Un « budget de transformation » : voici les termes utilisés par la ministre de la culture pour qualifier le budget qui nous est soumis cette année. En dépit des craintes que nous pouvions avoir il y a quelques mois, nous pouvons reconnaître que les crédits de la mission « Culture » sont confortés, avec une progression de 1,1 % à périmètre constant.
Les moyens nouveaux profitent essentiellement au programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Hors dépenses de personnel, ses crédits enregistrent une hausse de plus de 2 % à périmètre constant.
Le Président de la République s'est engagé à ce que tous les enfants, de la maternelle au lycée, aient accès, d'ici à 2020, aux actions d'éducation artistique et culturelle (EAC). Les crédits sont portés à 114 millions d'euros : 15 millions d'euros proviennent de transferts de crédits depuis d'autres programmes et finançaient des actions qui, jusqu'à présent, n'étaient pas uniquement destinées aux jeunes, ce qui me paraît quelque peu regrettable. Je pense notamment aux ateliers de fabrique artistique : j'espère que ces transferts ne vont pas se traduire par un rétrécissement du champ des actions financées. En revanche, 35 millions d'euros sont de « vrais » nouveaux crédits, même si la présentation des documents budgétaires ne permet pas de savoir s'ils porteront intégralement sur les deux priorités qui ont été définies, à savoir développer la pratique artistique, notamment dans le domaine de la musique et du théâtre, et susciter le goût du livre et de la lecture. Compte tenu du soutien que notre commission a toujours apporté au développement de l'EAC, nous pouvons être satisfaits de ces évolutions.
Reste à savoir si cette hausse significative des crédits sera suivie d'effets, ce qui suppose un réel engagement de la part du ministère de l'éducation nationale : je m'étonne d'ailleurs que seuls 3 millions d'euros soient spécifiquement inscrits pour le parcours d'EAC de l'élève au sein de la mission « Enseignement scolaire ».
Gardons également à l'esprit que les collectivités territoriales jouent un rôle central dans la réussite du dispositif, et ce depuis longtemps. Leur association et leur accompagnement dans la mise en oeuvre ne doivent pas être éludés, bien au contraire.
L'une des principales innovations de ce budget reste évidemment le Pass culture, promesse de campagne du Président de la République. Seuls 5 millions d'euros sont inscrits l'an prochain pour couvrir les coûts de consultation, de développement de l'application mobile et d'expérimentation. Mais, à plein régime, le dispositif devrait coûter plus de 400 millions d'euros, dont l'État prévoit de prendre en charge 140 millions, le reste devant être couvert par les partenaires privés, y compris les « GAFA ». C'est donc une décision lourde de conséquences pour l'avenir, d'autant que le plafond de la mission ne doit augmenter que de 46 millions d'euros d'ici à 2020, d'après la prévision triennale, ce qui signifie qu'une majorité du financement de l'État devra provenir de redéploiements de crédits au sein de la mission.
L'expérience italienne montre qu'il est indispensable d'encadrer soigneusement le dispositif si l'on veut en faire un véritable outil au service d'une politique culturelle, et non un simple chèque en blanc. Si j'en crois les premiers bilans, le bonus cultura aurait été boudé par près de 40 % des jeunes Italiens, ce qui interpelle sur l'intérêt du dispositif au regard de l'objectif de démocratisation culturelle. Les bons auraient été massivement utilisés pour l'achat de livres, y compris de livres de cours, ce qui constitue un dévoiement du dispositif. Un marché noir serait même apparu avec la publication d'annonces dans lesquelles des jeunes proposaient de revendre leurs bons.
Aussi séduisante qu'elle puisse paraître de prime abord, l'idée d'un Pass culture comporte un certain nombre d'écueils dans lesquels il est difficile de ne pas tomber. Le Pass culture doit réussir à allier deux principes susceptibles d'aller en sens contraire : d'une part, la liberté de choix du jeune et, d'autre part, la promotion de la diversité culturelle. Une proposition pourrait consister à le décomposer en deux temps, en débloquant d'abord une première partie de l'enveloppe au profit d'offres dont le contenu serait éditorialisé et inviterait le jeune à ouvrir ses horizons ; le reliquat pourrait, dans un second temps, être utilisé totalement librement par le jeune. Nous devons vraiment être vigilants. Je me demande aussi s'il n'est pas finalement prématuré de prévoir la mise en place du Pass dès aujourd'hui, alors qu'il doit venir conclure le parcours d'EAC dont l'installation débute seulement. Les écueils que nous appréhendons aujourd'hui ne seraient-ils pas moins nombreux dans quelques années ?
En ce qui concerne les autres actions financées par le programme 224, les efforts financiers sont plus réduits.
D'après les informations qui m'ont été données, la revalorisation de 3 millions d'euros des crédits destinés aux conservatoires doit servir à financer le « plan chorales ». Je suis extrêmement surprise que le ministère n'ait pas davantage avancé sur la réforme du classement des conservatoires, qui s'inscrit dans la suite logique des dispositions de la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP). Les personnes que j'ai auditionnées ont souvent souligné le caractère inadapté des critères actuels, mais elles sont prêtes à y travailler, avec les collectivités territoriales.
Les crédits destinés aux établissements culturels de l'enseignement supérieur enregistrent un léger recul. Le statut des enseignants des écoles d'art territoriales freine aujourd'hui l'alignement de ces établissements sur le système LMD et le développement de la recherche. La ministre de la culture a fort heureusement indiqué, lors de son audition par notre commission la semaine dernière, qu'elle souhaitait régler en même temps la question du statut des enseignants des écoles nationales et territoriales. L'ouverture d'une concertation est indispensable pour ne pas creuser davantage le fossé entre les écoles nationales et les écoles territoriales. Les collectivités territoriales sont très attachées à leurs écoles d'art et soucieuses d'en assurer la pérennité et le développement : il faut qu'elles soient étroitement associées à ce chantier.
Les crédits destinés à soutenir l'emploi dans le spectacle sont drastiquement réduits, passant de 55 à 25 millions d'euros en l'espace d'un an. Le ministère invoque des retards pris dans la mise en oeuvre des différentes mesures du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le Fonpeps, les lacunes en matière de communication et une montée en puissance des dispositifs plus lente que prévu pour justifier sa décision. De fait, seules cinq des neuf mesures du Fonpeps sont entrées en vigueur. Pour ma part, je m'étonne justement que l'on réduise la voilure d'un dispositif avant même que l'ensemble de ses mesures soit effectives. D'aucuns évoquent aussi l'inadéquation des mesures du Fonpeps aux spécificités d'un secteur caractérisé par une activité marquée par de grandes fluctuations. Des réflexions seraient en cours pour évaluer l'opportunité de retravailler les mesures. Prenons garde à ce que cette remise à plat ne conduise à sacrifier ce dispositif, qui faisait partie de l'accord de l'an dernier sur l'assurance chômage. Préservons ce dispositif qui peut permettre d'amortir la baisse des emplois aidés, dont les conséquences sur les structures culturelles et le maillage culturel du territoire se révèlent très préoccupantes, voire terribles.
Les efforts, sur le programme 131, « Création », sont plus mesurés que sur le programme 224, même si ses crédits enregistrent tout de même une progression de 0,8 % avant transferts.
Un nouveau cap semble se dessiner, avec une priorité donnée aux actions favorisant la vie culturelle des régions et la diffusion des oeuvres auprès d'un public plus large. À cet effet, une attention particulière est portée à la diffusion des oeuvres, avec une augmentation plus significative des crédits destinés à la diffusion qu'à la création.
De nouveaux crédits sont accordés aux labels, dont le cadre a été fixé par la LCAP, pour consolider les marges artistiques des structures existantes, les accompagner dans la mise en oeuvre des nouveaux cahiers des charges et financer les nouvelles labellisations. En sens inverse, le soutien de l'État hors structures labellisées et réseaux décroît fortement, ce qui peut mettre en danger l'objectif d'aménagement culturel équilibré du territoire, en particulier dans les zones rurales.
J'ai constaté que cette inflexion des crédits fait naître chez les artistes de vives inquiétudes, dans une période où le maintien des subventions de l'État est perçu comme primordial, compte tenu du retrait croissant des collectivités territoriales que le développement de la contractualisation cherche à enrayer. Les interrogations sur le devenir du soutien public sont nombreuses et largement accrues du fait des décisions qui doivent intervenir dans le cadre du programme « Action publique 2022 ». Il faut dire que le secteur de la création traverse aujourd'hui de grandes mutations qui ne sont pas sans risque pour la préservation de l'indépendance et de la diversité artistiques.
Je pense, bien sûr, à la montée en puissance, depuis quelques années, de nouveaux acteurs, qui suivent des stratégies de développement intégrées dites « à 360° ». Si nous ne prenons pas garde rapidement à ce mouvement de concentration, les logiques de rentabilité auront tôt fait d'uniformiser l'offre autour des artistes mainstream et de faire disparaître les écritures audacieuses et les esthétiques les plus fragiles. Le phénomène dépasse désormais largement la musique, pour toucher aussi le théâtre.
L'enjeu est majeur. Veillons à ce que l'attention croissante prêtée aux questions de diffusion dans le présent budget ne profite pas à ces grands groupes ou à ce que les collectivités territoriales n'aggravent pas le phénomène par l'attribution de délégations de service public.
Les mesures de sûreté progressivement mises en place depuis les attentats de 2015 ont également des conséquences importantes sur la création. Leur coût financier est difficile à assumer et grève peu à peu les budgets artistiques. Les contraintes de programmation qu'elles font peser constituent une vraie menace pour la liberté de création. Dans ce contexte, faut-il continuer à accompagner les établissements du spectacle vivant face aux contraintes de sécurité ? La question est importante, alors que le fonds d'urgence créé en décembre 2015 doit disparaître à la fin de l'année 2018. En théorie, le fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le FIPDR, doit prendre le relais. Mais les précisions données par la ministre à ce sujet lors de son audition, la semaine dernière, manquent.
Quoi qu'il en soit, ces exemples montrent à quel point l'écosystème a été bouleversé en l'espace de quelques années. Le panorama ne serait pas complet sans mentionner la place progressivement prise par les plateformes numériques. Leur position désormais incontournable pose question au regard du partage de la valeur et accroît les menaces qui pèsent sur la diversité musicale et, globalement, artistique.
L'ensemble de la filière musicale est aujourd'hui confrontée à ces mêmes défis. Dès lors, il est urgent que l'État redéfinisse sa politique dans le domaine musical et clarifie ses priorités. C'est en tout cas la conclusion du rapport rendu par Roch-Olivier Maistre il y a quelques semaines. Celui-ci préconise également, plutôt que d'élargir les missions du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), de créer un nouvel opérateur public pour réunir autour d'une même table l'ensemble du champ musical et de ses métiers. Cet opérateur serait chargé de missions d'observation, d'information, de formation, de développement international et de gestion des différentes formes d'aides au secteur. La ministre n'a pas encore statué sur ces propositions. Nous aurons l'occasion d'en débattre, puisque l'intervention du législateur pourrait se révéler nécessaire, quelle que soit l'option retenue par la ministre en janvier.
Avant de conclure, je veux évoquer les arts visuels. Des hausses de crédits interviennent pour faciliter la diffusion. En revanche, les aides individuelles ne sont pas revalorisées. Les artistes visuels n'ont pas caché leurs inquiétudes, alors que plane toujours le doute sur la compensation intégrale de la CSG pour les artistes auteurs. Lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Sénat, grâce à l'intervention de notre présidente et de moi-même, a inséré une disposition prévoyant le principe d'une compensation, mais j'ignore encore si elle sera conservée par l'Assemblée nationale, après l'échec de la CMP. Nous serons, là aussi, vigilants.
Compte tenu de la progression des crédits de la mission, il me paraît difficile de ne pas donner un avis favorable à leur adoption. Cela ne nous empêche pas d'exprimer de grandes réserves sur le programme 224, notamment en ce qui concerne le Pass culture. Il me paraîtrait opportun que des parlementaires puissent être associés à la définition de l'instrument dans les mois à venir, afin que notre vote d'aujourd'hui ne revienne pas à donner un blanc-seing à un dispositif qui ne permettrait pas aux jeunes de diversifier leurs habitudes culturelles, voire qui remettrait en cause la diversité et créerait, en définitive, un effet d'aubaine pour les GAFA.
Il nous faudra également suivre de près la mise en oeuvre du chantier de l'éducation artistique et culturelle pour nous assurer que les objectifs ambitieux qui ont été fixés sont effectivement atteints, sans oublier aussi la concertation sur le statut des enseignants des écoles d'art, annoncée par la ministre la semaine dernière, dont l'ouverture revêt un enjeu essentiel pour les écoles territoriales.
Enfin, pour ce qui concerne le programme 131, nous veillerons à ce que la transformation initiée par ce budget, à travers les transferts de crédits à l'éducation artistique et culturelle et la baisse des crédits hors labels et réseaux, ne fragilise pas, à terme, la création artistique et l'indispensable maillage du territoire, auquel nous sommes tant attachés.
Le programme 175, « Patrimoines », regroupe les monuments historiques, les musées, l'archéologie, les archives et le patrimoine linguistique. Les crédits sont à peu près constants par rapport à l'année dernière, avec des modifications importantes et des perspectives intéressantes sur le plan financier.
À périmètre constant, les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 900 millions d'euros et les autorisations d'engagement (AE) à 930 millions d'euros, soit une baisse de 3 % par rapport à l'an dernier, mais le taux de mise en réserve des crédits passe de 8 %, ce qui était considérable, compte tenu de la relative modestie du budget, à 3 %, dans un souci de sincérité budgétaire. Cette diminution répond à une demande de longue date de la commission. Elle se traduira par des marges de manoeuvre supplémentaires.
Les priorités ne sont pas fondamentalement bouleversées par rapport à l'année précédente. Je note néanmoins deux nouveaux objectifs, qui correspondent à deux préoccupations de notre commission depuis un certain nombre d'années : d'une part, l'accès d'un plus grand nombre à la culture et, d'autre part, l'attractivité des territoires et la revitalisation des centres anciens, dont nous connaissons les difficultés. C'est important, compte tenu du lien entre le patrimoine et notre histoire et de sa possible contribution au dynamisme de notre économie, à travers le tourisme.
Le financement de ces priorités se fera à budget constant. Il y aura, par conséquent, un certain nombre de redéploiements sur les deux parties principales de ce programme, les musées et le patrimoine.
La politique des musées est la partie la moins bien traitée de ce budget, puisque les crédits enregistrent une baisse de 2 % en CP et de 10 % en AE. Cette diminution s'explique notamment par les efforts qui ont été demandés aux grands établissements que sont le Louvre et le musée d'Orsay, qui ont des budgets solides et la capacité de diversifier leurs sources de revenus - nous l'avons vu récemment avec l'inauguration du Louvre Abu Dhabi. Néanmoins, leurs marges sont plus faibles qu'il n'y paraît, parce qu'ils sont très fortement sollicités, et d'abord pour favoriser l'accès de tous à la culture. Comment les musées pourront-ils anticiper les attentes des publics, qui évoluent, avec des dépenses d'investissement limitées ? C'est la question que soulève la diminution des crédits.
Les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections sont également en baisse de 4,5 %. Or, si le mécénat est important - on le voit actuellement, avec la grande souscription lancée par le Louvre pour l'acquisition du Livre d'heures de François Ier -, on sait que l'acquisition d'une nouvelle oeuvre entraîne une hausse importante de la présence du public, au moins pendant les semaines et les mois qui suivent l'acquisition.
J'ajoute que la billetterie des musées, comme des autres monuments, a été mise à mal ces dernières années par les baisses de fréquentation - de l'ordre de moins 9 % en 2016 - enregistrées à la suite des attentats de Paris. Aujourd'hui, les chiffres laissent apparaître une reprise de la fréquentation, mais nous n'avons pas retrouvé le niveau d'avant les attentats.
Pour ce qui est du patrimoine monumental et des espaces protégés, le budget est incontestablement plus satisfaisant. Les crédits de restauration et d'entretien, hors grands projets, sont respectivement reconduits à un niveau identique et à un niveau accru pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'État, ce qui me paraît important.
La mission confiée par le Président de la République à Stéphane Bern sur le patrimoine en péril et la présentation récente par la ministre d'une stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine - je me félicite de cette nouveauté - sont le signe d'un regain d'intérêt manifeste pour nos monuments.
Deux rapports importants y ont contribué au début de cette année : le rapport de Martin Malvy sur l'attractivité touristique du patrimoine et le rapport de notre ancien collègue Dauge sur la revitalisation des centres anciens dégradés. Une expérimentation vient d'être lancée dans dix-sept villes de France, situées dans trois régions pilotes, Centre-Val de Loire, Grand Est et Occitanie. Le ministère leur apportera une aide pour conduire des projets de revitalisation, qui vont au-delà du simple patrimoine pour concerner aussi le commerce, qui s'effondre dans les centres-villes de ces petites communes, ou l'habitat dégradé. Cela va de pair avec le « plan villes moyennes » lancé par le ministère chargé de la cohésion des territoires. La liste des dix-sept communes figurera au sein du rapport définitif.
Outre le lancement de cette expérimentation, je note plusieurs perspectives intéressantes pour le patrimoine.
La première d'entre elles est la création du loto du patrimoine. Déjà, en 2006, j'avais rédigé, avec Philippe Richert, un rapport sur le financement du patrimoine dans lequel nous demandions la création d'un tel loto, et nous ne faisions alors que relayer des demandes préexistantes. On nous objectait, alors, une impossibilité technique absolue.
Je me réjouis que la médiatisation serve le patrimoine. Aujourd'hui, la décision est prise : il y aura un jeu de tirage et un jeu de grattage. La Française des jeux en évalue le résultat entre 5 et 20 millions d'euros. On est encore loin du compte - les crédits ne dépassent pas 300 millions d'euros, alors que les besoins en matière de patrimoine sont évalués à 400 millions d'euros -, mais c'est une grande avancée, que je tiens à saluer.
La seconde avancée importante est le fonds de 15 millions d'euros destiné à accompagner les petites communes à faible potentiel financier dans la sauvegarde des monuments historiques situés sur le périmètre de leur territoire. La subvention qu'accorde l'État par l'intermédiaire des DRAC serait bonifiée, jusqu'à 80 %, sous réserve que la région participe au financement de l'opération. L'État constate que le patrimoine n'est plus financé du tout dans de nombreux départements, ces derniers ayant d'autres priorités, avec, notamment, des dépenses sociales très importantes. Seules trois régions financent le patrimoine actuellement - c'est le cas de la région Grand Est. L'État souhaite que toutes les régions s'y mettent, d'où la condition mise à l'octroi de cette subvention.
Restent des inquiétudes, que les auditions n'ont pas levées. Tout d'abord, l'effort supplémentaire de 1 million d'euros pour les espaces protégés qui doit aussi servir à financer l'expérimentation du plan Dauge, dont le coût est évalué à 2,2 millions d'euros, est nettement insuffisant, d'autant que dix-huit demandes de labellisation de communes au titre des sites patrimoniaux remarquables sont en instance. Dans ces conditions, les crédits d'études pourront difficilement être financés.
Rien n'est prévu non plus pour assouplir la fiscalité Malraux. La commission des finances l'a regretté, alors que le dispositif actuel est ancien et qu'il est essentiel pour relancer l'investissement privé dans les centres anciens dégradés.
De même, aucune disposition nouvelle n'a été prévue pour faciliter et encourager le mécénat des entreprises, alors que la Fondation du patrimoine, qui joue un rôle essentiel, pâtit de la baisse de l'une de ses principales ressources, issue des successions en déshérence. Cette ressource, créée sur proposition du Sénat voilà quelques années, a chuté de plus de 50 % en deux ans. Bercy a indiqué au rapporteur spécial de la commission des finances que les progrès de l'informatique et les recherches de plus en plus approfondies ont permis de donner satisfaction aux héritiers inconnus, au grand dam du patrimoine.
Les propriétaires de monuments privés m'ont également fait part de leurs préoccupations. Beaucoup connaissent des difficultés. Le ministère indique qu'environ 10 % des crédits globaux du patrimoine sont consacrés aux monuments privés. Il est malheureusement impossible de le vérifier car la présentation du budget ne permet pas de connaître la ventilation entre monuments privés et monuments appartenant à l'État ou aux collectivités.
Je veux également évoquer la situation de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Sa dotation budgétaire est à peu près constante, avec 132 millions d'euros, dont 119 correspondent à la redevance d'archéologie préventive, qui a été budgétisée voilà quelques années. Les tensions sont actuellement très fortes entre l'Inrap, les archéologues dépendant des collectivités territoriales et les archéologues privés, au point que l'Autorité de la concurrence a été saisie. Elle vient de clore la procédure suite à plusieurs engagements de la part de l'INRAP.
Pour terminer, je veux dire un mot du Centre des monuments nationaux, le CMN, dont la subvention d'investissement a été reconduite à un niveau identique à l'an dernier. Cette subvention reste nettement insuffisante, compte tenu du rôle essentiel que joue le CMN pour entretenir les grands monuments qui lui sont confiés.
Le CMN a deux inquiétudes. La première est liée à l'effondrement de la fréquentation de certains monuments à la suite des attentats - moins 25 % pour l'Arc de Triomphe, moins 15 % pour la Conciergerie, moins 14 % pour Notre-Dame en 2016. Comme pour les musées, la fréquentation a repris, mais la baisse des ressources est importante. La seconde inquiétude concerne l'EPIC qui va être créé pour gérer le Mont-Saint-Michel, fleuron du patrimoine du CMN. Il serait particulièrement regrettable que le CMN en soit exclu.
Il faudra que nous soyons très vigilants sur la mise en oeuvre de la stratégie pluriannuelle du patrimoine, novation que je salue. Elle permettra de stabiliser les crédits qui, par le passé, ont trop souvent été la variable d'ajustement du budget du ministère.
Sous cette seule réserve, et compte tenu de l'accent particulier mis sur l'éducation artistique et culturelle pour tous et le patrimoine, à travers le loto, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.
Je félicite les rapporteurs de leur travail. Le budget de la culture a été particulièrement entamé de 2011 à 2014. Il n'a été redressé qu'à partir de 2015-2016. Celui de 2018 s'inscrit dans une logique de consolidation. On sort de l'aberration budgétaire que constituait la mise en réserve de 8 %. Pour avoir été rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture » à la commission des finances, j'ai pu voir les coups de rabot auxquels cette pratique donnait lieu...
Je relève une volonté transversale de mettre en oeuvre, de la manière la plus effective possible, la démocratisation des savoirs et de l'accès à la culture. C'est une grande arlésienne du ministère de la culture depuis sa création en 1959. Les maisons de la culture, les maisons des jeunes et de la culture, un certain nombre de politiques muséales ont permis, pendant les quinze premières années de l'existence de ce ministère, d'aller vers un élargissement des publics et un accès démocratique à la culture, mais force est de constater que, depuis trente ans, comme l'ont montré les rapports de Bernard Latarjet, si tout le monde contribue au budget de la culture par l'impôt, la culture n'est consommée que par 30 à 40 % de la population. Ce sont les plus jeunes, les plus âgés et les plus défavorisés qui y ont le moins accès.
Madame Robert, on ne peut à la fois déplorer que l'on ne consacre que 5 millions d'euros du budget 2018 à faire des études pour rendre le Pass culture opérationnel et regretter qu'on ne le mette pas en oeuvre tout de suite.
Je connais bien le système mis en place en Italie. Celui-ci a été décidé à une vitesse hallucinante par le gouvernement Renzi, ce qui explique une grande partie de ses dysfonctionnements. La mise en place de tels systèmes, dont les objectifs peuvent être contradictoires, m'inspire toujours des inquiétudes. Néanmoins, le Pass culture est peut-être aujourd'hui l'un des rares moyens qui permettra de rapprocher la culture d'une partie de la population. En effet, il s'adresse non seulement aux étudiants, mais aussi aux jeunes non qualifiés, parfois déjà actifs. Prenons le temps de réfléchir à la meilleure manière de procéder. En Italie, les détournements étaient notamment liés au fait qu'une grande partie des jeunes n'avaient même pas accès au numérique. Ils revendaient leur coupon pour acheter des tablettes au noir. Nous ne sommes pas tout à fait dans la même situation. L'année à venir promet des réflexions intenses sur la manière dont on peut mettre en place le Pass.
Le groupe La République en marche donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Nous souscrivons à beaucoup d'observations de Mme Robert. Le Pass culture mérite que l'on s'y attarde. Évidemment, nous nous interrogeons sur le montant de 5 millions d'euros et sur son mode de financement. Nous devons dès maintenant avoir des perspectives sur les orientations budgétaires et sur les redéploiements de crédits qui résulteront de la mise en place du Pass.
Sur le fond, il est logique que nous ne disposions pas encore de toutes les clés de compréhension du dispositif. En revanche, nous savons ce dont nous ne voulons pas. Il ne faut pas que le Pass culture soit le vecteur incontrôlé d'une politique de promotion d'une offre culturelle standardisée. Il ne faudrait pas que, sous l'effet d'algorithmes individuels, les propositions culturelles faites aux jeunes soient complètement centrées sur leurs goûts et leurs appétences, alors que l'objectif est aussi de leur ouvrir des horizons culturels. Le Pass culture n'a de sens que s'il est adossé à des dispositifs pédagogiques et de médiation culturelle qui accompagnent le jeune jusqu'à ses dix-huit ans. Cela pose la question d'une politique très construite, articulant culture et éducation. Le ministère de l'éducation nationale et celui de la culture affichent leur coopération pour que les jeunes puissent profiter au mieux du Pass. Nous nous interrogeons sur les contenus en fonction de l'âge, du parcours du jeune... Pour l'heure, nous ne disposons d'aucune précision, y compris sur les moyens.
La proposition de Mme Robert d'associer les parlementaires à l'élaboration du dispositif paraît pertinente, voire indispensable.
On ne peut que se réjouir de l'augmentation des crédits de 3 millions d'euros pour les conservatoires, même si nous sommes loin d'avoir rattrapé les niveaux d'avant 2012. L'essentiel est fléché sur le « plan chorales ». Nous n'y sommes pas opposés - c'est même plutôt une bonne idée -, mais la question du recentrage des conservatoires sur leur vocation première, à savoir l'enseignement artistique, doit être posée : à les entraîner vers des propositions trop diverses et à les sortir de leur rôle principal, on risque de favoriser une inadéquation entre les moyens et les objectifs premiers qui sont les leurs - être une référence pour les formateurs et construire l'excellence.
Nous ne donnons pas de blanc-seing à la mission « Culture », même si beaucoup d'éléments nous paraissent extrêmement positifs. Des perspectives doivent être dessinées. Nous espérons que nous disposerons, lors du prochain budget, d'une vision claire dans le temps des propositions en matière de culture.
En matière de patrimoine, la baisse des crédits alloués aux musées est, finalement, la sanction de la réussite des efforts réalisés par ces derniers. Se posera toutefois la question de la marge budgétaire des musées, dont on sait bien qu'ils sont de formidables vecteurs de culture et d'activité économique, au travers notamment du tourisme.
Nous nous réjouissions de l'organisation d'un loto du patrimoine. Il est pertinent d'avoir fléché cette participation vers la Fondation du patrimoine, qui est un système souple, réactif, très implanté sur le plan territorial, extrêmement performant et très reconnu par les citoyens. Sur le plan local, la Fondation du patrimoine est une référence sur les questions patrimoniales, y compris pour ce qui concerne le patrimoine non classé.
Néanmoins, des questions se posent. Quid de l'accompagnement des collectivités et des associations après la suppression de la réserve parlementaire ? Le compte n'y est pas. Il faudra suivre de près ce sujet.
La question du patrimoine culturel du XXe siècle, qui concerne beaucoup de centres-bourgs et de centres-villes, est colossale mais pas complètement traitée. Pour l'instant, ce patrimoine n'a pas fait l'objet d'un inventaire précis. Or, les bâtiments, construits au même moment, se dégradent massivement au même moment. Ce patrimoine mérite, à l'avenir, une politique et des financements spécifiques.
Il faut faire le bilan de la loi de 2003 sur le mécénat et renforcer celui-ci.
L'accès du plus grand nombre à la culture est un objectif. Il faut renforcer et encourager les structures d'acculturation aux questions d'architecture, de patrimoine, d'aménagement. Une culture commune est nécessaire si l'on veut à la fois envisager, demain, une amélioration qualitative pour nos villes et nos paysages et donner les clés de compréhension du patrimoine à nos citoyens.
Nous discutons d'évolutions minimes. À nos yeux, le budget de la culture reste d'une insigne faiblesse. Cela dure depuis des années. Nous ne sommes décidément pas à la hauteur des enjeux structurels.
Je continue de m'inquiéter des perspectives plus générales qui ont été révélées dans la presse. La ministre nous a dit de ne pas nous affoler, qu'il ne s'agissait que d'un recensement des pistes étudiées et que rien n'était tranché, mais il n'y a, dans cette liste, que des perspectives inquiétantes.
Il ne faut pas oublier que tout cela s'inscrit dans une situation de fragilisation générale du secteur. Je rappelle que 59 % des collectivités territoriales ont réduit leur budget culturel.
Nous nous inquiétons particulièrement de plusieurs signes de fragilisation du soutien à la création et de l'emploi culturel. On ne peut pas nous dire que la priorité est maintenant donnée à la diffusion et à la démocratisation, parce que la démocratisation sans soutien à la création ne fonctionne pas.
On note un léger progrès sur l'éducation artistique, mais nous restons très vigilants, voire inquiets sur l'évolution du Pass culture, sur son contenu et son soutien éventuel à des politiques publiques réelles menées en direction des jeunes et des enfants tout au long de leur scolarité, en lien avec le soutien à la création et à la diversité culturelles.
Enfin, je renouvelle mon souhait que l'on puisse auditionner au plus vite M. Roch-Olivier Maistre, peut-être avant même que la ministre ne rende ses conclusions sur la « maison commune de la musique ».
Je souscris à de nombreuses remarques de Sonia de la Provôté. Il aurait peut-être mieux valu ne pas accorder tout de suite « autant » d'argent au Pass culture et en consacrer davantage à l'EAC, pour permettre à celui-ci de monter en puissance.
Le « plan conservatoires » n'en est pas un... Ce nom est presque une tromperie ! Il s'agit en fait d'un « plan chorales ».
Bien sûr, nous sommes attachés à l'emploi dans la création. Cependant, nous savons également que les oeuvres créées sont assez peu diffusées. L'aide à la diffusion est elle aussi très importante.
Tous les budgets présentent des incohérences. Ils privilégient telle ou telle ligne, selon des choix politiques, au sein d'une enveloppe qui reste plus ou moins la même. Aujourd'hui, ce sont les collectivités qui subiront une double peine, puisque certains budgets diminuent, faisant naître des inquiétudes.
Pour ce qui concerne les musées, j'espère que la diminution des budgets du Louvre et d'Orsay se fait au bénéfice des musées de province.
Les expérimentations dans les régions sont positives, mais elles sont rarement étendues à toutes les régions, parce que l'on se rend compte qu'elles coûtent cher.
Cela dit, le groupe du RDSE sera favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Je veux revenir sur le Pass culture. Le bonus cultura italien est un mauvais exemple. La modernité ne vient pas toujours de Paris ; elle vient parfois des territoires. J'ai lancé un Pass culture dans la région Pays de la Loire voilà vingt ans. Le ministère ne doit pas se lancer dans une usine à gaz qui n'aurait d'autre effet que d'accroître les tendances de consommation culturelle des jeunes de dix-huit ans.
Depuis vingt ans, de nombreuses régions ont lancé un dispositif de Pass culture ou de Pass culture-sport. Il est inconcevable que l'État lance une initiative similaire sans les consulter, alors que les régions ont désormais une expertise, pour les jeunes de dix-huit ans comme pour les lycéens. Pour le moment, je ne vois aucune articulation, aucune réflexion commune entre les régions et l'État. C'est le vieux monde ! Il faut demander à l'État ce tuilage avec les régions.
Quand nous avons lancé le Pass culture en région, nous avons rencontré de nombreux obstacles. Nous sommes parvenus à surmonter ces difficultés. Nous sommes prêts à mettre notre expérience à la disposition du ministère.
Je veux à mon tour remercier les rapporteurs, notamment de la possibilité nouvelle, intéressante et importante, qu'ils nous ont laissée de participer aux auditions.
Certes, ce budget marque une hausse des crédits du programme 224. Cependant, son augmentation globale de 1,1 % se fait au prix d'une baisse des crédits du patrimoine.
Lors de l'examen des précédents budgets, nous avons considéré que la création était riche, mais la diffusion très pauvre. Il est important d'appuyer ce secteur.
Les collectivités territoriales vont se retrouver confrontées à des budgets en diminution. Si l'on y ajoute les baisses des dotations de l'État, on comprend que les artistes et les entreprises culturelles se retrouvent dans une situation quelque peu difficile.
Madame Robert, vous avez soulevé les points sur lesquels nous devons faire preuve de vigilance. La situation est aggravée par le coût des mesures de sécurité. À cet égard, je regrette l'imprécision de certaines des réponses que la ministre nous a données lors de son audition. Nous avons beaucoup d'interrogations sur le transfert du fonds d'urgence.
Je veux attirer l'attention sur le Fonpeps, qui a démarré en 2017. Celui-ci constitue un vrai point d'équilibre dans l'accord que nous avions trouvé en avril 2016. Quatre de ses mesures restent à définir. Je crains, compte tenu de la baisse de son budget, qui passe de 55 à 25 millions d'euros, que cette pérennisation des emplois du spectacle ne se trouve menacée, d'autant que l'une des mesures consistait en une aide.
Nous nous sommes mobilisés pour les « matermittentes », pour l'accès aux droits sociaux des femmes intermittentes du spectacle. L'une des mesures du Fonpeps prévoit des aides à la garde d'enfants des intermittents. Pourra-t-elle être mise en application ? Je crains que nous ne soyons déçus sur ce plan.
Pour ce qui concerne l'EAC, il faudra évidemment des artistes pour respecter les jumelages et assurer les pratiques artistiques dans les écoles. Beaucoup de ces pratiques existent déjà dans des collectivités. Elles sont aussi assurées par les quelque 35 000 associations culturelles et entreprises solidaires et culturelles de France. Elles connaissent de véritables difficultés, parce qu'elles employaient des contrats aidés, qu'elles pérennisaient par la suite.
Bien évidemment, le groupe socialiste et républicain donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
De nombreux sujets attirent notre vigilance, notamment le Pass culture. Comme l'a dit Bruno Retailleau, il faut trouver une liaison entre les régions et l'État. L'intérêt d'un Pass culture organisé par le ministère est de lui donner une plus large audience, mais il faut prendre en compte ce qui existe déjà.
Je regrette que de nombreux points aient été laissés de côté : je pense au classement des conservatoires.
Il convient, bien sûr, de mettre l'accent sur les difficultés des collectivités locales, lesquelles ne leur permettent pas de considérer la culture comme une priorité.
Il est vrai que l'accès à la culture se fait souvent au détriment du patrimoine, les politiques conduisant à la gratuité représentant autant de manque à gagner pour les musées et les monuments nationaux.
Le « loto du patrimoine » est une bonne idée.
Le rapport de M. Yves Dauge, que la commission auditionnera prochainement, apportera sans aucun doute une contribution intéressante pour la revalorisation des centres anciens dégradés.
Le groupe Les Indépendants - République et Territoires est favorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en demeurant vigilant.
J'ai eu la chance de pouvoir exercer les fonctions de délégué de la Fondation du patrimoine en région Île-de-France pendant trois ans.
Les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire seront réellement dramatiques pour les plus petites communes en matière de restauration du patrimoine. La ministre de la culture a indiqué qu'elle avait débloqué une enveloppe de 15 millions d'euros pour venir en aide aux communes de moins de 2 000 habitants, ce qui est dérisoire par rapport aux besoins de nos communes, notamment rurales. Restaurer un édifice en effectuant des reprises en sous-oeuvre représente souvent plusieurs fois le budget que la commune peut consacrer chaque année à ce type de travaux.
Effectivement, le nombre des successions en déshérence, élément moteur pour la vie même de la Fondation du patrimoine, a chuté de manière vertigineuse : en l'espace de trois ans, la recette correspondante est passée de 15 millions d'euros à 5 millions d'euros. Les plateformes de participation ne pourront pas compenser cette chute.
Bref, il est absolument indispensable, indépendamment du loto et de toutes les mesures annexes, que l'État fasse un effort en direction des petites communes, surtout en matière de patrimoine non protégé.
Je partage les vives inquiétudes qui viennent d'être exprimées, d'autant que je suis moi-même très dubitatif par rapport à certaines mesures qui ont été annoncées, notamment la mission d'identification du patrimoine immobilier en péril, qui est considérée comme un outil novateur et dont l'objectif est de « signaler un bâtiment présentant un intérêt patrimonial ». Cela existe déjà aujourd'hui : c'est la base Mérimée, accessible sur Internet et constituée par les services de l'inventaire général du patrimoine culturel, créé par André Malraux, qui ont fait un travail exemplaire.
Je doute que des monuments puissent aujourd'hui ne pas être recensés dans la base Mérimée. Laisser accroire aux particuliers qu'ils pourraient concevoir eux-mêmes un outil qui existe déjà, témoigne, au mieux, d'une méconnaissance du ministère et, au pire, d'une méfiance à l'égard d'un travail scientifique réalisé pendant des années. Malheureusement, la personnalité médiatique de Stéphane Bern me fait plutôt envisager la seconde hypothèse...
En tant qu'historien, je suis inquiet, parce que je trouve que cela s'inscrit dans un mouvement de fond qui consiste à dire que les historiens ont privé le peuple de sa relation directe avec le patrimoine. Ce discours populiste est extrêmement dangereux.
Au reste, cela n'apporte ni des crédits ni des fonctionnaires en région pour gérer les dossiers, alors que ces besoins restent fondamentaux. Le « loto Bern » ne garantira pas qu'il y ait toujours, dans les DRAC, des agents pour monter les dossiers, en relation avec les architectes en chef.
Je me joins aux remerciements de Maryvonne Blondin sur l'ouverture des auditions à l'ensemble des membres de la commission. C'était une excellente idée.
Ce budget comporte des points positifs : il prend en compte les recommandations d'Yves Dauge, crée un fonds spécifique, doté de 15 millions d'euros, pour la restauration du patrimoine des communes de moins de 2 000 habitants...
Toutefois, après transferts, les crédits du programme « Patrimoines » sont en baisse de près de 4 % en AE et de 0,28 % en CP, d'après les chiffres de la loi de finances rectificative. À périmètre constant, la baisse est effective, compte tenu notamment du déplacement des crédits vers le programme 224.
Selon moi, le budget n'est pas en cohérence avec les propos de la ministre, qui, lors de son audition, a déclaré que le patrimoine constituerait un axe fort.
Les crédits du patrimoine monumental baissent de 0,46 %, alors que ce secteur connaît une situation critique depuis quinze ans et que la question de l'entretien des monuments historiques est une mission majeure pilotée par l'État. Cette diminution n'est donc vraiment pas pertinente.
De même, les crédits de l'action 3, « Patrimoine des musées de France », et de l'action 8, « Acquisition et enrichissement des collections publiques », connaissent une baisse préoccupante : elle va impacter les petits musées de province qui vivent principalement des subventions de l'État. Je crains que ce ne soit un coup porté à la revitalisation des centres-bourgs.
Revenir sur les crédits de l'archéologie préventive, qui sont en baisse de 1,1 %, c'est réduire d'autant les moyens de poursuivre les projets déjà engagés des centres de conservation et d'étude, les CCE, ou de financer de nouveaux projets. Je rappelle que les CCE jouent un rôle majeur en matière de conservation du patrimoine archéologique, dans le double but de favoriser la recherche et de valoriser ce patrimoine. C'est fondamental dans les territoires, non seulement pour l'accès de tous aux éléments de l'histoire locale, qui est un élément fort du lien social, mais aussi pour favoriser l'acceptabilité des recherches archéologiques, en particulier de l'archéologie préventive.
Je ne remets pas en cause l'intérêt de la création du loto du patrimoine, mais je regrette qu'il soit organisé au profit de la seule Fondation du patrimoine, et qu'on ne permette pas, par exemple, au CMN d'en bénéficier également.
Je constate que vous partagez ma grande réserve sur la question du Pass culture...
Monsieur Retailleau, une mission d'inspection a été confiée à quatre inspecteurs généraux des affaires culturelles, pour étudier les dispositifs qui ont été mis en place en région, leurs succès et leurs écueils. Il serait d'ailleurs intéressant que nous ayons accès à ce rapport. Dans mon rapport pour avis, j'ai veillé à demander une vraie articulation avec les dispositifs qui existent déjà dans les régions et qui ont fait leur preuve. Pour certaines régions, comme en Bretagne - je parle en connaissance de cause -, cela n'a pas été si facile... Je me félicite que d'autres régions aient réussi à mettre en place de tels dispositifs, qui, d'ailleurs, ne remplissent pas nécessairement les mêmes finalités que le Pass culture.
Nous devons être très vigilants sur le financement. Il faudra bien que l'État trouve ces 140 millions d'euros ! Il pourrait y avoir des redéploiements. Nous devons également très vigilants sur les finalités.
Le document budgétaire énonce beaucoup d'objectifs. De nombreux chantiers sont annoncés, certains étant d'ores et déjà ouverts. Avant-hier, une première réunion s'est tenue sur les préconisations du rapport de Roch-Olivier Maistre, avec les acteurs de la filière.
Nous ne disposons pas encore de résultats, mais nous n'en sommes qu'au début du quinquennat. C'est véritablement l'année prochaine que nous connaîtrons la vérité sur le budget, sur tous ces chantiers et sur les résultats attendus. Nous devons vraiment rester vigilants.
J'ai bien enregistré l'ensemble des remarques. Lundi, je m'efforcerai de les reprendre, même si le temps de parole des rapporteurs pour avis est limité à trois petites minutes...
Monsieur Ouzoulias, je rendrai hommage à l'inventaire du patrimoine, dont je connais le travail remarquable depuis des années.
Madame Laborde, les crédits consacrés aux musées, hors Louvre et Orsay, sont constants. La baisse globale s'explique par la diminution des crédits alloués à ces deux grandes institutions.
Je reprendrai ce qu'a dit Alain Schmitz pour la réserve parlementaire. Il faut y ajouter, d'ailleurs, le désengagement des départements, pour les raisons que j'ai indiquées. Le patrimoine voit ses sources de financement taries, d'où l'importance des revenus extérieurs, de l'État, dont j'espère qu'elles contribueront à financer le patrimoine. Cela dit, chacune est libre de faire ce qu'elle veut, la compétence n'étant pas obligatoire.
Nous avons bien noté les réserves de nos rapporteurs sur ces budgets. Si les intentions sont bonnes, certaines imprécisions suscitent des inquiétudes.
J'émets les plus grandes réserves sur le Pass culture. Une mission a été confiée à quatre inspecteurs généraux du ministère de la culture. Ils se sont rendus en Normandie. Je les ai également reçus au Sénat. Ils ne semblaient pas manifester un grand enthousiasme pour le Pass...
La somme de 140 millions d'euros doit être mise en perspective avec les crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle et avec le déficit qui persiste toujours pour nos conservatoires. Je rappelle que la ligne dédiée aux conservatoires de l'État, pour l'accompagnement de la mission de celui-ci, l'enseignement supérieur et préprofessionnel, s'élevait à 35 millions d'euros en 2012. Puis, la ligne commence à baisser, jusqu'à être supprimée puis rétablie. Aujourd'hui, avec 3 millions d'euros supplémentaires, on n'arrive qu'à 20 millions d'euros...
On aurait déjà pu retrouver une ligne budgétaire normale, celle d'avant la chute drastique du budget de ces établissements, aujourd'hui essentiellement financés par nos villes, voire nos intercommunalités avec les plus grandes difficultés. Nous devons être attentifs car ces établissements d'enseignement artistique sont des pôles ressources pour un territoire de référence. S'ils doivent assumer un certain nombre de missions que leur confère le ministère, il faut aussi qu'ils soient confortés dans leurs missions premières.
D'ailleurs, je note que le « plan chorales » concerne, en réalité, le premier cycle, qui, selon la loi de décentralisation de 2004, relève plutôt des communes. Les crédits auraient plutôt dû être inscrits sur le budget du ministère de l'éducation nationale, en lien avec les communes, le ministère de la culture continuant à jouer son rôle au niveau des troisièmes cycles.
Notre rapporteure nous a proposé de suivre de près la mise en oeuvre du chantier de l'éducation artistique. Ne serait-il pas pertinent d'y ajouter les enseignements artistiques ? Ces sujets sont liés.
Enfin, je vous propose de constituer un groupe de travail sur le Pass Culture.
Il en est ainsi décidé.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Depuis dix ans, mes prédécesseurs ont inlassablement évoqué devant la commission le profond marasme économique de la presse. Je n'y ferai cette année malheureusement pas exception. Vieillissement du lectorat, fuite des recettes publicitaires, impasse industrielle de la vente au numéro : la presse s'enfonce toujours plus dans une crise, que la vitalité de la presse digitale peine à enrayer, la faute à une rentabilité incertaine, à un partage de la valeur déséquilibré et à une concurrence féroce des nouveaux modes d'information.
Sans réaliser de miracle, les aides publiques à la presse représentent un soutien indispensable. Le programme 180 « presse et médias » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » en constitue la traduction budgétaire. En 2018, les aides directes à la modernisation, à la diffusion et au pluralisme s'élèveront à 119,4 millions d'euros, contre 125,9 millions d'euros en 2017, en raison de la réforme de l'aide au portage, que je vous présenterai dans un instant. Ces crédits sont complétés par une enveloppe de 131,5 millions d'euros destinée à l'Agence France-Presse, réduite d'un million d'euros par rapport à 2017.
Depuis la dernière loi de finances, le programme 180 comprend également trois autres actions. Elles concernent respectivement le soutien aux médias de proximité pour 1,6 million d'euros, la dotation à la Compagnie internationale de radio et télévision pour 1,7 million d'euros et le soutien à l'expression radiophonique locale pour 30,7 millions d'euros. Mon avis portant sur les crédits destinés au soutien à la presse, je ne les commenterai pas. En revanche, je dirai un mot du sujet polémique de l'aide au transport postal de la presse, curieusement transférée sur la mission « Économie » depuis la loi de finances pour 2014.
La presse représentait, dans les années 1980, 1 % du produit intérieur brut français ; cette proportion est désormais inférieure à 0,3 %. Le chiffre d'affaires du secteur ne cesse de se rétracter, tant sur les ventes d'exemplaires imprimés que sur la publicité, qui bascule progressivement sur Internet. Seul le digital montre une croissance dynamique, mais il ne représente encore en moyenne que 5 % du chiffre d'affaires des éditeurs. C'est dire combien l'accélération de la mutation numérique, assortie de la recherche d'un modèle économique viable, constitue une absolue priorité.
Le digital, en effet, représente à la fois l'unique levier de croissance de la presse et moyen le plus efficace de rajeunir son lectorat. 77 % des Français déclarent lire au moins une marque de presse en version numérique et ils sont 58 % à la faire sur un support mobile. Entre 15 et 50 ans, la lecture digitale est désormais plus fréquente que celle de l'imprimé. Pourtant, en raison d'un prix de l'abonnement très inférieur à celui du papier, à la captation des recettes publicitaires par Google, Facebook et Amazon et à la persistance de contenus gratuits, la rentabilité de la presse digitale est extrêmement incertaine.
Nous devons donc être particulièrement attentifs aux réformes européennes en cours. Si la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse tel qu'annoncée dans le projet de directive sur le droit d'auteur devrait constituer un utile levier de négociation avec les plateformes s'agissant du partage de la valeur créée sur les contenus de presse, le projet de règlement, dit ePrivacy, appelle à la plus grande prudence. L'interdiction d'apposer des cookies sur les sites Internet empêchera les éditeurs de connaître les préférences de navigation de leurs lecteurs et d'adapter leur offre commerciale en conséquence. C'est le modèle économique des sites de presse, déjà plus que fragile, qui est aujourd'hui menacé par ce projet.
Les éditeurs de publications numériques, qu'ils soient pure players ou également présents sur papier, bénéficient d'un soutien des pouvoirs publics : s'il demeure inférieur à d'autres dispositifs de soutien du programme 180, il ne cesse de s'étoffer. Outre le taux super réduit de TVA applicable depuis 2014, comme pour la presse imprimée, aux ventes de contenus d'information, les sites d'information politique et générale peuvent prétendre à plusieurs dispositifs fiscaux, notamment de déductibilité des provisions pour investissement. Surtout, ils sont éligibles au fonds stratégique pour le développement de la presse qui, avec 27,3 millions d'euros en 2018, représente le principal soutien sélectif à des projets de développement numérique.
Le fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation de la presse, créé en 2016 et doté de 5 millions d'euros en 2018, aide au financement de projets plus prospectifs. Pour autant, les aides indirectes, neutres d'un point de vue du support, bénéficient encore à 54 % à l'imprimé et la différence est encore plus nette pour les aides directes : sur 100,2 millions d'euros versés en 2016, 89,5 millions d'euros l'ont été à la presse papier. En réalité, à l'exception des deux fonds précités, l'ensemble des dispositifs de soutien à la modernisation, à la diffusion et même au pluralisme sont réservés aux publications imprimées. Vous conviendrez avec moi qu'une meilleure répartition entre les publications pourrait être envisagée.
L'enjeu n'est pas seulement économique ; il est aussi démocratique : les titres de presse doivent avoir les moyens de s'imposer dans l'univers numérique comme les garants d'une information de qualité. Avec l'apparition puis le succès phénoménal des réseaux sociaux, notamment auprès des jeunes, l'enjeu a évolué pour les éditeurs : il ne s'agit plus seulement d'être présents et rentables sur Internet mais également, désormais, de lutter contre la concurrence de sites diffusant des contenus pour le moins sujets à caution, les fake news.
La deuxième partie de mon propos concerne la diffusion de la presse imprimée par le triple canal de la vente au numéro, du portage et du transport postal. L'attrition continue des volumes représente ici le coeur d'une crise dont on ne voit pas l'issue. Pendant des années, d'aides exceptionnelles en dispositifs de soutien pérennes (18 millions d'euros encore en 2018), l'État a porté Presstalis à bouts de bras. Après un plan de restructuration des effectifs aussi drastique que coûteux et d'importants efforts de modernisation logistique, la société s'était prise à espérer un redressement. Elle prévoyait même un bénéfice de 5,1 millions d'euros en 2016. Hélas, c'est un dérapage significatif qui est apparu lors de la certification des comptes avec un résultat d'exploitation négatif de près de 2 millions d'euros et un résultat net de - 48 millions d'euros. L'année 2017 ne devrait guère être meilleure et les fonds propres déjà négatifs (- 306 millions d'euros) devraient encore se dégrader. Un changement de gouvernance est attendu mais nul ne sait s'il sera suffisant.
En réalité, c'est l'ensemble de la vente au numéro qui souffre de la crise de la presse imprimée, même si les messageries lyonnaises de presse (MLP) semblent aujourd'hui bénéficier d'un répit. En particulier, le nombre de points de vente se réduit de 1 000 chaque année et, malgré le soutien de l'État (6 millions d'euros en 2018), la profession se paupérise.
Pour la première fois, les régulateurs (le Conseil supérieur des messageries de presse et l'Autorité de régulation de la presse) semblent impuissants à juguler la chute du marché. Une mission sur l'avenir de la distribution de la presse a été confiée à Gérard Rameix ; c'est peu dire que ses conclusions sont attendues avec impatience. Aucune solution - fusion, spécialisation des deux messageries par types de flux, nouvelles formes de mutualisation ou mise en faillite de Presstalis - n'est en effet évidente et, compte tenu des enjeux économiques, démocratiques et d'égalité des territoires portés par le débat, il convient d'agir avec prudence.
Le portage, qui permet d'être livré à son domicile dès les premières heures du matin, est le grand bénéficiaire du recul de la vente au numéro. Dynamisé par un soutien public renforcé depuis 2009, il représente aujourd'hui près de 40 % des exemplaires diffusés toutes familles de presse confondues. Cette proportion atteint 45 % des abonnements individuels pour la presse quotidienne nationale et 80 % pour la presse quotidienne locale.
Il semble difficile de développer davantage ce mode de diffusion, compte tenu de l'existence de zones géographiquement excentrées que seule La Poste est en mesure de servir. En revanche, dans un souci de rationalisation des coûts de distribution, on pourrait envisager de favoriser le portage multi-titres, qui permet à un même vendeur-colporteur de distribuer plusieurs publications. C'est l'objectif poursuivi par la réforme de l'aide au portage portée par le décret du 11 septembre 2017 pris après publication d'un rapport d'évaluation réalisé conjointement par l'Inspection générale des affaires culturelles et par l'Inspection des finances. Le nouveau dispositif, dont je me félicite, plafonne à la fois l'aide à l'exemplaire porté, pour éviter tout effet d'aubaine, et favorise les réseaux de portage multi-titres. Dans sa nouvelle mouture, ce sont 31,5 millions d'euros qui y seront consacrés en 2018, contre 36 millions en 2017. Là réside la principale diminution de crédits du programme 180. Je ne la déplore pas : le nouveau système est plus simple, plus efficace et son périmètre prend en considération la diminution constante du nombre d'exemplaires imprimés.
S'agissant du transport postal, je ne referai pas ce matin l'historique de l'aide qui y est attachée, qui n'a consisté, depuis 2008, qu'à augmenter les tarifs des éditeurs et à réduire la compensation de l'État due à La Poste pour la mission obligatoire de service public que constitue le transport de la presse. Le transport postal représente 30 % de la diffusion, soit un peu plus d'un milliard d'exemplaires par an, qui bénéficient d'un tarif préférentiel variant selon les publications. Après la fin des accords dits Schwartz, qui entre 2008 et 2015, ont conduit à augmenter les tarifs de 1,5 % à 5 % par an pour les éditeurs et à baisser la compensation de l'État à La Poste de 262 millions d'euros à 130 millions d'euros, le précédent Gouvernement s'est engagé, en 2016, sur une nouvelle trajectoire jusqu'en 2020. Elle prévoyait de nouvelles hausses tarifaires comprises entre 1 % par an pour la presse d'information politique et générale et 3 % par an pour les magazines, ainsi qu'une dotation de l'État variant selon les années entre 119 et 122,7 millions d'euros.
Hélas : dès le printemps 2017, sans concertation aucune, il a finalement été établi, sans modification tarifaire fort heureusement pour les éditeurs, que La Poste ne recevrait plus, en 2018, que 111,5 millions d'euros puis 103,8 millions d'euros en 2019. Lorsque l'on sait que le compte « presse » de La Poste affiche un déficit proche des 380 millions d'euros annuels et que les éditeurs sont exsangues, l'ampleur de l'économie réalisée et la brutalité de la méthode laissent songeur.
J'en viens enfin à la situation de l'Agence France-Presse, qui continue d'inspirer les plus grandes inquiétudes. Malgré le lancement d'un plan de relance commerciale ambitieux - certains diront irréaliste -, le chiffre d'affaires peine à décoller et le succès rencontré par les nouveaux produits, notamment les vidéos et les offres liées au sport, ne compense par l'attrition du marché national. Parallèlement, une politique d'investissement, indispensable mais dispendieuse, a conduit l'Agence à un niveau de dettes de 52,6 millions d'euros à la fin de l'année 2016, auxquels il faut ajouter un découvert bancaire de 26,4 millions d'euros. Or, de nouvelles échéances de remboursement de prêts sont prévues en 2018, tandis qu'un risque contentieux pèse sur l'Agence pour environ 10 millions d'euros lié à la régularisation de la situation de certains de ses personnels à l'étranger. Malgré les efforts réalisés, notamment la signature, le 10 mars dernier, d'un accord d'entreprise unique qui devrait permettre à l'AFP de réaliser à terme environ 4 millions d'euros d'économie par an, la maitrise des charges d'exploitation ne pourra suffire à dégager ni les moyens de se désendetter ni d'investir dans un univers extrêmement concurrentiel.
Emmanuel Hoog, le président de l'AFP, a récemment fait part aux pouvoirs publics d'un besoin de financement de 60 millions d'euros. Or, du fait de son statut sui generis, sans capitaux ni actionnaire, l'Agence ne peut se financer sur les marchés. Par ailleurs, le droit européen n'autorise l'État à intervenir auprès de l'AFP qu'en compensation des missions de service public (109, 8 millions d'euros à ce titre en 2018) et en paiement des abonnements de ses administrations (21,6 millions d'euros en 2018). L'impasse est donc aujourd'hui totale.
Pour conclure, je vous propose, d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180 « presse et médias » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », tels que prévus par le présent projet de loi de finances pour 2018, en gardant néanmoins à l'esprit trois points de vigilance : l'adaptation des aides à la presse à la mutation numérique, la capacité de Presstalis à poursuivre sa mission et la situation financière de l'AFP dans un univers de plus en plus concurrentiel.
Le portage multi-titres existe depuis longtemps et beaucoup de titres l'ont déjà mis en place. La chute du nombre d'exemplaires a été telle que, pour assurer la diffusion entre des lieux éloignés, les titres ont dû travailler ensemble pour mutualiser le portage ; les titres de la presse quotidienne se sont ainsi rapprochés de la presse quotidienne régionale, majoritairement portée, depuis une quinzaine d'années.
Le problème réside est moins dans le niveau des aides à la presse que dans leur répartition et les critères qui la déterminent. Si l'on considère qu'informer et animer le débat public constituent une mission de service public, alors il est légitime d'aider les entreprises privées qui y contribuent. C'est à ce titre, d'ailleurs, que la loi du 29 juillet 1881 pour la liberté de la presse prévoyait déjà une aide à la diffusion. Encore faudrait-il tenir compte de la qualité de la contribution que les titres apportent au débat. Or, les plus importants bénéficiaires des aides à la presse sont certains magazines qui n'ont guère de rôle informatif, à l'image des magazines people, qui bénéficient déjà pleinement de la TVA à taux super réduit. En Belgique, le système a été réformé pour tenir compte de critères de rédaction et de qualité rédactionnelle, en se fondant par exemple sur le nombre de journalistes professionnels employés - les pure players en emploient très peu en effet, à la différence des journaux imprimés d'information. Cela me semble constituer un critère intelligent pour soutenir la qualité et la diversité de l'offre.
Enfin, n'oublions pas la question des droits d'auteur. Notre système est inique : la presse perçoit une part de la redevance pour la copie privée, mais celle-ci est calculée en fonction de l'espace pris, sur le disque dur, par les différents contenus créatifs stockés. Or un film occupe infiniment plus de mémoire numérique qu'un journal ! Avec une telle clef de répartition, on décourage la production d'informations en France par un partage injuste de la valeur. Il faudrait favoriser la syndication et la revente des contenus, comme c'est le cas aux États-Unis depuis 1895. On pourrait même réduire le niveau global des aides à la presse, pourvu qu'on les rende plus efficientes en les appuyant sur des critères permettant de soutenir la démocratie et de nourrir le débat public.
Les crédits consacrés au livre et aux industries culturelles augmentent de 2 %, tandis que ceux consacrés à la presse fléchissent avec la réforme de l'aide au portage. Au total, même si l'on ne note pas d'ambition particulière, les crédits de la mission restent donc stables. Les Républicains voteront ce budget.
Le rythme des mutations structurelles auxquelles la presse doit faire face depuis des années s'accélère. Le rapporteur a exprimé trois points de vigilance, que je partage. Nous devrons également être attentifs à la réforme du droit d'auteur, qui sera examinée bientôt à Bruxelles. Nous devons surtout veiller à préserver le pluralisme et la liberté d'information, objectifs qui justifient d'ailleurs les aides de l'État à la presse. Les crédits du programme 180 fléchissent et ce n'est malheureusement pas le signe d'un engagement à apporter des réponses ambitieuses pour anticiper les mutations nécessaires. L'AFP est une chance pour notre pays ; nous devons continuer à la défendre.
Le groupe Socialiste et Républicain s'abstiendra. Nous serons vigilants dans les mois à venir lorsqu'il conviendra de se prononcer sur la réforme européenne du droit d'auteur : il sera alors indispensable que le ministère de la culture adopte une position politique claire.
La question budgétaire est presque secondaire au regard de l'exigence de réforme structurelle à laquelle la presse est confrontée. En ce sens, le ton alarmiste du rapporteur est justifié. La situation de l'AFP est également préoccupante. Nous nous réjouissons à cet égard que la réduction des crédits soit moins drastique que celle que prévoyait le contrat d'objectifs et de moyens. Cet effort supplémentaire de l'État donne un peu d'air à l'Agence pour investir dans la vidéo ou les nouvelles technologies.
Je voulais remercier nos collègues qui ont voté, à l'unanimité, l'exonération cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les librairies indépendantes, que nous avons proposée vendredi en première partie du projet de loi de finances. Cette mesure était attendue. Certaines collectivités territoriales avaient certes déjà modulé les taux, comme cela était déjà possible mais la mesure n'était pas universelle. J'espère que nos collègues s'efforceront de convaincre les députés de leurs groupes respectifs à l'Assemblée nationale pour que ce dispositif, essentiel à la cause du livre et des librairies, soit maintenu.
Le portage multi-titres existe effectivement depuis longtemps, monsieur Gattolin mais le décret de 2017 améliore le dispositif pour le renforcer. Vous évoquez également les magazines people. En réalité, ils ne bénéficient que des aides à la diffusion, qui ne sont pas liées au contenu.
Ces magazines bénéficient aussi d'un taux du taux de TVA super réduit. Il n'y a aucune raison qu'ils touchent toutes les aides !
Ce n'est effectivement pas le cas. Quant à la question des droits d'auteur, elle sera examinée au niveau européen.
Je partage votre avis Madame Robert, il faut maintenir le pluralisme : 16 millions d'euros y seront consacrés en 2018 mais ils visent uniquement la presse écrite. Or, il importe d'accompagner les mutations technologiques et le passage au numérique.
L'AFP est effectivement dans une situation complexe, monsieur Lafon. Elle doit faire face à l'émergence de nouveaux concurrents, à capitaux privés ou étatiques, comme les agences publiques russes et chinoises.
Notre mission d'information sur l'avenir des médias achèvera bientôt ses travaux et son rapport contribuera à éclairer notre réflexion. La transition numérique modifie les usages et fait migrer les lecteurs vers le digital. Les représentants le presse quotidienne nationale et régionale sont inquiets car ils sont de plus en plus dépendants des algorithmes et des moteurs de recherche.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ainsi qu'aux crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2018.
Le 22 novembre, le gouvernement a déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants. Celui-ci devrait être examiné par l'Assemblée nationale dans la semaine du 11 décembre. Le calendrier d'examen par le Sénat est encore flou. Le texte pourrait être examiné en séance au cours de la première semaine de février, ce qui conduirait à l'examiner en commission dès le 24 janvier. Le Bureau de notre commission a décidé de commencer à travailler sur ce texte important et très sensible le plus en amont possible. C'est pourquoi, nous entendons dès la semaine prochaine les représentants des établissements d'une part, des syndicats d'étudiants d'autre part.
Je vous propose de désigner le rapporteur des crédits de l'enseignement supérieur, notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur de ce projet de loi, à charge pour lui d'entamer dès à présent son programme d'auditions que je souhaite bien évidemment ouvertes à tous.
M. Jacques Grosperrin est nommé rapporteur du projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants.
Je vous propose de déléguer au fond à la commission des affaires sociales, comme il est d'usage, l'article 3 du projet de loi, qui ne comporte que des dispositions relatives au code de la sécurité sociale. Bien évidemment, nous aurons l'occasion d'examiner les conséquences du rattachement des étudiants au régime général de la sécurité sociale, ne serait-ce qu'au sein de l'article 4 qui concerne la création d'une contribution unique pour la vie étudiante.
Il en est ainsi décidé.
AUDITIONS
Je vous annonce que nous auditionnerons M. Yves Dauge, sur son rapport relatif au Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés, le 13 décembre prochain et M. Roch-Olivier Maistre, sur la « maison commune de la musique » le 20 décembre.
DÉMATÉRIALISATION DU PROCESSUS LÉGISLATIF
Le bureau de notre commission a décidé de dématérialiser le processus d'examen des textes législatifs en commission. Nous expérimenterons la procédure avec le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants. Je vous invite dès à présent à vous connecter, sur votre tablette, à l'application Demeter sur l'intranet avec vos codes d'accès habituels. Vous y trouverez tous les documents : texte en discussion, amendements, tableau comparatif, etc.
GROUPE DE TRAVAIL SUR LA REVITALISATION DES CENTRES-VILLES ET CENTRES-BOURGS
J'ai été sollicitée par nos collègues Elisabeth Lamure, présidente de la Délégation aux entreprises, et Jean-Marie Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales, afin de désigner deux membres de notre commission pour faire partie du groupe de travail sur les centres-villes et les centres-bourgs. J'ai bien volontiers répondu à leur sollicitation car nous sommes très concernés par ce sujet. Je propose de désigner nos collègues Sonia de la Provôté et Christian Manable pour faire partie de ce groupe de travail. Ils appartiennent à la délégation aux collectivités territoriales.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est levée à 11 heures.