Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité

Réunion du 15 février 2017 à 14h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • mesures compensatoires
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Nous poursuivons les travaux de la commission d'enquête sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures.

Notre commission travaille sur les conditions de définition, de mise en oeuvre et d'évaluation des mesures de compensation de quatre projets spécifiques : l'autoroute A65, la LGV Tours-Bordeaux, l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ainsi que la réserve d'actifs naturels de Cossure, en plaine de la Crau.

Cet après-midi, c'est au projet de LGV Tours-Bordeaux que nous allons nous intéresser, puisque nous recevons M. Nacer Meddah, préfet de la région Centre-Val de Loire, et M. Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).

Nous avons entendu le mois dernier vos homologues, le préfet et le directeur régional de la région Nouvelle Aquitaine. Nous nous rendrons sur le terrain le 24 février prochain.

Notre objectif, je vous le rappelle, est d'identifier, à partir d'exemples concrets, les principaux obstacles qui empêchent aujourd'hui une bonne application de la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC), et de faire des propositions pour améliorer la mise en oeuvre concrète, l'efficacité et le suivi des mesures compensatoires en France.

La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse. Elle fait l'objet d'une captation vidéo, et elle est retransmise en direct sur le site internet du Sénat. Un compte rendu en sera publié.

Messieurs, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, je vais vous demander de prêter serment.

Je rappelle que tout faux témoignage devant la commission d'enquête et toute subornation de témoin serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

MM. Nacer Meddah et Stéphane Lelièvre prêtent successivement serment.

Messieurs, à la suite de vos propos introductifs, mon collègue Ronan Dantec, rapporteur de la commission d'enquête, vous posera un certain nombre de questions. À l'issue de vos réponses, les membres de la commission d'enquête vous solliciteront à leur tour.

Avant de vous donner la parole, pouvez-vous nous indiquer à titre liminaire si vous avez des liens d'intérêts avec les autres projets concernés par notre commission d'enquête ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Aucun, monsieur le président.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Aucun, monsieur le président.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

À titre d'élément introductif, je tiens à rappeler que le projet de LGV concerne, pour la région Centre-Val de Loire, uniquement le département d'Indre-et-Loire. La ligne traverse ce département sur cinquante-six kilomètres, soit 19 % du linéaire du projet.

La LGV intersecte dans ce département des milieux anthropisés dans la partie nord, et des zones plus sensibles d'un point de vue environnemental dans la partie sud, s'agissant notamment des franchissements des cours d'eau. Elle n'a pas de conséquence sur des sites classés Natura 2000.

Quarante-sept dossiers de compensation ont été instruits, représentant huit hectares d'acquisition et deux cent quatorze hectares de conventionnement.

D'autres dossiers sont par ailleurs en cours d'instruction. La situation de l'Indre-et-Loire est maintenant satisfaisante pour ce qui est du dépôt des dossiers de compensation.

Une des spécificités de ce dossier, sur le volet relatif aux dérogations concernant les espèces protégées, porte sur la mutualisation des mesures compensatoires, à la fois sur le plan inter-espèces entre les réglementations relatives à la loi sur l'eau et aux espèces protégées.

Le montage des dossiers est donc relativement exigeant en termes de technicité afin de garantir la qualité des mesures mises en place et leur proportionnalité par rapport aux enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Lors de leur audition par notre commission d'enquête, la chambre d'agriculture et les syndicats agricoles d'Indre-et-Loire ont été relativement sévères s'agissant de la conduite des travaux.

Je cite : « On sait très bien que la société ne respecte pas la loi sur l'eau mais qu'on ne peut rien faire, même la DDT. Ils bétonnent tous les fossés. Du coup, on a des arrivées d'eau énormes. On a plein d'exemples. Ils ont fait des talus avec deux mètres de terre arable et la mauvaise terre a été mise dans les champs à côté. Ils faisaient au plus pratique. C'est compliqué. Il y a un rapport de force, mais on a fait remonter. On a essayé de bloquer les sites de COSEA. On a des parcelles coupées. C'est un gros chantier, donc compliqué pour les exploitations en bordure de chantier. »

C'est un avis assez rude s'agissant de la conduite des travaux. Nous reviendrons ensuite sur la question des compensations, sur laquelle la commission d'enquête était plutôt centrée. Les différentes auditions ont montré que le désordre environnemental porte peut-être d'abord sur la question des travaux.

COSEA et un certain nombre d'autres sociétés intervenant sur le chantier, ont fait l'objet de condamnations pénales dans la région voisine.

Partagez-vous le constat assez sévère de la chambre d'agriculture ?

Quelles ont été les interventions de l'État en amont pour vérifier la manière de conduire les travaux et, en aval, pour dresser un procès-verbal et essayer de restaurer les milieux ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Je laisserai sur ce point particulier M. Lelièvre, qui connaît exactement les critiques formulées à propos du bétonnage que vous évoquez, vous apporter des éléments pour vous dire si ce constat est partagé ou non, et vous fournir des précisions sur les mesures qui ont pu être prises pour essayer de corriger la situation.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Les services de l'État sont à même de partager le constat dressé par la chambre d'agriculture, qui peut fort heureusement s'expliquer.

Deux difficultés majeures sont apparues en Indre-et-Loire, mais également dans d'autres secteurs, sur la partie sud du tracé. Il s'agit d'une part des difficultés pour assurer les continuités d'accès aux exploitations et les rétablissements en phase de terrassement, mais également du bétonnage des fossés, qui n'avait pas été identifié comme aussi conséquent au début des études.

Ceci s'explique par l'application des référentiels ferroviaires, qui imposent ce bétonnage dans un certain nombre de cas. Ce n'est qu'au moment des études détaillées du projet que ces critères ont pu être mis en oeuvre et que le bétonnage a pu être quantifié.

Un fort bétonnage des fossés peut avoir des conséquences sur l'accélération des eaux de ruissellement et sur les dispositifs de raquettes de diffusion des eaux. Ce problème a été accru par le fait que les années 2013 et 2014 ont été des périodes de fortes précipitations, d'où des quantités d'eau relativement importantes sur les terrains agricoles.

Le constructeur, COSEA, a essayé d'apporter le plus d'éléments de réponse possible à travers la mise en oeuvre de dispositifs provisoires, afin d'empêcher le ravinement des terrains agricoles, et a revu les dispositifs initialement dimensionnés.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Pour répondre encore plus directement à votre interpellation, monsieur le rapporteur, on peut dire qu'il aurait sans nul doute fallu anticiper davantage les impacts du chantier sur l'activité agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Est-on aujourd'hui dans une situation satisfaisante ? Les difficultés ont-elles été résorbées globalement et constate-t-on un retour à un bon état écologique, ou la question continue-t-elle à se poser en matière de débit des cours d'eau ?

Si les choses ne sont pas réglées, que prévoit l'État pour revenir au bon état écologique ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

On peut aujourd'hui considérer que les corrections ont été apportées. Je répète que l'on ne peut que regretter que les choses ne soient intervenues qu'après coup, la profession agricole ayant vivement réagi par rapport aux difficultés rencontrées. Aujourd'hui, la situation est toutefois satisfaisante.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

J'ajoute que, dans le cadre du suivi des engagements de l'État, un comité s'est tenu au mois de décembre. Les élus locaux se sont exprimés sur cette problématique lors des précédents comités. Aujourd'hui, selon les comptes rendus dont je suis destinataire, cette problématique n'est pas réapparue.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Ce comité s'est tenu le 12 décembre dernier. Ces difficultés ont bien existé mais elles ont été résolues.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

La DREAL peut-elle décrire la manière dont l'État suit ces projets dans la durée et assure la vérification des mesures de compensation ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Le comité de suivi interdépartemental se réunit de manière régulière pour faire un point sur le sujet. Il s'agit de réunions techniques entre DREAL et directions départementales des territoires (DDT) afin de s'assurer que les difficultés rencontrées, surtout sur certains cours d'eau, ne se reproduisent pas.

Ce suivi est réalisé en liaison avec le constructeur. On ne considère donc pas que les problèmes sont résolus une fois la ligne achevée. Le travail de veille continue.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

La DREAL dépêche-t-elle aussi des moyens humains sur le terrain ou, par l'intermédiaire de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), pour contrôler la mise en oeuvre de la compensation ? Nous devons quantifier les moyens que l'État consacre, de manière raisonnable et rationnelle, au suivi de ce type de projet sur une longue durée.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

En premier lieu, il convient de distinguer deux cadres réglementaires, celui de la loi sur l'eau et celui des espèces protégées. La DDT d'Indre-et-Loire instruit tout ce qui concerne les arrêtés relatifs à la loi sur l'eau, la DREAL Centre s'occupant des arrêtés relatifs aux espèces protégées.

S'agissant des moyens humains de la DDT, un agent a été recruté de façon spécifique pour assurer le suivi de ce chantier. Un poste a été créé pour s'occuper des dossiers transversaux liés aux infrastructures dans le cadre de la création de la DREAL Centre, intervenue fin 2009. C'est moi qui assure cette mission. Des moyens spécifiques ont été identifiés au préalable.

Enfin, on s'appuie sur des établissements publics comme l'ONEMA, désormais intégré à l'Agence française pour la biodiversité, et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (OFCFS) pour assurer les contrôles de terrain.

Des visites interservices de l'État sont régulièrement organisées avec le porteur du projet dans le cadre des mesures compensatoires.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Un comité départemental se réunit trois fois dans l'année.

Tous les acteurs concernés - services de l'État et opérateurs - pourront faire régulièrement le point au titre de ces deux lois qui encadrent non seulement les mesures de compensation, mais aussi le bon achèvement du chantier par rapport à ses impacts ultérieurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Est-ce que ce sont plutôt les agriculteurs qui vous ont alerté quand ils ont eu de l'eau dans les champs, ou l'ONEMA l'avait-elle fait en amont ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Les deux.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Au départ, c'est l'ONEMA qui a attiré l'attention sur le sujet. Cette pratique du bétonnage des fossés a en effet un impact sur l'environnement, du fait de l'accélération des vitesses de ruissellement et des risques de pollution des milieux humides beaucoup plus importants.

Entre-temps, la préfecture a reçu les remarques exprimées par la chambre d'agriculture et les représentants des agriculteurs.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Soyons honnêtes : l'alerte a d'abord été donnée par ceux qui ont rencontré des difficultés dans leur activité économique. Ils ont pu constater sur le terrain les dérèglements des cours d'eau. L'ONEMA n'a pas non plus attendu. Les alertes ont donc été quasiment concomitantes, mais le monde agricole a su se faire très vite entendre auprès de la préfecture d'Indre-et-Loire.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Les études avaient également identifié cette problématique. La DDT a même interpellé la SNCF pour avoir confirmation de l'obligation du bétonnage des fossés. COSEA a remis un plan, et c'est à ce titre que l'ONEMA et la DDT ont été alertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Comment cela s'est-il réglé ? A-t-on créé d'autres bassins tampons pour éviter les problèmes de débit et de qualité de l'eau ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

COSEA a réalisé des reprises d'aménagement, notamment au niveau des raquettes de diffusion des fossés et des redimensionnements de bassins tampons s'agissant du volet agricole.

Pour ce qui est du volet environnemental, des traitements au droit des rejets sur les cours d'eau ont été mis en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

La mise en oeuvre de mesures compensatoires au droit des projets amène parfois à consommer de la terre agricole d'excellente qualité alors qu'elles devraient être déployées un peu plus à distance. L'État a-t-il accompagné le maître d'ouvrage dans la discussion, ou vous êtes-vous sentis contraints par le principe de proximité ?

Comment dialoguez-vous avec le maître d'ouvrage pour choisir les meilleures mesures compensatoires et déterminer les terrains afin d'accompagner ces mesures ? Avez-vous une vision globale du fonctionnement naturel de la région ou du département ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Il faut distinguer plusieurs phases. La première est la phase d'identification de la dette, avec l'arrêté correspondant à la quantification des mesures compensatoires dues à hauteur de cette dette.

Pour élaborer ces arrêtés, COSEA est entrée en discussion avec les services de l'État en amont de l'attribution du marché de partenariat public-privé. Les premiers échanges sont intervenus fin 2010 et début 2011. Très rapidement, au vu de la dimension de l'infrastructure, il est apparu que la recherche de mesures compensatoire au plus près de l'infrastructure et des impacts potentiels de celle-ci serait très difficile à garantir dans tous les cas de figure.

Pour les arrêtés relatifs aux espèces protégées, une approche par petite région agricole a été mise en oeuvre. La dette est calculée sur cette base, ce qui offre au porteur du projet des marges de manoeuvre, ainsi que des possibilités de recherche et de prospection, et favorise les opportunités.

Dans la phase de mise en oeuvre, les arrêtés prévoyaient la définition de cahiers des charges et de méthodologies de prospection. Il y a eu là encore des échanges avec le porteur du projet. Celui-ci a exposé sa méthodologie, que nous avons amendée et validée, en coordination avec les autres DREAL.

Ceci a bien été mis en oeuvre dans le cahier des charges pour ce qui est de la prise en compte des trames vertes et bleues. Les corridors et les réservoirs de biodiversité ont permis d'identifier les zones de prospection.

De même, les réserves foncières qui avaient pu être dégagées dans le cadre d'aménagements fonciers ont été intégrées dans le cahier des charges. Les spécificités liées aux espèces ont permis de sérier des éloignements plus ou moins lointains par rapport à la trace du projet.

En phase de réalisation, le porteur du projet ne présente pas sa mesure compensatoire de façon sèche, mais explique comment elle s'insère dans le milieu avoisinant, et par rapport aux autres mesures compensatoires qu'il compte mettre en oeuvre sur ce territoire. Il explique également comment il en assure la cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Estimez-vous avoir une vision à peu près claire des enjeux de biodiversité à l'échelle du département et de la région, ou cela reste-t-il fragile d'un point de vue scientifique ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Avant la loi pour la reconquête de la biodiversité, il faut bien reconnaître que nous ne disposions pas de vision nationale en la matière. Cette loi constitue une avancée très forte.

Au niveau régional, COSEA n'a pas tout réalisé seule. S'agissant par exemple de l'identification du foncier à des fins de mesures compensatoires, un travail a été réalisé avec le conservatoire des espaces naturels et des associations environnementales. Un repérage a été effectué et les critères ont été partagés. Tout ceci a fait l'objet d'une validation commune.

Il faut aussi reconnaître que toutes les mesures compensatoires ne s'accompagnent pas nécessairement d'acquisitions foncières, des pourcentages ayant été définis, notamment pour les amphibiens et la flore.

Quant aux modes d'acquisition, les services de l'État n'ont pas leur mot à dire. C'est COSEA qui décide du mode d'acquisition.

Nous sommes donc présents à plusieurs moments de la procédure pour un chantier de cette importance. Avec la loi sur la reconquête de la biodiversité, on devrait pouvoir renforcer encore l'approche régionale.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ce suivi dans la durée constitue-t-il un nouveau métier ou une nouvelle charge pour l'administration préfectorale ? N'existe-t-il pas des enjeux de formation et de méthodologies de vérification ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

C'est sans doute un métier qui existait, mais qui n'était pas aussi structuré. Il ne concernera pas les seuls services de l'État, mais aussi le conseil régional, les relais régionaux de l'agence de biodiversité étant adossés à la collectivité régionale.

C'est un travail de coordination des services de l'État et du conseil régional, en liaison avec le niveau national, qu'il faut désormais pérenniser alors qu'il se faisait au coup par coup, en fonction des projets. C'est sans doute un métier qu'il convient de consolider.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pensez-vous avoir les moyens humains nécessaires à cette activité dans le contexte actuel de réduction des ressources publiques ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Ce sont des priorités. Il faudra faire en sorte de redéployer nos moyens et de mutualiser. Je pense que l'on peut organiser ce travail de suivi dans la durée entre services de l'État, agence de biodiversité et région. À nous de faire en sorte qu'il soit le moins coûteux possible pour la collectivité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je reste prudent à ce stade, mais nous avons eu le sentiment que les mesures compensatoires avaient quelque peu constitué un effet d'aubaine pour le monde agricole d'Indre-et-Loire en raison de la fin d'un certain nombre de mesures agro-environnementales (MAE), alors que la gestion environnementale faisait déjà partie de la culture des agriculteurs...

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

On peut le dire. Les mesures compensatoires ont effectivement coïncidé avec l'interruption des programmes de développement rural, en 2014. La mise en oeuvre des nouvelles mesures environnementales a pris du retard. Les exploitants ont vu une opportunité à passer convention avec COSEA. Il s'agit de mesures assez proches de celles des fonds européens, mais qui sont bien plus contraignantes en termes de durée, celle-ci étant plus longue. C'est là un premier effet.

A contrario, il ne doit pas y avoir concurrence entre les différentes mesures sur certaines zones de protection spéciale, ou un retard de conventionnement dans le cadre de l'animation du réseau Natura 2000. Certains exploitants ont attendu l'offre de COSEA. Aux services de l'État de veiller à empêcher ceci.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Ainsi qu'ils ont dû vous le dire, ils ne se sont pas plaints de ces mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Comment le dialogue entre les opérateurs, les élus locaux, l'administration et les agriculteurs s'est-il déroulé ? Y a-t-il eu un échange suffisant ?

En matière de terres agricoles, il existe toujours une perte de surface agricole utile (SAU) pour les agriculteurs. Un travail de fond a-t-il été effectué avec la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ? C'est souvent l'opérateur qui permet des échanges et facilite les compensations, non seulement en matière de SAU, mais aussi de biodiversité.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Tous les acteurs concernés ont bien été approchés et ont participé. Une véritable concertation a été établie. C'est ce qui explique aussi qu'il existe très peu de revendications sur la mise en oeuvre des mesures compensatoires.

En revanche, un travail d'anticipation reste à réaliser par le constructeur sur l'impact d'un chantier, les agriculteurs ayant été pénalisés au début du chantier.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

En effet. Le constructeur et les services ont fait en sorte de réagir, mais si on avait davantage anticipé, notamment en matière de bétonnage des fossés, sans doute n'y aurait-il pas eu de préjudice pour l'activité agricole.

Par la suite, s'agissant des mesures compensatoires ou de la SAFER, chacun a été associé pour trouver les terres les plus adaptées. Je n'ai personnellement pas eu connaissance d'acteurs concernés laissés sur le bord de la route, ou insuffisamment associés. Je reconnais toutefois que la procédure est encore quelque peu expérimentale. Certains enjeux sont à intégrer en amont, notamment en matière d'impacts sur l'activité agricole.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Dans le cadre de l'élaboration des cahiers des charges destinées à établir des mesures compensatoires, les représentants des chambres d'agriculture, mais aussi les syndicats, ont été associés, afin d'éviter un gel de l'activité agricole et de privilégier un maintien de l'exploitation, tout en apportant une valeur écologique en termes de biodiversité.

Deuxièmement, en Indre-et-Loire, la chambre d'agriculture est l'opérateur en charge de la prospection des sites hébergeant de telles mesures. Cela permet de trouver des opportunités et de partager les projets.

Au mois de janvier, j'étais sur le terrain pour valider un certain nombre de mesures compensatoires. Nous avons rencontré l'exploitant qui nous a dit que s'il le pouvait, il placerait l'ensemble de son exploitation sous ce régime.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Compte tenu du contexte économique, il a bien raison !

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

En effet, et c'est à ce titre qu'il le disait.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

COSEA y est également sensible et a intégré toutes les préconisations formulées par l'État, en collaborant avec tous les partenaires capables de mener des expertises, notamment pour améliorer la transparence des ouvrages afin de préserver la petite faune ou les zones d'habitat naturel à enjeux. Cinquante-sept ouvrages ont été adaptés en faveur de la petite faune terrestre et semi-aquatique.

COSEA a bien su prendre en compte les améliorations souhaitées. Il existe donc un véritable dialogue. COSEA n'impose pas nécessairement sa loi ni sa lecture de la conduite des travaux. Tous les aménagements qu'il a fallu entreprendre sur les ouvrages ont donc bien été réalisés et pris en compte par COSEA.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Pouvez-vous citer quelques exemples de mesures concernant la biodiversité ? Qu'impliquent-elles en termes de changement de culture ?

En deuxième lieu, la production agricole diminue certes du fait de l'emprise, mais également à cause des mesures en faveur de la biodiversité. Une compensation des pertes économiques est-elle globalement prévue ?

Enfin, la construction d'un TGV entraîne également beaucoup de reconstitutions d'ouvrages. Mon département a ainsi connu certaines difficultés dans ce domaine. En Indre-et-Loire, le maître d'ouvrage a-t-il été attentif à ces problèmes ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Seuls cinquante kilomètres sont concernés. Je rappelle qu'il y a eu huit hectares d'acquisition et deux cent quatorze hectares de conventionnement. On n'est donc pas dans la même problématique qu'en Nouvelle Aquitaine.

La compensation de l'impact économique n'était jusqu'à présent pas prise en compte. Il faudra certainement l'intégrer.

Quant à la reconstitution des ouvrages, à ma connaissance, sur le tronçon qui nous concerne, il n'en a pas été question.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

En Indre-et-Loire, les difficultés rencontrées par les ouvrages ont concerné la phase transitoire, la destruction de certains d'entre eux ayant généré des allongements de parcours temporaires.

Pour le reste, le dimensionnement a été correctement pris en compte par le constructeur.

S'agissant des mesures compensatoires agricoles, des solutions par placette et mosaïque de cultures variées, destinées à compenser le risque de monoculture, défavorable à la biodiversité, ont été mises en oeuvre. Il n'a donc pas été question de gel d'exploitation.

Des fauches tardives sont privilégiées pour permettre la reproduction de certaines espèces et plusieurs hectares ont été mis en défens pour permettre la nidification de certains oiseaux de plaine. La compensation financière est estimée au vu de ces contraintes. C'est COSEA qui a négocié directement avec les exploitants.

Debut de section - Permalien
Stéphane Lelièvre, chargé de mission à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

Les mesures compensatoires ont vocation à durer cinquante ans.

Toutefois, il est aujourd'hui réglementairement impossible de conventionner avec un exploitant sur cette durée. Ces conventions ont majoritairement des durées de vingt ans mais, dans certains cas, peuvent descendre à dix ans, à charge pour le concessionnaire de renouveler ces conventions.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

C'est ce que nous avait dit la chambre d'agriculteur, ce qui est plutôt long par rapport à d'autres projets. Pour Notre-Dame-des-Landes, on est à cinq ans, par exemple.

Comment les choses vont-elles se passer au moment du renouvellement des conventions ? On sent bien que le monde agricole attend à l'avenir le concessionnaire de pied ferme. Ceci nous a été dit très clairement lors de certaines auditions.

Le concessionnaire anticipe-t-il d'ores et déjà à des négociations plus compliquées lors du renouvellement ? Cela dépend du contexte économique, mais le coût de fonctionnement sera probablement amené à augmenter progressivement pour le concessionnaire en termes de mesures compensatoires.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

En toute objectivité, il me semble prématuré de répondre à cette question, mais il faudra faire preuve de vigilance. Les services de l'État et le comité de suivi devront s'assurer qu'il existe un dialogue serein et équilibré entre le monde agricole et le constructeur. Aujourd'hui, à notre connaissance, il n'existe pas de tension particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

L'État peut-il être amené à recourir à des outils plus coercitifs pour réussir à mettre en place des mesures compensatoires ? Selon la loi, le concessionnaire est astreint à une obligation de résultat. Imaginons qu'aucun agriculteur ne soit plus intéressé par les mesures compensatoires : comment les choses se dérouleraient-elles ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

La loi sur la biodiversité donne aux services de l'État des pouvoirs réels. En Indre-et-Loire, nous effectuons de nombreuses visites de sites pour s'assurer que toutes les mesures sont mises en oeuvre.

Les missions interservices de l'eau et de la nature (MISEN), au sein desquelles le parquet est d'ailleurs présent, seront extrêmement utiles et pourront être amenées à décider de mesures coercitives.

La loi nous confie par ailleurs certains pouvoirs si des écarts apparaissent par rapport à ce qu'on est en droit d'attendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

S'agissant de l'évitement et de la réduction, avez-vous le sentiment que des efforts plus importants avaient pu être mis en oeuvre en amont ?

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

Cette procédure ne s'applique pas seulement en amont, mais concerne la totalité des atteintes à l'environnement. Les services de l'État ont donc fait en sorte que ces priorités soient bien intégrées à chaque étape du projet.

Toutes les mesures d'évitement ont été très détaillées dans les différents arrêtés pris par mes prédécesseurs, notamment un arrêté inter-préfectoral du 24 février 2012. Il s'agit des articles 4 à 10. On retrouve les mesures de réduction dans les articles 11 à 16, et les mesures de compensation dans les articles 19 à 21. On continue à s'assurer que cette procédure est mobilisée en permanence.

Pour aller cependant dans votre sens, monsieur le rapporteur, je pense qu'on pourrait conduire un travail d'amélioration sensible - mais nous sommes dans l'expérimentation. Celle-ci présente beaucoup d'intérêt. La procédure ERC a en effet été bien intégrée, mais peut-être pas de manière optimale, notamment en matière d'évitement.

Il y a sans doute là un travail que nous pourrions conduire ensemble. C'est ce qui est en train d'être fait par les services de l'État afin de voir, sur un chantier de cette ampleur, comment affirmer la priorité « évitement ». On peut, sur l'ensemble des trois temps du projet, qui ont été relativement longs - deux ans à trois ans, quatre ans à cinq ans, six ans à huit ans - s'assurer que les priorités sont bien intégrées, et ne pas se contenter de les énumérer dans les arrêtés.

Le travail du comité de suivi est donc essentiel. Le retour d'expérience pourra venir, a posteriori, consolider les recommandations que vous établirez dans votre rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Avez-vous un exemple d'un évitement ou d'une réduction convenablement réalisé et, à l'inverse, d'un cas où l'on aurait pu faire bien mieux ? Nous avons en effet besoin d'illustrer les choses concrètement.

Debut de section - Permalien
Nacer Meddah, préfet de région

On peut citer l'optimisation du rétablissement de la VC9 à Sainte-Maure-de-Touraine, qui a évité la destruction de près de six hectares d'habitat favorable au busard Saint-Martin, ou la mise en défens de milieux humides au droit du franchissement de la vallée de l'Indre.

Ce sont là deux exemples concrets de la bonne application des mesures qui ont été prises dans les arrêtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Nous vous remercions pour ces précisions et pour l'éclairage que vous nous avez apporté cet après-midi.

La réunion est suspendue à 15 heures.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.