Je suis heureux d'accueillir Mme Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins au ministère du travail, de l'emploi et de la santé, venue parler de la tarification hospitalière.
Madame, il sera difficile d'embrasser aujourd'hui l'ensemble de cette problématique complexe ; nous devrons sans doute vous interroger de nouveau par la suite. En outre, nos deux rapporteurs - MM. Le Menn et Milon - vous transmettront un questionnaire écrit.
Parmi les trois grandes séries de sujets que nous souhaitons aborder, viennent tout d'abord les grands axes de la politique tarifaire depuis que la tarification à l'activité (T2A) s'est substituée à la dotation globale. Des gestionnaires d'établissements ont évoqué des variations annuelles difficilement compréhensibles dans le montant de leur ressource. Quels critères avez-vous utilisés pour ajuster les grilles tarifaires ?
Ensuite, la T2A vise à assurer une répartition plus équitable de l'enveloppe, mais comment éviter la multiplication d'actes injustifiés ou la sélection de patients ? Quel bilan peut-on faire de la T2A après huit ans ? Les bénéfices attendus sont-ils au rendez-vous ? Y a-t-il des écueils à éviter ?
Enfin, je souhaite connaître votre sentiment sur la part prise par la T2A dans le financement des établissements : excessive à en croire les établissements publics, mais insuffisante selon les établissements privés. L'équilibre actuel est-il optimal ?
Votre première question renvoie à la formation des tarifs, au modèle même de la T2A, sur lequel beaucoup d'informations circulent, mais parcellaires. Je transmettrai un document précis à votre mission. Effectivement, tous les interlocuteurs n'ont pas le même point de vue sur la T2A et sur les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac).
La construction des tarifs n'est pas affectée par une telle volatilité, sauf dans quelques exemples, sous l'effet de la convergence ciblée. Nous nous sommes efforcés d'éviter les effets revenus en perfectionnant le modèle tarifaire, dont la dernière version, dénommée « V11 », est un véritable big bang : elle a fait passer de 800 à 2 300 le nombre de groupes homogènes de séjour (GHS) pour satisfaire une demande du corps médical tendant à mieux prendre en compte la comorbidité, ainsi que l'âge des patients. Depuis, le modèle ne subit plus que des corrections à la marge.
Cinq déterminants sont utilisés pour construire les tarifs annuels. Le premier est voté par le Parlement, il s'agit de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (Ondam), c'est-à-dire l'enveloppe budgétaire disponible. Le deuxième est une anticipation de l'évolution en volume des soins dispensés, conduisant à un arbitrage prix-volumes, qui a exercé une pression à la baisse des tarifs. Troisième composante, les changements dans le périmètre des charges couvertes par la tarification : si une charge n'est pas couverte par les tarifs parce qu'elle relève des missions d'intérêt général (Mig), la masse budgétaire prise en compte pour élaborer les tarifs est diminuée d'autant, au profit des Mig. Quatrième élément, les coûts observés et leur hiérarchie : il s'agit de l'échelle nationale des coûts commune, une méthodologie commune aux secteurs privé et public. Enfin sont intégrées les priorités de service public et leurs modalités d'application, comme, ces dernières années, le développement des soins palliatifs, la prise en charge en cancérologie ou la chirurgie ambulatoire.
Plusieurs grands principes régissent la détermination de l'enveloppe budgétaire. Il y a d'abord l'Ondam hospitalier, ou plus exactement, l'objectif de dépenses en médecine, chirurgie et obstétrique (Odmco) fixé par voie réglementaire après le vote de l'Ondam par le Parlement. L'arrêté interministériel décline l'Ondam hospitalier en cinq sous-objectifs prenant en compte la nature des activités ou le statut juridique des établissements. Ainsi, l'Odmco inclut les séjours hospitaliers de médecine, chirurgie ou obstétrique (MCO), les actes et consultations externes, les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux de la liste en sus, ainsi que les forfaits relatifs aux urgences ou aux prélèvements d'organes. L'Odmco est découplé entre une part tarifaire et les Migac. Les établissements ne relevant pas du champ MCO (soins de suite et de réadaptation, psychiatrie) demeurent, eux, financés par dotation globale ou prix de journée. Pour obtenir la totalité de l'enveloppe budgétaire, il convient d'ajouter le fonds de modernisation des établissements de santé publics ou privés (Fmespp), qui intervient en soutien à la politique sociale et surtout pour financer des investissements - enjeu colossal...
Dans le cadre de l'enveloppe budgétaire fixée, la première étape de la construction tarifaire consiste à déterminer le résultat de l'année n-1 en extrapolant les données disponibles. Pour 2011, nous connaissons le résultat des onze premiers mois pour les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif - en clair, de l'ancien domaine couvert par la dotation globale - et seulement des dix premiers mois pour les établissements privés à but lucratif. La facturation au fil de l'eau ne fournit paradoxalement pas une vision claire et instantanée de l'ensemble des coûts.
Deuxième étape, la prise en compte de l'évolution du coût des facteurs. En 2011, l'évolution spontanée excédait 3 %, alors que l'Ondam était limitée à 2,8 %. Parmi les facteurs d'évolution, je citerai le glissement vieillesse-technicité (GVT), l'inflation, les mesures nouvelles décidées par le Gouvernement, des mesures statutaires comme le passage de certains infirmiers en catégorie A par suite de la réforme licence-mastère-doctorat (LMD), mais aussi la mise en oeuvre des plans de santé publique.
La troisième étape consiste à évaluer les économies que les établissements devront supporter pour rester dans l'enveloppe disponible. L'ajustement peut être obtenu par des mesures générales ou par des dispositions ciblées comme les plans de convergence élaborés en 2010, puis en 2011 et à nouveau en 2012. Dans le même cadre, nous déterminons la traduction budgétaire des gains de productivité attendus ; en 2012, les hôpitaux devront économiser 415 millions d'euros. In fine, on obtient un volume disponible, inférieur à l'évolution tendancielle naturelle des facteurs.
L'étape suivante est celle de l'arbitrage entre prix et volume - nombre de séjours, de soins ambulatoires, d'actes et de consultations externes. Cette étape intègre l'effet codage au sein des établissements. Le modèle est encore jeune et l'on s'est aperçu que certains avaient pris un retard de codage. Au total, la hausse en volume prévue cette année atteint 3,1 %, supérieure à l'Ondam voté. Une fois la provision en volume faite sur une campagne, on en déduit les tarifs. L'an dernier, nous avons distingué entre tarifs bruts et tarifs applicables après convergence ciblée.
S'agissant des changements de périmètre, en 2009, nous avons sorti la permanence des soins des tarifs pour en faire une Mig ; les gardes et astreintes sont désormais rémunérées au titre de cette mission. Inversement, lorsqu'un médicament devient courant, il est rayé de la liste en sus et réintégré dans les tarifs. Opérations très technocratiques, direz-vous, mais qui sont le moyen de répartir selon des critères objectifs une enveloppe fermée : respecter l'Ondam est pour nous une ardente obligation.
Soyons clairs sur la prise en compte des coûts constatés pour construire les tarifs : un tarif n'est pas un coût. Cependant, grâce à l'échelle nationale des coûts, constituée sur la base des informations fournies par un échantillon - trop restreint à mon sens - d'établissements volontaires, nous vérifions qu'il n'y a pas de rentes de situation, de sur-financements par rapport aux coûts réalisés ou, au contraire, de déficits.
L'échelle nationale des coûts reposait en 2009 et 2010 sur un modèle à trois niveaux de tarifs (bruts, cibles et de campagne) afin d'éviter de déséquilibrer l'offre sur le terrain, mais le message passait difficilement. C'est pourquoi, comme nous nous y étions engagés auprès des fédérations, le modèle a été simplifié en 2011. Désormais, les fédérations nous alertent sur les sous ou sur-financements et les ajustements sont apportés sans avoir à remanier tous les tarifs. Nous nous efforçons ainsi de nous rapprocher au maximum de la réalité tout en respectant l'arbitrage volume-prix.
Vous m'avez interrogée sur le bilan de la T2A. Quel établissement souhaite-t-il le retour à la dotation globale, mis à part tel ou tel qui était jadis particulièrement bien servi ? Tous se rendent compte que la T2A permet un financement plus équitable, évite les rentes de situation de certains au détriment des autres - les chimiothérapies étaient parfois interrompues au mois de novembre, faute de crédits suffisants ! En outre, le nouveau financement prend en compte l'innovation scientifique, puisque la facturation en sus des médicaments et dispositifs médicaux nouveaux permet de diffuser plus vite certains traitements très onéreux. Ce système est plus responsable et il a transformé la culture hospitalière en conduisant à piloter non plus seulement par la dépense, mais aussi par les recettes. Je salue à ce propos les efforts d'efficience réalisés. Enfin, la T2A conduit à s'interroger sur le processus de soins et l'allocation du personnel entre les services ; elle invite à une réflexion sur la taille des unités, sur la segmentation et la complémentarité.
Je ne suis pas sourde, j'entends les reproches formulés contre la réforme de la tarification. La nouvelle tarification paupériserait l'hôpital. Mais l'Ondam est voté par la représentation nationale ! J'ajoute que la transition s'est faite progressivement : de 2004 à 2011 pour le secteur public, 2005 à 2011 pour le privé. Son effet redistributif parmi les établissements publics a été lissé entre 2004 et 2011, pour 1 300 millions d'euros au total, dont 540 millions entre 2008 et 2011. Hors honoraires médicaux, l'effet redistributif a atteint 140 millions d'euros entre 2005 et 2011 pour les établissements privés.
Paradoxalement, la T2A est simultanément accusée d'être budgétairement inflationniste. Or l'Ondam a été respecté en 2011 pour la deuxième année consécutive et il en ira de même cette année. Néanmoins, si l'on ne fait pas d'effort sur la pertinence des soins, la dynamique des volumes risque d'entraîner une pression sur les tarifs.
On invoque un risque de découpage des séjours. Un premier frein est automatique, puisque la tarification est réduite de 50 % dans le cas d'une nouvelle hospitalisation intervenant moins de trois jours après la fin de la précédente. Le chaînage des séjours peut en outre être analysé ex post. Nul indicateur n'est au rouge en la matière.
Enfin, il a été dit que la T2A finançait une part excessive des dépenses. Or, les Migac représentent 15 % du montant versé par l'assurance maladie aux établissements MCO. Avec la liste en sus et les forfaits, un quart de l'activité hospitalière est financé autrement que par les tarifs de séjour.
Le modèle a certes des limites, objectives. Il tend à développer l'activité au-delà du médicalement nécessaire sur un territoire donné. Avec nos bases de données, nous pouvons heureusement calculer des taux de recours prenant en compte la population concernée. De fortes disparités sont constatées sur certains actes comme l'endoscopie, l'angioplastie ou l'appendicectomie. Nous avons donc saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour qu'elle élabore des référentiels applicables à dix GHS médicaux ou chirurgicaux. Le cas échéant, les agences régionales de santé (ARS) réuniront les acteurs d'un territoire de santé, pour discuter avec eux et utiliser le prochain contrat pluriannuel pour diminuer telle ou telle activité dans les établissements publics ou privés. Nous devons être soucieux de l'utilisation des deniers publics.
La deuxième limite concerne l'instabilité des règles de financement, qui rendrait le système insuffisamment lisible. Cependant, depuis la version V11 et ses 2 300 GHS, nous ne modifions plus qu'à la marge la classification. Cette année, nous avons procédé à une actualisation pour l'obstétrique et la prise en charge du nouveau-né, après les travaux conduits l'an dernier avec les fédérations. Nous ne pouvons appliquer un tarif identique aux maternités de niveau 3 et à celles de niveau 1, puisque les normes sont différentes, ainsi que les coûts de structure.
En définitive, une seule question reste véritablement ouverte : faut-il diminuer encore la part de la T2A au profit des activités financées par des forfaits ? Nous avons déjà augmenté les Mig, en y intégrant la prise en charge de la précarité, les Merri, la permanence des soins, la rémunération des internes... Nous sommes allés assez loin. Il faut à présent faire vivre le modèle en le rendant plus transparent. La construction des tarifs est une alchimie qui prend en compte et pondère cinq paramètres importants, avec la préoccupation de limiter les effets revenu et d'approcher la vérité des coûts afin qu'aucun établissement ne soit lésé ou privilégié.
La T2A semble vous donner satisfaction. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2011 affirme que « la T2A telle qu'elle a été mise en oeuvre déconnecte les tarifs des coûts sans faciliter la maîtrise des dépenses hospitalières ». Qu'en pensez-vous ? Il semble en outre que le codage reste mal effectué dans les hôpitaux, faute de formation, voire d'implication des services de soins. La perte d'information atteindrait dans certains cas un quart des données !
Il est difficile de prétendre que les tarifs sont déconnectés des coûts ! Les deux, en effet, ne sont pas totalement corrélés et un tarif n'est pas un coût. Pour calculer un coût moyen, nous avons recours à un échantillon d'établissements volontaires. Je regrette que leur nombre ne soit pas plus élevé. Au demeurant, si l'on veut soutenir la chirurgie ambulatoire, il faut lui appliquer un tarif d'hospitalisation incitant les établissements à développer cette activité. Ainsi, la logique incitative peut-elle conduire à décorréler volontairement certains tarifs des coûts. Le tarif a, de ce point de vue, une portée politique.
Quant à la maîtrise de la dépense, la T2A est un mode d'allocation des ressources... au sein d'une enveloppe fermée, l'Ondam hospitalier, qui n'a pas été toujours respecté dans le passé, mais l'a été au cours des deux derniers exercices. La question est plutôt de savoir si la part consacrée à l'hôpital l'est toujours à bon escient. Est-il possible d'envisager un parcours de soins moins onéreux et plus respectueux de la demande des patients, de leurs conditions de vie ? Il y a encore des progrès à faire, notamment dans l'usage de l'ambulatoire, favorisé par l'essor de techniques de moins en moins invasives. Il n'y a même pas de transfert sur l'enveloppe de ville. L'opération de la cataracte, par exemple, n'exige aucun soin post-opératoire particulier.
Un établissement qui aurait une perte de codage de 25 % serait mort ! Les plus petits ont intérêt à mutualiser leurs moyens avec ceux d'établissements de grande taille, disposant d'un département d'information médicale (DIM). Les techniciens d'information médicale interviennent en appui des médecins pour que le codage soit fait correctement. En revanche, je mets en garde contre le recours à des officines spécialisées dans l'optimisation du codage. Il y a un contrôle externe et les sanctions sont élevées dans les cas de surcodage ; nous avons les moyens d'assurer un codage de qualité dans les établissements de soins, et tel est le cas.
Je ne vous porte pas une contradiction belliqueuse, madame la directrice, je cherche seulement à comprendre comment la Mecss peut apporter sa contribution sur ces questions. Sur les référentiels de coûts, certaines mesures sont fragiles en raison de l'étroitesse des bases statistiques, de la faiblesse de l'activité : les valeurs peuvent alors être biaisées. Ainsi, pour les douleurs chroniques rebelles, le coût du séjour dans le secteur public a diminué de 16 % entre 2007 et 2008 ! Ne conviendrait-il pas de revoir la construction du référentiel ?
La Cour des comptes, dans le rapport de septembre 2011, proposait d'instituer un comité scientifique composé de personnalités indépendantes pour assister l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation (Atih), afin que les professionnels considèrent celle-ci d'un oeil plus favorable... Vous savez qu'ils sont hérissés par la T2A !
Dans le référentiel, certains tarifs sont robustes, d'autres moins. Je rejoins votre appréciation : lorsqu'un tarif est établi à partir d'une activité très faible, la moyenne des coûts constatés est biaisée. C'est pourquoi j'ai demandé à l'Atih d'apprendre à travailler aussi « à dire d'experts », en décomposant les éléments de coût afin d'aboutir à un résultat plus solide. Sur certains GHS, le tarif reste forcément fragile. Ce qui montre bien qu'une forte corrélation entre coûts observés et tarifs serait dangereuse et source de volatilité ! Il faut savoir interpréter les variations, qui portent parfois sur de tout petits volumes.
J'avais du reste à mon arrivée demandé que l'on applique cette analyse comparée - coûts moyens constatés, coûts à dire d'expert - au cas de la réanimation, activité déficitaire à entendre les uns, très rémunératrice selon les autres. La réanimation est un supplément. Dès lors, appliquée à un GHS bien rémunéré, elle apparaît rentable, tandis qu'appliquée à l'hospitalisation de personnes âgées au seuil de la mort, amenées aux urgences puis placées en réanimation, l'activité sera déficitaire, puisqu'il n'y a aucun acte médical ou chirurgical à accomplir.
Sur la gouvernance, la recommandation de la Cour des comptes sera prise en compte. Le conseil d'administration de l'Atih sera désormais présidé par une personnalité qualifiée et non plus par le directeur général de l'offre de soins ; les fédérations vont y faire leur entrée, aux côtés de l'assurance maladie et de l'Etat. La confiance, le dialogue, en seront améliorés. Un comité scientifique digne de ce nom regroupera non seulement les représentants des fédérations mais des statisticiens, biostatisticiens, économistes, etc. qui apporteront un regard novateur sur la régulation hospitalière. Les décrets, en cours de validation, seront incessamment soumis au Conseil d'Etat.
Où en est le projet d'extension de la T2A aux établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR) ? Les hôpitaux publics sont-ils prêts à passer à la facturation individuelle en 2012 ? Sur l'information médicale, il semble que les exigences de codage ne soient pas toujours satisfaites : quelles actions mène-t-on pour y remédier ? Le ticket modérateur, dans les établissements publics, continue à être calculé sur une base spécifique de tarif, le tarif journalier de prestations (TJP). Ce dispositif ne doit-il pas disparaître fin 2012 ?
Nous avions eu le projet d'étendre la T2A aux établissements SSR dès 2012. En 2008 et 2009, les avancées avaient été très limitées : la modélisation a été relancée en 2010 avec pour objectif un dispositif opérationnel en 2012. Comme pour les MCO, le but est de parvenir à une plus grande équité dans la répartition des ressources et de mieux traiter certaines modalités de prise en charge. Au lieu de raisonner exclusivement en séjours, il faut s'intéresser à la prise en charge de jour, voire à la séance d'une demi-journée. Le modèle cible a été conçu en plusieurs compartiments : activité, plateaux-techniques spécifiques ou innovants, molécules très onéreuses, missions d'intérêt général (prise en charge des détenus, innovation, recherche,...) et aide à la contractualisation - puisque, sur un territoire donné, le maintien d'un établissement SSR peut être une exigence même si l'établissement est en déficit. Un mot des Mig : les internes en médecine générale auraient intérêt à se former dans un établissement SSR, plutôt qu'en neurochirurgie dans un CHU...
Nous avons conduit plusieurs enquêtes en 2011, en nous attachant à convaincre nos interlocuteurs de répondre très correctement - ce n'était pas le cas lors des enquêtes précédentes. Les données recueillies sont de bonne qualité. Je crois réaliste de prévoir une mise en oeuvre de la T2A SSR en 2013. La classification par tarif est en cours : soins de suite polyvalents, addictologie, traitement de l'obésité, soins nutritionnels complexes, ne sont pas de même nature. Les formations au codage doivent se multiplier afin que les établissements soient prêts l'an prochain. Nous attendons aussi les premiers éléments de l'étude nationale des coûts, en avril prochain. Ces outils sont indispensables pour commencer à travailler.
Les formations au codage ont été nombreuses dans les établissements MCO, qui ont à présent leurs postes de médecins d'information médicale (DIM) : un comité les réunit dans chaque région, en relation constante avec l'Atih. Des formations ont lieu partout.
Les services cliniques se sentent trop peu concernés par le codage. Ne soyons pas victimes d'une mystification : un médecin n'utilise pas 2 300 tarifs, il n'a à en connaître qu'un tout petit nombre. Il doit être vigilant sur la codification des comorbidités, certes ; en revanche, le niveau de sévérité est généré automatiquement à partir des informations inscrites. L'affaire des PIP nous conduit à identifier toutes les explantations et réimplantations : or, nous constatons que les praticiens respectent aussi bien les codages informatifs que le codage destiné à la valorisation des actes. Je me demande qui propage l'idée que le codage poserait des difficultés. Le problème résiderait plutôt dans la tentation du surcodage ! On ne saurait, en la matière, confier le travail à des officines. La traçabilité fait partie intégrante de la prise en charge du patient. Sans doute les cliniciens seraient-ils plus sensibilisés au codage si l'on avait des comptes de résultat pôle par pôle au sein de l'ensemble de l'établissement, ainsi qu'un retour d'information. La T2A vise bien à responsabiliser non seulement les managers mais aussi les praticiens !
La tarification au fil de l'eau fait déjà l'objet d'une expérimentation, dans cinquante établissements, les uns sur les séjours, les autres sur les actes et les consultations externes - une généralisation reste prévue en 2013 si tout se passe bien. Le paradoxe, c'est que l'on a tout intérêt à conserver une capacité de valorisation des séjours par l'Atih, car pour les cliniques privées, nous obtenons les informations sur les dépenses au fil de l'eau avec un décalage d'un mois par rapport aux informations disponibles sur le secteur public. Les restes à facturer, dans les dépenses au fil de l'eau, s'échelonnent et ce n'est pas nécessairement un facteur de productivité...
Le projet de réforme du ticket modérateur (TM) vise à modifier l'assiette de facturation, pour retenir non plus les tarifs journaliers de prestations (TJP), mais les tarifs nationaux de prestations. Dans les établissements antérieurement soumis à la dotation globale, pour les complémentaires et les prises en charge hors assurance maladie, dont l'AME, la base de calcul demeure le TJP ; dans les établissements précédemment sous objectif quantifié national (OQN), ce sont déjà les tarifs de l'assurance maladie qui servent de base.
Cette réforme serait la conséquence logique du passage à la tarification à l'activité : elle rendrait les modalités de calcul du TM plus équitables entre secteur public et privé et limiterait les inégalités de reste à charge pour les patients. L'enjeu, cependant, est celui des effets de revenu, car nombre d'établissements sont allés un peu fort pour déterminer leur TJP. L'application du TM sur les seuls GHS ou les consultations causerait un manque à gagner, pour les établissements MCO, de 981 millions d'euros, soit 2 % de leurs recettes, ce qui est colossal.
Quelles seront les initiatives du Gouvernement en 2012 ? Il est bien difficile de répondre, mais nous avons indiqué au cabinet les travaux à mener en 2012 et attendons des réponses. Parmi les pistes, il y a celle d'un ticket modérateur appliqué sur un GHS majoré tenant compte des Migac et des forfaits annuels. Ce serait une cote mal taillée, les établissements ayant peu de Migac s'en sortiraient bien, ceux qui en ont plus y perdraient.
Le ticket modérateur lié aux frais de soins et à un forfait hébergement évalué au coût réel de la prestation serait une autre piste, à réglementation constante - c'est-à-dire en intégrant les exonérations de TM. Mais pour aller au-delà des mesures cosmétiques, il faut remettre à plat tout le système du ticket modérateur, y compris les exonérations. L'affaire excède les compétences de ma direction. L'expertise préparatoire est plutôt à confier aux inspections. Ce serait une réforme d'ampleur, politique, rejoignant celle de la protection sociale en France.
Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2009 rappelle que le niveau des crédits correspondant aux missions d'enseignement, recherche, référence et innovation (Merri) a été déterminé à partir d'une étude économétrique datant de 1995. Ne faut-il pas réajuster les niveaux de dotation, forfaitaires ? Les coûts indirects, les fonctions support de la recherche, ne sont pas mesurés. Avec un réajustement, les CHU en déficit trouveraient là un complément utile de recettes.
S'agissant des écarts tarifaires entre le public et le privé, je m'interroge sur l'intégration de la rémunération des médecins : les redevances versées par les praticiens libéraux aux cliniques sont-elles comprises dans l'échelle des coûts, sous la forme d'atténuation de charges ? Si oui, les coûts engagés par les cliniques sont-ils minorés à due concurrence ? Cette question resurgit régulièrement, le public et le privé se renvoient la balle, les comparaisons sont faussées. Ne restons pas dans le flou.
Pensez-vous qu'il serait opportun d'arrêter la convergence tarifaire entre les établissements publics et privés à but lucratif ?
Rassurez-vous, depuis le rapport de l'Igas en 2009, la réforme des Merri a été faite ! Elle a supprimé des rentes de situation, car les Merri avaient été évaluées, sur la base d'un précédent rapport de l'Igas, avec trois clés, « gros chercheurs », « moyens », « petits » - correspondant à 14 %, 13 % et 9 % des revenus des établissements. A quoi correspondaient ces sommes ? Je n'ai pu le comprendre.
Nous sommes parvenus en 2009 à un modèle à trois étages, une part fixe, une part modulable en fonction du nombre d'étudiants, de publications, d'essais cliniques et de brevets déposés, et une part variable, sur appels à projets, programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC), autorisations temporaires d'utilisation pour les nouvelles molécules, financement de structures porteuses de recherche, tels les centres d'investigation clinique. Dès le départ, il avait été annoncé que la part fixe diminuerait progressivement. Les Merri absorbent aujourd'hui plus de 3 milliards d'euros, en incluant la rémunération des internes. Il est difficile, dans l'activité des équipes médicales, de distinguer ce qui relève de l'enseignement de ce qui relève de la recherche. Quoi qu'il en soit, l'assurance maladie finance la recherche clinique à hauteur d'un milliard d'euros chaque année, ce qui souffre la comparaison avec la recherche publique en matière de sciences du vivant. Nous avons un excellent partenariat avec l'ANR, qui finance la recherche fondamentale ; avec l'institut national scientifique d'études et de recherches médicales (Inserm), nous avons même des modules communs sur la recherche translationnelle. Dans cinq ans, la part fixe aura disparu. La part modulable subsistera, et la part variable prendra de plus en plus d'importance.
Le modèle est transparent, nous sommes très vigilants sur les dotations, car nous devons pouvoir justifier auprès de Bruxelles toutes les règles d'attribution des ressources. Aujourd'hui, nous sommes en passe de remplir l'objectif.
Un rapport très complet a fait, il y a deux ans, le point sur l'écart facial entre les tarifs du public et du privé. Tout est question de périmètre. Pour répondre à votre question, je vous indique que les honoraires et les dépassements tarifaires des praticiens sont comptabilisés dans les ressources ; la redevance est une minoration de charge, non une ressource - et elle doit être justifiée à l'euro l'euro par les gestionnaires qui la réclament aux médecins libéraux. L'écart entre les deux secteurs porte en fait sur le périmètre. La convergence n'a de sens que sur des prestations identiques. Les actes de laboratoire, les consultations pré et post-opératoires peuvent être facturés à part, ils font bien partie du même séjour. D'ailleurs, l'étude confiée à la Cnam n'a pas révélé quoi que ce soit de nature à susciter notre mobilisation. L'effet-taille des établissements, l'effet-gamme, jouent bien sûr : les établissements très spécialisés bénéficient d'économies d'échelle, ceux qui ont un case mix très large, y compris, je le souligne, certains établissements privés à but lucratif, subissent des déséconomies. Mais les études confiées aux économistes n'ont pas fourni beaucoup de résultats à exploiter.
Les activités non programmées sont-elles un facteur de surenchérissement ? Il y a là une difficulté méthodologique, car si elles sont pour partie inévitables, elles peuvent aussi être la conséquence d'une inorganisation. La réponse n'est pas simple.
Nous avons en 2010 mené une convergence tarifaire médicalement pure : 150 millions d'euros ont été économisés sur les trente-cinq GHS correspondant à des prestations parfaitement identiques. Et pourtant le rapprochement total n'a été possible que pour vingt et un d'entre eux : par exemple, si on l'avait appliqué aux accouchements par voie basse sans complication, toutes les maternités publiques auraient été menacées ! L'année suivante, on a recherché 150 millions d'euros sur près de deux cents autres GHS, pour lesquels les durées moyennes de séjour étaient comparables ; nous avons opéré un rapprochement progressif de 10 % à 30 %, afin de prendre en compte l'effet revenu et de ne pas mettre à mal l'offre de soins. Cette année, il s'agit de trouver encore 100 millions d'euros en utilisant une autre logique puisque nous ne pouvons pas appliquer la méthode utilisée en 2011 à des GHS qui ont déjà convergé.
La T2A s'applique dans le cadre d'une enveloppe fermée, nationale. Avez-vous la volonté de la régionaliser ? Les établissements en déficit sont nombreux. A-t-on reporté les déficits sur les exercices suivants comme dans le secteur médico-social, et ceux-ci ne pèsent-ils pas sur les établissements qui fonctionnent bien, puisque le système vit sur une enveloppe fermée ? Vous envisagez d'ouvrir les SSR aux internes en médecine générale. C'est effectivement un bon moyen de les former à la pratique généraliste. Mais la rémunération des internes est comprise, dites-vous, dans les crédits Merri dévolus aux CHU : n'y a-t-il pas là une contradiction ?
Les choix stratégiques ne relèvent pas de la direction générale de l'offre de soins. Cependant, la régulation est aujourd'hui fondée sur une enveloppe nationale, avec des tarifs uniques nationaux. La dimension territorialisée concerne l'offre de soins : autorisations délivrées dans le cadre régional, schéma régionaux d'organisation des soins. Il y a interaction entre l'échelon régional, où est pensée l'offre de soins, et un financement assurant l'égalité de traitement au niveau national.
Lorsque j'étais directrice de l'ARH de Bretagne, j'avais calculé qu'il faudrait vingt-huit ans, dans le cadre de la dotation globale et des correctifs PMSI, pour espérer atteindre un niveau de ressources équivalent à la moyenne des autres régions. Avec la T2A, les établissements MCO bretons sont depuis 2011 rémunérés exactement comme ceux de la région parisienne ou d'autres régions.
Si l'on appliquait en France le modèle anglo-saxon, les agences régionales ne seraient plus les régulateurs du maillage territorial, de l'accès aux soins, de l'allocation des dotations, mais des acheteurs de soins recherchant le moins disant : un tarif national n'aurait plus de sens ! Un objectif régional, un Ordam, n'a pas de sens sur le seul secteur hospitalier ; il ne pourrait se concevoir qu'en articulant secteur ambulatoire, hôpital et secteur médico-social. Or, par quels outils réguler l'offre ambulatoire ?
Les déficits sont-ils cumulés ? Oui, et il y a des établissements « plombés », à la trésorerie asséchée, qui vivent d'expédients, d'aides ponctuelles du ministère, de lignes de trésorerie de plus en plus difficiles à renouveler... Le sujet est très préoccupant. Ma direction comporte une sous-direction chargée de l'appui à la performance : les déficits ne sont pas inéluctables, certains établissements sont à l'équilibre avec les mêmes tarifs que les autres. Dans certains cas, le poids de l'histoire, des investissements mal calibrés, un recours massif à l'endettement, ont déséquilibré la situation. Or au-delà de 7 % à 8 % de dépenses sur le titre IV (amortissement et frais financiers liés à l'exploitation), la situation devient tendue ; à 11 % ou 12 %, elle devient insupportable. Il y a dans le même temps de très beaux résultats dans le secteur public comme dans le privé à but non lucratif. Ainsi l'hôpital Saint-Joseph s'est-il restructuré entièrement, revoyant de fond en comble son organisation afin d'allouer au mieux la ressource sans perdre en qualité des prestations.
Les aides à la contractualisation, c'est vrai, sont largement embolisées par l'accompagnement des établissements déficitaires... Elles ont une contrepartie : le respect des engagements de baisse des dépenses. Aide-toi, le ciel t'aidera. Les plans de retour à l'équilibre contractualisés visent à sortir les établissements du déficit. Cela ne se fait pas sans concertation avec le personnel médical et soignant, ni sans réorganisation. Des économies profondes sont nécessaires, mais si l'on procède à la hache, tout s'effondre très vite. Le rétablissement s'apprécie dans la durée.
Pour les établissements SSR, la proximité ne correspond pas à une mission d'intérêt général, contrairement à l'accueil des personnes en situation précaire ou les soins aux détenus, car le maillage des SSR doit par définition répondre aux besoins locaux. Un interne affecté en SSR peut parfaitement être rémunéré par une Merri, s'il est mis à disposition de l'établissement par son CHU.
J'espère vous avoir montré que nous nous efforçons de gérer la complexité avec le souci d'une transparence maximale !
Nous vous remercions de ces bonnes réponses à des questions pertinentes.