a sincèrement pour objectif d'améliorer la situation de l'enseignement supérieur et de l'université : 40 000 logements, la généralisation de la caution locative, le renforcement du dispositif des bourses... Tout cela va dans le bon sens.
L'effort budgétaire de 165 millions d'euros pour 2016 n'est pas négligeable dans le contexte actuel, mais on est loin du compte : il faudrait bien plus de moyens pour améliorer sensiblement les choses. En 2012, la moitié des universités étaient déficitaires. Aujourd'hui, la situation s'est améliorée, grâce aux plans d'économie qui cependant ont parfois rendu les conditions d'enseignement ou d'étude plus difficiles.
Vous prenez en compte le rapport StraNES tout en le qualifiant de document stratégique. Certes, nous ne changerons pas la situation d'un coup de baguette magique, en l'espace d'une mandature. Lorsque nous avons reçu Mme Béjean et M. Monthubert, avait émergé l'idée de la gratuité des droits d'inscription. Le lycée est gratuit, pourquoi pas l'université ? De telles mesures ne peuvent être mises en oeuvre dans le cadre actuel des dépenses publiques et de la structure de notre université. Quel est votre sentiment - je ne demande pas un engagement - sur la possibilité de sortir les dépenses d'enseignement supérieur des dépenses publiques, afin de contourner les contraintes budgétaires européennes ? Personne ne conteste qu'1 euro investi dans l'université produit 4 euros au bénéfice de l'activité économique et de la société. Ne pourrait-on réorienter tout ou partie du crédit d'impôt recherche vers les universités ?
Mettons en regard la situation des universités avec l'évolution des régions. L'Aquitaine devient une très grande région avec plusieurs pôles universitaires de rang différent. Quel accompagnement prévoyez-vous pour ces pôles ? Envisagez-vous une reconfiguration, une restructuration, une re-spécialisation ?
Pour reprendre la question de Mme Cartron, quelle est votre lecture de l'évolution du paysage régional ? Quelles seront ses conséquences sur les Comue ?
S'agissant des effectifs, je ne dispose, en Basse-Normandie, que de chiffres globaux qui rendent difficile l'appréhension de la réalité par filière. Je suis surpris car le nombre de bacheliers n'augmente pas. D'où vient cette augmentation du nombre d'étudiants ? Comment se répartit-elle ? Si cette croissance démographique perdure, aura-t-elle des impacts sur la situation immobilière des universités ? Devra-t-on renouveler le plan Université 2000 ? Qui paiera ? Les collectivités locales et notamment les conseils départementaux seront incapables, demain, de participer à de nouvelles dépenses.
Le prélèvement opéré par l'État sur le fonds de roulement des universités, auquel on a déjà assisté une première fois, est-il compatible avec l'esprit d'autonomie que revendiquait la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) ? Souhaitez-vous reconduire cette forme de redistribution, pour utiliser un qualificatif un peu sauvage ?
Merci de ces questions précises. Les Éspé sont un nouveau dispositif qui se met en place. Certaines marchent très bien, d'autres sont en régime de pré-croisière. Elles sont plébiscitées par 60 000 jeunes. Certes, il reste quelques questions de gouvernance à régler : la négociation des contrats de site permettra de faire le point. Loger l'Éspé dans l'université permet d'avoir les bases scientifiques pour des innovations pédagogiques, pour la recherche, de bâtir un pont avec l'université et ses enseignants. Dans le vaste chantier de l'innovation numérique, dans la révolution pédagogique qui va transformer la façon d'apprendre, les Éspé sont une chance formidable. À ceux qui s'interrogent sur la pérennité du modèle économique des universités, je répondrai que des efforts supplémentaires de transformation numérique permettront d'augmenter la qualité de l'enseignement et de réduire les coûts. Ainsi, la pédagogie inversée, la réduction des cours d'amphi au profit de cours plus personnalisés, plus efficace sur le plan pédagogique, réduira les échecs donc les coûts. Le numérique est une formidable opportunité. Il faut des recettes financières mais aussi un système plus efficace. Les Éspé peuvent être le lieu de réflexion de l'évolution et de sa mise en oeuvre.
M. Kennel ne s'est pas trompé dans sa division - mais il a sans doute aussi appris à l'école ce que sont les économies d'échelle : lorsque des infrastructures existantes sont utilisées par un peu plus de personnes, cela fait baisser le coût moyen.
Il y a 300 000 étudiants étrangers en France : 80 000 issus de pays francophones, 80 000 de pays extracommunautaires non francophones, le reste venant de l'Union européenne. La France est une terre d'accueil importante pour les étudiants étrangers.
La caution locative est désormais accessible aux étudiants ultramarins, à qui elle profite largement, comme le système des bourses, car ils sont souvent peu fortunés. Je souhaite établir une relation collaborative avec les parlementaires, car je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Si vous avez des suggestions à faire, des exemples d'aberrations à supprimer, nous les accueillerons volontiers, d'autant que nous préparons une loi de simplification qui concernera, entre autres, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je pense au fonctionnement trop strict des Comue, mais aussi à la simplification de la vie quotidienne des étudiants ou des chercheurs, accaparés par une masse de travail bureaucratique qui les distrait de leur vocation.
Un diplômé de l'enseignement supérieur rapporte 80 000 euros nets à la nation, selon l'OCDE. Il faut établir un nouveau contrat entre la nation et son système d'enseignement supérieur : si nous lui demandons de qualifier un nombre plus élevé de jeunes, de participer à la formation continue et à la formation professionnelle, les termes du contrat devront évoluer. Il ne peut s'agir seulement d'une hausse, indispensable, des moyens budgétaires, il faut une rénovation du modèle économique et du rôle de l'université.
Vous connaissez la doctrine du Président de la République et du Gouvernement sur le Crédit impôt recherche : il ne sera pas remis en cause. Ce qui m'inquiète, c'est le faible retour sur investissement de la partie qui finance la recherche partenariale et le recrutement de docteurs, qu'il faudra augmenter : un membre de mon cabinet ne travaille que sur ce sujet.
Les grandes régions sont un objet en devenir ; elles auront en janvier prochain de nouveaux présidents. Nous savons combien les universités sont des piliers de la structuration sociale et économique des territoires ; je rencontrerai donc rapidement les nouveaux élus. Les Comue, à de rares exceptions près, sont en cohérence avec la nouvelle carte. En tout état de cause, les frontières n'empêchent pas une coopération qui est d'ores et déjà interrégionale. Si les régions souhaitent s'intéresser plus encore à ces questions, je n'y vois que des avantages.
Il faudra être innovant sur la question immobilière, qui demande des moyens financiers considérables. La capacité à doter les universités de la propriété immobilière, la fluidité du patrimoine sont insuffisantes. Le modèle classique de dévolution est impossible à généraliser : il est trop onéreux et ne supprime pas les difficultés de gestion patrimoniale. Nous devrons donc être imaginatifs et y travailler avec les régions.
Nous n'avons pas d'éléments statistiques précis et lisibles pour les universités.
J'aimerais pouvoir analyser certains mouvements de population, et notamment le fréquent décalage entre le territoire et la réalité des inscriptions dans les universités.
C'est pourquoi j'ai indiqué qu'il était nécessaire de rendre notre instrument statistique plus réactif. Le travail est engagé.
Vous m'avez confié être surpris par la précision des questions des sénateurs ; c'est que le Sénat travaille en profondeur sur des sujets comme les Espé ou l'orientation. Nous étions très inquiets de cette rentrée universitaire, car nous sommes interpellés dans nos départements. Je vous remercie d'avoir effectué avec nous ce tour d'horizon, sur un sujet d'avenir qui nous mobilise.
Merci.
La réunion est levée à 18 heures.
Rentrée universitaire - Audition de M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche
La réunion est ouverte à 16 h 30.