Commission des affaires européennes

Réunion du 26 juillet 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • lait
  • producteurs
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Cette réunion étant la dernière avant la suspension des travaux, je tenais à vous fournir quelques chiffres pour tirer le bilan des activités de notre commission. Depuis le mois d'octobre 2011, notre commission a tenu 36 réunions. Dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, nous avons adopté vingt-et-une propositions de résolutions européennes, presque toujours à l'unanimité. Je les ai transmises au ministre des affaires européennes, M. Cazeneuve, afin d'en assurer le suivi au niveau du gouvernement. Toujours dans le cadre de l'article 88-4, nous avons examiné 835 textes, dont 401 en procédure écrite, 347 en procédure simplifiée, 21 en procédure d'urgence et 66 en réunion normale.

Dans le cadre de l'article 88-6, nous avons adopté 8 avis motivés, dont le fameux « carton jaune » sur la proposition Monti II. Nous avons examiné 175 textes, essentiellement dans le cadre de notre groupe de travail. Enfin, dans le cadre de l'initiative Barroso, nous avons adopté 5 avis politiques. La commission a publié 5 rapports d'information, et participé à 7 débats en séance publique et 36 réunions de commission.

Le groupe « subsidiarité » vient de se réunir et a estimé que le texte COM (2012) 369 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain méritait un examen plus approfondi.

M Jean-Louis Lorrain est désigné rapporteur de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Une délégation de notre commission s'est rendue au mois de mai en Roumanie et en Bulgarie pour se rendre compte sur place des progrès réalisés par ces deux pays pour répondre aux standards européens. Nous voulions également nous rendre dans un poste frontière pour y voir comment sont mises en place les procédures Schengen. Ce déplacement, auquel ont participé Mme Morin-Desailly, Mme Bourzai, M. Billout, M. Humbert et moi-même, a été riche d'enseignements.

Le traité d'adhésion à l'Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie a été signé à Luxembourg le 25 avril 2005. C'étaient alors les deux derniers pays de l'Est à retourner dans le sein de l'Europe libre. On savait qu'ils étaient moins avancés sur le plan économique et juridique que d'autres pays de l'Est, mais on espérait qu'ils allaient rattraper le temps perdu et répondre aux critères économiques et démocratiques exigeants de l'Union.

C'est ce qui fut fait, à un rythme soutenu tant était grand alors le désir de rejoindre le club des démocraties relativement riches et stables. Toutefois, il est vite apparu que la préparation de la Roumanie et de la Bulgarie ne serait pas parfaite à la date définitive de leur entrée. Nous savions notamment que la construction de l'Etat de droit n'était pas achevée. Les ambassadeurs de France dans ces deux pays, que nous avions entendus il y a quelques années, nous l'avaient confirmé.

En 2006, la Commission européenne signalait dans son rapport que la Bulgarie devait faire des efforts supplémentaires en matière de justice et de lutte contre la corruption ; elle demandait également une intensification de la lutte contre la corruption en Roumanie et relevait que la protection des minorités n'y avait pas enregistré de progrès tangibles.

A la veille d'un élargissement historique, il fallait rester lucide et mettre toutes les chances du côté des deux nouveaux entrants en balisant le chemin de leur progression. On créa donc le Mécanisme de coopération et de vérification (MCV), garant des conditions requises pour fonder un véritable État de droit. Depuis 2007, la Bulgarie et la Roumanie ont donc l'obligation de rapporter à la Commission sur les progrès réalisés en vue d'atteindre les objectifs de référence, la Commission faisant un bilan tous les six mois.

En 2010, les rapports étaient encore préoccupants. L'Union décida donc le 13 septembre 2010 de prolonger le contrôle de la Bulgarie et de la Roumanie pour un an ; puis à nouveau le 20 juillet 2011. Le 18 juillet dernier, la Commission a annoncé que le MCV était maintenu pour ces deux pays, et que leur entrée dans Schengen était compromise.

La déception est grande. Depuis un an, la Roumanie et la Bulgarie se battaient pour obtenir la suppression du MCV et l'entrée dans l'espace Schengen, en tentant de distinguer les critères exigés pour Schengen de ceux du MCV.

L'agacement provoqué par le MCV était palpable chez nos interlocuteurs. Mais les ministres des affaires européennes des deux pays préfèrent souligner les progrès accomplis plutôt que de remettre en cause le MCV. Les ministres de l'Intérieur font de même en ce qui concerne les critères Schengen. Le MCV reste toutefois perçu par les politiques comme une atteinte à la souveraineté nationale. Personnellement, j'estime qu'il faut aider les pays à se conformer aux standards européens, mais qu'aucun pays n'est irréprochable. Lors de la réunion des présidents des commissions des affaires européennes, mon homologue du Bundesrat s'était montré très sévère envers la Roumanie, où une procédure de destitution du président de la République est en cours, oubliant que le président allemand a démissionné car sa probité était mise en cause. En France, des douaniers de Roissy sont soupçonnés de corruption. Il faut donc relativiser !

Même si nous avons toujours insisté sur la « coopération » plus que sur la « vérification », nos interlocuteurs officiels dans leur majorité ont récusé le mécanisme, oubliant parfois qu'il ne se perpétue que parce que les avancées sont trop lentes. Pourtant, les progrès existent, même s'ils sont insuffisants. La Commission européenne le reconnaît, mais préfère continuer à exercer une pression.

La Bulgarie et la Roumanie sont sur la défensive et dans l'expectative. Les conclusions de la Commission dans le cadre du MCV sont négatives. On ne sait si la décision sur l'élargissement de Schengen, qui doit être prise à l'automne, pourra être positive.

Pourtant, un nouveau climat s'était établi depuis le changement de majorité en France. J'ai lu que Manuel Valls avait évoqué Schengen lors de son audition au Sénat hier ; peut-être Mme Tasca, qui y assistait, pourra nous en dire davantage.

Les événements politiques en Roumanie, où des élections générales se tiendront à l'automne, ont certes inquiété les chancelleries et la Commission européenne, car les réformes demandées dans le cadre du MCV impliquent un consensus politique et social fort. L'optimisme est aujourd'hui moindre, mais on ne saurait préjuger de la capacité de la Roumanie à rebondir. Plutôt que de tancer ces pays, il faut les aider !

La crise économique pèse sur leur redressement et impose une politique de rigueur aux deux Etats les plus pauvres de l'Union. La richesse produite par habitant reste inférieure à la moitié du niveau européen : 44 % pour la Bulgarie, 46 % pour la Roumanie. Leur population diminue. En Roumanie, la croissance est revenue à 2,5 % en 2011 après avoir connu un pic à 7,5 % en 2007 et des taux négatifs de 2008 à 2010. Le chômage reste élevé, à 12 %. Le salaire mensuel moyen est inférieur à 350 euros. Les salaires du secteur public sont gelés après avoir été dévalués de 25 %. La TVA a été portée à 24 %. 200 000 fonctionnaires ont été licenciés. En outre, la Roumanie subit l'effondrement des investissements étrangers et la fuite des cerveaux : les meilleurs étudiants sont repérés et recrutés par des entreprises étrangères comme Deutsche Bahn. Enfin, le déficit public s'élève à 34,5 % du PIB.

La Bulgarie, pour sa part, a connu une période faste jusqu'en 2007 ; la crise a ensuite empêché toute croissance. Le taux de 2011 - 1,6 % - annonce un léger redémarrage. Le salaire moyen est de l'ordre de 300 euros. Le déficit public tourne autour de 15 % mais le chômage reste élevé : 12,2 % en 2011.

Dans ce contexte, on regrette que les fonds européens ne soient pas mieux utilisés. Ces fonds - de 19,7 milliards d'euros pour la Roumanie de 2007 à 2013 et de 6,9 milliards pour la Bulgarie - ne sont pas suffisamment consommés, faute de capacités administrative et juridique suffisantes. En outre, ces pays n'ont pas de capacités d'autofinancement.

La Roumanie et la Bulgarie reconstruisent l'intégralité de leur système judiciaire, ce qui prend du temps, d'autant qu'une partie de la classe politique et judiciaire ne joue pas le jeu. La Commission européenne s'impatiente : elle demande qu'une Cour constitutionnelle et un Conseil supérieur de la magistrature fonctionnent normalement dans chacun des deux pays, et que les procédures soient accélérées dans les affaires de corruption afin que les délais de prescription ne soient pas systématiquement dépassés. Là encore, relativisons : le fonctionnement d'une Cour constitutionnelle relève de la souveraineté des États, et les problèmes liés aux nominations de magistrats ne sont pas propres à ces deux pays !

Où en sont les préparatifs pour l'entrée dans Schengen ? En Roumanie, nous nous sommes rendus dans un poste frontière. Si ce que l'on nous a montré nous a paru très positif, les policiers français qui nous accompagnaient nous ont donné un éclairage différent... Nous avons visité au ministère de l'Intérieur le système SIS I+ : là encore, nous avons vu des gens jeunes, bien formés, volontaires. Enfin, le plan d'action 2012 de lutte contre l'immigration illégale semble un gage de bonne volonté. La Roumanie a pris conscience des enjeux de Schengen. Le ministre de l'Intérieur se dit prêt. Quant à la Bulgarie, elle tient des statistiques encourageantes sur la police des frontières.

La Roumanie et la Bulgarie sont conscientes que l'entrée dans Schengen introduira des contraintes fortes et coûteuses. La France propose de renforcer la coopération en matière de douane et de créer un corps européen dans le cadre de Schengen. Les progrès sont indéniables. L'idéal, à terme, serait une douane européenne. D'ici-là, les ministres de l'Intérieur disent souhaiter une coopération avec les policiers et douaniers des autres États membres, coopération qui a déjà commencé, notamment sur la frontière serbe. Nous soutenons ces initiatives.

De cette mission ressort l'impression que la Bulgarie et la Roumanie sont encore en phase de transition, et peinent à établir un Etat de droit irréversible. Dans son rapport du 18 juillet, la Commission européenne doute sérieusement de la capacité de Bucarest à maintenir les réformes entreprises grâce au MCV. Les objectifs n'étaient pas atteints ; pour la Commission, ils ne sont peut-être même pas poursuivis sincèrement. C'est pourquoi elle conclut à la poursuite du MCV et exige du gouvernement roumain la révocation des ordonnances d'urgence touchant la Cour constitutionnelle et sa décision relative au mode de participation au référendum du 29 juillet sur la destitution du président de la République. Le Premier ministre M. Victor Ponta s'est engagé par écrit à respecter les exigences de la Commission. Le gouvernement roumain promet de tirer toutes les conclusions qui s'imposent et dénonce les effets dévastateurs d'une « guerre mensongère » orchestrée par ses rivaux politiques, qualifiée de « guerre lancée depuis la Roumanie contre la Roumanie ».

La Bulgarie échappe à une nouvelle évaluation à mi-parcours. La Commission juge qu'elle est en passe de remplir ses objectifs au titre du MCV, mais que celui-ci doit se poursuivre tant que des manquements perdurent.

Selon la Commission, la situation des deux pays au regard du MCV rendra très difficile la négociation de leur entrée dans l'espace Schengen, ce qui signifie que celle-ci sera à nouveau reportée. Peut-être le Conseil européen aura-t-il une position différente de celle de la Commission : les prochaines élections aux Pays-Bas - qui avaient bloqué l'adhésion à Schengen de ces deux pays sous la pression d'un des partis de la coalition au pouvoir - devraient redistribuer les cartes.

Je ne partage pas forcément l'analyse de la Commission européenne. Comme l'ont rappelé mes homologues du Sénat et de l'Assemblée nationale roumains, le peuple souverain s'exprimera, lors du référendum du 29 juillet et surtout lors des élections générales fin novembre.

Nous sommes conscients que la transition est loin d'être terminée en Roumanie et qu'elle progresse lentement en Bulgarie. Nous voulons être lucides, sans pour autant soutenir sans nuance l'attitude très sévère de la Commission. Pour le bien de la Roumanie et de la Bulgarie comme pour celui de l'Europe, il faut être vigilant - et ce dans tous les pays, car le combat n'est jamais totalement gagné !

Nos amis roumains reconnaissent que sans la pression de l'Europe, les réformes ne se seraient pas faites aussi vite. Nous avons constaté la même chose en Croatie : la volonté d'adhérer à l'Union européenne incite à faire des efforts. Plus de vingt ans se sont écoulés depuis le retour à la démocratie : c'est peu. L'Europe peut se féliciter d'avoir contribué à amorcer cette transition et la France d'avoir toujours été aux côtés de la Roumanie et de la Bulgarie. Nous avons une réelle influence dans ces deux pays, qui sont tous les deux membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Nous avons été très bien reçus. La jeune présidente de la commission des affaires européennes bulgare, que nous avions reçue ici, est très représentative de la nouvelle génération d'élus de ces nouvelles démocraties.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Lors de son audition hier devant le Sénat, marquée par un très long exposé du président Sueur et de nombreuses interventions de parlementaires, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, qui avait un avion à prendre, n'a répondu que très brièvement. Il n'a fait qu'une allusion à Schengen dans son propos liminaire, pour dire que la dernière réunion du Conseil ne posait aucun problème. Je lui ai demandé comment il interprétait l'attitude des autres États membres et dit notre inquiétude face à l'évolution politique de certains États sur les questions d'immigration. Je n'ai pas eu de réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

A en croire la presse de ce matin, le ministre aurait dit que la France n'était pas pour la fermeture temporaire des frontières, contrairement au gouvernement précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le ministre a manifestement complété sa communication. Au Sénat, il n'a pas été aussi précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je partage l'analyse du président Sutour. Lors de notre déplacement, nous avons essayé de répondre aux questions et aux inquiétudes de nos homologues. J'ai pour ma part été frappée par la pesanteur du passé : on sent que ces démocraties sont très jeunes. J'ai ressenti un fort besoin d'Europe, qui s'exprime de façon peut-être exigeante, mais c'est aussi un élément dynamique. La fuite des cerveaux est une réalité, et nous avons été alertés sur le manque de formations professionnalisantes préparant à l'entreprise. Enfin, le président Sutour a toujours insisté sur les aspects positifs du MCV, et rappelé que nous préférions la coopération à la vérification.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je partage moi aussi l'analyse du président Sutour. J'ai pour ma part interrogé nos interlocuteurs sur la PAC et la politique de cohésion. La Roumanie et la Bulgarie attendent une convergence renforcée des aides au plan agricole. Pour ce qui est de la politique de cohésion, la Bulgarie s'en sort un peu mieux que la Roumanie, mais le cofinancement demeure un problème : ces pays ne parviennent pas à mobiliser des fonds pour mener les projets d'infrastructures qui permettraient de consommer les crédits avant la fin 2013. Le risque de dégagement d'office est réel. Plutôt que de les condamner, il faut aider ces pays, leur apporter ingénierie et conseils. La région Limousin, par exemple, est fortement consommatrice de fonds structurels : ne pourrait-on envisager des jumelages, des transferts de savoir-faire pour aider ces pays à progresser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Je suis chargé d'un rapport sur la population Rom dans l'Union européenne, que je rendrai en novembre. L'extrême pauvreté qui sévit en Roumanie et en Bulgarie - qui ne touche pas que cette population - hypothèque leur avenir. Elle se traduit par une très forte émigration économique, de la population Rom mais aussi des plus qualifiés. Beaucoup de médecins roumains quittent leur pays pour la France ! De nombreux étudiants français font leurs études de médecine en Roumanie, mais ne resteront pas une fois diplômés. La situation est inquiétante.

La courbe démographique de la Bulgarie est très négative et les pertes de population importantes, pour un pays qui ne compte que 7 millions d'habitants.

La Roumanie et la Bulgarie ont besoin de l'Union européenne pour atteindre les objectifs qui leur ont été fixés. La politique de sanction n'est pas la plus adaptée. Les institutions restent instables, la vie politique ne s'y appuie pas sur des partis forts, mais se structure autour de personnalités : le parti au pouvoir en Bulgarie est celui du maire de Sofia. Sans stabilité politique, les progrès seront plus difficiles. M. Bernard-Reymond et moi-même avions déjà souligné ces problèmes en 2009 dans une communication sur le MCV. Si la coopération aide à avancer, les rapports annuels entretiennent surtout le jeu politicien...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Je serai bref, car j'étais le douzième homme de la délégation, et ne suis pas resté sur le terrain pendant toute la durée du match. On a évoqué la fuite des cerveaux : c'était le cas du fiancé de notre guide, aspiré par une grande entreprise allemande. Je partage les analyses de notre président. Ce voyage a été passionnant. J'ai été particulièrement frappé par la pauvreté ambiante en Bulgarie, qui laisse présager des jours difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

J'avais été le seul au Sénat à voter contre l'adhésion de ces deux pays. Ce que je viens d'entendre ne m'aura pas fait changer d'avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Il était utile de nous rendre sur place et de rencontrer nos homologues.

A l'issue du débat, la commission a décidé d'autoriser la publication du rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Les producteurs de lait sont aujourd'hui dans une situation plutôt inconfortable. La politique du lait a longtemps été - et restera longtemps - une politique d'aménagement du territoire rural. Les évolutions du cours des céréales ayant un impact très fort sur les élevages, il est important de se pencher sur l'histoire des organisations de producteurs.

Ce rapport résulte d'un constat : la réforme du secteur laitier, telle qu'elle a été envisagée par le « mini paquet lait » adopté par l'Union européenne en début d'année, s'engage assez mal. Cette réforme fait suite à la crise du secteur laitier en 2009 : les prix avaient baissé de 50 %, voire de 80 % dans certains pays de l'Union. La crise mêlait l'internationalisation du marché du lait et l'inquiétude des éleveurs devant la fin des quotas laitiers, annoncée pour 2015 - et que la France avait été l'une des dernières à accepter.

Avec la loi de modernisation de l'agriculture de 2010, la France avait choisi d'engager le secteur dans la voie - révolutionnaire ! - de la contractualisation. Des contrats passés entre éleveurs et fabricants devaient succéder au cadre sécurisant des quotas. Mais que pèse un éleveur qui a trente ou quarante vaches face à un industriel présent dans trente ou quarante pays ? Pour équilibrer le rapport de forces entre les deux parties, il était prévu que les éleveurs puissent se regrouper en organisations de producteurs, afin de peser dans la négociation des contrats, en particulier dans la négociation des prix. Tel fut l'objet du « mini paquet lait », adopté en mars 2012 à la suite d'une intense pression de la France. M. Bruno Le Maire, alors ministre de l'agriculture, et notre commissaire M. Michel Barnier, ancien ministre de l'agriculture, s'étaient montrés très pugnaces pour convaincre le commissaire à la concurrence, M. Almunia.

Cette disposition est très novatrice. Le droit agricole et le droit de la concurrence ont toujours été dans une complémentarité difficile. Bruxelles fait toujours primer le droit de la concurrence et sanctionne toute entrave à la concurrence. L'article 42 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit toutefois des dérogations pour l'agriculture ; les accords et ententes sont autorisés lorsqu'ils sont nécessaires à la réalisation des objectifs de la PAC, mais ces dérogations sont limitées par les interprétations restrictives des institutions de contrôle. En 2003, la Commission a condamné une entente dans le secteur bovin. La Cour de justice de l'Union européenne fait prévaloir le droit de la concurrence chaque fois que possible. L'Autorité de la concurrence française a quant à elle dénoncé en 2008 les recommandations de prix établies par l'interprofession laitière ; en début d'année, elle a également sanctionné le cartel des endiviers.

En 2008, j'ai eu des rapports difficiles avec le conseiller agriculture du président de la République de l'époque : en condamnant de manière trop autoritaire le rôle des indicateurs de tendance, il avait brutalement amplifié la crise qui se profilait.

Organisations à statut, reconnues par l'Etat et qui visent une mutualisation des moyens de leurs membres, les OP sont mentionnées dans le droit agricole européen. Selon la Commission, « ces OP ont pour but de renforcer la position des producteurs sur le marché ». Ce « mini paquet lait » apporte deux nouveautés. En premier lieu, les OP dans le secteur laitier sont expressément reconnues, comme l'étaient, avant elles, les OP des producteurs de fruits et légumes. Le seuil de constitution est fixé à deux cents adhérents. Avant ce règlement, les éleveurs étaient regroupés soit en coopératives, ce qui implique un transfert de propriété de la marchandise, soit sous différents statuts. Les OP supposent quant à elles une organisation plus formelle et ont des missions plus importantes.

Le droit de la concurrence interdisait aux agriculteurs de se regrouper pour peser face à la grande distribution. Le règlement confie aux OP la capacité de négocier des contrats portant sur les volumes et les prix, à condition de ne pas dépasser 3,5 % de la production totale de l'Union ou 33 % de la production nationale. Cette possibilité n'est plus réservée aux seuls cas où il y a transfert de propriété de la marchandise. Il s'agit, ni plus ni moins, de la reconnaissance explicite d'une entente. Dans un contexte européen très favorable à la concurrence, c'est un saut majeur, et une victoire française.

On constate pourtant beaucoup d'attentisme sur le terrain. Seuls deux projets d'OP sont en cours de validation. Les éleveurs sont réticents. L'OP impose un formalisme lourd et doit obtenir des mandats de vente de ses adhérents, or les agriculteurs sont souvent très individualistes. Beaucoup sont déjà regroupés en différentes formes d'associations et se demandent à quoi servent ces OP sinon à créer une structure supplémentaire.

Mentionnons aussi les difficultés humaines puisque les responsables des groupements actuels appréhendent d'être remis en cause par une nouvelle OP. Certains militent parfois pour la constitution d'OP, mais s'empressent de négocier à l'ancienne avec les industriels.

Le doute s'installe d'autant plus que les contrats ne règleront ni le niveau des prix ni leur volatilité ; les contrats n'empêcheront pas la restructuration. La filière lait prend une large part dans l'aménagement du territoire. Nous sommes dans un marché très internationalisé. La restructuration de la filière sera inévitable. En France, elle a eu lieu en amont (nous avons 400 transformateurs et 4 à 5 grands industriels sur le marché mondial), mais peu en amont. Outre-Rhin, la restructuration s'est faite du côté des producteurs et non des transformateurs.

Les industriels n'ont guère été partisans de la mesure. Leur approche a un impact direct sur l'attitude des éleveurs. Cet attentisme est très embarrassant.

Les groupements actuels n'ont aucune sécurité juridique. Seules les OP sont reconnues par le paquet lait. Toute négociation de contrats par une entité autre que les OP n'est pas prévue.

Il est crucial de redonner confiance et espoir aux éleveurs. Il est fondamental que les éleveurs s'organisent : groupés, ils peuvent être forts et gagner ; isolés, ils sont sûrs de perdre. Mes contacts avec mes collègues des départements laitiers m'inclinent à penser que nous pouvons nous attendre à de nouvelles turbulences à l'automne, à cause de la hausse des prix des céréales...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

S'il faut admettre que son influence sur le niveau des prix sera sans doute faible, l'OP trouvera sa place dans la vie du contrat. L'industriel ne pourra plus sélectionner ses partenaires, mais il devra négocier avec l'OP dans son ensemble.

La création des OP et leur mission dans la négociation des prix est une étape dans l'agriculture française. Espérons que ce mode d'organisation soit un modèle pour les autres filières.

Lors de notre premier rapport sur la réforme de la PAC, nous avions imaginé une nouvelle forme de conditionnalité des aides directes du premier pilier. Cette idée n'a pas été retenue.

La deuxième idée consiste à soutenir la création des OP dans le cadre du deuxième pilier. Cela est prévu mais les groupements de producteurs figurent seulement dans une liste d'une vingtaine d'autres mesures en annexe du nouveau règlement OCM unique. Cette possibilité n'est d'ailleurs guère utilisée aujourd'hui.

Le rôle de l'interprofession doit être conforté dans l'ensemble de la filière : producteurs, transformateurs, distributeurs. Le dispositif de recommandation des prix établi par l'interprofession laitière avait été condamné en 2008. Un système plus souple a été formalisé et légalisé en 2009 sous la forme d'indices de tendance prévisionnels. Mais ce dispositif n'est pas assuré. Le paquet lait autorise la publication de données statistiques relatives aux prix, ainsi que la réalisation d'études sur les perspectives du marché, mais ne prévoit pas la publication d'indicateurs, a fortiori d'indicateurs prévisionnels permettant d'estimer une évolution des prix. L'articulation des dispositions nationales et communautaires laisse planer un doute. La suppression de cette fonction d'information affecterait le fonctionnement du centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) et priverait la profession d'un outil de concertation précieux. C'est pour sécuriser cette pratique si utile à tous que je vous propose une proposition de résolution. Après avoir rappelé l'exception agricole dans le jeu de la concurrence, elle appelle le Gouvernement à l'action et ajoute, ce qui est novateur, des propositions de rédaction du règlement communautaire actuellement examiné par le législateur européen. Deux adjonctions sont envisagées : la première soutient la mise en place des groupements de producteurs dans le cadre du deuxième pilier. Comme vous le savez, les agriculteurs aiment bien les carottes, y compris financières. Ce peut être le déclic qui les conduit à s'engager dans la voie des OP. Le second ajout proposé garantit la pérennité du système d'information de l'interprofession laitière représenté par le CNIEL, qui publie régulièrement des indicateurs de tendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Votre rapport et votre proposition de résolution sont très utiles au moment où la PAC est réformée. Nous devons faire des propositions pour l'adapter à une situation effectivement difficile. Je reste convaincue que la suppression des quotas laitiers va perturber le marché et l'aménagement du territoire, comme un exemple précis l'a montré dans mon département, j'y reviendrai. Nous savons ce qui nous attend.

Comme vous l'avez rappelé, l'initiative française des OP a été regardée dans les pays de l'Union européenne comme intéressante. Il est important que les producteurs s'organisent pour peser face à un système commercial très lourd qui leur impose ses prix et ses pratiques, dont beaucoup sont inacceptables. La loi de modernisation agricole (LMA) a officialisé les OP. Il est regrettable que le décret sur la contractualisation soit passé avant celui sur les OP, parce que Bruxelles tardait à fournir les éléments nécessaires. Nos producteurs se sont trouvés dans une négociation très difficile avec les collecteurs et les transformateurs, Lactalis par exemple abusait de sa position. Les producteurs ont intérêt à s'engager dans une négociation collective, plutôt que dans des négociations individuelles qui s'apparentent à la lutte du pot de terre contre le pot de fer.

Votre proposition de résolution encourage le ministre. C'est important. Heureusement M. Le Foll a déjà pris certaines mesures. Un bilan de la contractualisation lui a été remis le 13 juillet. Il a déclaré lors de son audition qu'il allait en tenir compte pour l'avenir, en donnant la priorité à la négociation collective. Il a indiqué son intention d'offrir une garantie des prix plus longue aux producteurs, évoquant une durée de six mois. Cette perspective, qui réduira le caractère aléatoire des variations de prix d'un mois sur l'autre, recueille tous nos encouragements. Les relations commerciales ont trop longtemps été défavorables aux producteurs. Le ministre souhaite réactiver l'observatoire des prix et des marges pour développer une logique de contractuelle entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Peut-être pourrons-nous à l'automne entendre le président de cet observatoire.

Vos suggestions sur le soutien du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) sont intéressantes. Je relève les aides aux regroupements de producteurs déjà mentionnées dans l'annexe de la proposition de règlement, mais je pense qu'il est judicieux de les faire remonter dans le texte même de la proposition de règlement pour donner plus de visibilité.

J'approuve la démarche de notre commission sur le droit de plantation de la vigne. Je regrette que nous n'ayons pas eu la même tonicité pour les quotas laitiers. Dans la partie de la Corrèze limitrophe du Cantal, qui fournit du lait à l'AOP Cantal, deux exploitations ne font plus l'objet de collecte au motif de leur éloignement du circuit habituel et celles qui sont collectées subissent une baisse des prix de 15 %, ce qui n'est pas rien ! Une exploitation ayant 300 000 hectolitres de quotas n'aura pas de repreneur et ses quotas iront dans une région où les conditions de production sont moins difficiles. Cela peut entraîner de lourdes conséquences en termes d'aménagement du territoire. Je le regrette. J'ai vécu la crise des quotas laitiers à Bruxelles. Nous n'avons pas été assez incisifs. Nous avons besoin de vrais outils de régulation pour éviter les excès d'une libéralisation généralisée, qui n'est pas adaptée à une politique de maintien de la vie et de l'activité économique des territoires ruraux.

J'approuve pleinement le point 11 de votre proposition, mais je reconnais que les producteurs de lait et de viande ne sont guère enclins au transfert de propriété. Concernant l'interprofession, je propose d'ajouter les mots « et assurer le pluralisme syndical de leur gouvernance ». Pour mobiliser, il faut rassembler tout le monde. Je me réfère au conflit sur la gouvernance du CNIEL, qui n'est pas pluraliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci pour vos analyses que je partage pour la plupart. Oui, nous nous inscrivons dans le calendrier de la réforme de la PAC. Je doute que le cadre financier pluriannuel soit adopté en février 2013 ; il est possible que cette date dérive. Cette résolution vient à point nommé pour le Gouvernement et les éleveurs.

Je déplore que les agriculteurs aient été incités à signer dès le 1er avril 2011, alors que le paquet n'a été finalisé qu'en mars 2012, ce qui est incohérent. La France a exercé une forte pression sur les agriculteurs, ce ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir.

Sur l'élaboration des contrats, la LMA a prévu la nomination d'un contrôleur saisi de la proposition de contrat. Lactalis a été obligé de revoir sa copie.

Je me réjouis de l'état d'esprit de M. Le Foll, qui ne me surprend pas, puisqu'il n'a pas changé depuis qu'il s'intéressait au sujet comme parlementaire européen. Une durée de prix plus longue est souhaitable. Je suis aussi tout à fait d'accord pour donner plus de poids à l'observatoire des prix et des marges. La situation sera de plus en plus de conflictuelle, en raison de la récolte de céréales en cours. Un accord automatique avait été organisé par l'ancien ministre Bruno Le Maire en mai 2011, mais la grande distribution n'est jamais venue. Si cet accord peut être conforté, je suis partant.

Sur deux autres points, je ne partage pas votre analyse. Pour assurer la pérennité des quotas laitiers, il fallait pouvoir nouer des alliances parmi les 27 Etats membres. Or, à la fin, nous nous sommes retrouvés seuls avec un Land allemand. Les quotas ont correspondu à une époque. Chaque époque a sa vérité. Nous connaissons la réactivité du marché depuis qu'ils ont été institués en 1984. Les quotas n'ont pas su répondre à l'effondrement de la demande ni au redémarrage de l'offre. Insuffisamment réactifs, ils ne répondent plus à la situation actuelle. J'ai toujours déploré que la France se situe entre 3 % et 8 % en-dessous de son quota national. Les quotas sont moins pertinents, sur un marché actuellement très ouvert, soumis à une forte concurrence, y compris intra-européenne. Oui, il faudra être inventif et attractif. Les outils d'aménagement du territoire vont être fragilisés. La solution, pour les régions les plus fragiles, est de produire sous le signe de la qualité...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il faut que l'Etat, les régions, les transformateurs, voire les consommateurs travaillent ensemble, à réunir les conditions d'un maintien de la présence de tous. Il faut être inventifs. En termes de volume, les transformateurs et les producteurs pourraient se limiter au grand Ouest français...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

ou au grand Est, mais il y a bien d'autres régions qui ont beaucoup à offrir... Songez au fromage corse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il y a là une grande richesse nationale. C'est peut-être davantage à la commission des affaires économiques qu'il appartient de la défendre. Nous devrons veiller au respect du pluralisme syndical dans la gouvernance des OP ; je suis d'accord avec vous sur le fond. Nous pouvons y consacrer quelques lignes dans le rapport. Mais le pointer dans la résolution risquerait d'entraîner des crispations.

En Basse-Normandie, lorsque je plaide pour la création des OP, je dis aux agriculteurs que s'ils veulent réussir, les organisations doivent avoir une certaine dimension pour pouvoir peser, et surtout qu'ils s'abstiennent de faire de la politique en leur sein, sinon, comme en Suisse, elles se battront entre elles et il n'en sortira rien de bon.

La création des OP sur le fondement de l'article 42 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permet aux agriculteurs de déroger au droit de la concurrence. Secouer les grilles des sous-préfectures quand les cours s'effondrent, c'est fini. Les agriculteurs doivent saisir la chance qui s'offre à eux de peser dans la chaîne de la valeur ajoutée. Qu'ils la saisissent, sans faire de politique ! D'accord donc pour l'inclure dans le rapport, mais pas dans la résolution, pour ne pas susciter des réactions qui n'ont pas lieu d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

La question sera certainement réglée sans nous...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Il s'agit de rassembler : nous aurons besoin de faire appel aux OP dans les années qui viennent, chacun doit s'y reconnaître. J'ai rendu visite à la CNIEL lors du long conflit qu'elle a connu, pour soutenir la confédération paysanne...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je ne savais pas qu'il s'agissait de ce syndicat !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Pour moi, le pluralisme syndical est aussi important que le pluralisme politique. Il faut soutenir les forces vives des territoires ruraux ! Je veux bien retirer cet amendement pour l'instant. Il y a d'autres questions en suspens, comme celle des chambres d'agriculture...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

J'allais vous le dire. Soyons très attentifs au terrain !

La commission autorise la publication du rapport. La proposition de résolution est adoptée à l'unanimité dans le texte suivant :

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le règlement (UE) n° 261/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 portant modification du règlement (CE) N° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers ;

Vu la proposition de règlement délégué de la Commission du 28 juin 2012 complétant le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la coopération transnationale et les négociations contractuelles des organisations de producteurs dans le secteur du lait et des produits laitiers - (texte E 7476) ;

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant organisation commune des marchés des produits agricoles - Règlement OCM unique (texte E 6723) ;

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) - (texte E 6724) ;

Rappelle que l'article 42 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que « Les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil » ;

Considérant que les organisations de producteurs sont amenées à jouer un rôle structurant et déterminant pour le secteur laitier, et qu'il faut accompagner les éleveurs dans leur démarche d'adhésion ;

Considérant que l'interprofession laitière - le CNIEL - joue un rôle essentiel dans l'organisation de la filière et que son rôle d'éclairage des marchés par la publication d'indices de tendance doit être conforté ;

Considérant que la publication d'indices de tendances peut apporter une contribution utile à l'ensemble de la filière et paraît parfaitement conciliable avec le respect des règles de concurrence ;

Encourage le Gouvernement à développer des actions d'information partout en France pour expliquer le rôle des organisations de producteurs ;

Souhaite que la réussite des organisations de producteurs du secteur laitier puisse servir de modèle et de référence à d'autres secteurs ;

Estime que l'article 8.2 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) - (texte E 6724) - pourrait être complété par les mots : « ils peuvent également être consacrés aux regroupements des producteurs afin de leur permettre de mieux peser dans le partage de la valeur ajoutée » et « de renforcer la position des producteurs sur le marché » ;

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La Commission européenne a présenté le 19 décembre 2011 une proposition de directive modifiant la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Elle fait suite à un livre vert et à une phase de consultation. Sa portée est très large : elle vise la quasi-totalité des professions dites réglementées dans les États membres. Ces professions, dont l'accès est restreint par des conditions de diplômes et de qualifications, seraient au nombre de 800 dans l'Union européenne. La France se situerait dans la moyenne avec environ 120 professions réglementées. Curieusement, la Suède est la moins réglementée avec une vingtaine de professions seulement. Le Royaume-Uni, pays libéral par excellence, compte plus de 200 professions concernées, ce qui peut surprendre...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Selon la Commission européenne, la directive en vigueur n'a pas atteint tous ses objectifs. La liberté d'établissement et la liberté de prestation de services demeurent entravées, selon elle, par des délais et des obstacles administratifs non justifiés.

Je commencerai par rappeler sommairement le droit en vigueur issu de la directive de 2005.

Dans le cas d'une mobilité temporaire (prestation de services), la directive dispose que le professionnel peut travailler, en principe, sur la base d'une déclaration préalable.

Dans le cas d'une mobilité permanente (établissement dans un pays de l'Union autre que celui où les qualifications professionnelles ont été obtenues, à titre de salarié ou non), il faut distinguer selon les professions.

Trois systèmes coexistent.

Dans le premier, la reconnaissance est automatique pour les professions dont les conditions minimales de formation ont été harmonisées. Sept professions sont concernées : architecte, dentiste, infirmière, sage-femme, médecin, pharmacien et vétérinaire.

Le professionnel fait sa demande auprès de l'autorité compétente chargée de la profession dans le pays d'accueil et il apporte la preuve de vos qualifications. Cette autorité examine la demande dans un délai de trois mois. Elle est tenue de reconnaître tous les titres de formation, figurant à l'annexe V de la directive, qui satisfont à des exigences minimales de durée de formation initiale ou de pratique.

Le deuxième système concerne l'artisanat, le commerce et l'industrie (par exemple la profession de coiffeur). Ces professions peuvent bénéficier d'une reconnaissance automatique sur la base de l'expérience professionnelle acquise. La durée exigée varie entre trois et six ans.

Le système dit général sert pour toutes les autres professions réglementées ou pour les professionnels qui n'entrent pas dans les critères de la reconnaissance automatique.

Les qualifications professionnelles sont regroupées en cinq niveaux permettant la comparaison des qualifications.

La reconnaissance des qualifications intervient si le migrant a une qualification professionnelle au moins équivalente au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l'État membre d'accueil. La reconnaissance doit être accordée aussi au migrant dont la profession n'est pas réglementée dans l'État membre d'origine mais qui l'a exercée à temps plein pendant deux ans. Dans certaines conditions limitées, l'État membre d'accueil peut imposer une compensation (stage d'adaptation pendant trois ans maximum ou épreuve d'aptitude).

Voilà pour cette présentation sommaire du système actuel. Quelles modifications ou ajouts la Commission européenne a-t-elle proposé ?

La proposition phare de la Commission est de créer une carte professionnelle européenne, en réalité un certificat électronique. Délivrée par l'État membre d'origine, elle certifierait l'authenticité des diplômes, l'expérience et les qualifications du professionnel. L'État membre d'accueil n'aurait pas à demander et vérifier ces documents, d'où un gain de temps en théorie : il devrait juste valider la carte. L'Etat d'origine créerait et validerait la carte en cas de mobilité temporaire.

Optionnelle, la carte professionnelle ne serait créée que pour les professions qui en feraient la demande. La décision de créer une carte serait prise par la Commission en comitologie. Les conditions de création d'une carte sont floues. Quand faut-il considérer qu'une profession le demande et qu'en est-il des professions pas ou peu organisées ? Lorsqu'une profession n'est pas réglementée dans un pays, peut-on lui imposer la charge administrative, inutile pour lui, de délivrer une carte ?

L'accès partiel à une profession constitue une autre innovation. En vertu de ce principe reconnu par la Cour de justice depuis 2006, un professionnel est autorisé à n'exercer qu'une partie d'une profession. L'exemple souvent cité est celui du moniteur de snowboard par rapport au moniteur de ski. Ce principe qui doit faciliter la mobilité, en particulier quand les professions ne se recoupent pas exactement d'un pays à l'autre, peut aussi être source d'insécurité juridique. Le caractère séparable d'une activité n'est pas toujours évident, d'autant plus que le texte de la Commission tend à apprécier ces situations au cas par cas, et non profession par profession.

D'autres dispositions relèvent les exigences minimales de formation pour les médecins, sages-femmes, infirmiers... Globalement, cela ne pose pas de difficultés majeures aux professionnels français. Nous avons reçu les représentants de leurs Ordres. L'enjeu est plutôt de faire respecter les exigences figurant déjà dans la directive de 2005, par exemple pour les sages-femmes. J'ai été surpris de la différence entre les exigences de formation à cette profession en France, où elle est autorisée à prescrire des médicaments et dans d'autres Etats membres, où seul un cursus de quelques mois est requis.

La proposition de directive demande aux Etats membres d'examiner l'opportunité de maintenir autant de professions réglementées, certains héritages ne se justifiant plus toujours. La France se situe plutôt dans une bonne moyenne. Mais ce screening ne doit pas sacrifier la sécurité des consommateurs et des patients.

La Commission européenne propose d'inclure les notaires dans le champ de la directive, ce qui est assez conflictuel.

D'autres dispositions plus techniques concernent la création de « cadres communs de formation », l'utilisation du système d'information du marché intérieur pour faciliter la coopération des administrations, la création d'un mécanisme d'alerte pour les professionnels de santé frappés d'une interdiction d'exercer.

Quel jugement pouvons-nous porter sur ces propositions ?

Notre Haute assemblée, sur l'initiative de notre commission et de Jean-Louis Lorrain en particulier, a adopté en mars dernier un avis motivé de non-conformité au principe de subsidiarité. Les griefs concernaient particulièrement les règles applicables aux professions de santé, ainsi que le manque d'intelligibilité de plusieurs dispositifs clefs, en particulier la carte professionnelle. Notre collègue Christiane Demontès, rapporteure de l'avis motivé pour la commission des affaires sociales, a confirmé et enrichi notre analyse - nos travaux sont complémentaires.

Ces griefs demeurent pertinents. Notre proposition de résolution les reprend largement, mais sous un autre angle que la subsidiarité.

Mme Bernadette Vergnaud, rapporteur de la commission IMCO du Parlement européen a remis il y a dix jours son projet de rapport qui sera examiné à la fin de l'année. Il est remarquable que le projet de résolution du Parlement européen cite dans ses visas l'avis motivé du Sénat, ce qui illustre le dialogue croissant entre le Parlement européen et les parlements nationaux. La quasi-totalité des réserves que j'exprime figurent d'ailleurs dans le rapport du Parlement européen.

Cette communauté de vue reflète le sentiment des professionnels concernés. J'ai constaté lors de mes auditions leur grande maturité. Les Ordres ont intégré la logique européenne et leurs réseaux se réunissent régulièrement pour adopter des positions communes. Leur démarche n'est absolument pas protectionniste. Les professions de santé de notre pays sont sans doute les plus ouvertes aux ressortissants étrangers.

Notre message doit être double. Tout d'abord, les objectifs de la proposition de directive sont excellents et les dispositions proposées vont plutôt dans le bon sens en simplifiant les procédures. Il n'y a pas de recul sur les exigences minimales de formation. Toutefois, cette méthode a ses limites, car le vrai obstacle à plus de mobilité tient au manque de confiance mutuelle. Les sages-femmes, par exemple, pointent les écarts très importants de formation entre les pays. Le champ de compétences de chaque profession n'est souvent pas le même d'un pays à l'autre. En France, les sages-femmes peuvent prescrire, pas dans les autres pays. Les spécialités médicales ont aussi des contours très différents, et il n'est pas rare que les autorités de certains pays ne contrôlent pas sérieusement les qualifications. De faux diplômes circulent aussi.

Comment construire la confiance ? Simplifier ne suffit pas, il faut créer des standards communs élevés de formation, dont, dans l'idéal, le respect serait certifié par une autorité européenne indépendante. Ces conditions ne sont pas négociables quand la sécurité des patients ou des consommateurs est en jeu.

La crainte principale liée au projet de carte professionnelle européenne est celle d'un dessaisissement des autorités compétentes du pays d'accueil au profit des autorités du pays d'origine. Les autorités du pays d'accueil - en l'occurrence les ordres professionnels - seraient réduites de facto à un rôle d'enregistrement. Des garde-fous sont donc nécessaires.

Si la proposition de modification de la directive va dans le bons sens à propos des exigences minimales de formation, le recours aux actes délégués permettrait à la Commission européenne seule, sous le contrôle du Parlement européen et du Conseil, de modifier et d'actualiser ces exigences. Les actes délégués ont l'avantage de la souplesse et de la rapidité. En revanche, ils ne garantissent pas que les professions concernées soient associées. Or, sans les professions, pas de confiance. Je vous propose une position réservée, mais ouverte sur les actes délégués qui peuvent faciliter une harmonisation par le haut des exigences de formation.

De même, je suis pour les cadres communs de formation. Ce jargon désigne l'extension à toutes les professions du système de la reconnaissance automatique. Ces cadres communs pourront être élaborés par les professionnels représentant un tiers des Etats membres seulement, contre les deux tiers aujourd'hui - on est à la frange des coopérations renforcées.

En revanche, l'inclusion des notaires dans le champ de la directive ne peut recueillir notre accord. J'ai rencontré à deux reprises le Conseil supérieur du notariat pour cerner toutes les difficultés juridiques. La profession de notaire ne peut entrer dans le champ de la directive, car on est nommé notaire par le garde des Sceaux. Être titulaire du diplôme ne suffit pas pour exercer la profession. Être notaire n'est pas une qualification, mais une fonction ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Ce sont, dit-on, des fonctionnaires privés. Ils détiennent une délégation de l'autorité publique. Ils sont nommés dans une étude déterminée, il n'y a pas de mobilité nationale, ni, a fortiori, européenne. Nous confortons ici notre tradition juridique face au droit anglo-saxon.

Cette opposition ferme à l'inclusion des notaires ne remet nullement en cause la jurisprudence de la Cour de justice de mai 2011 qui a seulement sanctionné la condition de nationalité française. La loi française reconnaît les diplômes de notariat délivrés par d'autres Etats membres. Aujourd'hui, un notaire allemand peut demander à être nommé en France.

Ayant rapporté la directive « services », j'observe les similitudes entre les deux textes. Celui-ci conforte le marché unique dont nous avons besoin, mais l'on ne peut pas faire n'importe quoi quand la sécurité des patients est en jeu. Voilà pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je suis gêné par le point 15 de la proposition de résolution. Faut-il demander que « les autorités compétentes de l'Etat aient le temps et les moyens de vérifier les qualifications », alors que l'administration allonge parfois les délais pour décourager les demandes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le délai proposé par la Commission est d'un mois...

La commission des affaires européennes adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution dans le texte suivant :

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (texte E 6967),

Vu la résolution européenne du Sénat (n °107, 2011-2012) portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive précitée,

Vu le projet de rapport de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen publié le 16 juillet 2012 et relatif à la proposition de directive précitée,

considère que la proposition de directive facilitera et simplifiera la mobilité professionnelle dans l'Union qui est l'un des éléments d'une citoyenneté européenne vivante ;

observe toutefois qu'au-delà des lourdeurs administratives et de la complexité de la législation en vigueur, le principal obstacle à la mobilité professionnelle dans l'Union demeure le manque de confiance mutuelle entre États membres et entre professionnels ;

estime que la simplification des procédures ne produira des résultats que si elle s'accompagne d'un renforcement de la confiance mutuelle, laquelle ne se décrète pas mais se construit ;

souhaite dans cette perspective la définition de standards élevés de formation communs et la création d'un mécanisme indépendant et européen de certification de la qualité des formations dispensées ;

demande en conséquence au Gouvernement de prendre en considération les recommandations suivantes :

I. Sur la création d'une carte professionnelle européenne

soutient la création d'une carte professionnelle européenne délivrée par l'État d'origine ;

estime toutefois que le dispositif proposé demeure flou et que les conditions dans lesquelles les membres d'une profession décideront de se doter d'une telle carte doivent être précisées ;

juge que la délivrance de cette carte aux professions bénéficiant de la reconnaissance automatique, en particulier les professions de santé, devrait obéir à des règles plus protectrices de la sécurité des consommateurs et de la santé des patients ;

demande notamment que les autorités compétentes de l'État d'accueil aient le temps et les moyens de vérifier les qualifications du professionnel concerné ; s'oppose en l'état à la validation tacite de la demande de carte en cas de silence de l'État d'accueil ;

ajoute que les facilités offertes par la carte professionnelle à l'occasion d'une prestation de services ne permettent pas de garantir la sécurité des patients ;

II. Sur les exigences minimales de formation

approuve le relèvement des exigences minimales de formation pour les professions bénéficiant de la reconnaissance automatique, en particulier les professions de santé ;

s'interroge néanmoins sur la faculté donnée à la Commission européenne d'actualiser ces exigences par actes délégués ;

observe en particulier que la procédure des actes délégués ne garantit pas l'association des professions concernées ;

s'agissant des professions ne bénéficiant pas à ce jour de la reconnaissance automatique, soutient la proposition de « cadres communs de formation » qui pourraient être développés par neuf États membres, puis étendus par la voie d'actes délégués, chaque État gardant la faculté d'y déroger ;

estime que ces « cadres communs de formation », sorte de coopération renforcée, sont de nature à faire bénéficier un grand nombre de professions de la reconnaissance automatique ;

III. Sur le principe de l'accès partiel à une profession et de la vérification des compétences linguistiques

approuve l'introduction de ce principe, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

s'oppose toutefois fermement à son application aux professions de santé, car il porterait atteinte à la sécurité des patients ainsi qu'au fonctionnement et à l'organisation des systèmes de santé nationaux ;

ajoute que la vérification des connaissances linguistiques des professionnels de santé est une condition nécessaire à l'exercice de la profession et que les autorités compétentes doivent être en mesure de s'opposer à l'établissement d'un professionnel si cette condition n'est pas remplie ;

IV. Sur l'inclusion de la profession de notaire dans le champ de la directive 2005/36/CE

réitère son opposition formelle à l'inclusion des notaires dans le champ de la directive, la nature et le fonctionnement de cette profession étant incompatibles avec la logique présidant à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

relève que les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 24 mai 2011 confortent et justifient les particularités de cette profession dans le respect du principe de non discrimination ;

V. Sur le réexamen de la liste des professions réglementées

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Avant de nous séparer pour un repos bien mérité, je vous informe qu'en cas de besoin, la commission se réunirait le 4 septembre prochain à 11h30, dans la foulée du « groupe subsidiarité ». Bonnes vacances à tous.