La Mecss a engagé au début de l'année une réflexion sur le financement des établissements de santé dont Jacky Le Menn et Alain Milon sont les rapporteurs.
Nous avons organisé vingt auditions des professionnels concernés et effectué avec les rapporteurs six déplacements pour rencontrer les responsables de neuf établissements de santé, publics, privés à but lucratif et non lucratif. Notre séance a pour objet d'examiner nos conclusions avant de les présenter à la commission.
Nous nous sommes penchés sur les mécanismes de financement des établissements de santé, en particulier sur la T2A, objet de controverses. Comment fonctionne-t-elle ? Quels en sont les effets ? Les réponses à ces questions ont nourri les propositions des rapporteurs.
Le secteur hospitalier se caractérise par l'extrême diversité des établissements, que ce soit d'un point de vue juridique ou statutaire, qu'il s'agisse de la taille et de la nature des activités pratiquées ou encore de leur positionnement géographique sur le territoire.
Le ministère de la santé comptait en 2010 2 751 structures offrant 427 000 lits d'hospitalisation complète et 60 500 places de jour. Le nombre de structures et de lits diminue régulièrement, principalement du fait de la fermeture de cliniques.
Cette offre place la France dans la moyenne haute des pays de l'Union européenne, tant pour le nombre de lits que de séjours hospitaliers. Nous disposons certes de deux fois plus de lits par rapport à la population que le Royaume-Uni, l'Espagne ou le Portugal mais environ 20 % de moins qu'en Allemagne où les établissements sont sensiblement plus grands en moyenne. Les comparaisons doivent être appréhendées avec précaution car les définitions varient d'un pays à l'autre.
Notre système présente la particularité d'une gamme très diverse. Le même intitulé d'établissement de santé recouvre des réalités multiples : de l'AP-HP avec ses 22 000 lits et 7,7 milliards d'euros de budget - soit environ 10 % de l'Ondam hospitalier à lui tout seul - aux 350 hôpitaux locaux, en passant par les nombreux centres hospitaliers situés dans des villes moyennes. C'est dire que les évolutions relatives au financement du secteur hospitalier ont des impacts très différenciés selon les établissements.
L'outil statistique est malheureusement défaillant. L'autonomie des établissements de santé ne peut servir d'excuse à l'inertie de l'Etat dans la production de données complètes et fiables puisqu'il réussit à consolider de nombreuses informations sur les collectivités territoriales dont l'autonomie est constitutionnellement reconnue.
Sur le fond, les résultats du secteur privé commercial se dégradent : selon la fédération de l'hospitalisation privée, il connaît une baisse tendancielle de rentabilité et près de 28 % des cliniques ont été déficitaires en 2010, principalement en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO).
De son côté, le déficit global du secteur public se réduit lentement. Selon la DGOS, il s'établit à 488 millions d'euros en 2010, soit 0,8 % des produits d'exploitation, contre plus de 700 millions en 2007. Environ 80 % du déficit reste concentré sur moins de cinquante établissements, pour l'essentiel des CHU, puisque un peu plus de la moitié d'entre eux (dix-huit sur trente-deux) est dans cette situation.
Autre fait marquant, les dépenses d'investissement des hôpitaux ont doublé en moins de dix ans, passant de 2,7 milliards en 2001 à 6,4 en 2010 après un pic à 6,7 en 2009. Les établissements ont tenté d'augmenter leurs ressources propres et ont surtout massivement emprunté, ce qui pèsera durablement sur leurs comptes. La dette a doublé en cinq ans, en raison de la croissance des investissements : elle est passée de 12 milliards d'euros en 2005 à 24 milliards en 2010.
Les hôpitaux sont donc financièrement très contraints, du fait du ralentissement de l'Ondam hospitalier et de la progression de leurs charges.
Comme nos collectivités territoriales, ils connaissent de grandes difficultés d'accès au crédit, du fait de l'aversion accrue des banques au risque. Cette situation est préoccupante et nous souhaitons que les hôpitaux puissent aussi bénéficier des enveloppes qui seront dégagées pour les collectivités.
Je veux enfin dire tout le plaisir que j'ai eu à ces grands moments de connaissance du monde hospitalier.
Et je veux vous remercier d'avoir toujours été présent. Notre travail n'est ni révolutionnaire, ni réactionnaire...
Ses conclusions devraient être acceptées par tous. Jusqu'en 1984, les établissements de santé étaient financés par des prix de journée aux effets fortement inflationnistes et sans pertinence en termes de prise en charge des patients. Alors que les techniques médicales diminuent la durée des séjours à l'hôpital, le prix de journée incitait à les garder le plus longtemps possible. Il a été remplacé par un système de dotation globale reconduisant les budgets année après année, sous réserve de quelques adaptations mineures. Si elle a autorisé une maîtrise des dépenses, la dotation globale présentait cependant des inconvénients majeurs : absence de toute incitation, comme de reconnaissance des efforts accomplis ; faiblesse des indicateurs d'activité ; invitation au conservatisme - personne n'avait intérêt à innover. Figeant l'allocation des ressources sur des bases largement historiques, le système avantageait ceux qui ne développaient pas leur activité et pénalisait les plus volontaires et dynamiques.
Pleinement conscients de ces limites, les instigateurs de la dotation globale ont lancé parallèlement le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), pour mesurer l'activité hospitalière dans sa double dimension médicale et économique. Cet outil reste la base du système de financement.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a mis en place en MCO une tarification à l'activité, la « T2A », dont seuls sont exclus les hôpitaux locaux, les activités de soins de suite et de réadaptation (SSR) et les soins psychiatriques.
Son principe est simple : l'établissement reçoit un paiement forfaitaire et défini a priori pour un type de séjour donné. Il s'agit d'un paiement par séjour hospitalier et non par acte pratiqué, la prise en charge étant supposée inclure un certain nombre de prestations. Ce modèle, sous de multiples variantes, est largement répandu dans les pays occidentaux : aux Etats-Unis d'abord, et dans la plupart des pays européens.
La montée en charge progressive de la T2A a été accélérée en 2008 : sans explication particulière de la part de la tutelle, son application est alors passée, en un an, de 50 % du champ à 100 % pour le secteur public et privé à but non lucratif.
De nombreux professionnels ont critiqué cette accélération du calendrier alors que le système était encore instable et mal évalué et qu'il reste extrêmement complexe. Pour les établissements publics et privés entrant dans le champ de la T2A, l'application des tarifs ne couvre qu'une partie des versements de l'assurance maladie : les tarifs stricts, qu'on appelle les groupes homogènes de séjour (GHS), représentent 31,7 milliards d'euros en 2010, soit 60 % des dotations de l'assurance maladie en MCO ; certains passages de malades en réanimation, néonatalité, soins intensifs et surveillance continue sont facturés avec des suppléments liés à l'activité mais non inclus dans les GHS, ils représentent 2,8 milliards, soit 5 % de l'ensemble ; l'activité externe et certains forfaits techniques atteignent 3,2 milliards, soit 6 % de l'ensemble; les médicaments onéreux et certains dispositifs implantables sont dits en sus et représentent 4,1 milliards, 8 % de l'ensemble ; les services d'urgence et la coordination liée aux prélèvements d'organes et aux greffes sont facturés sous forme de forfaits annuels liés au nombre de passages, pour 1,2 milliard, soit 2 % de l'ensemble ; enfin, la dotation finançant les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) mobilise 7,8 milliards (15 % de l'ensemble). Et il y a encore d'autres lignes budgétaires, comme les forfaits dialyse dans le secteur privé ou l'hospitalisation à domicile facturée sur un modèle proche des GHS, les groupes homogènes de tarifs.
Pour nous, le financement des établissements de santé doit d'abord rester lié à leur activité pour améliorer la transparence, l'organisation et les modalités de prise en charge et éviter les inconvénients majeurs des modes de financement précédents.
La T2A a certes bousculé le monde hospitalier à la façon dont une photo argentique révèle les organisations défaillantes. En outre, la tutelle n'a pas joué correctement son rôle de pilotage et d'accompagnement, se focalisant sur l'outil devenu un but en soi. La technostructure a fétichisé la T2A car elle lui était utile pour forcer des décisions qu'elle ne réussissait pas à prendre seule. D'une certaine façon, la T2A est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres... Il est toutefois nécessaire de revoir sa pratique et ses modalités d'application, notamment pour couvrir plus fidèlement les missions de service public et les coûts fixes.
Une autre pondération entre ses composantes aiderait à en définir des bases plus justes. Certaines activités médicales ne sont pas adaptées à un mécanisme du type T2A. Celles qui sont soumises à des normes réglementaires fixant des seuils d'encadrement des patients induisent parfois une augmentation des coûts par paliers. D'autres ne peuvent pas être standardisées car elles relèvent davantage d'une logique patient que d'une approche par pathologie, ainsi des services de réanimation ou de soins intensifs où la prise en charge est à la fois multiforme et très variable selon les patients. Comment modéliser sous une forme de GHS, ou un équivalent, la défaillance d'un ou plusieurs organes, élément qui caractérise le passage dans un de ces services ? Les actes techniques sont minoritaires dans la prise en charge d'autres activités : il s'agit d'un problème plus global de la médecine en France qui a plutôt valorisé les actes techniques par rapport au temps clinique. Enfin, la logique d'un coût moyen national ne peut pas correspondre à des lieux où l'activité est limitée mais où la puissance publique estime qu'elle doit être préservée pour des raisons de sécurité sanitaire.
Une nomenclature clinique financerait plus justement le temps médical passé. De même, des conférences de consensus pluridisciplinaires pourraient définir à partir de critères médicaux le périmètre des activités qui ne sauraient relever d'une logique de financement à l'acte ou au séjour. Pour celles-là, le modèle pourrait évoluer soit en sortant de la logique GHS pour aller vers un système plus forfaitaire, à l'instar de ce qui existe pour les urgences qui conservent toutefois un lien avec le niveau d'activité, soit en fixant une dotation minimale de base décorrélée de l'activité et représentative d'une part des coûts fixes.
Avant la T2A, les modalités de financement divergeaient entre, d'une part, le secteur public et privé à but non lucratif, financé par les prix de journée puis la dotation globale, d'autre part, le secteur privé lucratif dont le régime était proche de celui des prix de journée avec un encadrement par objectif quantifié national, d'où les appellations barbares de secteur ex-DG et de secteur ex-OQN. La mise en place d'une tarification liée à l'acte thérapeutique pratiqué induit, presque instinctivement, l'idée que le financement doit être égal quels que soient le lieu ou les modalités d'exercice. Or, les grilles tarifaires entre les deux secteurs présentent des différences conceptuelles fortes : en clinique, le GHS ne couvre pas les honoraires des médecins qui sont facturés à part au patient par le praticien lui-même ; à l'hôpital, le tarif est tout compris. Le processus de convergence entre les grilles tarifaires engagé malgré ces différences de construction présente des biais méthodologiques rédhibitoires. Les écarts de champs entre les grilles imposent un retraitement statistique avant la moindre comparaison. Cette construction macro-économique est largement artificielle. En outre, les comparaisons ne sont valables que toutes choses égales par ailleurs ; or, il y a des différences fondamentales dans les modes de prise en charge, dans les contraintes d'organisation, dans les coûts des personnels ou de capacité à programmer les activités. Ce dernier point ne dépend pas de la seule organisation administrative ou soignante, mais aussi des publics et des activités pratiquées, notamment la part des actes pratiqués en série.
Il est indispensable de dépasser les clivages devenus quasiment idéologiques. La convergence, qui a pu servir d'aiguillon, a inutilement focalisé l'attention et crispé les positions, au détriment de l'essentiel. C'est pourquoi nous proposons de la suspendre.
En ce qui concerne l'immobilier, les investissements hospitaliers ont fortement progressé ces dernières années. Le plan Hôpital 2007 a enclenché une mécanique critiquée à juste titre par la Cour des comptes, car on a débloqué très rapidement des enveloppes dont l'attribution n'avait pas été, c'est une litote, suffisamment sélective. En outre, ce plan laissait les établissements s'endetter sur la totalité du projet, les subventions de l'assurance maladie étant versées année après année pour couvrir le remboursement des prêts, ce qui interdisait un calcul optimum du plan de financement et du retour sur investissement.
Il faudra travailler sur la question de la procédure du choix des projets afin de trouver un équilibre entre efficacité collective et autonomie des établissements, notamment en renforçant les capacités nationales de contre-expertise technique des projets immobiliers des établissements.
Nous estimons par principe que les tarifs n'ont pas à financer l'immobilier. Il faut donc dégager des ressources qui ne soient pas liées à l'activité stricto sensu, en privilégiant une logique de contrat de projet pluriannuel et en faisant appel à des financements du type Grand emprunt.
La méthode de calcul des tarifs gagnerait elle aussi à être améliorée. Schématiquement, l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation (Atih) de Lyon calcule, pour un type de séjour - les groupes homogènes de malades, GHM -, des coûts moyens constatés sur un échantillon d'établissements volontaires pour intégrer la procédure. A partir d'une grille classant par coût les GHM, le ministère de la santé prépare une grille de tarifs, les GHS, qui sont les contreparties financières des GHM. Cependant, les priorités du ministère de la santé modifient les échelles en fonction des objectifs de santé publique et par des incitations pour telle ou telle prise en charge.
Au total, les acteurs concernés, soignants et administratifs, comprennent mal les modalités d'une construction opaque, instable et sujette à d'importants retraitements statistiques. L'échantillon est beaucoup trop faible tandis que les pathologies peu fréquentes peuvent difficilement être modélisées sous cette forme en raison du faible nombre d'actes de référence.
Nous proposons donc de poursuivre de manière plus volontariste le déploiement de la comptabilité analytique dans les établissements, d'élargir le plus possible l'échantillon utilisé par l'Atih pour calculer les coûts et de confirmer l'ouverture des travaux de l'Agence aux acteurs hospitaliers par la représentation des fédérations et la création d'un comité scientifique doté de réelles compétences. Cela évitera bien des contestations.
La méthode unique utilisée aujourd'hui pourrait utilement être complétée par d'autres procédés : par exemple, calculer un coût cible de référence, à partir de données médicales, pour certains actes et prestations se prêtant à une logique de série ou de standardisation.
Comment garantir la stabilité et la prévisibilité des tarifs dont la volatilité est dénoncée par tous les établissements que nous avons visités ? On pourrait les calculer dans une perspective pluriannuelle, décaler au 1er juillet l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs et mettre en place un dispositif de contractualisation avec l'ARS pour que l'établissement bénéficie d'un financement stable sur le cycle de développement d'une nouvelle activité.
Les systèmes d'information et les procédures de codage se sont développés dans les établissements avec le plus grand empirisme. Malheureusement, l'administration centrale n'a pas joué tout son rôle d'accompagnement et de pilotage. Il en résulte une hétérogénéité des systèmes, progiciels et logiciels, qui dialoguent mal entre eux. Or, ils sont essentiels tant en termes d'organisation pour l'hôpital et l'assurance maladie que, plus globalement, pour le suivi épidémiologique ou de vigilance sanitaire et pour celui du patient du début à la fin de son parcours dans le système de santé.
Il est donc nécessaire de renforcer les systèmes d'information médicale des établissements pour faciliter l'échange de données entre les différents acteurs, dans le cadre du secret médical. Une réflexion sur les départements d'information médicale (DIM) pour professionnaliser la filière et la doter de moyens renforcés est indispensable.
Parmi les doléances entendues lors de nos déplacements, les contrôles de l'assurance maladie : indispensables dans une logique de tarification à l'activité pour éviter la dérive des dépenses, ils sont aujourd'hui très mal vécus. On leur reproche une pratique trop variable et une quasi-immixtion dans les choix thérapeutiques ou les décisions médicales. Afin de restaurer la confiance des équipes, nous proposons de transformer la commission de contrôle placée auprès de l'ARS en une commission de concertation et de dialogue composée à parité de représentants, d'une part, de l'Etat et de l'assurance maladie, d'autre part, des fédérations hospitalières. Renforcer le pilotage national tout en diversifiant les équipes de contrôle éviterait également les disparités et améliorerait la qualité et la rapidité des réponses de l'Atih sur les règles de codage.
Les Migac représentent 11,5 % de l'Ondam hospitalier, un niveau stable depuis 2009 après une phase de montée en puissance. Extrêmement hétérogènes avec leurs quatre-vingt-treize lignes budgétaires, elles peuvent se regrouper en trois blocs presque équivalents : les missions d'enseignement et de recherche principalement destinées aux CHU (2,7 milliards en 2010), les missions d'intérêt général (2,9 milliards) et les aides à la contractualisation (2,2 milliards). Les dix Migac les plus importantes atteignent 73 % du total, les huit les plus faibles étant inférieures à un million d'euros.
Leurs contours ont beaucoup évolué au fil des années. Surtout, les pouvoirs publics ont eu la plus grande peine à trouver un équilibre entre la prise en compte de la diversité des missions, la volonté de transparence et la lisibilité du système. Malgré des efforts de transparence, celui-ci est devenu opaque et peu compréhensible. Pour simplifier et clarifier la situation, nous proposons de remettre à plat l'ensemble des dotations de mission d'intérêt général par un travail contradictoire entre les différents acteurs.
Le développement des crédits de l'enseignement et de la recherche dans le cadre d'une enveloppe fermée a trop pesé sur les charges de l'assurance maladie. L'Etat devrait prendre en charge les crédits dédiés à ces compétences.
Au lancement de la T2A, les autorités ont vendu la réforme aux hospitaliers en promettant plus de ressources pour les établissements dynamiques et vertueux. Le désenchantement est à la mesure de l'illusion. Dans le cadre d'une enveloppe fermée et contrainte, l'Ondam, le mode de régulation des dépenses d'un système de tarification à l'activité est simple : soit par les volumes, soit par les prix. Et la seconde solution est plus aisée à mettre en oeuvre car elle n'affiche pas d'objectifs susceptibles d'apparaître comme des restrictions aux soins.
Ainsi, les tarifs sont aujourd'hui calculés en début d'année en intégrant une prévision d'évolution de l'activité. Dans les faits, les tarifs ont baissé tous les ans, car la prévision de volume était supérieure à l'Ondam.
Finalement, un établissement dont l'activité progresse moins vite que la prévision nationale de la DGOS reçoit des ressources en baisse... La mécanique est très démotivante pour les équipes. Cette régulation prix-volumes de type strictement macro-économique et uniquement destinée au respect de l'Ondam s'est doublée à partir de 2009 d'une mise en réserve de crédits de nature budgétaire qui n'a pas davantage été comprise par les établissements.
Alors que d'autres outils de maîtrise de l'Ondam ont été mis en place, il est aujourd'hui nécessaire de réformer en profondeur la régulation des dépenses pour la rapprocher de l'évolution de l'activité de chaque établissement et éviter l'actuelle mise en réserve infra-annuelle des Migac. Pourquoi ne pas assortir un certain volume d'activité de tarifs stables, éventuellement fixés de manière pluriannuelle, avec un barème dégressif au-delà de ce volume ? Certains pays pratiquant la T2A ont également mis en place une régulation micro-économique au niveau des établissements, qui pourrait passer par un contrat avec l'ARS. Cette solution, certes complexe, présenterait l'avantage de ne pas pénaliser indistinctement les établissements.
Nous proposons également de conforter le rôle des ARS en matière d'évaluation des besoins de financement des établissements et de leur donner des marges de manoeuvre financières plus importantes. Elles doivent, par exemple, pouvoir contractualiser avec les établissements pour financer le développement d'activités nouvelles afin de leur assurer un niveau de ressources connu sur une période suffisante.
Parce que la T2A peut constituer un obstacle aux coopérations hospitalières car les établissements ont intérêt à développer leur propre activité, les ARS doivent avoir la capacité de soutenir les établissements qui souhaitent coopérer entre eux, en leur attribuant des financements spécifiques sur une période transitoire d'accompagnement.
Au-delà des défauts de construction pratique de la T2A et de ses effets sur le fonctionnement des établissements, nous nous sommes beaucoup interrogés sur ses conséquences éventuelles en termes de qualité et de pertinence des soins et des séjours.
Il est extrêmement difficile d'isoler les effets propres de la T2A, dans la mesure où elle interagit avec d'autres facteurs. En outre, le président de la HAS nous a confirmé qu'aucune étude n'a été menée en France sur ce sujet. La T2A présente également un risque inflationniste.
De toute évidence, il y a eu un effet codage, c'est-à-dire une meilleure description des séjours. Le rattrapage dans l'exhaustivité des systèmes d'information est plutôt derrière nous, et la pression exercée artificiellement sur les volumes devrait s'estomper. Cette question ne correspond toutefois pas à une augmentation des actes pratiqués mais à leur meilleure retranscription - nous restons en tout état de cause dans une enveloppe fermée.
Plus généralement, une part significative de l'augmentation de l'activité tient à des facteurs indépendants du mode de tarification : besoins de santé croissants, vieillissement de la population, développement des maladies chroniques et amélioration des techniques médicales comme la radiothérapie et la chimiothérapie.
D'autres phénomènes plus critiquables contribuent cependant au développement de l'activité. Nous avons en particulier été frappés lors de nos déplacements par l'importance des actes pratiqués pour des raisons de couverture médico-légale au nom du principe de précaution et dans la perspective d'éventuels contentieux. Beaucoup de praticiens nous en ont parlé, les évaluations chiffrées sont impossibles, mais le nombre d'actes concernés ne semble pas du tout marginal.
Autre effet potentiel, le séquençage des séjours. Lorsqu'un patient nécessite un nombre d'actes plus élevé que celui sur lequel est fondé le coût moyen de son séjour ou lorsqu'il est souhaitable de pratiquer un examen ou un acte qui ne relève pas de sa pathologie principale et qui n'est donc pas intégré au GHS, l'établissement a intérêt à le laisser sortir pour le réadmettre afin de percevoir deux GHS. Les garde-fous créés dans le modèle sont apparemment impuissants face au phénomène de séquençage.
Si le risque de sélection des malades et de réorientation des activités vers les plus rentables concerne davantage le secteur privé, plus libre de se réorganiser, il est relativement théorique : de telles stratégies sont difficilement envisageables pour les grands établissements ou pour ceux qui assurent des missions de service public. En outre, il revient à l'ARS de définir les activités et de les organiser au niveau d'un territoire.
Une récente étude de la FHF révèle un nombre élevé d'actes inutiles, évalué par les médecins à 28 % des actes. Les actes inutiles n'ont pas nécessairement une motivation financière, liée à la T2A, ils ont toujours un impact financier. C'est pourquoi nous proposons de développer de manière plus volontariste les référentiels et autres guides de bonnes pratiques de la HAS et des sociétés savantes, et de créer, au sein des ARS, un observatoire de la qualité et de la pertinence des soins.
Pour se prémunir contre une mauvaise application du principe de précaution, il faut reconsidérer la couverture assurantielle des praticiens et des établissements et améliorer les expertises judiciaires en les rapprochant de l'exercice médical tel que les praticiens le vivent aujourd'hui.
Enfin, les études de santé, initiales et continues, doivent intégrer une dimension médico-économique comprenant une sensibilisation à la pertinence des actes.
Régulièrement, nous avons été invités à intégrer la qualité dans le système de financement par des incitations. Cette proposition nous laisse perplexes, car nous doutons tant de sa faisabilité que de sa légitimité. Protéiforme, la démarche de qualité nécessite de multiples indicateurs : sécurité des patients, gestion des risques, taux de mortalité, durée du séjour, réadmissions, réinterventions, complications post-opératoires, infections nosocomiales ou autres événements indésirables. En outre, les résultats d'une intervention ou d'un traitement sont influencés à des degrés divers par les caractéristiques des patients : âge, sexe, gravité, comorbidités associées, statut socio-économique, capacité à suivre les prescriptions...
Comment alors modéliser la qualité pour qu'elle intègre un système de financement, surtout quand il est lié à l'activité ? Qui plus est, la France est très en retard dans la prise en compte de la qualité et il ne faudrait pas reproduire le défaut qui caractérise la T2A, c'est-à-dire faire porter à l'outil plus qu'il ne le peut, pour faire l'économie d'autres types de décisions.
Le monde médical et administratif a toujours été très réticent à la mise en place d'indicateurs de qualité, comme le taux de mortalité. D'autres pays ont pourtant avancé sur cette question, et il est temps d'engager une démarche concertée et scientifiquement fondée, ne serait-ce que pour éviter les palmarès souvent réducteurs qui fleurissent chaque année dans les magazines.
Pour déployer une véritable stratégie de la qualité, nous proposons de confier une mission explicite de supervision à une institution indépendante dotée de l'autorité suffisante. Il convient également d'améliorer les indicateurs existants, de les compléter par des enquêtes de satisfaction et des sondages auprès des patients et des personnes soignantes. En outre, la publicité d'indicateurs pertinents et scientifiquement fondés doit être organisée car la réputation d'un établissement est tout aussi importante que d'éventuelles incitations tarifaires.
Allant plus loin, nous proposons de sanctionner les établissements lorsqu'y surviennent des événements indésirables - tels que les réadmissions -, par exemple en ne remboursant pas certains séjours. Enfin, les dotations non tarifaires devraient inclure une enveloppe dédiée à la qualité attribuée sur appels à projets.
La T2A ne tend pas naturellement à favoriser l'innovation car elle promeut plutôt une forme de process industriel. En outre, la France est nettement en retard dans le développement de la télémédecine pourtant très prometteuse pour répondre aux enjeux présents du système de santé : isolement de certains patients, démographie médicale...
Nous proposons d'intégrer explicitement dans la grille tarifaire les actes de télémédecine pour en assurer la visibilité et la pérennité. Globalement, la T2A doit être conçue pour ne pas nuire au développement de pratiques innovantes.
Le système de santé français s'est construit sur la prise en charge aiguë d'une pathologie, dans un temps où l'espérance et les modes de vie limitaient le développement des maladies dégénératives ou chroniques. On compte désormais neuf millions de personnes en affection de longue durée, soit 15,5 % de la population, et cela représente quasiment les deux tiers des dépenses de l'assurance maladie. Le seul diabète, première ALD en effectifs, pèse 10 milliards d'euros pour l'assurance maladie, soit 7,5 % de l'Ondam. On estime plus largement à quinze millions le nombre de personnes atteintes d'une maladie chronique.
Il importe d'adapter le système de santé et la prise en charge sanitaire à ces nouvelles données. On sait par exemple qu'un certain pourcentage des hospitalisations est évitable, notamment pour les personnes âgées, et diverses études montrent qu'elles se retrouvent souvent dans un état de santé général dégradé au sortir de l'hôpital, car elles ne relevaient pas nécessairement d'une prise en charge sanitaire lourde. Tous les établissements connaissent le phénomène d'arrivée importante de patients âgés le vendredi à l'hôpital, notamment aux urgences.
La coordination entre l'ensemble des acteurs est primordiale, tant en termes d'échange d'information que de pratiques professionnelles ; cette concertation dans la prise en charge doit concerner à la fois les praticiens en ville et tous les établissements. Or, la T2A peut constituer un handicap dans la mesure où elle n'est pas organisée autour du malade mais de sa maladie. Sa logique peut être antinomique de celle d'un parcours de soins ou de santé au sens large.
Les Etats-Unis ont lancé des programmes pour mettre en place un paiement global, du début à la fin d'une prise en charge, par exemple pour les pontages coronariens, la chirurgie bariatrique ou les angioplasties.
Nous souhaitons que s'engage rapidement une réflexion sur une tarification au parcours qui identifie les pathologies pouvant faire l'objet d'une expérimentation. Cela suppose de casser les cloisonnements actuels, ne serait-ce qu'entre les sous-objectifs de l'Ondam, pour dégager une enveloppe de financement globale pour la prise en charge du patient du diagnostic au traitement et aux soins postérieurs à l'hospitalisation.
Enfin, trois secteurs ne sont pas couverts actuellement par la T2A. Les anciens hôpitaux ruraux doivent théoriquement passer à la T2A le 1er mars 2013. Or, ils seront touchés de plein fouet par ses effets pervers actuels : ils développent surtout une activité médicale, notamment gériatrique, très peu chirurgicale ou obstétrique ; les bassins de population dans lesquels ils exercent sont souvent vieillissants.
Pourtant, les hôpitaux locaux rendent un véritable service public de proximité et stabilisent les médecins et les autres personnels soignants libéraux en leur ouvrant la possibilité de remplir des vacations et en assurant un point de référence sur le territoire. Naturellement, ces hôpitaux locaux ne sauraient devenir des hôpitaux généraux, disposant de tout le plateau technique ; ils doivent remplir des missions spécifiques. C'est pourquoi nous proposons de suspendre le passage à la T2A des hôpitaux locaux dans l'attente d'une réflexion stratégique sur leur place dans le système de santé.
De leur côté, les établissements de soins de suite et de réadaptation doivent en théorie passer à la T2A le 1er janvier prochain. La préparation et l'élaboration du modèle sont avancées, mais, à quelques mois de l'échéance, des travaux complémentaires importants sont, de l'avis unanime, encore nécessaires. Surtout, il nous semble opportun d'intégrer l'évolution du mode de financement des SSR dans l'idée du parcours de santé. Autant profiter de l'occasion de réfléchir concrètement à cette question, d'autant que les SSR s'y prêtent parfaitement. C'est pourquoi nous proposons de confier à l'Igas une mission sur le passage à la T2A des activités de SSR dans le cadre d'une évolution vers le financement d'un parcours de soins.
Enfin, l'objectif, lointain, de faire passer le financement des soins psychiatriques dans une tarification à l'activité est régulièrement affiché. La commission m'a confié une mission sur l'état de la psychiatrie et il me semble prématuré d'avancer dans cette voie car le secteur ne connaît pas de pratiques, de référentiels ou de cadres thérapeutiques comparables. Le processus de rapprochement et d'évaluation des pratiques professionnelles ne peut qu'être un préalable à la réforme du financement, même si celle-ci est indispensable.
Nos principales propositions visent à faire évoluer un mode de financement dont beaucoup de nos interlocuteurs soulignent qu'il ne peut rester figé.
Après les prix de journée, après la dotation globale, la T2A marque un nouveau cycle dans la recherche d'une meilleure allocation des ressources, en les dirigeant là où se situent les besoins de santé et où l'on peut le mieux y répondre. Bien des améliorations peuvent être apportées, à la fois pour prendre en compte des activités ou des situations qui se prêtent mal au financement par tarif, et pour veiller à ce que la pertinence et la qualité des prises en charge demeurent le fondement du fonctionnement de nos établissements.
Je ne saurais conclure sans dire le plaisir que j'ai eu à mener ce travail avec le président et mon corapporteur.
Le rapport est remarquable et exhaustif dans tous les domaines. Quel est le coût global de l'hospitalisation ?
Il s'agit de l'Ondam hospitalier intégrant le secteur public et le secteur privé.
Nous devons tenir l'objectif de réalisation d'un parcours de santé qui place le malade au centre du système de soins. Cela bouleverse tout. Chaque malade est unique, et nous devons lutter contre le saucissonnage. Les parcours du combattant ne sont pas rares, surtout s'agissant des pathologies lourdes. Ils ont également un coût financier, avec des frais de déplacement élevés, et humain. Autre objectif à prendre en compte, la formation des médecins. Je suis frappé par l'ignorance des jeunes médecins au sujet des coûts médicaux. Cette dimension leur semble tout à fait étrangère : ils ignorent totalement ce que représentent les charges sociales, et n'ont aucune notion du coût de la médecine. Une meilleure formation serait bien utile.
Donner davantage de pouvoir financier aux ARS ? Même si l'intention est louable, elle pose bien des problèmes pratiques. Les ARS sont chargées de décliner une politique nationale sur le plan régional. Qu'on leur donne davantage de pouvoir financier, et elles vont se fonder sur le nombre d'établissements, d'où le risque de différences de répartition selon les régions, qui pourraient pénaliser, en particulier, celles où existent encore des structures rurales.
Vos craintes portent-elles sur la répartition en fonctionnement ou en investissement ?
Les deux, dès lors les ARS décideraient.
En ce qui concerne la télémédecine, enfin, il me semble essentiel de tarifier les actes - on a avancé sur ce point dans ma région - et de prévoir la répartition des responsabilités, à partir de quoi les avancées seront rapides.
Tout le monde est d'accord sur la formation médicale et de l'ensemble de soignants. Le rapport l'évoque...
Nous pourrions y insister un peu plus. L'ARS doit se recentrer, sans interventionnisme dans les établissements, sur ses missions premières, de régulation régionale : Migac et décisions d'investissement et de construction. Elle est la mieux placée pour avoir une vision régionale d'ensemble, à condition que les organismes de concertation ne soient pas cantonnés au simple enregistrement des décisions.
Je veux également insister sur l'utilité de la carte vitale personnalisée, qui aiderait à éviter les doublons dans le parcours de santé.
Voilà un rapport qui mérite bien des éloges mais reste cependant dans la lignée de nos rapports sénatoriaux : il évite des points d'achoppement. Il ne pose pas la question du nombre des établissements de santé. N'y en a-t-il pas trop ? Que pensez-vous du programme Bachelot, enterré par Xavier Bertrand, visant 127 services de chirurgie pour des raisons de coût et de qualité ? Comment expliquer que les établissements privés assurent 70 % des actes de chirurgie, taux qui ne cesse d'augmenter ? Vous laissez de côté les attaques souvent portées sur la sélection des malades par le privé ; est-ce sur le fondement d'éléments d'information précis ?
Les 28 % d'actes inutiles qu'a évoqués M. Milon doivent-ils donner lieu à modifications législatives ou réglementaires afin d'éviter que les professionnels n'ouvrent systématiquement le parapluie ?
Autant j'admets que la psychiatrie pose un problème particulier, autant je m'interroge sur l'opportunité de repousser au-delà du 1er janvier, avec nouvelle concertation, la T2A pour les hôpitaux locaux et les SSR, très onéreux dans le cadre d'un Ondam fermé, et qui requiert une progression plus importante que celle de la médecine de ville.
Un rapport sénatorial n'est pas iconoclaste. Je l'ai dit d'emblée, nous ne sommes ni révolutionnaires, ni réactionnaires, mais pragmatiques.
Le nombre des établissements ? Notre feuille de route portait sur le financement, non sur la planification. Nous ne nous en sommes pas moins posé la question de la carte des CHU dans un cadre européen, nous n'en avons pas moins réfléchi à la coopération hospitalière. La vraie question, à mon sens, est moins celle du nombre des établissements, que de celui des établissements de même nature. Elle doit s'ancrer sur le terrain : il y a des départements où certains établissements, bien que nombreux, sont loin d'être suffisants ; je pense en particulier à la prise en charge des personnes âgées. Et ma réponse sera la même pour la programmation envisagée par Mme Bachelot : la question que nous avions à nous poser était celle du meilleur financement possible pour les établissements en place. Celle du nombre des établissements ne peut venir que dans un deuxième temps.
Nous abordons dans le rapport la question de la sélection des malades, pour évoquer les risques d'une T2A qui orienterait les établissements vers la seule recherche d'une ressource maximale.
Nous étions appelés à nous interroger sur le moyen de rendre l'outil de financement que constitue la T2A aussi utile que possible aux praticiens, dans le cadre de l'enveloppe fermée. Nous n'avions à nous prononcer ni sur le montant de 75 milliards de l'Ondam hospitalier, ni sur le nombre des établissements, dans la moyenne des pays européens les plus avancés.
La fermeture de certains services ? Nous avons pu constater, avec la communauté hospitalière du Vaucluse, qu'elle pouvait être acceptée par tous, dès lors que le relais est assuré, ce qui est le cas pour le service de chirurgie d'un hôpital de moyenne montagne, la charge étant reprise par l'hôpital d'Avignon. Si la loi HPST voulait plus d'efficacité au service des populations, nous n'en avons pas moins constaté que la T2A est parfois un obstacle : les hôpitaux hésitent devant certaines coopérations de peur de voir baisser leur dotation. Il faudrait lever ce blocage pour une pleine efficacité des CHT.
Nous n'avons guère entendu parler de la sélection des malades, sinon quand le propos était excessif en tout. Les actes inutiles ? La HAS et les sociétés savantes élaborent des référentiels, la Cnam mène des études. Comment expliquer que le nombre de césariennes soit beaucoup plus important dans certaines régions que dans d'autres ? Avoir la réponse aidera à proposer des solutions.
Merci pour ce rapport accessible et pédagogique. Je souhaite revenir sur le financement des investissements immobiliers, passés en dix ans de 2,7 à 6,4 milliards, et sur l'accompagnement des déménagements. Je pense à la fusion des établissements de Castres et de Mazamet. Le nouveau centre hospitalier intercommunal déborde sur la Haute-Garonne et l'Hérault et on le met en difficulté en lui refusant 1,4 million pour couvrir les frais de déménagement, quand une opération similaire dans le Var en a obtenu 4. Et le directeur de l'ARS répond qu'il aurait peut être renforcé Albi plutôt que Castres à meilleur escient alors qu'Albi peut compter sur le relais d'un fort secteur privé et que la population de son arrondissement est inférieure à la nôtre. Pourquoi cette mise en concurrence ? Nous ne demandons pas autre chose que l'équité.
Même si nous n'avons pas abordé ce point dans le détail, nous disons que l'immobilier et l'accompagnement, peuvent faire peser un risque important sur l'équilibre des établissements. Il faudra travailler à nouveau la question des choix, pour trouver un équilibre entre efficacité collective et autonomie des établissements. C'est pourquoi nous préconisons un renforcement des capacités de contre-expertise technique, pour que tous les éléments soient pris en compte dans la décision. Il faut peut-être avoir le courage d'abandonner certains projets en apparence pertinents, mais qui perturbent tant le fonctionnement d'ensemble du système que les patients y perdent.
Nous aurions pu aller plus loin dans nos propositions, au vu de ce qui ressortait de nos réunions, pour aller jusqu'à dire que la Cnam ne doit pas supporter les investissements. Mais nous avons bien vu que l'idée de contrats de plan suscitait encore des réticences chez les directeurs d'hôpitaux, craignant pour leur autonomie de décision. Reste que l'idée peut faire son chemin. Les lois de décentralisation de 1983, avec la dévolution des collèges aux départements et des lycées aux régions n'ont pas empêché les proviseurs de rester maîtres dans leurs murs, même si ce ne sont pas les leurs. L'idée serait d'ôter aux établissements la charge de l'immobilier, sans que cela se répercute sur l'Ondam, afin de retrouver des marges de manoeuvre.
Ne serait-il pas bon, sachant que le souci de la Mecss est essentiellement financier, de faire émerger de ce pertinent rapport celles de ses excellentes propositions qui peuvent se traduire immédiatement par des économies ? Je pense aux 28 % d'actes inutiles, qui ne représentent pas moins de 15 milliards. Je pense également aux hospitalisations de personnes âgées qui pourraient être évitées. Il est vrai que cela tient beaucoup à l'organisation du parcours de santé. Les maladies chroniques, les ALD coûtent cher, il serait bon de travailler à des propositions plus en aval.
Enfin, je vous suis sur la suspension de la convergence tarifaire, qui répond à une demande récurrente.
Tout à fait d'accord pour présenter en annexe du rapport les économies possibles. On mesurerait le retour sur investissement intellectuel...
Des travaux ont été menés sur les actes inutiles, mais il reste à les objectiver : la HAS, les sociétés savantes doivent s'y pencher. Les retours financiers pourraient être rapides, même s'ils ne sauraient atteindre le chiffre que vous avez indiqué. Ces actes ont un coût, non seulement financier, mais humain. Si les praticiens ont tendance à ouvrir le parapluie, c'est qu'ils opèrent dans une société toujours plus judiciarisée, en particulier dans le médico-social. Une meilleure couverture assurantielle vaudrait mieux qu'une multiplication des actes.
Il est vrai que ce problème médicolégal tient pour beaucoup à la couverture des médecins et des établissements.
Pour éviter l'hospitalisation indue des personnes âgées grâce à une meilleure coopération médicale, la loi HPST a permis d'associer les maisons de retraite aux communautés hospitalières de territoire. Pour éviter les hospitalisations intempestives, il serait bon que les médecins, y compris hospitaliers, aillent vers les maisons de retraite. La loi pourrait être améliorée en ce sens.
Fruit d'un immense travail, ce rapport réalise une excellente synthèse dans le respect de la mission qui était la vôtre. Les considérations financières ne sauraient faire l'économie des besoins des populations : je vous suis totalement sur la nécessité de donner priorité au financement des missions de service public. De même sur l'inadaptation de la T2A. Autant je comprends l'utilité d'une tarification des actes pour plus de transparence et une meilleure organisation des soins, autant j'estime que la T2A, au-delà même de la modulation que vous proposez, devrait être déliée de la dotation des établissements.
Je ne peux que vous suivre sur la suspension de la convergence, puisque j'en préconise même l'arrêt. Comment comparer des choses qui ne sont pas comparables ?
J'entends bien que la question des ARS sortait de votre mission. Mais je rejoins les inquiétudes de M. Savary. Si je comprends la nécessité d'évaluer les besoins de soin par bassin de population, il y aurait beaucoup à dire sur le fonctionnement actuel de ces agences, dont les décisions laissent les professionnels démunis. Il serait bon de s'y pencher.
Depuis la mission en Martinique et en Guyane, je suis très favorable à la télémédecine. Attention, cependant, aux effets pervers de la tarification.
L'idée de sortir l'immobilier du budget des établissements sans répercussion sur l'Ondam me semble intéressante, de même que les pistes que vous ouvrez sur l'hospitalisation des personnes âgées et les actes inutiles. Quant aux urgences, n'oublions pas qu'elles sont souvent saturées, surtout le week-end, du fait de l'absence de prise en charge par d'autres services : une réorganisation serait utile.
Il ne faut pas fétichiser la T2A, qui n'est qu'un outil. On l'a dénaturée parce qu'on en a fait une panacée. Comment répartir équitablement l'Ondam hospitalier entre les établissements de santé ? On nous a fait observer qu'en médecine interne, la T2A, qui prend mal en compte l'acte clinique, poussait vers l'acte technique. C'est pourquoi nous demandons une révision de la nomenclature, afin de favoriser l'approche clinique en rendant de la ressource aux praticiens.
Notre rôle n'était pas de revenir sur la loi HPST ; or, c'est dans ce cadre que le rôle des ARS doit être réexaminé. Nous nous sommes cependant demandé si les organismes placés auprès des ARS jouent leur rôle. Quant à la répartition de l'enveloppe, elle a été fixée au niveau régional. La question peut être posée du choix de cet échelon, mais dès lors que les ARS existent, leur rôle est d'assurer la régulation.
Les urgences ? A Lyon, la consultation aux Hospices civils coûte quatre fois plus que celle d'un médecin généraliste. La solution passe par la mise en place de maisons médicales, comme nous l'avons vu au CHR de Lille, mais aussi à Avignon, où ce sont les collectivités qui financent.
Un mot de l'arbitraire des décisions des ARS ? Le directeur de celle de Marseille m'a donné l'exemple de l'hôpital de Briançon, reconstruit lors du plan Hôpital 2007-2012, et qui a, chaque mois, environ 1 million de déficit. Faut-il le maintenir ? De même l'hôpital d'Evreux, en Normandie, où plus aucun médecin ne veut exercer, et qui souffre également d'un déficit mensuel d'un million. Tout le monde demande sa fermeture, sauf les élus... On n'a pas toujours considéré l'intérêt régional. Dans ce cas, j'accepte volontiers certaines décisions dites arbitraires...
Merci de ce travail très fouillé. Les examens superflus existent aussi dans le privé : mes neveux, qui ont à peine plus de trente ans, ont tous subi un examen cardiaque. Certains médecins de ville prescrivent trop. Il faudra que l'assurance maladie y regarde de près.
J'ignore ce que coûtent les maladies nosocomiales.
J'ai été hospitalisée deux fois, j'ai contracté un staphylocoque doré. Il semble que cela soit de plus en plus fréquent. Et pour cause : le jour de mon départ, j'ai constaté que les infirmières se contentaient de passer au torchon un vague désinfectant dans ma chambre avant qu'un nouveau patient n'occupe le lit. Les maladies nosocomiales allongent les durées de séjour, donc les coûts, il faudrait s'en préoccuper.
Les établissements sont soumis à déclaration, mais la prévention requiert un effort continu. Il faut cependant distinguer entre désinfection et décontamination, opération lourde réservée aux blocs opératoires. Dans les services, 90 % des infections sont manuportées : la prévention suppose un effort constant de l'encadrement, et la mise en place systématique de programmes dans les plans de formation. Car les maladies nosocomiales coûtent cher, sur les plans financier et humain, sans parler de la réputation des établissements, car le bouche à oreille va vite.
Merci de ce remarquable travail dont je ne pense pas, à la différence de M. Barbier, qu'il reste tiède. Il me semble au contraire très critique. Ainsi sur la T2A, dont on voit bien comment la technostructure l'utilise pour prendre certaines décisions : ce n'est pas la bonne solution. Je vous suis sur la convergence comme je rejoins la question de M. Savary : où est le malade ? Il faut revenir à l'essentiel, au parcours de santé, à l'accès aux soins, à la formation des professionnels, qui doivent aussi comprendre que les problèmes de gestion ne peuvent être négligés.
Votre rapport montre que l'on doit améliorer l'articulation entre médecine de ville et hôpital. Dans ma commune, les habitants vont facilement aux urgences d'Edouard-Herriot. Les maisons médicales de garde ou les maisons de santé pluridisciplinaires constituent en effet une réponse. Cela vaut aussi pour les personnes âgées, qui ressortent souvent de l'hôpital avec un moral au plus bas.
Pour tous les praticiens, le malade reste le centre. Le parcours de soins préviendra les effets pervers du système de tarification, trop centré sur la maladie au détriment du patient.
Le coût des maladies nosocomiales est en effet énorme. A Laval, on nous a dit qu'un traitement de 3 500 euros passait à 18 000 euros en cas d'infection par le pyocanyque.
Les emprunts toxiques, qui plombent le budget de beaucoup d'établissements, n'ont pas été évoqués. On aimerait disposer de chiffres officiels. Comment sortir ces établissements de l'ornière ?
L'engorgement des urgences vient de l'amont, mais aussi de l'aval : certains malades y restent trop longtemps dans l'attente d'une place disponible dans un service ad hoc.
On ne sortira pas de la question des déficits et de l'efficacité du système sans une problématique globale de l'offre de soins et des parcours de santé. D'où la question des inégalités territoriales. La T2A pose le même type de problème que la convergence : on plaque une rémunération identique sur tout le territoire, alors que les contraintes ne sont pas les mêmes avec tous les patients. Dans mon territoire, classé 342e sur 342, le taux de mortalité est supérieur de 70 % à la moyenne nationale, et l'espérance de vie inférieure de deux à trois ans. Les patients arrivent à l'hôpital en bout de course. Or, la T2A n'en tient pas compte. Là où les hôpitaux sont le plus en déficit, il n'y a aucun mécanisme de compensation, et la dotation des ARS est plus faible.
Une page de notre rapport est consacrée aux emprunts toxiques. On nous a dit que la majorité des emprunts souscrits présentent un faible risque, seuls 5 %, pour un montant d'environ 1 milliard, présentent un risque significatif au regard de la cotation Gissler. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale est moins rassurante, qui conclut à près de 6 milliards d'emprunts structurés, soit près d'un cinquième des encours, dont 3,3 milliards à risque et 2,3 milliards très risqués. Un décret pris en 2011, et modifié début 2012, encadre le recours à l'emprunt des établissements de santé. Les dossiers sont regardés de près par les ARS, avec contre-expertises, pour voir s'il y a un risque à terme sur l'opération.
Ce n'est un secret pour personne, certaines régions sont défavorisées. Une réflexion de santé publique est nécessaire pour assurer un rééquilibrage. Quel niveau d'Ondam pour assurer l'équité, telle est la vraie question. Pour nous, le souci des populations est fondamental. Nous préconisons d'autres modes de prise en charge dans les parcours de santé, pour une meilleure prise en charge à financement contraint, même si nous savons bien que ce n'est pas un remède miracle.
Nous sommes dans une enveloppe fermée. D'où notre proposition d'en retirer la recherche (2 milliards), et l'immobilier pour redynamiser la santé.
Entre la tarification globale, qui porte à l'immobilisme, et la T2A, qui fait progresser mais comporte certains inconvénients, n'y a-t-il pas une troisième voie : un mix, avec une part forfaitaire ?
C'est un peu ce que nous proposons, étant entendu que nous sommes, et resterons pour quelques années encore, dans le cadre d'une enveloppe fermée.
Voyez une ville comme Château-Thierry : l'activité ne va pas y augmenter. Il faut en tenir compte. Une tarification nationale peut pénaliser les structures, et c'est pourquoi nous proposons une amodiation.
Ce rapport me rend plutôt optimiste : il montre qu'il y a des marges d'évolution possibles qui ne nuisent pas à la qualité des soins, même si elles sont difficiles à mettre en oeuvre, car elles bousculent les habitudes et les corporatismes.
J'insiste sur la notion de parcours. Les travaux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ou de la HAS vont dans le même sens. Comment rendre le système plus efficace en maîtrisant les coûts et qui en sera le centre ? Peut-être le médecin généraliste. Si cela reste à définir, l'on mesure l'intérêt de cette notion nouvelle.
Ce rapport, qui fait ici consensus, sera présenté devant la commission des affaires sociales et ne deviendra définitif qu'après son adoption.
La Mecss approuve à l'unanimité les conclusions des rapporteurs.