La réunion est ouverte à 10 h 35.
Nous recevons ce matin Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, qui a souhaité nous présenter les résultats de l'exécution 2018.
Il est traditionnel pour notre commission d'entendre, au cours du premier trimestre de l'année, le ministre chargé du budget sur les résultats de l'année écoulée, avant même le dépôt du projet de loi de règlement du budget de l'État, qui arrêtera le montant définitif des dépenses et des recettes de l'État pour l'exercice clos. J'espère, monsieur le ministre, que cette anticipation n'est pas telle que vous ne puissiez pas nous fournir des données circonstanciées et chiffrées.
Comme chaque année, le projet de loi de règlement donnera lieu à des auditions de ministres et de responsables de programme par notre commission. Chacun de nos collègues approfondira, comme rapporteur spécial, les questions d'exécution qui se posent dans le domaine dont il est chargé.
Monsieur le ministre, si votre audition porte principalement sur le budget de l'État, vous nous direz ce que vous savez déjà de l'exécution budgétaire des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales. En effet, la consolidation de ces trois ensembles est essentielle pour apprécier, en particulier, la question de la dette.
Nous attendons également de votre part toutes les précisions possibles sur le début de l'année budgétaire 2019.
La Cour des comptes, dans son récent rapport public, a confirmé ce que nous avions bien perçu : la loi de finances ne prend que très partiellement en compte l'incidence budgétaire des mesures en faveur du pouvoir d'achat des ménages adoptées en fin d'année, pour un coût de l'ordre de 11 milliards d'euros.
Nous souhaitons obtenir également des éléments de calendrier sur la présentation du prochain programme de stabilité, dont nous souhaitons qu'il fasse l'objet d'un débat en séance publique, et du projet de loi de finances rectificative.
En ce début d'année, je vous présente mes meilleurs voeux pour l'accomplissement de votre mandat.
La présentation de l'exécution du budget de l'année écoulée est la première étape d'un long marathon budgétaire qui nous mènera jusqu'à la fin de l'année. Chaque année, j'ai l'impression qu'il commence de plus en plus tôt... En tout cas, je suis très heureux d'être le ministre qui vous présente les comptes de l'État pour 2018, même si les chiffres définitifs ne seront connus qu'à la fin mars.
L'État ne représente que 30 % des dépenses des administrations publiques, mais il est extrêmement important et symbolique de savoir s'il a tenu ses dépenses et ses recettes et respecté l'autorisation parlementaire.
Nous savons d'ores et déjà que le Gouvernement arrivera à tenir son engagement de maintenir le déficit public sous les 3 % du PIB ; pour la première fois depuis quinze ans, nous serons donc restés sous ce seuil deux années consécutives. Certains parlementaires - dont vous n'étiez pas, monsieur le rapporteur général - n'y croyaient pas : nous tiendrons pourtant cet engagement, quels que soient les chiffres, encore non connus, de la sécurité sociale.
Ces bons résultats sont liés à l'effort de sincérisation de comptes qui caractérise l'action du Gouvernement. Voilà vingt mois que, avec la représentation nationale, nous travaillons, sur le fond comme sur la forme, à cette sincérisation, en rupture avec la gestion budgétaire antérieure.
Je suis le premier ministre des comptes publics depuis trente et un ans à n'avoir pas présenté au Parlement de décret d'avance. J'ai tenu cet engagement malgré les vicissitudes de la vie politique et économique. C'est un progrès pour le respect de l'autorisation parlementaire.
Le Premier ministre a décidé, à ma demande, que les 1,5 milliard d'euros d'économies annoncés en décembre dernier seraient formalisés non par décret, mais dans le cadre d'un projet de loi de finances spécifique. Nous n'agirons donc pas en catimini, et il y aura un débat parlementaire. Par ailleurs, j'ai accédé à la demande de votre commission de vous informer plus en amont en ouvrant le système d'informations Chorus à l'ensemble des membres de votre commission ; vous pourrez ainsi consulter en temps réel les comptes de l'État.
Sur les dépenses, les recettes ou le solde, le Gouvernement a tenu, quasiment à l'euro près, les autorisations parlementaires et les engagements qu'il avait pris, en dépit de certaines mauvaises nouvelles, s'agissant notamment du budget européen et de la charge de la dette. Il a strictement respecté l'objectif de dépenses inscrit dans la loi de finances initiale : 425,4 milliards d'euros. Nous avons donc tenu la dépense publique. En 2018, la dépense aura augmenté d'environ 4 milliards d'euros, dont une grande part de sincérisation. Ces montants rappellent le gouvernement Pinay.
Ce résultat est le fruit des efforts de l'ensemble du Gouvernement. S'agissant de la dépense dite pilotable, nous faisons encore mieux que les prévisions présentées à l'occasion de la loi de finances rectificative de novembre dernier : nous avons réalisé 1,4 milliard d'euros, ce qui relativise beaucoup les 1,5 milliard que nous demandons cette année. C'est une bonne nouvelle pour ceux qui souhaitent diminuer la dépense publique.
Les recettes de l'État ont été légèrement supérieures à ce que nous escomptions, alors même que le Gouvernement a baissé de manière importante le taux de prélèvements obligatoires en 2018. En effet, elles dépassent de 2,1 milliards d'euros le montant inscrit dans la loi de finances rectificative. J'y vois l'effet de la solidité de notre économie et d'une croissance certes moins importante que prévu, mais plus que ce qu'annonçaient certains instituts, voire le Parlement.
L'encaissement du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés (IS) en décembre a entraîné une amélioration de 1,7 milliard d'euros. Malgré la révision des recettes de TVA du fait des événements de la fin de l'année et du ralentissement relatif de la croissance européenne, nous n'avons pas assisté à un effondrement des recettes de TVA en fin d'année. Cela ne signifie pas que des secteurs entiers n'ont pas été touchés, comme le tourisme et les commerces de centre-ville, mais le dynamisme de notre économie a permis d'éviter le pire.
Quant au déficit budgétaire de l'État, il s'établit à 76,1 milliards d'euros, soit près de 4 milliards d'euros de moins que la prévision de novembre. On peut s'en féliciter, même si ce montant reste très important. Le déficit s'explique essentiellement par des baisses d'impôt, supportées surtout par l'État.
Une bonne tenue des dépenses pour 1 milliard d'euros, 2 milliards d'euros de dynamisme des recettes et 800 millions d'euros de hausse dans certaines lignes, comme les recettes non fiscales et les comptes spéciaux : cela fait bien 4 milliards d'euros de bonnes nouvelles.
Nous avons respecté nos engagements aussi sur le plan de la méthode, en n'ouvrant aucun décret d'avance. La gestion budgétaire s'est déroulée en 2018 sur une base rénovée, respectueuse de l'autorisation parlementaire. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel, saisi par un certain nombre d'entre vous, a balayé d'un revers de main le grief d'insincérité, en soulignant au contraire la sincérité des comptes de la nation, confirmée par la Cour des comptes. Je pense que, en 2019, je tiendrai une nouvelle fois ma promesse de ne pas présenter de décret d'avance.
S'agissant enfin du calendrier, le ministre de l'économie et des finances présentera, avant la fin de ce qu'il est convenu d'appeler le grand débat, un projet de loi spécifique comportant les mesures sur l'impôt des GAFA, qui répondront largement, monsieur le président, à votre question sur les 10 milliards d'euros. Au reste, le Président de la République n'a pas annoncé 10 milliards de dépenses nouvelles, mais surtout des renoncements à des impôts, à l'exception de 2,8 milliards d'euros consacrés à l'augmentation de la prime d'activité.
Pour ma part, je présenterai, sans doute en avril ou en mai, un projet de loi de finances rectificative sur les 1,5 milliard d'euros qui auraient pu faire l'objet d'un décret d'avance.
Pour le programme de stabilité, le Gouvernement n'est pas tenu de prévoir un débat parlementaire, mais je plaide pour qu'il y en ait un, couplé avec une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Puis viendra, sans doute à l'été, un projet de loi de finances spécifique pour la fiscalité locale, qui réglera notamment la question des 20 % de contribuables qui restent assujettis à la taxe d'habitation.
Je commencerai par les points d'accord. L'effort de sincérisation des comptes publics est réel. Vous remarquerez d'ailleurs que la majorité sénatoriale n'a pas saisi le Conseil constitutionnel sur le projet de loi de finances pour 2019, ce qui est assez nouveau en matière de lois de finances. Nous avions beaucoup à dire sur l'organisation un peu cafouilleuse du débat en fin d'année, mais, s'agissant de la sincérité, l'effort doit être salué. Vous avez baissé les taux de mise en réserve, ce qui est important, et il n'y a pas eu de décret d'avance en 2018.
On peut se réjouir que le déficit budgétaire soit un peu inférieur à la prévision du projet de loi de finances rectificative - encore qu'il reste considérable -, mais il faut aller plus loin que la première analyse. Les dépenses, en effet, sont supérieures de 821 millions d'euros à l'autorisation inscrite en loi de finances initiale. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous le confirmer ? L'amélioration faciale du déficit s'explique donc par un surplus de recettes.
À cet égard, si l'on peut parler de bonne tenue de notre économie, je constate aussi une augmentation considérable de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). C'est de là qu'est très largement née la crise cet automne, et il aurait été préférable d'écouter les signaux envoyés par le Sénat sur la trajectoire assez folle de cette taxe pour les années à venir - vous avez d'ailleurs fini par reprendre notre amendement de gel. Songez, mes chers collègues, que le produit de la TICPE, à périmètre constant, a augmenté en 2018 de 30,2 % ! C'est de la fiscalité supplémentaire sur les ménages et les entreprises.
On entend en ce moment qu'il faudrait augmenter encore la taxe carbone. Quelle est la position du Gouvernement ? La trajectoire votée l'année dernière est-elle seulement suspendue ? Nous attendons du ministre de l'action et des comptes publics, dont la parole pèse sur ce sujet plus que celle de parlementaires ou d'autres ministres, une clarification.
D'autres clarifications sont également nécessaires, notamment s'agissant des niches fiscales. Vous avez suggéré d'en supprimer certaines, mais Bruno Le Maire n'a pas forcément la même position. Sur les successions, on entend beaucoup de choses : quels sont vos projets ?
La taxation des GAFA, nous y sommes plutôt favorables, même si c'est novateur de taxer le chiffre d'affaires. Le texte qui sera prochainement présenté en conseil des ministres comportera-t-il d'autres mesures, en particulier la remise en cause de la baisse de l'impôt sur les sociétés ?
S'agissant du projet de loi de finances rectificative, interviendra-t-il avant l'été ? Nous avons besoin de nous organiser, notamment pour travailler sur la question, non résolue, de la taxe d'habitation.
Monsieur le ministre, je vais tout de même vous poser la question que vous souhaitez que je pose sur le prélèvement à la source, pour que vous expliquiez qu'il marche très bien... La majorité sénatoriale déplorait en particulier que, dans sa version initiale, ce système ne prenne pas en compte les crédits et réductions d'impôt. Sous la pression du Président de la République, vous avez été un peu plus réaliste : vous avez acheté la paix sociale en accordant le versement de 60 % des crédits d'impôt de l'année précédente. D'après l'Agence France Trésor, le coût associé à cette réforme est de 6 milliards d'euros : pouvez-vous nous confirmer ce montant ?
En ce qui concerne les économies, les intérêts de la dette ont baissé, de même que le prélèvement sur recettes pour le budget de l'Union européenne. Mais pour le reste, monsieur le ministre, quelles économies avez-vous réalisées ?
À celles du rapporteur général j'ajouterai une question, précise et relative à une péripétie ayant débuté en 2017.
Des dysfonctionnements administratifs ont conduit à un retard dans la liquidation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), pour un montant de 1,9 milliard d'euros, correspondent à des recettes de l'État à hauteur de 1,5 milliard d'euros et à des recettes des collectivités territoriales.
Dans un référé publié en janvier, la Cour des comptes fait état d'une « grave anomalie, de nature à fausser la signification des résultats budgétaires des années 2017 et 2018 » et illustrant « une conduite du changement défaillante et l'insuffisance des dispositifs d'alerte et de contrôle interne au sein de la direction générale des finances publiques ainsi qu'avec la direction du budget ». La Cour estime que des changements durables sont à apporter au traitement des formalités d'enregistrement des droits de mutation, afin qu'une telle situation ne se renouvelle pas.
Monsieur le ministre, avez-vous conduit des changements durables ? L'exécution pour 2018 doit-elle être considérée comme sincère en matière de comptabilisation des droits de mutation ?
La Cour des comptes a raison : c'est d'ailleurs moi qui l'ai alertée dès que j'ai su, et vous-même ainsi que le rapporteur général avez reçu copie de mon courrier.
Le problème ne s'est manifestement pas vu en 2017, les DMTO étant déjà très dynamiques cette année-là.
Ces droits ont été prélevés par la DGFiP au nom des collectivités territoriales et bloqués sur un compte, mais non redistribués aux départements. Dès que j'ai reçu la note de la direction générale des finances publiques et de la direction du budget, j'ai saisi la Cour des comptes et présenté les excuses de l'État aux départements, qui ont été intégralement remboursés.
La Cour des comptes a raison de souligner que des anticorps n'ont pas fonctionné. De l'argent est ainsi resté bloqué pendant plusieurs semaines. J'ai demandé que cela ne se reproduise pas et que, en 2019, les sommes soient reversées au fil de l'eau. À ma connaissance, il n'y a pas eu de difficultés en 2018.
Ce qui m'inquiète un peu, c'est qu'il y a eu un précédent il y a quelques années, avec la taxe d'aménagement. Je l'avais détecté comme président de département.
Je peux m'engager à vous adresser le mois prochain une description des procédures mises en place pour éviter ces dysfonctionnements. Il y a beaucoup d'opérations et le système informatique est complexe, mais ce n'est absolument pas une excuse.
Monsieur le rapporteur général, je n'ai pas les mêmes chiffres que vous sur la dépense globale : pour moi, les dépenses sont inférieures de 1,37 milliard d'euros au montant inscrit en loi de finances initiale. Il me semble que vous n'intégrez pas les bonnes nouvelles liées au budget européen et au prélèvement pour les collectivités territoriales. Mais si nous ne nous référons pas tout à fait à la même norme comptable, nous n'avons pas de différence sur le fond.
En ce qui concerne le prélèvement à la source, je constate que, quand le bébé est beau, il a plusieurs pères...
Permettez à la partie gauche de notre commission de considérer que c'est un peu grâce à elle !
En partie. Dans cette période, de nombreux anciens ministres du budget, de droite comme de gauche, m'ont expliqué que tout était prêt et qu'il n'y avait plus qu'à appuyer sur le bouton...
Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas à la fois vous féliciter de l'acompte de 60 % et nous critiquer sur le coût de trésorerie, de 5,9 milliards d'euros.
En comptabilité, la réforme sera totalement neutre pour le budget de l'État. Elle améliorera même les recettes, sans doute dès la première année, puisque nous aurons prélevé à la source les revenus d'un certain nombre de personnes qui, par inadvertance ou phobie administrative, ne payaient pas d'impôt sur le revenu - souvent des personnes qui ont des revenus très élevés. Le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu pourrait passer de 98 à 99 %, ce qui représente 750 millions d'euros de recettes supplémentaires.
S'agissant des collectivités territoriales, j'ai réservé des chiffres plus précis pour la Haute Assemblée.
Toutes collectivités territoriales confondues, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 0,7 %, contre 1,2 % dans le contrat de Cahors. Pour celles qui ont contractualisé, l'évolution est de 0,3 %. Je rappelle que, en 2017, ce taux était de 1,6 %. Les contrats ont donc permis de ralentir les dépenses de fonctionnement.
L'État, je le souligne, n'a pris aucune mesure d'augmentation des dépenses obligatoires pour les collectivités territoriales. J'ai rétabli le jour de carence et ai refusé l'augmentation du point d'indice.
Les dépenses d'équipement s'établiraient à 35,5 milliards d'euros, ce qui traduirait une augmentation de 6,1 % des dépenses d'investissement, grâce notamment à l'effort de 8 milliards d'euros consenti par l'État à travers la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les dotations spécifiques.
En d'autres termes, le contrat de Cahors, qui consistait à limiter les dépenses de fonctionnement pour augmenter les dépenses d'investissement est un progrès important. On peut même imaginer que la tendance sera accentuée cette année, qui est préélectorale. Du point de vue des comptes publics, en tout cas, ces contrats remplissent leur objectif.
Mon avis sur les niches fiscales n'est pas très nouveau : c'est celui de beaucoup de ministres du budget, mais aussi de beaucoup de parlementaires et de rapporteurs généraux... Dans les 100 milliards d'euros qu'elles représentent, il y a tout et son contraire : le quotient familial est comptablement considéré comme en faisant partie, mais je pense surtout aux 14 milliards d'euros de crédits d'impôts et de réductions d'impôts, qui profitent aux Français qui choisissent tout à fait légalement de faire de l'optimisation fiscale. Sur ces 14 milliards d'euros, 7 milliards d'euros profitent aux 10 % de Français les plus riches, qui paient 70 % de l'impôt sur le revenu.
C'est le système shadokien que nous avons collectivement construit. L'impôt sur le revenu est devenu insupportable, mais au lieu d'en baisser les taux, nous l'avons mité. Ces niches ont parfois des avantages : investissements Outre-mer ou lutte contre le travail au noir dans le service à la personne. Mais il faut évaluer l'efficacité de ces 474 niches fiscales. Le contribuable qui gagne 15 000 à 20 000 euros par mois doit-il bénéficier de la même niche fiscale que l'ouvrier salarié ? Il faut savoir que 12 000 foyers fiscaux français qui gagnent plus de 10 000 euros par mois bénéficient de 10 000 euros de crédits d'impôts ou de réduction d'impôts ! Est-il normal que l'ouvrier paie le double-vitrage du PDG ?
Certains ouvriers gagnent 2 000 euros par mois. La suppression de niches fiscales augmenterait certes les impôts, personne ne peut le nier. Ma proposition de citoyen, ce serait d'utiliser une partie du produit de cette suppression pour baisser les impôts qui frappent les plus modestes. Baisser de 200 euros l'impôt sur le revenu pour 17 millions de foyers fiscaux coûterait pas moins de 3 milliards d'euros. Au lieu d'avoir un impôt très élevé avec beaucoup de niches, nous aurions une baisse générale importante.
Je ne suis pas favorable à l'augmentation des droits de succession. Nous avons les taux les plus élevés du monde après le Japon et la Corée du Sud. La question qui se pose est la mobilité du capital : comme les Français vivent de plus en plus vieux, leurs enfants héritent souvent à 55, voire à 65 ans, à un âge où ils ont en général moins de besoins qu'à 35 ans. Je serais donc favorable à l'allègement de la fiscalité plutôt sur les donations que sur les successions.
La TICPE a augmenté de 9,4 % et non de 30 %. L'État n'en est pas le seul bénéficiaire : les collectivités territoriales et les comptes spéciaux en profitent également. S'il est vrai - ce dont je doute - que ma parole compte plus que celle des autres, croyez-moi sur ce point.
J'approuve la ligne du Président de la République, selon laquelle il ne faudra pas sortir du grand débat avec des hausses d'impôts.
La taxe sur les GAFA devrait rapporter de 500 à 600 milliards d'euros. Bruno Le Maire viendra la présenter devant le Sénat. Mais, si vous me permettez l'expression, la maison reste ouverte pendant les travaux : alors que nous avons perdu des contentieux, nous avons ouvert des discussions avec des grandes entreprises pour parvenir à des transactions, que j'ai refusées si le montant était inférieur aux contrôles fiscaux précédents, et que j'ai acceptées s'il était supérieur. Cela a été le cas pour deux entreprises, dont Amazon, pour qui cela a représenté plusieurs centaines de milliers d'euros. Monsieur le rapporteur général et Monsieur le président, vous pouvez venir vérifier sur place et sur pièces...
Je me félicite du jugement en première instance dans l'affaire UBS, dans laquelle l'administration fiscale a porté plainte et s'est portée partie civile.
Les mesures relatives à l'impôt sur les sociétés figureront-elles dans le projet de loi relatif aux GAFA ?
Il vous sera présenté en mai ou juin. Vous me parlez d'économies. Le Gouvernement auquel j'appartiens en a fait, des économies dans le budget 2018, impopulaires, et que vous avez combattues, telles que la réduction des aides personnalisées au logement (APL) et la fin des contrats aidés.
J'ai rencontré récemment des agents d'Eurofisc à propos de la fraude à la TVA, à laquelle la Commission européennes est très attentive, et qui représenterait 20 milliards d'euros.
De nombreux États membres de l'Union européenne, ont acquis un logiciel qui permet, grâce à l'intelligence artificielle, de repérer les fraudes : c'est le cas, après la Belgique, qui avait un problème spécifique, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de l'Estonie, de la Hongrie, de l'Espagne, de la Slovaquie, de l'Autriche, de la Pologne et du Danemark. Qu'attendons-nous pour le mettre en place ?
La transaction avec Apple a rapporté 500 millions d'euros pour 10 exercices, de 2007 à 2017. C'est peu pour une entreprise dont le chiffre d'affaires en Europe est de 62 milliards d'euros. Je suis d'accord avec M. Le Maire, lorsqu'il trouve inacceptable qu'une entreprise paie 14 points de moins d'impôts sur les sociétés que les autres... À quoi correspondent ces 500 millions d'euros ? Et sur le fond, peut-on négocier son impôt ? Il me semble, au contraire, que l'impôt, c'est la loi, et qu'elle doit s'imposer à tous.
L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) revient avec insistance dans le grand débat. Selon le Gouvernement, c'est un impôt répulsif pour les grosses fortunes. Parlons de chiffres : il y a eu 383 départs d'assujettis à l'ISF en 2002, 666 en 2005, 800 en 2007 et 784 en 2014 ; mais en 2017, le nombre d'assujettis était supérieur à 358 000 ! Oui, il y a ceux qui partent, mais il y a aussi ceux qui reviennent. En 2014, ils étaient 300. Il faut donc il faut relativiser les choses : cela fait moins de 0,2 % de départ.
Auriez-vous déjà de premières indications d'un regain d'investissement de la part de ces gens qui ont été « libérés » de l'ISF ; investissent-ils lourdement dans l'économie pour « gagner de la croissance et de l'emploi » ? Avez-vous des retours sur le « ruissellement » ?
On ne peut qu'applaudir au verdict rendu dans l'affaire UBS. Si la condamnation est confirmée, pourra-t-on laisser à cette banque le soin, avec d'autres, de gérer la dette de la sécurité sociale ? Cela ne posera-t-il pas un problème éthique ?
Je souhaite à Gérald Darmanin une carrière aussi longue que celle d'Antoine Pinay, qui est mort à 103 ans après avoir été une dizaine de fois ministre, président du conseil et médiateur de la République et qui a laissé une marque, puisque soixante ans après nous parlons toujours de sa gestion financière.
Le Président de la République ne veut pas sortir du grand débat avec des charges fiscales plus lourdes, c'est bien. Mais l'une de vos collègues s'est montrée récemment ouverte à la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité. S'il n'y a pas d'impôts en plus mais des recettes en moins, je suis inquiet pour le déficit. S'il était inférieur à 3 % en 2018, ce ne sera pas le cas en 2019, vu ce qui a été voté en décembre dernier... Mais si rien ne bouge budgétairement à l'issue du grand débat, vous n'aurez plus guère que des mesures institutionnelles, comme la réduction du nombre de parlementaires, à annoncer : cela risque de faire un peu court sur les ronds-points !
L'année 2018 a été celle de la Réduction de loyer de solidarité (RLS) pour les bailleurs sociaux, qui a permis à l'État de faire des économies sur les aides personnalisées au logement (APL). En échange de la mise en place progressive de la RLS sur trois ans, l'État a augmenté la TVA sur la construction à 10 % pour les bailleurs sociaux. Vers la fin de l'examen de la loi de finances, lors d'un épisode mémorable, le Sénat a dû arracher au Gouvernement une estimation de ce que cela pourrait rapporter à l'État. On nous a parlé de 300, puis de 500, puis de 800 millions d'euros, alors que cela pourrait être encore davantage, en réalité. Pourriez-vous nous donner un chiffre ? Enfin, il y avait un deal : lorsque la RLS serait arrivée à 1,5 milliard d'euros, le taux de TVA redescendrait à 5,5 %. Mais les professionnels n'en sont plus si sûrs. Doit-on craindre que Bercy ne s'en souvienne plus ? Cette augmentation a fait perdre 20 % de financement de logements sociaux par rapport à 2017. Si cela continuait, on irait droit dans le mur. Le deal tient-il toujours ?
A peine a-t-on voté la loi de finances initiale que l'administration travaille au budget de l'année suivante. Le cycle budgétaire des collectivités est plus resserré : ne peut-on pas s'en inspirer ?
Une députée de la majorité, membre de la commission des finances, s'est prononcée en faveur d'un impôt sur le revenu pour tous - idée à laquelle le groupe RDSE est favorable...
Nous assistons tous à des réunions du grand débat ; les thèmes fiscaux reviennent souvent, mais aussi l'incompréhension de la matière budgétaire. Que pourrions-nous faire pour restaurer la confiance en rendant la procédure plus sincère, plus lisible, plus compréhensible ?
La fraude à la TVA est très importante : elle est à la mesure de cet impôt, qui est le plus important. Je regarde avec intérêt les pratiques des autres pays européens. Nous avons appliqué en cette matière un texte que le gouvernement précédent n'avait pas appliqué, avec notamment l'obligation pour les commerçants de disposer d'un logiciel de caisse. Nous allons développer en interne cette année des fonctionnalités analogues à ce que vous décrivez, Madame Goulet, tout en évitant le coût important du logiciel, grâce à la vérification des numéros de TVA grâce au data mining et en fusionnant les informations détenues par les douanes et la DGFiP.
Monsieur Bocquet, l'impôt, c'est la loi, mais avec la loi, combien aurions-nous obtenu d'Apple ?
Exactement : nous perdons la plupart du temps devant les tribunaux. Et puis, la transaction, c'est la loi ; votre assemblée l'a autorisée - même si votre groupe s'y est opposé. J'applique donc la loi de la République.
Une des sociétés a levé elle-même le secret fiscal, mais je ne commente pas les montants que vous mentionnez. Le rapporteur général et le président, de deux bords politiques différents, ont pu examiner les transactions ; ils n'ont manifestement pas constaté de dispositions contraires aux intérêts des contribuables.
Avec la fiscalité européenne et la loi GAFA, nous pourrons aller plus loin. Le débat sur l'ISF durera sans doute jusqu'à la fin du quinquennat, mais je ne crois pas que le Président de la République le rétablisse. Constate-t-on du ruissellement ? Je constate une baisse du chômage, une croissance supérieure à celle des années précédentes et à la moyenne de l'Union européenne. La suppression de l'ISF ne date que de 2018, il faut du temps pour en tirer le bilan. Ce n'est que cette année que nous pourrons le faire. Le Gouvernement est favorable à l'évaluation, mais il faut attendre.
J'ignorais qu'UBS finançait la sécurité sociale. Je regarderai cela d'un peu plus près et reviendrai vers vous.
Fixer un taux de TVA à 0 % serait illégal du point de vue des obligations européennes. On pourrait certes le proposer dans un débat avec nos partenaires... Mais il y a déjà beaucoup de taux réduits à 2,1 % ou 5,5 % en France. Certes, l'augmentation sous le gouvernement précédent du taux de TVA sur les transports de voyageurs a dû toucher nombre de nos concitoyens. Rappelons-nous que nos taux de TVA sont inférieurs à la moyenne de la zone euro et de l'Union européenne.
Comment fera l'État avec moins de recettes ? Comme l'a dit M. de Courson hier : « avez-vous les moyens de vos baisses d'impôts ? ». C'est une vraie question. Nous avons effectivement baissé les impôts ; nous serions au-dessous du point de prélèvements obligatoires en moins promis pendant la campagne par le Président de la République sans les mesures de décembre dernier. Où vont ces baisses d'impôts ? Pardonnez-moi ce truisme : à ceux qui en paient.
Je vous rappelle que 10 % des Français paient 70 % de l'impôt sur le revenu.
Nous ne l'avons pas augmenté, contrairement à ce qui s'est passé pendant les derniers quinquennats...
Nous faisons un pari économique. Le niveau de prélèvements obligatoires que la France a atteint est trop élevé. Si nous baissons les impôts, il faut tenir les dépenses. Nous l'avons fait en 2018 et nous le ferons en 2019. Notre engagement, c'est de le faire encore en 2020, 2021 et 2022.
Monsieur Dallier, la hausse du taux de TVA pour les bailleurs sociaux a rapporté 700 millions d'euros.
Pour 2018, oui. Je ne suis pas ministre du logement. Mais en tant que ministre du budget, j'applique la loi : trois ans, c'est trois ans. Il faudra aussi parler de la contemporanéisation des APL, désormais possible grâce au prélèvement à la source.
Sur le resserrement de la procédure budgétaire, je prêche dans le désert. Je partage certaines propositions du Sénat. Nous passons ensemble trois à quatre mois pour examiner la loi de finances, très agréables sans doute, mais longs en comparaison de la seule journée que nous passons sur la loi de règlement. Ce serait inimaginable dans une collectivité ou une entreprise ! Je propose donc un rééquilibrage. Mais je suis à peu près seul.
Les commissaires des finances s'intéressent exclusivement au budget de l'État, mais l'essentiel des dépenses et des recettes a trait au champ social, et les finances locales ne sont pas en reste. J'ai donc proposé de fusionner les documents budgétaires pour permettre une vision d'ensemble. C'est un vieux débat entre sociaux et budgétaires...
Le débat sur la révision constitutionnelle a été reporté. Mais je ne doute pas qu'il revienne sur le devant de la scène. Ce sera alors l'occasion de revenir à ces discussions.
Personnellement, l'impôt sur le revenu pour tous me semble une belle idée... mais il ne serait pas très utile de le mettre en application. Lorsque nous avons baissé les APL de 5 euros, tout le monde m'a expliqué que les gens ne pourraient plus manger, avec 60 euros de moins par an - et je connais les difficultés que l'on peut rencontrer dans ce cas. Que diront-ils si je propose un impôt sur le revenu de 5 ou 10 euros par mois ? Le point de vue se tient philosophiquement. Mais historiquement, nos impôts indirects sont très élevés, bien plus que les impôts directs. Ces gens paient déjà la TVA, la CSG...
Nous entendons de plus en plus parler d'affectation budgétaire. C'est un danger : à la fin, à force de faire payer la culture pour la culture, le logement pour le logement et l'environnement pour l'environnement, plus personne ne voudra payer pour l'éducation nationale et la défense. Certains contribuables commencent même à refuser de payer l'impôt sur le revenu sous prétexte qu'ils n'ont pas d'enfants !
Je préfère la pédagogie. Bercy, comme vous dites, a essayé de s'y efforcer. Dans le cadre du prélèvement à la source, nous envoyons des informations à tous les citoyens, en leur disant : c'est bien d'avoir des services publics gratuits, mais voici ce que cela coûte. Dans ma commune, j'avais mis en place la cantine à un euro. J'avais aussi distribué aux parents une documentation pour leur expliquer combien coûtait en réalité un repas.
Les nouvelles législations adoptées à la fin de l'année dernière ont provoqué une émotion dans les milieux économiques et dans la presse : sans doute à cause de commentaires ambigus de l'administration, certains ont compris que la donation en nue-propriété avec réserve de l'usufruit serait désormais considérée comme un abus de droit. Depuis des décennies, elle est non seulement utilisée par les familles, mais elle est devenue essentielle dans la transmission d'entreprises. La France pratique déjà des droits de mutation plus élevés que la moyenne européenne... L'ambiguïté a été levée par un communiqué de presse, mais celui-ci n'engage pas l'administration, et encore moins la justice. Pourriez-vous procéder à une publication officielle, par exemple au bulletin officiel des finances publiques (Bofip), afin de remédier sur ce point précis à ce fléau français qu'est l'insécurité juridique ?
On constate une progression des dépenses dans certaines missions, comme la Défense ou la Sécurité intérieure. Dans la loi de finances, les plus gros montants sont consacrés à la mission « Éducation nationale », où les besoins en moyens humains sont importants. Qu'en est-il de l'exécution 2018 de la mission « Engagements financiers de l'État » ? Le rapporteur, Nathalie Goulet, pourra confirmer que les montants de cette mission sont importants. Quel impact ont-ils sur l'annuité de la dette ?
Le CAS « Pensions » représente au bas mot 58 milliards d'euros. Une réforme est en cours qui risque d'avoir des conséquences sur ce compte. Quelles sont les projections du ministère ? La contribution de l'État aux régimes spéciaux s'élève à 6,3 milliards d'euros, cette année, soit un montant très important. Aucune décision n'a encore été arrêtée. Comment garantirez-vous la maîtrise budgétaire de ce compte ?
Le produit de la TICPE a augmenté de manière très sensible, et j'ai le sentiment que la prévision était inférieure au produit, malgré ce que vous en dites. Voilà dix-huit mois que le désaccord perdure sur la fiscalité énergétique, et plus largement écologique. Par manque de transparence, cette fiscalité reste peu comprise. Les taxes constituent plus de 30 % de la facture énergétique d'un particulier. On arrive même à prélever de la TVA sur des taxes. Pour certains, c'est de la folie furieuse. De mon côté, je considère que cela nuit surtout à la compréhension de la fiscalité. C'est tout sauf judicieux, dès lors que les enjeux touchent à la survie de la planète, à l'écologie au quotidien, mais aussi à la sauvegarde du pouvoir d'achat. Fort heureusement, vous n'avez pas réagi à la tribune des 86 députés sur ce sujet. Quelles mesures envisagez-vous de prendre en matière de fiscalité énergétique et écologique ?
J'ai une proposition à vous faire, qui ne se réduit pas à une question de sémantique : cessons de parler de « niches fiscales » et disons plutôt « dépenses fiscales ». Chacun contribuerait ainsi à l'effort pédagogique que vous poursuivez. Préférons cette simplification de sens au choc de simplification par démocratie d'opinion.
Je suis rapporteur sur la mission « Remboursements et dégrèvements » qui représente plus de 100 milliards d'euros. La fiscalité dérogatoire des particuliers avoisine les 14 milliards d'euros, avez-vous dit publiquement. Mais quid du reste, c'est-à-dire des niches fiscales dont bénéficient les entreprises ? Il faudrait en retracer l'évolution en opérant un ciblage précis qui distinguerait les TPE et les grands groupes.
Enfin, dans quel calendrier et selon quelle méthode la loi de finances rectificative sera-t-elle élaborée ? Comment tiendrez-vous compte du grand débat ? Quoi qu'il en soit, la légitimité des parlementaires ne doit pas être remise en cause.
Sans vouloir polémiquer, votre réponse à Éric Bocquet était un peu sèche. Vous ne pouvez pas vous contenter de brandir la formule « l'ISF est en lien avec le chômage et l'emploi », sans faire la démonstration de l'existence du lien plus ou moins mécanique entre les trois. Vous êtes un ministre de la République. Ce raccourci est blessant pour tout le monde.
Pour en revenir aux niches fiscales, après la loi bancaire et le lancement de l'assurance-vie, pas moins de 180 milliards d'euros sont détenus par 0,5 % des assurés, soit moins de 300 000 Français. Les volumes sont là, qui pourraient répondre à des besoins. Allons-y !
Dans son rapport sur l'endettement des entités publiques, la Cour des comptes rappelle la règle selon laquelle les excédents budgétaires non prévus doivent être affectés au désendettement. Vous nous avez annoncé 2 milliards d'euros de recettes non prévues, cette année. Ont-ils été affectés au désendettement ?
Vous avez été très précis sur l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités. Faut-il expliquer la dépense moindre par le fait que la baisse des dotations a réduit les capacités des collectivités ? La dotation forfaitaire a en effet diminué pour un très grand nombre de communes, l'an dernier, et ce sera encore le cas en 2019, à en croire les déclarations du Comité des finances locales. Ou bien est-elle imputable à une diminution de la masse salariale qui a induit pour les collectivités locales des dépenses très inférieures aux seuils de contractualisation, pour la simple et bonne raison qu'elles n'arrivent pas à recruter ?
Êtes-vous certain de pouvoir maintenir la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés sans accroître la pression fiscale, de pouvoir aller au bout de la suppression de la taxe d'habitation tout en assurant une recette pérenne et dynamique aux collectivités, de pouvoir répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat tout en maintenant le cap du redressement des finances publiques ? Beaucoup diront qu'il suffit de réduire la dépense publique, mais on sait que nos marges de manoeuvre sont étroites dans ce domaine. Tiendrez-vous votre pari ?
Il faut arrêter de dire que la France est le pays où le montant des prélèvements obligatoires est le plus élevé, en oubliant de préciser que nous consacrons beaucoup de ces prélèvements obligatoires aux dépenses sociales. Dans d'autres pays européens, ces dépenses ne sont pas socialisées. Elles ne relèvent pas de la dépense publique, d'où des prélèvements obligatoires moindres. Veillons à comparer ce qui est comparable. France Stratégie le confirme : hors retraites, l'écart avec les autres pays européens reste faible, et nous nous situons dans la moyenne européenne en matière de dépense publique, si on enlève les dépenses de Sécurité sociale. Les Français doivent en prendre conscience : réduire drastiquement les dépenses publiques aurait pour effet de faire peser la charge des dépenses sociales directement sur les ménages.
Même si l'on peut se réjouir d'une baisse du déficit, il n'en demeure pas moins extrêmement élevé, à 76 milliards d'euros, amélioré essentiellement par un accroissement de recettes. Le débat national montre que la situation financière de l'État préoccupe nos concitoyens. Il ne faudrait pas que la baisse des prélèvements obligatoires ait pour conséquence de moindres recettes. D'où la nécessité d'accroître l'effort de réduction des dépenses. Or, vous parlez d'augmenter l'effort de défense et d'accroître les aides aux pays en voie de développement, entre autres. Pourra-t-on réellement améliorer la situation financière de notre pays dans ces conditions ?
Le retour à l'équilibre des finances publiques est une attente forte de nos concitoyens. Des pistes existent, comme celle de la lutte contre la fraude que préconise Nathalie Goulet, notamment en ce qui concerne la TVA. Il y a aussi la fraude documentaire, sur laquelle nous peinons à obtenir des informations. Le Gouvernement s'implique-t-il dans ce domaine ? Ce serait un moyen de réduire les dépenses indues.
Enfin, est-il normal, monsieur le ministre, de maintenir la CSG non déductible ? Cela revient à payer de l'impôt sur de l'argent qu'on ne perçoit pas.
Je confirme les propos du communiqué de presse au sujet des donations. Nous publierons effectivement un Bofip avant la fin du premier semestre, pour n'y ait pas d'ambiguïté possible dans l'interprétation du contrôle des tribunaux.
Le montant des dépenses en matière de défense et de sécurité est conforme aux prévisions. Le ministère de la Défense fait même légèrement mieux. Concernant la charge de la dette, nous ne devrions pas dépasser le montant prévu, en 2019, même si c'est encore un peu trop tôt pour le dire, car nous ne connaissons pas encore le renouvellement des taux de la banque centrale.
Le montant du CAS « Pensions » atteint 58,5 milliards d'euros, soit à peu près 100,94 millions d'euros de plus qu'en loi de finances initiale, soit moins de 2 % de dépassement. L'augmentation est due au programme 741 qui porte sur la retraite des fonctionnaires civils et militaires. Le président de la République a annoncé que la réforme des retraites aurait lieu en 2019, qui mettra fin aux différences en instituant un régime par points unique et qui supprimera aussi les régimes spéciaux. Le haut-commissaire travaille sur le sujet.
Je ne reviendrai pas sur la fiscalité écologique qui constitue l'un des enjeux du grand débat national. Comme vous, je considère que l'impôt sur l'impôt n'est pas un concept facile à comprendre, tout comme la TVA sur la fiscalité locale. D'un point de vue comptable, nous avions prévu que la taxe sur les carburants rapporterait entre 3 et 4 milliards d'euros par an de recettes supplémentaires. Si nous décidions de la supprimer, ce serait des recettes en moins pour l'État, d'où la nécessité de revoir la trajectoire des finances publiques.
Vous me demandez dans quel calendrier. Nous ne pourrons évidemment rien faire avant d'avoir eu les conclusions du grand débat. L'examen de ces conclusions devrait être inscrit à l'ordre du jour du Parlement dans les premières semaines d'avril. Des annonces seront faites par le Premier ministre et le président de la République. On peut imaginer que nous pourrons traduire les conséquences concrètes de ces conclusions en matière de recettes et de dépenses, au mois de mai et juin.
Faut-il parler de « dépenses fiscales » plutôt que de « niches fiscales » ? Le terme est sans doute plus exact, mais ne signifie pas grand-chose, car si on supprime les dépenses fiscales, cela donne des recettes d'impôts en plus. Par exemple, la TVA réduite de restauration est une dépense fiscale, c'est-à-dire un taux réduit d'impôt ou une niche fiscale pour l'entreprise. La supprimer, c'est augmenter l'impôt pour les restaurateurs. Par conséquent, je ne suis pas certain du terme le plus approprié. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une optimisation de l'impôt, pour l'entreprise comme pour le particulier.
Notre système consiste à prévoir des impôts très élevés, puis à orienter la dépense en incitant les gens à procéder à telle ou telle optimisation dans tel ou tel secteur.
Les gouvernements précédents, et singulièrement le dernier, ont réduit ces niches dans leur montant. On a prévu des exceptions à 18 000 euros, peut-être même à 10 000 euros. La question est complexe. Quand on parle de 100 milliards d'euros de fiscalité dérogatoire, cela mérite qu'on ouvre le débat, d'autant que nos concitoyens, en tout cas ceux qui manifestent, demandent la progressivité de l'impôt. En même temps, la fiscalité dérogatoire présente des avantages, notamment pour les particuliers.
Je suis prêt à vous adresser sous un mois, l'intégralité des niches, qu'elles concernent les entreprises ou les particuliers, avec leur montant, la répartition par décile et par entreprise. La suppression concernant le gazole non routier (GNR), c'est encore une niche fiscale. Le périmètre du sujet est très large, mais je suis prêt à faire ce travail de récapitulation. Il vous appartiendra ensuite d'évaluer ces données, comme le fait la Cour des comptes.
J'ai bien conscience que j'ai peu de chance de convaincre Monsieur Bocquet. Ma réponse est aussi lapidaire que sa question : comment évaluer un impôt qui vient d'être supprimé ? Prenons le temps de voir où va l'argent.
C'est une mesure d'attractivité. Les décisions économiques doivent aussi tenir compte de l'environnement des affaires. J'ajouterai qu'aucun de nos voisins n'a copié l'ISF.
Madame Lavarde, les excédents budgétaires non prévus ont bien été affectés au désendettement. Quant aux collectivités locales, j'ai pris un certain nombre de mesures qui influent sur la masse de leurs dépenses de fonctionnement. J'ai décalé la mise en oeuvre du dispositif Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR).
Je n'ai pas fait payer aux collectivités locales ce qui avait été décidé par le Gouvernement. Je n'ai pas augmenté le point d'indice des fonctionnaires, alors même que certains sénateurs de votre majorité le réclamaient. Or une partie du point d'indice est payé par les collectivités locales. J'ai rétabli le jour de carence, et en 2018, en tant que ministre de l'action et des comptes publics, je n'ai imposé aucune nouvelle norme aux collectivités. Ces éléments contribuent à tenir un budget de fonctionnement, me semble-t-il. En outre, les dotations aux collectivités ont augmenté. La répartition de la DGF est une vieille querelle que personne n'a jamais réussi à régler. Cependant, on constate que les collectivités qui ont le plus contractualisé sont celles qui ont les dotations les plus dynamiques, notamment la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), et qu'elles ont le moins dépensé en fonctionnement. Avec moins de masse salariale, elles ont davantage investi - on a observé une hausse de 6 %.
Le système de contractualisation a fonctionné. Il a permis de maîtriser la dépense publique, d'embaucher moins d'agents publics, de davantage investir et de désendetter une partie des collectivités locales. Certains présidents de département qui n'avaient pas contractualisé me demandent désormais de pouvoir le faire, alors que la loi ne le permet plus. Ils voient les intérêts d'un système qu'ils dénonçaient hier. Je m'en félicite.
Monsieur Delcros, je pense que nous tiendrons notre cap, malgré une croissance dont on nous dit qu'elle tournera autour de 1,4 ou 1,5 %. Nous maîtriserons la dépense publique si nous parvenons à mener à leur terme les réformes que nous avons lancées depuis deux ans, qu'il s'agisse de l'assurance chômage, de la réforme des retraites, de celle de la fonction publique ou encore de celle de l'audiovisuel public. Dans le champ social, nous tiendrons également l'objectif de l'Ondam à 2,3 %, même si cela constitue un effort important pour le secteur.
Madame Taillé-Polian, je souscris à votre remarque sur les prélèvements obligatoires. J'étais en Australie, il y a une semaine : le taux de prélèvements obligatoires y atteint 24 %. Le ministre du Budget m'expliquait que c'était sans compter les prélèvements obligatoires des collectivités locales. Ce sujet renvoie au principe de solidarité, et je ne crois pas qu'il soit dans l'ADN de votre famille politique de considérer que les dépenses sociales doivent être individualisées. Notre système est basé sur la solidarité, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les pays scandinaves fonctionnent aussi sur un système de solidarité mais avec beaucoup moins de prélèvements obligatoires. Nous avons le plus de dépenses et le plus de recettes, c'est incontestable.
Le déficit de l'État reste trop important. Le déficit général baisse pour la deuxième année consécutive. Je crois que nous tiendrons notre objectif d'un déficit à 3,1 % ou 3,2 % du PIB en 2019, sauf drame économique ou sécuritaire. L'argument de l'opposition n'est pas tout à fait juste, car l'État a assumé l'intégralité des baisses de recettes, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés ou de la taxe d'habitation. C'est l'État qui a fait l'effort, si j'ose dire, en prévoyant une compensation pour les collectivités locales.
Je réponds d'un point de vue comptable : si le déficit de l'État est encore trop important, c'est bien parce que l'État a pris ces mesures.
Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut baisser les dépenses publiques. Cependant, quand vous me dites qu'il faut lutter contre la fraude, ce n'est pas une baisse des dépenses, mais une proposition de meilleur recouvrement, au demeurant tout à fait intéressante. Nous serions très heureux d'entendre les propositions du Sénat pour baisser les dépenses publiques.
On pourrait supprimer des agences régionales de santé (ARS), par exemple.
Monsieur le rapporteur, j'ai constaté que vous étiez rarement suivi dans vos propositions de suppression d'ARS. Quoi qu'il en soit, je vous redis que je suis prêt à explorer les pistes que le Sénat nous proposera pour baisser les dépenses publiques.
En ce qui concerne la fraude aux prestations sociales, Madame Goulet a récemment reçu un magistrat qui a donné le chiffre de 2 millions de dossiers frauduleux pour un montant de 10 milliards d'euros. Les chiffres ont largement circulé, de sorte que tout le monde pense désormais qu'il y a effectivement 2 millions de faux documents et 10 milliards d'euros de perdus. Or l'administration de la Sécurité sociale m'assure que ce n'est pas vrai. Pour davantage de clarté, j'ai annoncé que nous allions évaluer précisément le montant de la fraude fiscale, car il me paraît un peu facile de dire qu'il correspond exactement à celui du déficit. Cependant, tous ceux à qui je propose de confier cette évaluation m'opposent un refus.
J'ai proposé au Premier ministre de commander une mission sur la fraude sociale, parlementaire ou administrative. Nous disposerons ainsi de données scientifiques précises. On me dit en effet que les pertes dues à la fraude sociale tourneraient davantage autour d'1 milliard d'euros que de 10 milliards. C'est sans doute déjà trop. La direction de la Sécurité sociale a réalisé des tests et constaté 0,15 % de fraude sur 1 300 dossiers. Il faudra le vérifier.
Nous souhaitons être associés à cette mission. La meilleure nouvelle serait encore qu'il n'y ait pas de fraude sociale du tout.
S'il y en a, il faut la combattre. Mais, le pire serait de donner un chiffre de fraude erroné, car comment résoudre un problème irrationnel ?
La CSG non déductible est un impôt difficile à comprendre. D'autant que quand nous avons fait le prélèvement à la source, la seule vraie difficulté à laquelle nous nous sommes heurtés, notamment pour les retraités, a été que le montant de la base imposable n'était pas tout à fait le même que celui mentionné sur la feuille de pension. Cela a généré des différences de quelques euros qui ont été source d'incompréhension. Cependant, supprimer la CSG non déductible représenterait une perte de 6 à 7 milliards d'euros, soit 0,3 point de PIB.
Je veux bien revérifier les chiffres. Quoi qu'il en soit, supprimer la CSG non déductible coûterait 6 à 7 milliards d'euros. Le fait est qu'on gagnerait en lisibilité, mais que cela ne contribuerait pas à faire baisser la dépense publique.
Merci à tous.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12h30.