La réunion est ouverte à 16 h 35.
La commission entend enfin M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour 2017.
Nous recevons Christian Eckert, secrétaire d'État au budget. Michel Sapin est retenu à l'Assemblée nationale pour le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Je vous retrouve avec plaisir pour la présentation de ce projet de loi de finances pour 2017, et vous transmets les excuses de Michel Sapin, qui aurait aimé être parmi nous, mais qui est retenu à l'Assemblée nationale pour la seconde lecture de son projet de loi !
Ce plaisir s'accompagne d'une certaine inquiétude : pour ce dernier budget du quinquennat, j'entends déjà certains alimenter les peurs et les fantasmes sur les risques de dérapage de nos finances publiques pendant une année d'élection...
Je vous présenterai ce budget de la façon la plus factuelle possible pour une discussion apaisée et raisonnable. Le Sénat est l'un des derniers endroits où l'on peut débattre ainsi, avec le sens des responsabilités !
Ce dernier budget de la mandature s'inscrit dans la continuité de notre action : jusqu'au bout, nous remettrons en ordre nos comptes publics. Le déficit repassera sous la barre des 3 % du produit intérieur brut en 2017, pour la première fois depuis 2007, et la dette sera enfin stabilisée. Le déficit budgétaire sera en baisse, d'abord en 2016, avec une révision de plus de 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, puis en 2017, où il atteindra 69,3 milliards d'euros. Ce projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté vendredi dernier forment un ensemble cohérent, la sécurité sociale reviendra quasiment à l'équilibre, sur les quatre branches du régime général, après quinze ans de déficits récurrents. Nous n'avons pas l'intention de dilapider pendant la dernière année du quinquennat tous les efforts faits depuis quatre ans !
Vous connaissez le scénario macroéconomique qui sous-tend ce budget : une croissance de 1,5 % tant en 2016 qu'en 2017. Avant l'été, ce scénario était estimé très prudent. Depuis le Brexit, alors même qu'aucun économiste n'est capable d'en évaluer l'impact économique pour le Royaume-Uni et encore moins pour la France, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge cette prévision « optimiste ».
Depuis que Michel Sapin et moi-même sommes en fonction à Bercy, nous avons constaté que les prévisions macroéconomiques changent tous les trois mois, à l'arrivée d'une nouvelle information. Le Gouvernement ne peut pas changer les bases de son budget tous les trois mois : il doit garantir la constance et la continuité de sa politique budgétaire. Nous maintenons donc nos prévisions de croissance. Peut-être que dans six mois, les mêmes qui les qualifient aujourd'hui d'optimistes les trouveront à nouveau prudentes ! En 2015, dans une configuration similaire, le Haut Conseil des finances publiques avait fait le même type de remarques, alors que nous avions prévu une croissance de 1 %. Or elle a été constatée à 1,3 % ! Si le passé éclaire l'avenir, nous pouvons regarder l'avenir avec sérénité. Nous avons toujours su prendre les mesures de redressement en cours d'année lorsque les faits nous ont contredits.
Je vous ai promis une présentation factuelle : je vous fournirai donc un certain nombre de chiffres. Mon propos sera austère mais, dans une époque d'incrédulité face à la parole des gouvernants quels qu'ils soient, c'est la condition de sa crédibilité.
Au moment du programme de stabilité, pour atteindre l'objectif de déficit en 2017, il nous fallait prendre 5 milliards d'euros de mesures de redressement en 2017, au-delà des économies déjà prévues.
Puis le Gouvernement a engagé pour 9 milliards d'euros de dépenses nouvelles et de baisses d'impôts - dont personne n'a d'ailleurs contesté la pertinence. Les dépenses de l'État augmentent effectivement par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 en raison des moyens dégagés pour l'école, la sécurité et l'emploi.
Nous voulons un pays où chacun peut accéder au savoir, quelle que soit sa condition sociale. C'est pourquoi l'école et l'enseignement supérieur bénéficieront de 3 milliards d'euros de moyens nouveaux. 11 712 postes seront créés au ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et 950 dans les universités, respectant ainsi les engagements pris par le Président de la République en 2012 de créer 60 000 postes dans l'enseignement sur le quinquennat.
Nous voulons un pays où l'on vit en sécurité. Les crédits supplémentaires en faveur de la sécurité s'élèveront à près de 2 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2009, une loi de programmation militaire est non seulement tenue, mais également révisée pour fournir des moyens nouveaux.
Nous voulons un pays où chacun puisse vivre des fruits de son travail. La mobilisation en faveur de l'emploi, affirmée par le Président à l'occasion de l'annonce du plan d'urgence en faveur de l'emploi en janvier 2016, se traduit par près de 2 milliards d'euros supplémentaires - ces comparaisons étant réalisées de loi de finances initiale à loi de finances initiale.
Nous engageons une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu pour les classes moyennes, avec un nouvel allègement de 1 milliard d'euros - soit au total 6 milliards d'euros d'allégements depuis 2014. C'est une baisse strictement compatible avec notre objectif de déficit public pour 2017, et c'est là une preuve du sérieux de ce budget.
Enfin, la division par deux de l'effort demandé au bloc communal en 2017 sur la trajectoire de la dotation globale de fonctionnement (DGF), le relèvement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 2,1 %, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises (PME) et la baisse de cotisations des indépendants conduisent à un besoin de financement supplémentaire de 9 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité. Nous devions donc trouver un financement à hauteur de 14 milliards d'euros : 5 milliards de mesures de redressement annoncées au moment du programme de stabilité et 9 milliards d'euros de dépenses et baisses d'impôts annoncées depuis.
Je précise le détail de ces mesures de financement - votre commission a l'habitude des chiffres. Ce Gouvernement n'a rien à cacher : ce budget doit être le plus transparent possible pour tuer les fantasmes et les peurs et les portes de Bercy sont ouvertes à tous les commissaires des finances ! Sur le financement, nous avons décidé d'économiser 1,5 milliard d'euros sur les administrations de sécurité sociale (Asso). Je l'ai détaillé vendredi dernier lors de la présentation des comptes de la sécurité sociale : 330 millions d'euros de recettes supplémentaires sont prévues par des réductions de niches sociales, une hausse de l'imposition du tabac à rouler et une imposition des distributeurs de tabacs.
Les mesures annoncées lors du Comité national de lutte contre la fraude et celles prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale conduiront à une hausse de 500 millions d'euros du produit de la lutte contre la fraude aux cotisations et aux prestations sociales : sur un total de 400 milliards d'euros de dépenses et autant de recettes, c'est un objectif atteignable. Des économies supplémentaires de 270 millions d'euros sont attendues sur la gestion des caisses de sécurité sociale et leurs dépenses d'action sociale. Nous attendons de moindres dépenses, à hauteur de 350 millions d'euros, sur certaines réformes qui montent en charge, décidées l'an dernier, en particulier la réforme du capital décès et la nouvelle allocation versée au titre du congé parental.
Sur le champ de l'État, nous prévoyons aussi un ensemble de mesures en recettes, pour un total de 1,3 milliard d'euros. Le point commun de ces mesures est qu'elles produisent une recette en 2017 pour le budget de l'État, par effet de trésorerie, en anticipant le versement de recettes qui auraient été perçues en 2018. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, ces mesures n'amputent pas les recettes de 2018, puisqu'en 2018, l'État percevra les recettes qui auraient dû être perçues en 2019. Seuls les contribuables qui auront la patience d'attendre la fin des temps seront donc perdants !
Ces mesures sont les suivantes. Le cinquième acompte d'impôt sur les sociétés sera élargi, pour un rendement de l'ordre de 530 millions d'euros : cette mesure concerne uniquement les 1 000 plus grandes entreprises du pays, qui ont connu la suppression de 3,5 milliards d'euros de la contribution exceptionnelle décidée par la précédente majorité. Le régime d'acompte sur les prélèvements forfaitaires obligatoires (PFO) perçus sur les produits d'épargne sera généralisé : cette mesure produira 380 millions d'euros, elle met à contribution la trésorerie des établissements financiers, et est sans impact sur les épargnants : le PFO est perçu au fil de l'eau par les banques et les assureurs sur les intérêts versés à leurs clients. Ces sommes ne sont versées que périodiquement : à la fin de l'année, cela crée un décalage. Le prélèvement au fil de l'eau - presque du prélèvement à la source - produit un rendement de 380 millions d'euros. C'est une question de trésorerie infra-annuelle et, compte tenu des taux d'intérêt souvent négatifs à court terme, la profession - avec laquelle nous nous sommes concertés - ne souffrira pas de cette mesure. Un acompte sur la majoration de taxe sur les surfaces commerciales sera institué pour 100 millions d'euros. Les modalités de versement de la taxe sur les véhicules de société seront calées sur l'année civile : cette mesure, qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, rapportera un peu moins de 200 millions d'euros.
Outre ces mesures portant sur les entreprises, le projet de loi de finances comprend un nouveau mécanisme pour lutter contre les contournements du plafonnement de l'impôt sur la fortune (ISF), dont nous attendons un rendement minimum de 50 millions d'euros.
Nous prendrons également en 2017 des mesures de régulation des dépenses d'investissement d'avenir. Elles réduiront ces dépenses de 1,2 milliard d'euros par rapport à notre prévision du programme de stabilité. Elles sont compatibles avec les prévisions de décaissement des programmes d'investissement d'avenir en cours de finalisation.
Pour financer les dépenses nouvelles de 2017, nous avons pu compter sur certaines bonnes nouvelles : n'en déplaise aux oiseaux de mauvais augure, les bonnes nouvelles existent aussi quand on fait un budget ! Les dépenses de contentieux fiscaux sont, depuis des années, systématiquement inférieures aux prévisions de 1 milliard d'euros, ce qui a permis une révision de 0,7 milliard d'euros. Compte tenu de la baisse des taux d'intérêt, la prévision de charge de la dette est inférieure de 1,2 milliard d'euros à notre prévision d'avril. Les recettes de la lutte contre la fraude sont revues en hausse de 1,9 milliard d'euros, notamment au titre du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), tout en restant globalement prudentes, alors que 0,5 milliard d'euros était prévu initialement. Le STDR finira par se tarir. Mais il se trouve, et personne ne s'en plaindra, que les demandes de régularisation continuent pour le moment d'affluer. Seule la moitié des 45 000 dossiers déposés a été traitée.
Les baisses de dotation aux collectivités territoriales, sujet qui vous est cher, vont diffuser leurs effets sur plusieurs années. Nous le constatons déjà en 2016 : les dépenses des collectivités continuent à augmenter, mais un rythme trois fois inférieur à l'année dernière. Nous attendons 1 milliard d'euros de dépenses locales en moins. La baisse des dotations, lancée en 2014 et fortement amplifiée en 2015, a déclenché de nombreuses réactions. Nombreux sont ceux qui prévoyaient un cataclysme. Certains parlaient de milliers de communes sous tutelle, d'interventions des chambres régionales des comptes, de difficultés. Le réseau d'alerte de la direction générale des finances publiques (DGFiP) - dont les comptables suivent les finances des collectivités territoriales - n'a pas remarqué une augmentation du nombre de communes dans la zone d'alerte. Les recettes des collectivités locales ont continué à progresser. Les nouvelles recettes fiscales ont surcompensé les baisses de dotation pour trois raisons : la révision forfaitaire des bases des valeurs locatives explique un quart de l'augmentation des recettes fiscales ; l'augmentation physique des bases d'imposition - l'augmentation de l'assiette - explique la moitié de l'augmentation du produit fiscal des taxes d'habitation et foncières. Le dernier quart est dû à l'augmentation des taux de fiscalité décidés par une grande minorité des collectivités locales, dans une proportion bien inférieure à ce que l'on observe généralement après un renouvellement des équipes municipales.
Lors du précédent renouvellement, les taux des taxes foncières et d'habitation avaient augmenté de plus de 3 % en moyenne. Cette fois-ci, elles ont augmenté de 1,5 %. Je tiens à votre disposition toutes les études le prouvant. Le Comité des finances locales (CFL), qui s'est réuni hier, ne dit pas autre chose, de même que toutes les autres études issues d'organismes au-delà de tout soupçon - malgré quelques cas particuliers et la situation spécifique des départements. Concernant les départements, nous observons que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) suivent une croissance à deux chiffres - 15 % en 2015. Une augmentation similaire est enregistrée depuis le début de l'année. Certes, les DMTO sont concentrés dans certaines régions, à charge pour le Parlement de décider d'une mutualisation ou d'une péréquation. Le solde en pied de colonne pour les finances publiques en restera inchangé.
Les dépenses de fonctionnement ont décéléré. Nous prévoyons un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) de 2 %, supérieur à celui de 2016. En 2017, les collectivités devront assumer l'évolution du point d'indice dans la fonction publique territoriale, comme dans la fonction publique d'État ; nous tenons compte de ces facteurs de progression de la masse salariale. Je suis conscient que je raisonne ici sur des moyennes et que certaines collectivités - départements notamment - restent dans une situation fragile. Les travaux se poursuivent. Un fonds de secours de 50 millions d'euros était prévu l'an dernier, nous irons probablement au-delà cette année lors du projet de loi de finances rectificative.
Dernier élément de financement de nos priorités, la réorientation du Pacte de responsabilité et de solidarité libère 5 milliards d'euros de marge en 2017. Selon les règles de la comptabilité nationale, la hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sera enregistrée en 2018. J'entends déjà ceux qui nous reprochent de remettre à plus tard le financement de ces mesures, mais cet impact en 2018 est de même ampleur que la provision pour baisse d'impôts que nous avions prévue dans le budget pluriannuel : dans la dernière loi de programmation des finances publiques, nous avions intégré 5 milliards d'euros de baisses d'impôts en 2018. Ils sont transformés en CICE, avec un impact en 2018 mais aussi en 2017 pour les entreprises - elles imputent leur impôt et leur crédit d'impôt sur l'année d'exercice et non sur l'année de paiement de l'impôt. Au total, 13,8 milliards d'euros de financement couvrent - à 200 millions près, soit l'épaisseur du trait - les 14 milliards d'euros de dépenses nouvelles et de baisses d'impôt décidées depuis le programme de stabilité.
La réforme du prélèvement à la source, point majeur du projet de loi de finances, changera le quotidien de tous nos concitoyens. Nous en avions esquissé les principes l'an dernier, à la même époque. Depuis le début de l'année 2016, nous avons mené des concertations auprès de tous les acteurs - même ceux qui s'en défendent. Le vice-président du Medef a prétendu, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, qu'aucune concertation n'avait été menée. C'est un mensonge ! Le Medef a été reçu par les services de Bercy le 28 septembre et le 18 décembre 2015, le 7 avril et le 10 mai 2016 ainsi que le 22 septembre 2016 avec l'ensemble des organisations socioprofessionnelles d'employeurs. Mon cabinet les a reçus le 31 mars, et j'ai personnellement reçu Geoffroy Roux de Bézieux, de même que Michel Sapin.
Cet organisme a donc été consulté et informé ! Il a mis en avant deux difficultés que nous avons réglées.
Fallait-il un système différent de prélèvement pour le mois de décembre ? Des revenus encaissés en janvier 2018 pourraient-ils être comptabilisés sur l'année 2017 ? L'Insee et le Conseil d'État nous ont rassurés : le traitement du prélèvement à la source devrait être identique en décembre par rapport au reste de l'année, sans changement ni pour les salariés, ni pour les entreprises.
Second point, les sanctions pour les entreprises n'ayant pas correctement reversé les sommes - ayant fait preuve d'agissements discriminatoires - étaient jugées exagérées. Nous avons reconnu que des sanctions existaient déjà, et avons corrigé notre texte en conséquence. Il y a donc eu discussion - certes pas d'accord ni d'enthousiasme... On critique la complexité du prélèvement à la source pour les entreprises. La déclaration sociale nominative (DSN) concerne 800 000 entreprises, et a vocation à être généralisée. Elle donne un confort, une automaticité et une simplicité dans la gestion des cotisations sociales. Désormais, avec les nouveaux logiciels de paie et les experts comptables, le prélèvement des cotisations se fait de façon automatisée. Dans la DSN, un petit morceau du tuyau sera destiné à l'échange, entre la DGFiP et l'employeur, du taux et du produit du prélèvement à la source.
Parfois, les organisations syndicales de Bercy - et il faut les écouter - sous-entendent que le taux de recouvrement de l'impôt, proche de 99 % actuellement, pourrait être dégradé par ce système. La contribution sociale généralisée (CSG), collectée par les Urssaf, a un taux de recouvrement de 99,5 %, supérieur à celui de l'impôt sur le revenu. Monsieur le rapporteur général, si vous le souhaitez, vous pourrez proposer la fusion des Urssaf et de la DGFiP lors de la prochaine campagne électorale et en débattre avec toutes les organisations syndicales. Mais il faudra être volontariste ! Nous avons consulté le Medef et toutes les organisations syndicales, y compris les syndicats de nos services, qui craignent que cela prive la DGFiP de son rôle de recouvrement et de calcul de l'impôt au profit des Urssaf. Nous confirmons la DGFiP dans son rôle de seul interlocuteur des salariés et des employeurs en raison de son savoir-faire : l'impôt, spécifique, ne peut être traité de la même façon que les cotisations sociales.
Quel est l'intérêt du prélèvement à la source pour le contribuable ? Oui, la réforme bénéficiera à tous les Français, et leur permettra de mieux affronter - du point de vue de l'impôt - certains moments importants de leur vie. Saviez-vous que chaque année, 30 % des contribuables voient leurs revenus baisser d'une année sur l'autre et doivent s'acquitter d'un impôt qui ne correspond plus à leur revenu ? Cette baisse est parfois subie - en raison d'une perte d'emploi - ou choisie - pour reprendre une formation ou créer une entreprise - ou tout simplement du fait d'un départ en retraite : 700 000 personnes chaque année se retrouvent à payer l'impôt correspondant aux revenus plus importants perçus l'année précédente, ce qui est inconfortable. Avec le prélèvement à la source, ces changements de situation seront pris en compte immédiatement, puisque le taux de prélèvement sera alors appliqué à des revenus plus faibles.
Saviez-vous que chaque année, 1,2 million de foyers changent de situation personnelle - mariage, pacs, divorce ou décès - et qu'environ 800 000 enfants naissent ? Dans toutes ces situations où les Français veulent être accompagnés, l'impôt ne s'adapte aujourd'hui qu'avec retard. Avec le prélèvement à la source, ces changements pourront être pris en compte dès leur survenance - dans un délai d'un à deux mois. Et cela change tout. C'est dans chacune de ces situations que les contribuables pourront bénéficier de la réforme.
L'État ne réalisera pas un gain de trésorerie « sur le dos des contribuables », comme l'affirment quelques pages de journaux imprudentes... L'État fera une avance de trésorerie aux ménages, qui paieront désormais leur impôt sur 12 mois - au lieu de 10 mois dans le cas de la mensualisation, ce qui concerne un peu moins de 60 % des contribuables, eux-mêmes représentant la moitié des foyers fiscaux - ou en trois fois pour ceux réglant par tiers. Il y a là une amélioration de la trésorerie des contribuables. Et, lors du passage dans le nouveau système, il n'y aura pas de ressaut d'imposition pour les contribuables. Pour ceux qui sont imposés, le taux de prélèvement prendra en compte les abattements habituels tels que les 10 % sur les salaires, et ceux qui ne sont pas imposés et dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 25 000 euros par part seront dispensés du prélèvement à la source. Faire payer pour rembourser ensuite serait idiot.
La réforme sera simple pour les ménages comme pour les entreprises, sans démarche supplémentaire. Oui, il faudra toujours faire une déclaration annuelle, notamment en raison de la familiarisation de l'impôt via le foyer fiscal, duquel découle la notion de quotient familial. Cela assurera la progressivité de l'impôt sur le revenu. Je sais que certains sont favorables a contrario à une flat tax, avec un taux identique quel que soit le revenu.
Pour les travailleurs indépendants, il n'y aura pas de problème, au contraire : les acomptes pourront être modulés au cours de l'année, notamment pour ceux ayant des revenus saisonniers. C'est une demande qui nous a été régulièrement faite par les syndicats agricoles, puisque les revenus agricoles sont extrêmement saisonniers et variables. Le prélèvement à la source permettra une adaptation beaucoup plus rapide que les dispositifs actuels.
Je ne reviens pas sur le prélèvement à la source, sujet plus complexe qu'il n'y paraît. Nous avons lancé un questionnaire. Beaucoup de questions restent encore en suspens.
Juste avant vous, Didier Migaud nous a rappelé que le Haut Conseil des finances publiques n'avait ni changé de méthode, ni été influencé par le contexte électoral. Cette année, le président du Haut Conseil utilise des termes qui ne nous laissent pas indifférents, évoquant, après une prévision de croissance « optimiste », un objectif de déficit public de 2,7 % du PIB « improbable ». Lorsqu'il évoque une atteinte de l'objectif de 3 % « incertain » et des « économies irréalistes », cela nous interroge. Et nous sommes dubitatifs lorsqu'il estime que le Gouvernement « s'assied sur l'avis du HCFP ». La marche de réduction de 0,6 point du déficit en 2017 est beaucoup plus élevée que d'habitude et est plus difficile à atteindre avec des dépenses nouvelles et une croissance faible.
Sur le plan des dépenses, on observe que le Gouvernement a renoncé à respecter sa norme de dépenses. En outre, le projet de loi de finances prévoit une augmentation de 14 000 postes de fonctionnaires. Certes il y a des priorités comme la sécurité, mais hors la création de postes pour lutter contre le terrorisme et l'actualisation de la loi de programmation militaire, 2 684 effectifs supplémentaires sont prévus en 2017. Le Gouvernement a-t-il également renoncé à maîtriser sa masse salariale et ses effectifs ?
Quant à la fiscalité, certes l'impôt sur les sociétés est réduit, le taux du CICE augmente, mais les effets se feront sentir surtout après 2017. Pouvez-vous nous préciser le coût budgétaire de ces annonces en 2017, 2018 et 2019 ? Certaines mesures de trésorerie - selon vous, sans impact réel - augmenteront l'impôt payé en 2017, sans réduire pour autant celui de 2018. Ces mesures grèveront les capacités de financement des entreprises.
Comment boucler le budget pour respecter les 3 % de déficit, sans toucher au taux de prélèvements obligatoires ? J'ai été étonné en lisant votre document ce matin. Certaines mesures ne sont pas annoncées. Sont-elles prévues dans le projet de loi de finances rectificative ? Vous nous avez répondu pour les départements, mais quid des régions ? Demain se tiendra le congrès de l'Association des régions de France (ARF). Vous leur promettez 350 millions d'euros en leur affectant une part de TVA, plus 200 millions d'euros pour les départements. Concrètement, cela se fera-t-il par un amendement au projet de loi de finances ou dans le projet de loi de finances rectificative ? Si c'est une allocation de part de TVA, de quel montant, et pourquoi n'est-ce pas dans la loi de finances initiale ? Est-ce toujours en débat ?
Vous avez prévu 100 millions d'euros de provisions pour le contentieux dit « de Ruyter » relatif au paiement de la CSG par les non-résidents - dont les effets sont plutôt de plusieurs centaines de millions d'euros. Certains contribuables saisissent en masse les tribunaux administratifs, avec des intérêts qui courent - c'est le meilleur placement, avec un taux de rendement de 4,8 % ! Cela coûte très cher au budget de l'État, car à la suite de l'arrêt du Conseil d'État, il faudra rembourser ces contribuables. Pourquoi le projet de loi de finances ne comprend aucune disposition à ce sujet ?
Nous avons examiné ce matin un projet de décret d'avance pour financer 150 000 nouveaux contrats aidés, prévus par une simple circulaire, sans aucune annonce gouvernementale. En 2016 étaient annoncés 295 000 contrats aidés, 280 000 dans le projet de loi de finances 2017. Pourquoi alors proposer 150 000 contrats aidés dans un décret d'avance ? Il y a une sous-budgétisation de certaines dépenses, comme l'hébergement d'urgence, les contentieux communautaires ou pour les collectivités territoriales...
Conservez-vous l'évaluation forfaitaire des dépenses en 2017 pour le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) ? Plusieurs recapitalisations ont été annoncées, notamment dans le secteur de l'énergie. De nombreuses annonces auront un impact en 2017 et après.
Vous avez renoncé à respecter la norme de dépenses - autrefois l'alpha et l'oméga - et certaines dépenses ne sont pas budgétées à ce jour. Pouvez-vous nous apporter des précisions et nous rassurer après l'audition de Didier Migaud ?
Monsieur le rapporteur général, il est un peu facile d'affirmer de manière péremptoire que la mise en place du prélèvement à la source se révèle plus complexe que prévu. La moitié des contribuables ne sont pas imposés sur le revenu : ils ne paieront pas de prélèvement à la source. Et 95 % des contribuables ont un taux d'imposition compris entre 0 % et 10 %. Bien sûr, vous trouverez toujours un mouton à cinq pattes : celui qui sera salarié en France, payé par une entreprise turque, qui percevra des revenus fonciers sur un bien situé en Hollande, et des taux d'intérêts sur ses participations dans une entreprise. Sans compter que les situations au sein du foyer fiscal peuvent être très différentes. Il y aura toujours une minorité de cas exceptionnels, mais restons sereins : 95 % et même davantage des situations sont simples.
Quant à celles qui posent problème, nous sommes tout à fait prêts à en parler. Prenons le cas des travailleurs frontaliers ou plutôt des expatriés. Certaines situations sont aujourd'hui aberrantes. Quelqu'un qui part travailler dans un pays où le prélèvement se fait à la source - autant dire la plupart des pays du monde, et pour certains depuis un demi-siècle - commencera par payer une année double : l'impôt sur les revenus de l'année précédente en France, auquel s'ajoute le prélèvement à la source des pays d'expatriation. Imaginons qu'il revienne en France : il bénéficiera d'une année blanche. Toutes les situations existent. Nous les avons traitées, y compris celle des personnes qui décéderont en 2017 ou en 2018. L'un de vos collègues députés a refait l'historique des gouvernements qui s'étaient engagés à mettre en place le prélèvement à la source, qu'ils soient de droite ou de gauche, de Michel Debré à Valéry Giscard d'Estaing, ou à Thierry Breton, qui avait dit : « Il suffira d'appuyer sur un bouton ». Nous travaillons sur le sujet depuis plusieurs mois, dans un esprit de concertation, et nous sommes parvenus à un dispositif satisfaisant. Votre collègue Christian Jacob, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, m'a vexé en parlant de « fumisterie ».
Je n'ai jamais prétendu que le prélèvement à la source était autre chose qu'une modalité de recouvrement. Nous avons mené une consultation large : France Générosités, la Fondation Abbé Pierre, les Restos du Coeur, les experts comptables, les éditeurs de logiciels de paie, les assistantes maternelles... Le Conseil d'État a validé l'ensemble des principes de notre dispositif. Par conséquent, je trouve un peu facile de dire que l'affaire est plus complexe que nous l'avions envisagée. Je n'ai jamais prétendu que ce serait simple. Au contraire, je n'ai cessé de répéter que la mise en place du prélèvement à la source était comme l'ascension de l'Himalaya, avec des camps de base à passer les uns après les autres.
Nous ne nous sommes pas assis sur l'avis du HCFP. Cet avis sert au Conseil d'État et éventuellement au Conseil constitutionnel pour apprécier la sincérité du projet de loi de finances ou de la loi de finances, une fois qu'elle est adoptée. Sans trahir de secret, puisque tout est publié dans la presse avec deux jours d'avance, je me permettrai moi aussi de rendre public l'avis du Conseil d'État sur cette question de sincérité, avis du HCFP à l'appui. Bien sûr, nous sommes en désaccord sur certains points ; n'allons pas trop loin.
Quant au nombre de postes, nous avions annoncé l'année dernière que les événements liés au terrorisme, mais aussi les interventions de nos forces armées à l'extérieur (Opex), à Alep, ou au Mali, ont nécessité une inversion de nos prévisions. Au ministère de la défense, la trajectoire prévoyait 7 500 emplois en moins. Nous sommes passés à 2 500 emplois supplémentaires, soit 10 000 emplois créés. Hors défense, nous diminuons les effectifs de 5 250. Si vous enlevez les ministères dits prioritaires, vous constaterez une diminution des effectifs dans la fonction publique sur l'ensemble du quinquennat. Il serait faux de prétendre que nous avons diminué les effectifs de l'État, tant sur le projet de loi de finances pour 2017 que sur l'ensemble du mandat. Mais, si l'on exclut les priorités auxquelles nous avons dû faire face - et je n'ai pas parlé de la police, de la gendarmerie ou de la justice - tous les ministères ont réduit leurs effectifs, et celui des finances n'a aucune leçon à recevoir sur ce point : 1 540 fonctionnaires en moins contre 2 000 les années précédentes.
J'aimerais connaître votre position : êtes-vous favorable à ce qu'une fraction de la TVA soit attribuée aux régions ?
Vous savez que cette mesure n'y figure pas. On en parle dans la presse, mais la décision n'est pas prise. Vous devriez être fixé d'ici 24 heures. Y êtes-vous favorable ou non ?
Je peux refaire l'historique, car j'ai participé à la plupart des réunions entre Philippe Richert et Manuel Valls sur le sujet. Philippe Richert avait accepté, presque avec enthousiasme, la taxe spéciale d'équipement régional (TSER). Il a suffi que Xavier Bertrand et quelques autres manifestent leur désaccord, pour qu'il n'en voie plus que les défauts. D'autres propositions sont en cours de discussion. Hier encore, Philippe Richert et le bureau de l'Association des régions de France (ARF) ont rencontré le Premier ministre. Rien n'est tranché et rien n'est inscrit dans le projet de loi de finances. Nous introduirons bien entendu les amendements nécessaires, le cas échéant. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a pour habitude de toujours gager les mesures nouvelles qui coûtent de l'argent.
Encore une fois, êtes-vous favorable à ce qu'une fraction de la TVA soit attribuée à des collectivités locales ? La demande de l'ARF, qui n'est pourtant pas dominée par la gauche, était que nous remplacions les 4,5 milliards d'euros de DGF par l'équivalent de TVA, soit 3 % des 170 milliards d'euros qu'elle représente. Je n'ai pas entendu beaucoup de voix s'élever pour prendre parti sur cette demande. J'ai mon point de vue personnel, mais je laisserai le Premier ministre s'exprimer sur le sujet. Nous devrions être fixés très rapidement. Il serait intéressant de connaître le point de vue des sénateurs.
Donnez votre point de vue ! Si les régions ont besoin de 600 millions d'euros pour assumer les compétences économiques que les départements n'assurent plus, le raisonnement basique voudrait qu'on ait 600 millions d'euros en moins de l'autre côté.
Vous pouvez ne pas être d'accord. Donnez votre point de vue. Les départements dépensaient 600 millions d'euros pour exercer des compétences économiques qui ont désormais échu aux régions. Voilà d'où vient ce chiffre. Je connais les difficultés auxquelles les départements sont confrontés, l'effet de ciseau du RSA ou des allocations individuelles de solidarité (AIS), par exemple. Je n'oppose pas les uns aux autres. Cependant, comme secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, je me dois d'avoir une vision globale et de répondre aux inquiétudes de Didier Migaud et de quelques autres.
Si le contentieux « de Ruyter » est bien connu, ce sont surtout les contentieux « OPCVM » et « précompte mobilier » qui auraient dû conduire à prévoir des décaissements. N'en parlons pas trop. L'affaire de Ruyter n'est peut-être pas un grand succès. Ce qui est sûr, c'est que les contentieux « OPCVM » et « précompte mobilier » nous coûtent beaucoup plus cher. Vous vous êtes exprimé sur ce sujet. On m'a rapporté que vous aviez donné un avis défavorable au décret d'avance.
Je vous répondrai quand j'aurai lu précisément votre avis.
Quant au cinquième acompte, c'est évidemment une mesure qui vise à optimiser les choses. Créé en 2006, il a fait l'objet d'une majoration à l'automne 2011, dans des conditions difficiles. Nous n'avons donc rien inventé, même si cela n'excuse pas tout. Nous l'utilisons de la manière la plus optimale. Cela concerne 1 000 entreprises et vos collègues députés n'ont rien trouvé là de scandaleux.
Le HCFP a mis l'accent sur le compte spécial « Participations financières de l'État » (CAS PFE). Beaucoup parlent d'un besoin de recapitalisation des entreprises, particulièrement de deux grands groupes. Nous sommes en discussion avec les investisseurs et avec la Commission européenne pour savoir comment répondre aux besoins avérés de ces entreprises. Les journaux jettent des chiffres. Il s'agit d'entreprises cotées en bourse. À ce stade de la discussion, les enjeux sont trop importants pour que l'État puisse en dire plus. Nous ne pouvons pas anticiper des décisions que nous ne connaissons pas, et encore moins inscrire des dépenses précises dans le projet de loi de finances. La Commission européenne ne nous a pas encore dit quelle part serait comptée dans le déficit maastrichtien, ou quelle part serait comptée comme une participation aux entreprises. J'observe cependant que nous avons prévu un CAS PFE en excédent de 1 milliard d'euros à la fin de l'année 2016, prévision que nous tiendrons. Nous avons également prévu - et c'est exceptionnel - un CAS PFE non pas à l'équilibre, mais en déficit d'1,5 milliard d'euros en 2017. Traditionnellement le CAS PFE couvre 5 milliards d'euros de dépenses et autant de recettes. En l'occurrence, nous avons porté les dépenses à 6,5 milliards d'euros. Je n'en dis pas plus. Vous savez faire des additions algébriques. Personne ne pourra dire que nous n'avons pas été prévoyants.
Le service de communication de Bercy est toujours excellent. Présenter un projet de budget pour 2017 comme celui du quinquennat où l'effort de réduction du déficit sera le plus important, alors que ce déficit passe de 69,9 à 69,3 milliards d'euros : c'est un tour de passe-passe remarquable qui mérite des félicitations.
En 2017, on enregistrera le record des dépenses de l'État à 380 milliards d'euros. Il faut en parler au tiers des Français qui voient leurs revenus baisser. S'il y a une crise, elle ne touche pas l'État. Pourquoi ce record ? On laisse filer un certain nombre de dépenses, puisque 21 des missions que vous nous présentez ont un budget en hausse contre seulement 8 en baisse. On sent l'influence de la période préélectorale. Vous vous vantez d'avoir ralenti la progression des dépenses. Pourrait-on comparer cette courbe avec celle du ralentissement de l'inflation ? Pour une inflation à 0,1 % en 2016, les dépenses de l'État ont augmenté de 2 %. J'imagine que la situation est différente lorsque l'inflation est à 2 %.
L'année 2017 est aussi celle du record du produit de l'impôt sur le revenu, à 73,4 milliards d'euros soit 13,9 milliards de plus qu'en 2012. Cela signifie que ceux qui paient des impôts en paient toujours plus, le barème de l'impôt sur le revenu étant revu en fonction de l'inflation. Quand l'inflation est à 0,1 %, ce barème bouge très peu, alors que la masse salariale a tendance à augmenter nettement plus. Ne faudrait-il pas faire évoluer ce barème en fonction de la masse salariale ? Ne pas le faire reviendrait à imposer une pression fiscale supplémentaire aux salariés.
Autre record, celui de la TVA, à 149,4 milliards d'euros, soit 4,8 milliards de plus que l'an dernier ou 3,3 % d'augmentation. Comment justifiez-vous ces prévisions optimistes nettement supérieures à la croissance ? Quels éléments nous laissent envisager une augmentation de la TVA de 5 milliards d'euros l'an prochain ? Je suis surpris par ces chiffres.
Enfin, le service de communication de Bercy fait également très fort en nous présentant la baisse des dotations comme vertueuse pour les collectivités territoriales, qui ont pu dégager des moyens d'investir en diminuant leurs dépenses de fonctionnement. Je serais ravi qu'on puisse appliquer la même procédure aux services de l'État. Depuis 2014, on aura quand même prélevé 27 milliards d'euros sur les collectivités, en cumulé. C'est moins que les 28 milliards prévus. On peut saluer ce petit effort très relatif d'un milliard d'euros.
C'est un peu facile de parler en cumulé.
Vous faites un geste en 2017, à la fin du quinquennat, alors que l'effort des collectivités porte depuis 2014. Il est normal de considérer le cumulé. Faut-il maintenir le montant de l'an dernier sur la péréquation communale ou bien le faire progresser ?
Le HCFP avait qualifié votre scénario de croissance d'optimiste. Pour autant, il a aussi estimé que l'objectif de déficit à 2,7 % était improbable et que l'ensemble des hypothèses de construction du budget étaient systématiquement regardées sous un angle favorable, en privilégiant la fourchette haute plutôt que la fourchette basse. Globalement, l'ampleur de la marge est importante, avec un déficit à réduire de 0,6 % de PIB. N'y a-t-il pas un paradoxe à être moins volontariste dans les dépenses, mais davantage dans la réduction du déficit, alors que les conditions macro-économiques ne sont pas en voie d'amélioration notable ?
On entend beaucoup parler de la baisse d'impôts d'un milliard d'euros. Ne croyez-vous pas qu'elle reste très relative à l'aune de la situation de départ ? D'autant que les classes moyennes et supérieures continuent de subir des prélèvements à hauteur de 20 milliards d'euros.
Enfin, on vous fait le procès d'une débudgétisation qui serait effectuée soit par transfert sur 2018 d'environ 10 milliards d'euros, soit par minoration des dépenses en 2017. Pourriez-vous nous préciser la situation ?
S'agissant du rétablissement des comptes publics, vous avez rappelé que nos concitoyens avaient livré beaucoup d'efforts dans un contexte difficile et singulièrement évolutif. Vous avez mentionné les événements liés au terrorisme et les opérations extérieures de nos forces armées qui ont nécessité un effort budgétaire particulier de l'État. Dans ce contexte, les déclarations préélectorales de certains candidats potentiels jettent le trouble dans l'esprit de nos concitoyens, en laissant entendre qu'il serait tout à fait possible de laisser courir les comptes publics en abandonnant toute rigueur par rapport au déficit budgétaire. C'est bien sûr un jeu risqué.
Vous avez mentionné la baisse des dotations aux collectivités en apportant un éclairage utile sur l'évolution favorable des ressources de certaines d'entre elles. Sur le terrain, un certain nombre d'élus locaux attendaient la réforme de la DGF. Nous avons appris, hier, qu'elle était désormais différée selon l'avis du comité des finances locales (CFL). L'an dernier, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) avaient été renforcés, ce qui avait contribué à financer des projets au niveau du bloc communal. Cet effort sera-t-il poursuivi et renforcé, le cas échéant?
Je ne contesterai pas vos chiffres. L'avenir parlera. Vous avez réduit d'un coup de baguette magique les dotations aux collectivités territoriales, et singulièrement aux départements, et vous avez augmenté dans le même temps et dans une proportion non négligeable les dépenses de RSA que les départements sont tenus de financer, alors que cette charge devrait revenir à l'État.
Le CICE réduit les charges, certes, mais il sera financé par des emprunts ! Le budget n'est toujours pas à l'équilibre et cela conduira à augmenter la dette.
Le prélèvement à la source me paraît difficilement applicable, même si sa mise en place est tout à fait souhaitable. La CSG restera-t-elle à 8 % ? Y aura-t-il une année blanche ? Le calcul de l'impôt ne risque-t-il pas d'être revu à la hausse pour l'ensemble des contribuables ? Sans compter les complications pour les entreprises qui devront calculer la contribution de chacun de leurs salariés.
Ce budget s'inscrit dans la continuité des orientations définies les années précédentes, notamment en matière de réduction de la dépense publique. Vous avez cependant augmenté le budget de certains secteurs qui le nécessitaient, comme l'Éducation nationale qui a vu ses effectifs augmenter, et je m'en félicite. Tout en reconnaissant que les collectivités ont pleinement participé au redressement des finances publiques - vous l'avez dit, hier, au comité des finances locales - vous leur demandez de contribuer à nouveau à hauteur d'un milliard d'euros à la réduction de cette dépense. Il aurait été intéressant de mener une analyse précise sur les réductions de services effectuées dans les collectivités territoriales depuis plusieurs années. Nous ne disposons pas non plus d'éléments sur les conséquences sur les entreprises partenaires des collectivités. Et rien sur la baisse de l'investissement. Nous payons le redressement du pays au prix fort. Peut-être faudrait-il revoir la stratégie de création d'emplois en France ?
Vincent Delahaye a mentionné l'augmentation forte de l'impôt sur le revenu sans faire cas de l'évolution de l'impôt sur les sociétés qui diminue considérablement, puisque l'on est passé de 55,3 milliards d'euros en 2012 à 33,5 milliards d'euros cette année. C'est inquiétant et il faudrait mesurer en quoi les 40 milliards d'euros d'aides aux entreprises prévus dans le budget sont au service de l'emploi et de la production. La moitié du montant correspond au CICE. Certes, cela contribuera à donner des marges de manoeuvre aux entreprises. Cependant, si les petites entreprises qui ont sollicité le préfinancement ont utilisé cet argent pour compenser leurs fragilités et conserver leurs emplois, la plupart des sociétés n'ont fait qu'intégrer le CICE dans leur résultat, sans effet palpable sur l'emploi ou l'investissement. D'où la nécessité de préciser l'analyse des résultats du CICE avant de prendre la décision d'en augmenter le taux.
Quant au prélèvement à la source, vous savez déjà que je n'y suis pas favorable.
Vous faites preuve d'un optimisme d'autant plus inquiétant qu'il est décrédibilisé par l'avis de HCFP où figurent tous les éléments qui attestent l'insincérité du projet de loi de finances pour 2017. Dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » dont je suis rapporteur spécial, j'ai constaté une augmentation du budget alloué à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), soit 400 millions d'euros supplémentaires, ce qui est une bonne chose. En revanche, le compte n'y est pas, puisque la Cour des comptes a fixé un pic très important pour l'Afitf entre 2017 et 2019, de sorte qu'il faudrait entre 1,6 milliard et 4,7 milliards d'euros supplémentaires. Par conséquent, si l'on veut que l'Afitf tienne les engagements souscrits, il faudrait que son budget pour 2017 soit a minima de 2,8 milliards d'euros. C'est plus que les 2,2 milliards d'euros prévus.
En ce qui concerne le prélèvement à la source, les mesures d'application semblent s'écarter de l'objectif fixé, à savoir payer l'impôt l'année du revenu. C'est ce point qu'il faut travailler, car c'est un avantage concret auxquels nos concitoyens sont sensibles.
Je ne comprends pas bien votre analyse : en quoi s'éloigne-t-on de la vocation première du prélèvement à la source qui est de rapprocher le moment où l'on paie l'impôt de celui où l'on perçoit le revenu ? C'est exactement ce que nous faisons. Cependant, pour conserver les principes intangibles de la familialisation et de la progressivité de l'impôt sur le revenu, il faudra une régularisation. D'autres pays l'ont fait, comme l'Allemagne, dans des conditions beaucoup plus défavorables que ce que nous proposons dans ce texte.
Monsieur Delahaye, je ne partage absolument pas votre analyse.
Je transmettrai vos félicitations au service de communication de Bercy et également à mon cabinet qui en général se charge de gérer la communication sur ce type de sujet.
Vous avez raison de constater que le déficit de l'État se réduit peu. En revanche, votre comparaison avec les collectivités locales, ne me semble pas justifiée, même si elle est légitime. En effet, chaque fois qu'une décision est prise, notamment sur les questions d'allègement de cotisations, l'État compense à la Sécurité sociale les diminutions de recettes ou les augmentations de dépenses. La prise en charge des exonérations de cotisations représente aujourd'hui un manque à gagner de 30 milliards d'euros dans le budget de l'État. Rien de nouveau à cela. Chaque année, nous discutons de ce sujet avec la ministre des affaires sociales et de la santé.
Même si l'on prend en compte le fonds de solidarité vieillesse (FSV), on constatera que le déficit de la Sécurité sociale a été considérablement réduit. De 17,5 milliards d'euros, il y a cinq ans, il est passé à 0,4 milliard d'euros cette année. En cinq ans le déficit du FSV ne s'est pas non plus accru. À tout le moins, il aura bougé de 500 millions d'euros. Nous ne pouvons que nous réjouir de ces 17 milliards d'euros de déficit en moins. Nous acceptons même d'en partager la paternité, puisqu'une partie du redressement du régime général des retraites est liée à la réforme de 2010. La réforme de 2013 y a également contribué. Bien sûr, l'ONDAM n'a pas évolué de la même manière et la situation risque de s'aggraver dans les prochaines années. Il faudra y faire face, car les dépenses pèsent surtout sur la sphère sociale. Je rends grâce à la ministre, à ses équipes et à l'ensemble du personnel soignant d'avoir réussi à diminuer le déficit de la Sécurité sociale. Cependant, cette évolution s'est faite au détriment de l'État, de sorte que si nous n'avions pas compensé les allègements de cotisations, le déficit de l'État serait réduit de 30 milliards d'euros, alors qu'il tourne aujourd'hui autour des 70 milliards.
C'est un vrai débat. Lorsque nous majorons le point d'indice et que nous mettons en oeuvre le protocole « parcours professionnel, carrières et rémunérations » (PPCR), les recettes de cotisations sociales augmentent aussitôt et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le déficit de la Sécurité sociale se réduit à un rythme soutenu.
J'assume et je maintiens que la baisse des dotations de l'État a conduit les collectivités territoriales à ralentir - le mot est sans doute trop faible - leurs dépenses de fonctionnement. A Marie-France Beaufils, je dirais que certains peuvent le regretter mais que d'autres s'en réjouissent. Je ne comprends pas comment vous pouvez accuser l'État d'augmenter ses dépenses de fonctionnement - ce qui est pour le moins inexact - sans faire cas des collectivités locales qui en font autant. Est-ce à dire que les dépenses des collectivités locales sont par nature vertueuses, tandis que celles de l'État seraient par nature scandaleuses ? Je crois plutôt qu'un mouvement global est enclenché qui produit des résultats sur l'ensemble des déficits.
Entre 2012 et 2017, l'impôt sur le revenu a progressé de 13,9 milliards d'euros, dont 5,1 milliards d'euros sont dus à des mesures de périmètre : disparition de la prime pour l'emploi qui diminuait l'impôt sur le revenu de 2,1 milliards d'euros, intégration du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) à l'impôt sur le revenu pour une recette supplémentaire de 3 milliards d'euros. Il y a peut-être eu un déplacement, mais pas un accroissement de la charge. Quant au reste, on constate 2,8 milliards d'euros de diminution liée à des mesures décidées après mai 2012 et 5,5 milliards d'euros en lien avec les mesures décidées avant mai 2012, auxquels s'ajoutent 6,2 milliards d'euros d'évolution spontanée. Vous l'avez dit, la masse salariale augmente mécaniquement, et même si l'on augmente le barème en proportion, le produit en euros augmente. Inutile de préciser que le gel du barème n'est pas une invention de la gauche. Par conséquent, sur les 13,9 milliards d'euros d'augmentation du produit de l'impôt sur le revenu, décomposé entre les 5,1 milliards de mesures de périmètre et les 6,2 milliards d'évolution spontanée, il reste, je vous l'accorde, quelques milliards d'euros dont il est difficile d'évaluer s'ils sont dus à des mesures décidées avant ou après mai 2012.
Je ne conteste pas qu'il y ait eu des déplacements par déciles, avec une baisse de l'impôt sur le revenu sur les six ou sept premiers déciles et une augmentation sur le dernier décile.
La TVA augmentera effectivement de 5 milliards d'euros. La consommation des ménages augmentera de 1,6 %. L'immobilier devrait repartir, avec une progression des achats de logements qui produisent des taux de TVA importants. L'État a également récupéré une part de TVA affectée à la Sécurité sociale grâce aux tuyauteries qu'il a mises en place avec elle.
Quant au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), nous avons prévu de ne pas l'augmenter. C'est un vieux débat qui oppose les Franciliens au reste du pays. Chacun pourra s'exprimer sur le sujet.
Pour ce qui est du HCFP, je voudrais rappeler qu'il avait jugé impossible à tenir notre prévision de déficit public à 4,3 %, en 2015. Nous avons fait 3,5 %. Cherchez l'erreur. Je ne me réjouis pas de cette erreur de jugement. Cependant, le HCFP n'est pas le seul référent en matière de prévisions, qu'il s'agisse du déficit ou de la croissance.
Vincent Capo-Canellas, la loi de programmation des finances publiques votée par le Parlement prévoyait une réduction d'impôts de 5 milliards d'euros en 2018. C'est cette somme que nous transférons par la majoration du CICE et par la mesure de réduction de l'impôt - crédit d'impôts sur les salariés à domicile. J'observe que personne n'a suggéré que nous supprimions cette mesure.
Marie-Hélène Des Esgaulx, vous avez parfaitement le droit d'estimer qu'il faudrait 400 millions d'euros supplémentaires pour l'Afitf. C'est une augmentation des dépenses que vous suggérez, car vous la croyez nécessaire. Cependant, comment faire si l'objectif est de faire 100 voire 150 milliards d'euros d'économies sur la durée du mandat ? Et comment pouvez-vous trouver scandaleux et ignoble que nous proposions des réductions de dépenses ? J'attends toujours de connaître la position du rapporteur général sur l'affectation de la TVA aux régions.
Serge Dassault, chacun sait que les dépenses du RSA augmentent. Le Gouvernement avait fait des propositions à l'Association des départements de France pour recentraliser le RSA. Elle a refusé. Cette recentralisation aurait chargé la barque de l'État de 700 millions d'euros supplémentaires. Les chiffres sont là : en 2014, les dépenses de RSA ont augmenté de 9,2 %, contre 6,9 % en 2015 et 3 % mi-2016. L'année n'est pas terminée et il faut rester prudent. Cependant, l'augmentation des dépenses d'allocations individuelles de solidarité (AIS) semble se ralentir. Je n'en tire aucune conclusion. Nous connaissons la situation des départements.
Quant à la CSG, elle restera inchangée, à 8 %. En ce qui concerne l'année blanche du prélèvement à la source, chacun s'en est expliqué : tous les ans, les contribuables paieront une année d'impôts et le budget de l'État sera alimenté chaque année par une et une seule année d'impôts. En 2017, les revenus ordinaires, hors les revenus exceptionnels, ne seront pas assujettis à l'impôt.
Yannick Botrel, la DETR augmentera en effet et sera portée à 1 milliard d'euros, avec une majoration de 370 millions d'euros pour 2017. Tout a été dit sur la réforme de la DGF. La situation n'est pas mûre pour une réforme globale.
Marie-France Beaufils, votre scepticisme sur la réduction des dépenses publiques est un point de vue qui n'appelle pas particulièrement de réponse. Quant au CICE, n'oublions pas qu'il a contribué à ce que les entreprises retrouvent leurs marges d'avant la crise, comme le prévoyait le rapport Gallois.
Si certains acteurs de la vie publique laissent à penser qu'il serait possible de s'écarter de la trajectoire des finances publiques, ce n'est pas notre point de vue. J'ai détaillé les dépenses nouvelles, les mesures de performance : nous n'avons rien à cacher. Nos prévisions de recettes sont raisonnables et seront atteintes en 2016. Beaucoup étaient sceptiques sur notre objectif de déficit public à 3,3 %. Sur ce point, au moins, le HCFP n'est pas très pessimiste. Nous non plus. Nous devrions y arriver sans trop de difficultés.
Durant le long débat que nous avons eu avec le président du Haut Conseil, il a clairement affirmé qu'il ne mettait pas en doute la sincérité du projet de loi de finances. À mon sens, ce texte est la continuation de l'action que nous menons depuis trois ou quatre ans, avec notamment le rétablissement de l'équilibre des comptes publics. L'objectif communautaire est un déficit ramené en deçà de 3 % du PIB. C'est celui que nous devons viser. En la matière, le Gouvernement répond aux obligations communautaires que nous avons souscrites. J'espère qu'il en sera de même dans les années à venir.
Il ne faudrait pas négliger le rétablissement des comptes sociaux qui représentent 400 milliards d'euros, pour un budget de l'État d'une moindre ampleur.
L'année 2016 se présente bien. À la fin juillet, vos comptes provisoires faisaient apparaître un déficit réduit de 4 milliards d'euros, soit mieux que ce qui était prévu. Les recettes et les dépenses sont en ligne avec les prévisions.
Un point a été insuffisamment souligné : la justice sociale et l'effet de redistribution de l'impôt sur le revenu sur les bas salaires. Vous voulez exonérer des revenus jusqu'à deux fois le SMIC et, compte tenu du quotient familial, les revenus les plus bas. Les déciles d'en haut vont payer plus. Pour les classes moyennes ou moyennes basses, on ne peut pas dire que le Gouvernement n'ait pas mené d'action importante.
Le prélèvement à la source est tout à fait essentiel. Nous sommes le dernier grand pays industriel à l'instaurer - à l'exception de la Suisse. Vous remettez donc la France au niveau qui doit être le sien. Nous soutiendrons fortement sa mise en oeuvre. Je ne comprends pas les chicaneries sur des points de détail et les « moutons à cinq pattes » que vous évoquiez.
J'apprécie vos présentations claires, précises et très objectives. Vous présentez 400 milliards de dépenses de l'État et des recettes d'un montant équivalent, mais il y a quand même un déficit de 69 milliards d'euros ?
Sur ces fameux 600 millions d'euros que les régions réclament aux départements ou à l'État...
Mon agacement ! Je rappellerais quand même que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) prévoit que les régions exercent de nouvelles compétences : il ne s'agit donc pas de transferts de compétences et on ne peut pas dire que, puisque les départements dépensaient 600 millions d'euros, il faut les leur prendre. Il faudrait démontrer qu'il y a 600 millions d'euros ; ce n'est pas possible. Je connais la réalité de l'action économique des départements. Dans la région Centre, les dépenses économiques cumulées s'élèvent à 5 millions d'euros pour six départements, si on met tout bout à bout. En multipliant ce chiffre par le nombre de départements et de régions, on n'atteint pas 600 millions d'euros. Évitons les négociations entre l'État et la région sur 600 millions d'euros, pour qu'ensuite l'absent se fasse prélever 600 millions... N'essayons pas des tours de passe-passe. Les allocations individuelles de solidarité (AIS) comme le RSA ont augmenté de 9 % il y a deux ans, 6 % l'année dernière et 3 % cette année : soit un total de 20 % sur trois ans, appliqué à 40 % des dépenses d'une collectivité, ce n'est pas rien ! Lorsque les recettes sont bloquées, comment les augmente-t-on ? Je voudrais bien y voir l'État ! Ramenons les choses à une plus juste proportion. Là, l'augmentation est terrible.
Sur les 800 000 naissances à prendre en compte dans les foyers fiscaux, toutes ne concernent pas ceux qui paient l'impôt sur le revenu !
Il est difficile d'avoir une grille d'analyse sur le projet de loi de finances. Il y a un élément de satisfecit que je tiens à souligner : en tant que co-rapporteur du budget de la culture avec Vincent Eblé, nous nous félicitons qu'après trois ans de vaches maigres, de nombreuses choses soient entendues et prises en compte pour le budget de la culture. Ce matin, les principaux rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat ont été reçus par la ministre avant le Conseil des ministres, avant ses rencontres avec les professionnels et les journalistes. Ce respect des parlementaires est trop rare. La totalité des parlementaires a tenu parole et a respecté l'embargo sur les chiffres.
Dans le projet de loi de finances pour 2017, le budget de l'écologie est en légère augmentation - malgré 500 suppressions d'ETP par rapport à l'année précédente, faisant suite à plusieurs années de coupes multiples - liée à l'intégration dans son périmètre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), dont l'évolution est dynamique. La CSPE supporte notamment la tarification sociale de l'énergie, indispensable, mais sans rapport direct avec la politique environnementale. Quel est le montant de cette tarification sociale, et quel est son impact sur l'évolution des crédits de cette mission ?
Je note aussi, toujours au sein de la mission « Écologie », qu'est affichée une stabilisation des crédits alloués à l'entretien du réseau routier. Mais rien n'est dit sur l'entretien du réseau ferroviaire, dont l'état est alarmant, selon l'ancien président de SNCF Réseau. D'autant que le projet de loi de finances prévoit un prélèvement de 25 millions d'euros sur 38 millions d'euros de fonds de roulement de l'établissement public de sécurité ferroviaire. Qu'en est-il de la sécurité ferroviaire ?
Sur les dotations aux collectivités, je me satisfais de la reconduction de 1,2 milliard d'euros du fonds de soutien à l'investissement local, et des 600 millions d'euros fléchés pour les territoires ruraux avec l'augmentation de la DETR et l'affectation de crédit par la mise en oeuvre des contrats de ruralité. L'année dernière, le Sénat avait adopté une proposition de loi pour créer des contrats territoriaux de développement rural qui s'apparentent aux nouveaux contrats de ruralité. Si j'ai bien compris, 200 millions d'euros de crédits en autorisation d'engagement seront affectés au programme 112 de la mission « Politique des territoires », ce que j'avais demandé dans mon rapport sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire présenté à notre commission des finances la semaine dernière.
Je me réjouis d'une augmentation de la péréquation verticale de la DGF. Si l'on n'accompagne pas l'effort des collectivités d'une augmentation de la péréquation, on aggrave les inégalités territoriales. Je suppose qu'il n'y a pas de modification de la dotation de solidarité rurale (DSR) et que la DSR-cible est maintenue ?
Vous prévoyez une augmentation de 70 millions d'euros de la dotation pour les communautés d'agglomération, mais comment est-elle financée ? Si on augmente une strate, c'est au détriment des autres ! Vous évoquez des variables d'ajustement, mais dans quelles conditions, et selon quels critères ?
Je milite pour un fonds de péréquation horizontal et pour une équité entre les territoires. Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) sera maintenu à 1 milliard d'euros, soit un gel de son montant. Or je ne souhaite pas de gel des modalités de prélèvement et de contribution lié à la réorganisation des périmètres.
Le plein effet de la réforme territoriale se fera sentir en 2017, avec notamment l'application des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale ou la transformation de communautés urbaines en métropoles, avec des effets sur le FPIC et la DGF. A-t-on des simulations de l'impact de la réforme, notamment sur le FPIC et la DGF ?
En moyenne, les recettes fiscales et les DMTO augmentent, mais des disparités perdurent entre les territoires. Certains départements ruraux sont atteints par l'effet de ciseau de l'augmentation des allocations individuelles de solidarité (AIS) et la réduction des dotations de l'État, alors qu'ils n'ont ni ressources propres, ni levier fiscal.
Vous brocardez le programme d'économies de 100 milliards d'euros soutenu par certains, votre collègue Michel Sapin nous disant de regarder le monde tel qu'il est. De combien devons-nous restreindre nos dépenses publiques pour atteindre la moyenne européenne ? Les dépenses publiques françaises atteignent 57 % du PIB. Il faudrait les réduire de 180 milliards d'euros pour atteindre la moyenne européenne. Nous sommes en concurrence directe avec des pays comme l'Espagne ou l'Italie, qui ont déjà fait des efforts... On devrait au minimum atteindre cette moyenne. Si l'on se compare à l'Allemagne, 280 milliards d'euros d'économies seraient nécessaires.
Le bloc social - avec entre autres la sécurité sociale - représente 50 % des dépenses publiques, l'État 30 % et les collectivités locales 20 %. Ce sont les 20 % qui ont fait le plus gros effort pour réduire les dépenses publiques de ce pays.
Dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande une nouvelle reprise de dette par la Cades.
Mais vous étiez contre la précédente, je m'en souviens très bien !
Je suis contre la méthode : vous dites que les comptes de la sécurité sociale sont équilibrés et vous transférez 23,7 milliards d'euros à la Cades qui emprunte pour couvrir des dépenses de fonctionnement ordinaires, dénoncées par le président Migaud avec une certaine véhémence... La Cour des comptes estime que le déficit de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pourrait atteindre 20 à 30 milliards d'euros d'ici 2019. Elle recommande une reprise de plus de 10 milliards d'euros dès cette année.
Ces 10 milliards d'euros correspondent à un plafond qui est atteint. Aucune reprise n'est possible, sauf à modifier la loi.
Il y a donc 13 milliards d'euros de dépassement. Comment vanter le retour programmé à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale alors que les déficits cumulés de l'Acoss atteindront 20 à 30 milliards d'euros d'ici 2019 ? Que faire pour que l'Acoss fonctionne ? Ce n'est pas avec cet artifice que vous équilibrerez les comptes.
J'apprécie la présentation enthousiaste du ministre, documentée et dynamique, mais la réalité est différente. Les dépenses de l'État augmentent, le niveau du déficit public restera autour de 70 milliards d'euros. Tant que nous n'aurons pas réussi, collectivement, à le ramener à zéro - comme le Président de la République s'y était engagé pour 2017 lors de la dernière campagne électorale - nous ne pourrons être satisfaits.
Les collectivités territoriales sont inquiètes : la réforme des régions aura des effets plus tardifs. On peut s'attendre à des demandes de cofinancement de leurs actions ; les départements subissent la situation sociale ; les communes ont des charges qui croissent en raison de l'augmentation de leur masse salariale et du transfert de charges, notamment en matière d'urbanisme, en même temps que leurs dotations diminuent. Le décret d'avance évoque une réduction de la DGE des départements qui réduisent leur investissement. Il risque d'en être de même pour les autres collectivités. Si cela améliore les finances publiques, c'est un problème pour l'investissement public !
Ce budget donne-t-il des signes positifs pour la relance dans notre pays ? Hélas, le nombre de demandeurs d'emploi augmente. Libérons l'initiative. J'aurais apprécié une baisse des charges supplémentaires - en la gageant sur une hausse de la TVA. Le retour à l'équilibre des comptes publics ne se réalisera qu'en cas d'amélioration de la situation économique. En l'absence de signes forts d'amélioration de la situation économique, l'on peut craindre que la tendance à adopter des mesures d'urgence se renforce à l'approche des élections.
Vous avez évoqué une réduction de la charge de la dette de 1,2 milliard d'euros. Comment obtenez-vous ce chiffre ? Est-il fiable et solide ?
La dette est influencée par le niveau de l'inflation puisque certains encours lui sont indexés - plus l'inflation est faible, moins la charge de la dette est importante - et par les taux d'intérêt. Le taux des obligations assimilables du trésor (OAT) pour la France à 10 ans est de 0,1614 % aujourd'hui, il est remonté à 0,30 % il y a une semaine, après être descendu à 0,12 %, voire pour certaines émissions, à moins de 0,10 %, selon l'Agence France Trésor, qui garde une marge. Nous empruntons même à taux négatif sur de courtes durées.
L'Acoss concentre les déficits cumulés et a vocation à emprunter sur des taux courts. Actuellement, elle gagne de l'argent. Selon Les Échos, l'Acoss a engrangé 80 millions d'euros de bénéfices financiers, car elle emprunte sur une durée très courte et sa signature est de qualité. C'est paradoxal, mais c'est ainsi. Francis Delattre, selon votre analyse...
La dette globale de la sécurité sociale est la somme de la dette de la Cades et de celle de l'Acoss. Le déficit de la sécurité sociale s'élèvera à 400 millions d'euros pour le régime général et de 3,8 milliards d'euros pour le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Bien sûr, l'Acoss doit absorber les déficits mais elle les amortit également. Chaque année, la Cades amortit 14 milliards d'euros - à la différence de l'État qui n'amortit jamais son capital. Il y a besoin de 4 à 5 milliards d'euros pour couvrir le déficit de l'année. La dette sociale se réduit, son terme est prévu pour 2024, et cette échéance se rapproche depuis quelques temps. Demandez à Jean-Marie Vanlerenberghe, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, membre de la commission des comptes de la sécurité sociale. Cette dette s'est réduite en 2015, et diminuera de 8 à 9 milliards en 2017 : ce sera la première fois que cela arrive. Transférer de l'un à l'autre n'y change rien. Je me souviens de votre courroux, l'année dernière, alors tout était conforme à la loi organique. L'une emprunte sur long terme, l'autre sur court terme. La dette de l'Acoss augmentera avant de se résorber mécaniquement. Les transferts ne sont désormais plus possibles puisque nous avons transféré, d'un seul coup, tout ce que nous autorisait la loi.
La première partie de votre constat est très intéressante : les dépenses publiques atteignent 57,5 % du PIB, les dépenses publiques moyennes d'un panel de pays européens 51 %, selon une étude remarquable de France Stratégie 2017-2027, publiée il y a trois semaines. Celle-ci explique les différences secteur par secteur. En pourcentage du PIB, la France consacre ainsi moins à l'éducation nationale que la moyenne de ses voisins européens.
L'étude comprend différents fascicules et graphiques, fondés sur les données d'Eurostat. Les deux tiers de la différence entre la France et le panel des pays choisi par France Stratégie, qui est une officine sérieuse, proviennent de la vieillesse et des retraites. En France, notre régime de retraite est très largement public, avec des dépenses de retraite intégrées dans la dépense publique, à la différence des autres pays.
C'est la même chose pour l'éducation, la défense ou la gestion des services publics. Cette étude contrebalance l'idée d'une gabegie phénoménale des dépenses publiques dans notre pays, en comparaison de ce qui se pratique dans les autres pays d'Europe.
Monsieur Delcros, la DETR devrait augmenter de 384 millions d'euros et la DSR de 117 millions d'euros. Je partage votre point de vue sur la péréquation verticale. Les 70 millions d'euros prévus pour les agglomérations sont destinés à compenser le fait que celles qui sont peu intégrées dans les métropoles risqueraient d'être perdantes. Cette majoration est prise sur les variables d'ajustement, dont nous avons élargi l'assiette pour en contenir le taux, nous aurons l'occasion d'en débattre.
L'un des dispositifs de péréquation sur les DMTO consiste à travailler par lissage dans le temps pour reprendre des provisions. Il n'est pas d'une puissance extraordinaire. Ce mode de répartition ne change rien aux comptes publics. Libre au Parlement de travailler plus finement sur ces questions. L'Île-de-France concentre 20 % des DMTO. Quelques autres départements comme les Alpes-Maritimes en concentrent également des proportions importantes. Le Cantal, en revanche, est probablement moins bien servi.
Monsieur Doligé, l'opération de transfert des frais de gestion de la fiscalité locale menée sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a permis d'améliorer les recettes des DMTO des départements.
Vous mentionnez tous, et à juste titre, la baisse de l'investissement public dans les collectivités territoriales. C'est un phénomène auquel nous sommes habitués à ce stade du cycle électoral. Mais, alors qu'elle tourne en général autour de 8 % à 9 %, elle atteint cette année 11 % à 12 %. Pour certains, c'est un effet de la baisse des dotations. Pour d'autres, et je crois qu'ils n'ont pas tort, la mise en place des nouvelles cartes intercommunales a provoqué un certain attentisme. La direction générale des collectivités locales (DGCL) travaille à identifier les conséquences de ces nouvelles cartes sur la DGF, sous la houlette du ministère de l'Intérieur.
Monsieur Gattolin, merci pour vos appréciations sur le budget de la culture.
C'est moi qui vous remercie. Les crédits avaient beaucoup baissé ces dernières années.
Quant à l'Afitf, nous avions prolongé jusqu'en 2017 le plan exceptionnel d'entretien, mis en place en cours d'année, pour 100 millions d'euros, portant ainsi les dépenses de l'Afitf à 2,4 milliards d'euros.
Elle est intégrée pour sa partie « tarif social » à la mission « Écologie ». Le reste est pris en charge par le CAS « Transition énergétique ». Le coût des énergies renouvelables constitue le gros de la CSPE, avec une augmentation de la contribution climat-énergie dans l'année à venir. La trajectoire du prix du carbone a été votée sur plusieurs années. Il n'y a rien de nouveau.
La réunion est levée à 18 h 55.