Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation dans le cadre de l'avis émis par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur le projet de loi Santé qui sera examiné par le Sénat lors de la première semaine de juin. Nous avons souhaité nous en saisir, car l'accès aux soins est un élément essentiel de l'aménagement du territoire, au même titre que la couverture numérique ou la mobilité. Notre jeune commission, née en 2012, a déjà produit sur le sujet un rapport d'information en 2013 et émis un avis en 2016 sur le projet de loi de Marisol Touraine, dont l'auteur était Jean-François Longeot. Les gouvernements se suivent - c'est le troisième que je connais depuis que je suis sénateur -, chaque ministre vient avec ses solutions, mais les problématiques demeurent malgré des mesures dont certaines ont sûrement été utiles ; la situation a même tendance à se dégrader, ce qui montre que tout n'a pas été tenté.
Dans votre projet de loi d'ailleurs, certaines mesures nous semblent tout à fait utiles, telles que la suppression du numerus clausus, les partage de compétences et délégations de tâches entre professionnels de santé, le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et bien sûr le déploiement de la télémédecine. Mais ce n'est pas suffisant : comme l'a dit ce matin le rapporteur, sur les déserts médicaux, vous ne proposez que des mesures essentiellement incitatives. Or, comme la Cour des comptes le souligne, ces mesures sont à la fois onéreuses et très peu efficaces contre le constat fait par le géographe Emmanuel Vigneron selon lequel les territoires où le nombre de médecins est faible sont ceux où la mortalité précoce est importante. Nous avons le sentiment d'une bombe à retardement qui nous prépare des drames sanitaires. Alors que l'accès aux soins n'avait pas été identifié comme l'un des sujets à traiter dans le grand débat, il est apparu comme l'une des toutes premières priorités des Français, comme en témoigne un sondage paru dans Le Journal du dimanche établissant que 87 % des Français souhaiteraient obliger les médecins à s'installer dans les zones sous-denses.
Or le président de la République n'a apporté aucun élément de réponse sur ce sujet ; nous espérons que l'examen du texte au Sénat permettra d'en améliorer le volet territorial. Ce matin, le rapporteur Jean-François Longeot a présenté son rapport pour avis, et notre commission a adopté trente amendements concernant la délégation d'actes, les stages en zone sous-dense, le développement territorial de l'offre de soins et des mesures en matière de régulation. J'insiste : nous ne parlons pas de coercition, nous avons adopté ce matin un amendement proposant une régulation au terme d'un processus de négociation collective au cas où cette négociation collective ne serait pas couronnée de succès.
Je mesure les attentes des territoires. La difficulté d'accéder aux soins est la première chose dont j'ai entendu parler lorsque je suis devenue ministre. Depuis deux ans, nous travaillons sur la question de l'aménagement du territoire, qui suscite beaucoup d'inquiétude chez les citoyens et les élus. J'ai évidemment pris connaissance de vos travaux, notamment de l'avis que vous avez adopté. Je pense que nous avons une préoccupation commune, celle de répondre à l'urgence de l'accès aux soins et d'anticiper le déclin démographique des médecins, qui s'accentuera dans les années qui viennent. Nous subissons l'effet des mesures prises dans les années 1990, mais que nous allons mettre un certain nombre d'années à rattraper, puisque les médecins formés après le baby-boom partent à la retraite et que moins de 4 000 médecins par an ont été formés dans ces années, faute d'une anticipation de la transition démographique et épidémiologique de la population qui vieillit - c'est une chance - mais est atteinte de maladies chroniques et a donc des besoins nouveaux. N'a pas non plus été anticipé le souhait des professionnels de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, grâce à une pratique différente de celles de nos aînés.
Notre objectif est de dépasser la logique d'incitation financière à l'installation. Je partage votre avis et celui de la Cour des comptes : ces politiques sont coûteuses, complexes, nombreuses et n'ont pas forcément fait la preuve de leur efficacité, créant souvent des effets d'aubaine. Nous proposons donc un vrai changement de paradigme avec deux axes : rendre du temps médical au médecin, d'une part, et décloisonner les professionnels, d'autre part, avec plus de coopération et de coordination, afin que l'exercice isolé des médecins devienne à terme l'exception - d'ailleurs seuls 5 % des jeunes médecins en sortie d'études souhaitent s'installer dans une pratique libérale isolée.
Nous voulons transformer les modes d'organisation, les modes de financement pour inciter à l'exercice coopératif et collaboratif, modifier la formation et les conditions d'exercice des professionnels afin de garantir et améliorer l'accès aux soins et leur qualité. Ma stratégie « Ma santé 2022 » ne se résume pas à ce projet de projet de loi, qui n'en comprend que les mesures législatives nécessaires et est donc réduit au strict minimum. Il comprend aussi des mesures conventionnelles en discussion avec l'assurance maladie et des dispositions tarifaires qui seront intégrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Pour modifier les organisations, nous avons d'autres leviers que la loi : des leviers réglementaires, des leviers financiers et des leviers d'animation territoriale - nous comptons sur les acteurs pour mieux animer les territoires et favoriser des organisations vertueuses. Dans le plan d'urgence d'accès aux soins, nous avons mis en place 400 postes de médecins généralistes salariés, soit dans les collectivités, soit dans les hôpitaux locaux. Les assistants médicaux permettront, grâce à la négociation conventionnelle, de libérer entre 15 ou 20 % de temps médical. Enfin, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), auxquelles nous proposons une responsabilité populationnelle inédite, définie par un cahier des charges et financée par l'assurance maladie, devront proposer un médecin traitant à chaque usager, assurer une permanence, assurer l'accès à des soins non programmés et, par là même, nous aider à désengorger les urgences, et feront plus de prévention. Nous y travaillons dans le cadre de la convention médicale.
Un point sur les ordonnances, qui sont nombreuses, il est vrai, mais justifiées par un calendrier extrêmement restreint : nous avons le devoir de supprimer la première année commune aux études de santé (Paces) et donc le numerus clausus pour la rentrée 2020, ce qui déclenche un compte à rebours dans Parcoursup dès septembre 2019. J'ai bien entendu toutes les critiques sur ce recours à l'article 38 de la Constitution, mais, comme j'ai eu l'occasion de le dire à la commission des affaires sociales du Sénat, ces ordonnances donnent aussi la garantie d'une plus grande concertation, un certain nombre de mesures n'ayant pas encore suffisamment fait l'objet d'une concertation, telles que le statut des professionnels de santé hospitaliers ou la gouvernance des hôpitaux. C'est un choix assumé par le Gouvernement pour accélérer le calendrier d'une réforme urgente. Pour autant, je me suis engagée à l'Assemblée nationale à ce que les concertations ayant abouti suffisamment tôt puissent être traduites dans la loi, comme nous avons déjà réussi à le faire pour les missions des hôpitaux de proximité ou la création d'une agence régionale de santé (ARS) à Mayotte. Je me suis surtout engagée à associer pleinement les élus et les parlementaires dans ces concertations : je présenterai devant les commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat les ordonnances avant la discussion du projet de loi de ratification, ainsi qu'une étude d'impact ; les parlementaires pourront donc regarder de près la traduction de ces ordonnances sur le terrain.
Le projet de loi initial, qui comportait vingt-trois articles, a été enrichi par l'Assemblée nationale. Parmi ses grandes orientations, figurent la suppression du numerus clausus, qui existe depuis 1971, et de la Paces dès 2020, celle-ci cédant la place à un système qui demeurera sélectif et exigeant, mais recrutera les étudiants sur leurs compétences et leur projet professionnel, ce qui devrait améliorer la qualité des de vie des étudiants et diminuer le coût social de cette épreuve, qui est une grande gabegie. Pour l'entrée en étude de médecine, il y aura des passerelles et une entrée par Parcoursup au travers de laquelle Frédérique Vidal et moi voulons favoriser la diversité des profils. Le deuxième cycle des études médicales sera également rénové, avec la suppression des épreuves classantes nationales (ECN). La procédure d'orientation prendra en compte non seulement la qualité des connaissances, mais aussi les compétences cliniques et relationnelles, et sera respectueuse des projets des futurs médecins.
Le titre II prévoit la création de projets territoriaux de santé devant mettre en cohérence les initiatives de tous les acteurs des territoires : médecins libéraux ou en exercice regroupé, secteur hospitalier, secteur social ou médico-social, public ou privé. L'idée est aussi d'associer les élus locaux et les usagers. Ils formalisent le décloisonnement visé par le plan « Ma santé 2022 ». Le statut des hôpitaux de proximité sera revisité pour être mieux lié aux soins du quotidien, plus ouvert vers la ville et le médico-social ; leurs missions seront inscrites dans la loi, tandis que les modalités de leur financement seront fixées dans le PLFSS et la gouvernance le sera dans une ordonnance, car la concertation n'est pas terminée. Un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale a autorisé les hôpitaux de proximité à pratiquer certains actes chirurgicaux ciblés, dont la liste sera validée par la Haute Autorité de santé (HAS) : l'idée est que les actes faits sous anesthésie locale puissent continuer à y être pratiqués.
Un chapitre du projet de loi est également consacré à l'acte II des groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont le projet médical doit désormais être le centre de gravité. La gestion des ressources humaines médicales sera mutualisée entre tous les hôpitaux et la gouvernance médicale sera adaptée et renforcée en conséquence dans les établissements de santé pour privilégier le projet médical. Un article introduit par l'Assemblée nationale offre également la possibilité aux professionnels paramédicaux de la filière de rééducation de cumuler une activité libérale en ville avec une activité hospitalière ; cette mesure devrait favoriser l'attractivité des hôpitaux, notamment pour ce qui concerne les kinésithérapeutes. L'Assemblée nationale a modifié le périmètre de compétence de certaines professions de santé, autorisant les pharmaciens à délivrer des médicaments sous prescription médicale obligatoire ou les infirmiers à adapter les prescriptions et à prescrire certains produits en vente libre.
Enfin, dernier pivot du projet de loi, l'ambition de donner à la France les moyens d'être en pointe pour l'innovation et le numérique. L'utilisation et l'exploitation des données de santé dans les domaines de la recherche, du pilotage du système de santé et de l'information des patients seront favorisées. Nous créerons l'espace numérique en santé, un compte personnel en ligne permettant à chacun d'accéder à son dossier médical partagé, mais aussi à des applications sécurisées et à des informations de santé. Enfin, la dématérialisation des pratiques passera par le renforcement de la télésanté : certains paramédicaux et les pharmaciens pourront pratiquer certains actes à distance, ce qui devrait créer de nouvelles opportunités sur les territoires dans des filières sous-dotées comme l'orthophonie.
Les élus auront une place importante dans le futur système de santé que nous dessinons. La politique que nous conduisons doit s'inscrire dans une relation de confiance avec eux. Le projet de loi a largement été amendé pour répondre à cette attente, à commencer par la reconnaissance de la promotion de la santé comme une compétence partagée des collectivités territoriales et de l'État. Nous prévoyons également l'association des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de la politique de santé, la présence de parlementaires au Conseil territorial de santé et la présentation aux élus par le directeur général de l'ARS de la mise en oeuvre de la politique de santé.
Dans chaque département, nous prévoyons enfin la participation de parlementaires au conseil de surveillance des ARS. Il n'y aura donc pas de dispositions imposées par le haut. La nouvelle structuration de l'offre de soins partira des territoires, fera l'objet d'une large concertation avec les élus et les citoyens. Je sais que l'attente est grande.
Votre projet de loi traduit le plan « Ma santé 2022 », présenté en septembre dernier. Certaines de ses mesures sont positives et consensuelles, d'autres plus techniques, et je regrette la place importante des habilitations à légiférer par ordonnance, sur la question des hôpitaux de proximité notamment. Je déplore aussi certains manques, ce qui ne vous surprendra pas : vous connaissez la position de notre commission.
Première question, un peu naïve : quelles dispositions du projet de loi participent concrètement à la résorption des déserts médicaux ou plutôt, comme je sais que vous n'aimez pas ce terme, à la réduction des inégalités territoriales dans l'accès aux soins ?
Sur le numerus clausus, le projet de loi prévoit la détermination des capacités d'accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle par les universités en fonction des besoins des territoires, mais ces capacités ne sont pas infinies. Comment envisagez-vous la mise en oeuvre de la réforme des études de santé ? En particulier, quels seront les moyens mis à la disposition des universités ?
Dernière question sur la télémédecine. Depuis 2018, les téléconsultations peuvent être prises en charge par l'assurance maladie, y compris pour les patients n'ayant pas de médecin traitant, à condition que ces patients consultent des médecins d'une organisation locale de santé, comme une CPTS. D'ici à leur déploiement complet, les assurés résidant dans un désert médical pourraient donc subir une double peine : déjà exclus d'une prise en charge présentielle, ils pourraient bientôt être exclus de la télémédecine, faute de pouvoir bénéficier d'un remboursement dans le cadre posé en 2018. Ne faut-il pas prévoir pour ces patients un régime dérogatoire ?
Je vais vous faire une confidence : après avoir passé deux jours avec les ministres de la santé du G7 jeudi et vendredi derniers à Paris, je sors de l'assemblée générale de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à Genève où j'étais dimanche soir et hier toute la journée. J'ai eu l'occasion de travailler et de discuter avec l'ensemble de mes homologues : la question de la désertification médicale et, au-delà, de la démographie médicale est un problème mondial. Le directeur général de l'OMS a annoncé hier au pupitre de l'assemblée générale le chiffre suivant : il manquera dans les cinq ans à venir 12 millions de professionnels de santé à travers le monde. Nous sommes face à un dumping des pays les plus riches vis-à-vis des pays les moins riches : les médecins africains sont attirés par l'Europe de l'Est, les médecins d'Europe de l'Est par l'Europe de l'Ouest, les médecins de l'Europe de l'Ouest par le Canada... Aujourd'hui, on offre 100 000 dollars par mois aux médecins canadiens pour s'installer dans les territoires les plus reculés du pays. La secrétaire d'État norvégienne à la santé, à qui je demandais comment elle faisait fonctionner les maternités, m'a répondu : « C'est une horreur, il y a des manifestations tous les jours, nous fermons des maternités tous les jours, car nous ne sommes plus en mesure de les faire fonctionner, n'ayant plus d'obstétricien ni d'anesthésiste. Les femmes manifestent, car elles sont obligées de faire en moyenne entre quatre et cinq heures de route pour rejoindre une maternité. » Je lui ai répondu : « Chez moi, on manifeste pour quarante-cinq minutes ! »
Ce projet de loi comprend donc des mesures de nature à répondre à la question de la désertification médicale. Mais, face à un dumping qui va s'aggraver dans les années qui viennent, les seules solutions sont des solutions d'attractivité, car les moyens pour un médecin d'échapper aujourd'hui à une obligation d'aller dans un territoire vont se multiplier. Je ne parle même pas des offres financières faites aujourd'hui par l'Allemagne à l'endroit de nos infirmières, tous ceux qui vivent en zone frontalière le savent.
Notre objectif est donc de rendre l'exercice professionnel confortable. D'une part, les jeunes professionnels souhaitent un exercice regroupé, collaboratif avec d'autres professions de santé paramédicales notamment ; d'autre part, nous avons besoin de temps médical, d'où les mesures en faveur de la délégation de tâches, qui permettra aux médecins de se concentrer sur leur valeur ajoutée médicale. Nous avons créé des infirmiers de pratique avancée pouvant prendre en charge les patients chroniques, de façon à libérer du temps médical.
Les communautés professionnelles territoriales de santé sont plébiscitées par les médecins qui y participent ; elles leur permettent de s'allier pour trouver des réponses à des enjeux territoriaux, notamment en termes de permanence des soins ou d'accès à des soins non programmés ou de coopération entre professionnels. Moins de 15 % des médecins à la sortie de leurs études souhaitent s'installer en libéral, les autres voulant un exercice salarié ou des remplacements ; 5 % seulement d'entre eux veulent un exercice isolé. Nous devons favoriser l'appropriation par les jeunes de l'exercice libéral en zone rurale et l'exercice regroupé avec les maisons de santé, les centres de santé et les communautés professionnelles territoriales de santé. Nous créons des postes salariés dans les hôpitaux, avec 400 postes cette année - si ces postes rencontrent du succès, nous les développerons. Enfin, les contrats d'engagement de service public financent les études de certains étudiants, notamment issus des zones rurales. La ministre italienne était très intéressée par ce dispositif, les Allemands et les Canadiens le mettent en place, ces derniers pour financer des étudiants issus des communautés territoriales dans les zones très reculées. Ainsi, 95 % des jeunes qui en bénéficient retournent dans le territoire dont ils sont issus.
Nous avons créé des postes de médecin adjoint, qui, en fin d'internat, pourront assister en libéral un médecin qui part à la retraite. Notre ambition est de renforcer les soins de proximité, de faire en sorte que les hôpitaux de proximité répondent aux besoins de santé de la population et ne se dispersent pas en essayant de maintenir des plateaux techniques que nous n'arriverons pas à faire fonctionner, faute de professionnels, et d'assumer une gradation des soins avec une entrée dans le système hospitalier en proximité des personnes qui peuvent être adressées au fur et à mesure de la gravité de leur état vers des hôpitaux de recours ou des centres hospitaliers universitaires (CHU).
Mais ne nous leurrons pas, personne aujourd'hui dans le monde n'a de recette miracle pour mettre fin aux déserts médicaux. Les Allemands et les Canadiens me l'ont dit : tous les mécanismes de coercition qu'ils ont essayé de mettre en place ont été des échecs notables. Nous mettons en place des échanges de connaissances sur la structuration des soins primaires entre tous les pays du G7 et bien au-delà.
La suppression du numerus clausus, vous le savez, permettra une légère augmentation du nombre de médecins formés ; mais nous sommes passés de 3 000 médecins formés dans les années 1990 à plus de 9 000 aujourd'hui, ce qui nécessite énormément d'infrastructures et de lieux de stages diversifiés : aujourd'hui, les facultés tentent de diversifier les stages dans les centres de protection maternelle infantile (PMI), en médecine du travail, en médecine libérale spécialisée, chez les généralistes... Mais nous savons très bien que nous aurons des difficultés à augmenter encore au-delà de 10 000 ou 11 000, selon les possibilités des universités. Les étudiants doivent être accompagnés dans leur formation : on ne peut pas les envoyer sur le terrain sans formateur ! Frédérique Vidal vous répondra plus précisément sur les moyens, mais nous n'avons pas besoin de moyens supplémentaires, ceux-ci ayant déjà été donnés aux universités pour augmenter le nombre d'étudiants - un milliard d'euros - et les moyens dédiés à la Paces étant redéployés vers les passerelles.
Je finirai par la télémédecine, qui a fait, je crois, l'objet d'une tribune dans Le Journal du dimanche. Je souhaite que la télémédecine soit ancrée dans les territoires. Avec le parcours de soins, nous voulons que le malade soit connu des professionnels de santé qui interviennent autour de lui, qu'il y ait des échanges autour du dossier médical et nous souhaitons favoriser l'attractivité du territoire. Or, avec des plateformes nationales d'accès à la télémédecine, nous verrons de plus en plus de médecins qui seront ravis de ne plus voir de malades - cela arrive ! - et d'être derrière leur téléphone ou un ordinateur en étant très bien financés. Je ne vois pas comment nous rendrons les territoires attractifs. Le fait d'ancrer la télémédecine dans une CPTS oblige les médecins de ce territoire à rendre ce service.
Je n'ai jamais utilisé le mot « coercition ». Je parle de « régulation » : cela n'a jamais été essayé en France et pourrait l'être. Et comparaison n'est pas raison.
L'amalgame entre les deux termes est souvent fait. Or, à aucun moment, les dispositions que nous avons adoptées ce matin ne peuvent être qualifiées de « coercitives ».
La coercition n'est pas dans notre vocabulaire ; il est donc désagréable d'entendre ce mot en permanence. Vous nous avez dit que vous souhaitiez mieux associer les élus locaux ; notre commission y est sensible. Mais, dans ce domaine, les conseils d'administration ont laissé place aux conseils de surveillance, qui n'ont presque plus de poids et ressemblent à une chambre d'enregistrement, dont le président n'a pas d'autre pouvoir que de la convoquer. Il faudrait revenir au conseil d'administration en y incluant les élus locaux. Les intercommunalités ont une compétence en matière d'aménagement du territoire. Il serait logique que le président de l'intercommunalité ou son représentant participe au conseil de surveillance des hôpitaux. Pour aller plus loin dans ce domaine, je vous présenterai en séance un amendement d'appel tendant à poser la question de l'existence des ARS, avec qui les élus locaux ont bien des difficultés relationnelles. Lorsque nous avions affaire aux préfets, les sujets étaient mieux appréhendés.
Pardonnez-moi d'avoir parlé de « coercition » : le mot a été beaucoup employé à l'Assemblée nationale, mais il ne correspond pas à ce que vous proposez.
Nous reviendrons sur le sujet de la régulation.
Aujourd'hui, les maires président les conseils de surveillance. Dans certains territoires, les intercommunalités sont sans doute les échelons les plus pertinents. Au sujet de la gouvernance des hôpitaux de proximité, une concertation est prévue. Les élus locaux seront, quoi qu'il en soit, bien représentés dans cette gouvernance, et l'ordonnance vous sera présentée.
En matière d'aménagement du territoire, les préfets disposent d'une vision d'ensemble et les ARS doivent travailler beaucoup plus étroitement avec eux, à l'échelle des départements comme des régions. Toutefois, depuis la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, les ARS ont été précipitées vers une réorganisation régionale, contrairement aux rectorats. On leur a imposé des restructurations au 1er janvier 2017, c'est-à-dire avant ma prise de fonctions. Depuis lors, elles couvrent de grandes régions, très loin du territoire, et nous en payons tous les conséquences.
En outre, la problématique de la désertification médicale n'a jamais été aussi aiguë. Les élus locaux sollicitent donc, plus que jamais, une relation directe avec les ARS, qui sont dans l'impossibilité matérielle de répondre à toutes les sollicitations. À l'avenir, elles devront présenter les projets de santé aux élus une fois par an et travailler beaucoup plus directement avec eux.
Dans les territoires ruraux, le maintien à domicile des personnes âgées est en péril : certaines communes sont d'ores et déjà sans médecin, et l'absence de suivi risque d'entraîner des problèmes sanitaires en cascade.
En France, les études de médecine sont bien moins onéreuses que dans la plupart des pays. Les jeunes médecins devraient être plus nombreux à s'installer dans les zones sous-dotées : ce serait un juste retour des choses. Parallèlement, la mixité sociale n'est plus réellement assurée parmi eux. Avez-vous des données chiffrées à ce sujet ?
Le projet de loi pour une école de la confiance prévoit des visites médicales obligatoires, mais la médecine scolaire n'est pas florissante. Comment y remédier ?
Les jeunes médecins semblent s'être installés dans un certain confort. Or la responsabilité du médecin, c'est de prendre des décisions : leur frilosité n'est pas acceptable. Peut-être faudra-t-il mieux les préparer au cours de leur formation.
Enfin, au titre de la contraception, il faudrait envoyer à toutes les jeunes femmes un bon pour une visite médicale.
La situation des personnes âgées mérite toute notre vigilance. Toutefois, la visite d'un médecin au domicile du patient n'est pas toujours nécessaire - je pense, notamment, à un certain nombre de pathologies chroniques. À ce titre, les infirmiers en pratique avancée de grade master pourront assurer un suivi régulier : pour cette formation, la première rentrée a eu lieu en 2018, et les premiers professionnels prendront leurs fonctions d'ici à un an. Les CPTS garantiront un médecin traitant pour toutes les personnes suivies dans leur ressort. Certains départements déploient également des équipes mobiles, qui vont de village en village. De plus, la télémédecine sera bénéfique pour le suivi des personnes âgées. Bref, les pratiques sont en train de se transformer.
La mixité sociale a, effectivement, évolué de manière négative. Les catégories socioprofessionnelles favorisées, dites CSP+, sont surreprésentées chez les médecins, et pour cause, le prix des études fait peur à bien des familles. Mais plusieurs milliers de contrats d'engagement de service public ont été signés au cours des dernières années : grâce à ce dispositif, qui progresse de manière exponentielle, les étudiants sont rétribués au SMIC ; et ils s'engagent à pratiquer la médecine dans un territoire sous-doté pour un laps de temps équivalent à celui de leur rémunération. En outre, grâce aux passerelles, que nous créerons avec Frédérique Vidal et qui ouvriront d'autres filières d'entrée, grâce à la réforme du numerus clausus, les phénomènes d'autocensure devraient reculer. Ainsi, la mixité sociale sera améliorée.
Jean-Michel Blanquer et moi-même travaillons pour multiplier les passerelles entre la médecine de ville et la médecine scolaire, qui peine à recruter. À cette fin, nous proposons aux jeunes médecins des stages de découverte de la médecine scolaire.
Vous me demandez, en somme, si les jeunes médecins ne doivent pas assumer plus tôt des responsabilités. Prenons garde à ne pas créer une médecine à deux vitesses. À ce sujet, je suis très prudente, car il faut avant tout garantir une médecine de même qualité partout sur le territoire. La médecine devient de plus en plus technique : il faut donc exiger la meilleure formation.
Enfin, la consultation de contraception gratuite a été votée dans le PLFSS pour 2018. Remboursée à 100 % par la sécurité sociale, cette visite est proposée de quinze à dix-huit ans, non seulement aux jeunes filles, mais aussi aux jeunes garçons, au titre de la santé sexuelle. Les sages-femmes peuvent prescrire la consultation et assurer un suivi non pathologique. Nous devons faire en sorte que ces services soient mieux connus.
À propos de l'espace numérique en santé, quelles dispositions prévoyez-vous en faveur des personnes âgées et, plus largement, de celles et ceux qui n'ont pas facilement accès au numérique ? Je pense notamment aux habitants des zones blanches.
Pour ce qui concerne la formation des médecins, vous insistez sur les enjeux du handicap, mais votre projet de loi n'apporte pas de précisions s'agissant des violences faites aux femmes. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
L'espace numérique en santé va se déployer progressivement, et nous veillerons à ce qu'il soit inclusif. En priorité, nous devons nous assurer que toutes les maisons de santé, les centres de santé et les hôpitaux de proximité ont une couverture internet correcte. Plus largement, Mme la ministre de la cohésion des territoires s'efforce d'assurer une meilleure couverture numérique : c'est de ce vaste chantier que dépend notre travail.
Des médiateurs accompagneront les personnes éloignées du numérique, notamment les personnes âgées. Ils travailleront en particulier dans les maisons France services, annoncées par le Président de la République. Cela étant, avec l'espace numérique en santé, nous travaillons pour l'avenir. Aujourd'hui, tous les trentenaires ont un téléphone portable : demain, ils n'auront aucune difficulté à utiliser l'outil que nous créons. Ils vieilliront avec lui.
Enfin, les violences faites aux femmes ont donné lieu à un long débat à l'Assemblée nationale. Il est essentiel d'aborder ce problème lors des études de médecine. Mais nombre d'autres thématiques exigent une formation ad hoc : le handicap, la maladie de Lyme, les maladies rares et orphelines, etc. Le danger était d'inscrire dans la loi un inventaire à la Prévert. Avec Frédérique Vidal, nous proposons d'écrire à l'ensemble des doyens afin que ces thématiques fassent l'objet d'une attention particulière au cours des deuxième et troisième cycles de médecine. Le thème du handicap est désormais le seul que mentionne le projet de loi.
Pour lutter contre la désertification médicale, certains départements ont entrepris de salarier les médecins au sein de centres de santé. Or les praticiens ne connaissent que rarement cette possibilité, qui est pourtant susceptible de les intéresser, notamment en début ou en fin de carrière, car elle les libère de lourdes charges administratives. Sur ce sujet, les élus doivent aller à l'offensive plutôt que de subir les transformations : que prévoyez-vous pour accompagner et encourager les collectivités territoriales dans de telles expériences ?
J'ai compris que vous souhaitiez maintenir les hôpitaux de proximité faisant des actes ambulatoires. Qu'en est-il des maternités ? Les familles rechignent à s'installer dans des territoires où ces services ne sont pas proposés. Il est temps de mettre un terme aux fermetures de maternité : elles nourrissent le sentiment d'abandon qui s'exprime aujourd'hui.
Je me suis rendu récemment dans le Doubs, à l'invitation de Jean-François Longeot ; avec les élus locaux et les représentants de l'ARS, nous avons examiné le cas d'une maison de santé où il faudrait assurer l'installation de médecins. Le maire de la commune a déclaré à la fin de la réunion : « On ne sait plus quoi faire. » Ce cri du coeur fait écho à la question de notre collègue.
Beaucoup de jeunes médecins souhaitent opter pour l'exercice salarié, et j'y suis moi-même extrêmement favorable : nous avons déjà créé 400 postes de médecins salariés, financés sur le budget du ministère de la santé, et ce n'est un début. De leur côté, les ARS agissent, de concert avec les doyens, pour que les médecins connaissent mieux toutes les aides existantes. Diverses brochures sont ainsi proposées dans les facultés de médecine : à l'intention de la commission, j'en ai apporté plusieurs exemplaires.
Entre 2017 et 2019, le nombre de centres de santé a augmenté de 49 %. Au total, 40 millions de crédits de l'assurance maladie servent aujourd'hui à financer leur création. Je suis également très favorable à ces actions : je ne fais aucune différence entre les maisons de santé pluriprofessionnelles, à exercice libéral, et les centres de santé, à exercice salarié. Pour nos concitoyens, le service est le même - dans 99 % des cas, il relève du secteur 1 -, et tout exercice est bon à prendre.
Les hôpitaux de proximité pourront effectivement garder une petite activité de chirurgie, mais, contrairement à ce que l'on pourrait croire, la chirurgie ambulatoire n'est pas forcément de la petite chirurgie. Les actes susceptibles d'être maintenus sont ceux qui sont effectués sous anesthésie locale. Ils seront détaillés par la HAS.
Je n'ai aucune envie de fermer des maternités. Mais ces structures exigent beaucoup de personnels - pour maintenir une liste de garde, il faut huit professionnels à temps plein pour chaque fonction - et nous faisons face à de grandes difficultés en matière de recrutement. Beaucoup de maternités fonctionnent aujourd'hui avec des intérimaires, ce qui pose problème pour la qualité et la sécurité des soins.
La Norvège, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont confrontées à la même situation. Mais le maillage de maternités dont dispose la France est parmi les meilleurs au monde. Seuls 20 % des femmes accouchent dans des maternités totalisant plus de 3 000 accouchements par an, contre 80 % dans bien des pays. Avec mes homologues du G7, j'examine aujourd'hui les moyens de garantir le meilleur suivi. Ainsi, nous allons proposer aux femmes un « pack maternité », avec un accompagnement par des sages-femmes et des hôtels réservés près des maternités pour les accouchements programmés.
La suppression de la spécialité de gynécologie médicale, décidée il y a une vingtaine d'années, explique en partie la situation que nous vivons aujourd'hui. Nous venons de recréer cette spécialité, mais les effets de cette décision ne seront pas immédiatement perceptibles.
Dans mon département, la Mayenne, la dépense moyenne de santé est parmi les plus faibles de France : 944 euros par habitant et par an. Cette situation résulte notamment de la faible densité de médecins. Or les élus du territoire se mobilisent pour recruter et accueillir des praticiens. Vous avez pu visiter plusieurs pôles de santé créés grâce à eux. Comment les associer réellement à la politique de santé ? Les parlementaires siègent déjà dans des commissions réunies au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), mais ils n'y ont qu'une voix consultative. Les élus locaux doivent, eux aussi, avoir une véritable place dans ces structures.
Avec ce projet de loi, vous vous apprêtez également à réviser la carte hospitalière, mais selon quels critères ? Comment les élus seront-ils associés à ce travail ? La notion d'« hôpital de proximité » mérite d'être précisée. Il ne faudrait pas que les centres hospitaliers existants perdent telle ou telle activité. L'inquiétude est d'autant plus grande que cette décision sera prise par voie d'ordonnance.
Le recrutement des médecins dans les hôpitaux suit, désormais, une procédure complexe. L'intérim est sollicité à outrance. Quelle réponse apportez-vous à cette situation ?
Le Président de la République s'y est engagé : il n'y aura plus de fermeture d'hôpitaux sans accord du maire. De plus, les élus locaux doivent être plus nombreux au sein des conseils de surveillance des ARS, à l'instar des députés et - j'ai insisté en ce sens - des sénateurs.
C'est un gage de dialogue, d'information et de compréhension mutuelle.
Les missions des hôpitaux de proximité ne relèveront pas de l'ordonnance : elles sont précisées dans le projet de loi. Le territoire français compte environ 250 établissements de cette nature, et ils donnent tout à fait satisfaction. Je pense notamment à l'hôpital de Pont-Audemer, où exercent plusieurs médecins spécialisés du Havre. Nous n'avons pas une liste cachée des hôpitaux de proximité prévus pour l'avenir. Le seul point qui ne figure pas encore dans le texte, c'est la gouvernance, sujet sur lequel nous continuons à travailler.
La démographie médicale est cruellement insuffisante : les régions et même les pays se livrent, de ce fait, une compétition féroce. Or le secteur privé est plus attractif que le secteur public, surtout dans certaines spécialités très bien payées, dont les anesthésistes. Voilà pourquoi nous souhaitons favoriser les statuts mixtes, mêlant activité libérale en dehors de l'hôpital et service hospitalier.
Vous avez pu constater le volontarisme des élus lors de votre déplacement dans la Manche. Pour faire découvrir les territoires, il est impératif d'adapter la formation des médecins. À ce titre, les projets territoriaux de santé ne pourraient-ils pas consacrer un volet à la contribution des collectivités territoriales ?
La Basse-Normandie a la chance de disposer d'assistants spécialistes régionaux, qui doivent pouvoir être accueillis au sein des hôpitaux. À cet égard, les groupements hospitaliers de territoires ne pourraient-ils pas jouer un plus grand rôle ? Certains présidents d'université demandent en outre la création de nouveaux statuts, comme celui de professeur associé en service temporaire ou celui d'assistant territorial universitaire.
Enfin, le numerus clausus est fixé à 9 314 pour la prochaine rentrée ; pour mémoire, il était de 8 205 cette année, après être tombé à 3 500 dans les années 1990. Toutefois, certaines universités vont conserver les mêmes quotas : l'augmentation sera concentrée sur Paris, Aix, Marseille, Lyon, Toulouse et Rennes.
Les écarts observés résultent de mesures techniques. L'augmentation du numerus clausus a été discutée avec les ARS et les doyens. Or, au cours des dernières années, certaines universités ont fait des efforts considérables pour augmenter leurs capacités de formation. Il faut donc examiner la situation sur des périodes de plusieurs années.
La loi Fioraso de 2013 avait proposé des expérimentations pour supprimer la Paces. Les facultés parisiennes notamment ont interdit cette année le redoublement. Pour éviter que les étudiants ne soient pénalisés, le numerus clausus a été considérablement augmenté.
En réalité, les explications sont extrêmement techniques et n'ont rien à voir avec les besoins des territoires. La situation peut être choquante, mais elle s'explique par les dispositions prises pour compenser la Paces en un an.
Les projets territoriaux de santé peuvent inclure un volet relatif à la formation. Nous ne voulons pas alourdir la loi : les professionnels de santé peuvent y inscrire ce qu'ils veulent. Toutefois, le volet de la formation doit être négocié avec les doyens, car les maîtres de stage universitaires doivent être eux-mêmes formés à l'enseignement. Il faut s'assurer qu'ils aient les compétences requises pour former les jeunes médecins en stage.
Pour suivre de très près les réseaux sociaux des internes et des externes en médecine, je suis assez inquiète à la lecture des commentaires très négatifs sur les maîtres de stage et les lieux de stage. Veillons à ne pas dégrader la qualité de la formation par volonté de créer de nombreux lieux de stage. Ma réponse est prudente en la matière.
Je reviendrai sur la question de l'attractivité des territoires. Les étudiants en médecine que nous avons entendus nous ont confié qu'il leur était difficile de s'installer dans un territoire où l'hôpital de proximité n'a que des missions limitées.
Je peine à comprendre la notion de saturation de la formation. À l'ère du numérique, on pourrait imaginer que les cours théoriques soient diffusés à distance. Concernant les lieux de stage, le secteur privé propose de plus en plus d'accueillir des stagiaires. A contrario, dans la Nièvre, le fait d'envoyer des stagiaires aux médecins généralistes est de nature à désorganiser le CHU de Dijon. Pourquoi ne forme-t-on pas plus de stagiaires ? J'ai du mal à comprendre cette situation de pénurie chronique et définitive.
Je déplore l'absence de Frédérique Vidal, puisque c'est elle qui a essentiellement négocié le volet formation avec les doyens. La formation prend un temps considérable. Le temps de formation notamment dans le deuxième cycle est extrêmement chronophage. C'est un peu le serpent qui se mord la queue, avec une incapacité à former, faute de formateurs.
Non, car le nombre de médecins formés a considérablement augmenté depuis 2005. Ces médecins commencent à exercer dans les CHU ; les chefs de clinique sont plus nombreux. En pédopsychiatrie, par exemple, il n'y a plus de formateurs dans des régions entières. Il faut donc recréer des postes des chefs de clinique pour qu'ils se forment eux-mêmes, deviennent maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH), puis professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PUPH) et puissent former des internes. Cela prend entre cinq et dix ans. Il ne s'agit pas uniquement de décider de créer des lieux de stage, encore faut-il avoir des formateurs.
Je ne comprends pas bien. Aujourd'hui, les CHU ont trop d'externes et d'internes, mais cela dépend en réalité des spécialités. Dans certaines spécialités, la pénurie est telle que les CHU souhaitent garder les internes ; je pense notamment à l'anesthésie ou aux urgences.
Pour avoir été responsable d'une unité importante, alors que j'avais quatre internes dans les années 1990, je ne savais pas quoi faire des treize internes que j'avais dans les années 2000. C'était un gâchis avec un malade chacun à prendre en charge. La situation commence à s'améliorer et nous entrons dans un cercle plus vertueux, avec l'augmentation du numerus clausus. Mais cela ne se fait pas en un jour.
Nous souhaitons, par ailleurs, diversifier les origines des étudiants en ne concentrant pas la première année dans les villes universitaires où est implantée une faculté de médecine.
Je reviendrai sur la nécessaire mise en lien des ARS avec les élus locaux. Je prendrai un exemple un peu singulier.
Dans mon territoire, la Haute-Savoie, dans une commune-centre comptant 7 000 habitants, pour diverses raisons tenant à l'aménagement du territoire, l'obtention du label maison de santé pluridisciplinaire demandé par les professionnels de santé a pris quatre ans ; et les financements étaient prévus. Or la commune rurale voisine, avec 1 500 habitants, a obtenu ce label, sans aucune concertation avec l'ARS, alors que le projet a été élaboré à des fins électoralistes. C'est un véritable gâchis financier, avec des conséquences pour l'aménagement du territoire.
Aux termes de l'article 4 du projet de loi, en quoi consiste le parcours de consolidation des compétences autorisées aux praticiens possédant un diplôme étranger hors Union européenne ? Pourquoi ce parcours est-il autorisé et non obligatoire ?
Je ne peux pas vous répondre sur ce cas particulier dont je n'ai pas connaissance.
Les praticiens diplômés hors de l'Union européenne (Padhues) exercent en réalité souvent illégalement dans nos hôpitaux. Par ce projet de loi, on essaie de les intégrer. Celui-ci prévoit une vérification des connaissances par les spécialistes qui exercent dans la même spécialité et, en cas de niveau insuffisant, un accompagnement, un compagnonnage pouvant aller jusqu'à trois ans, permet une remise à niveau. Il convient de tenir compte de leur niveau de compétences d'autant qu'un certain nombre d'entre eux ont préféré respecter la loi et exercer en tant qu'infirmier, par exemple, et non médecins. Le texte prévoit une intégration contrôlée, mais la plus large possible, de ces médecins.
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir rappelé aux députés que les sénateurs existent.
Dans le prolongement des propos de Guillaume Chevrollier, je prendrai l'exemple de la Sarthe, doté d'un centre hospitalier au Mans, d'hôpitaux de proximité, d'hôpitaux locaux et d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ces derniers dépendant des départements. Certains hôpitaux ont une direction commune avec le centre hospitalier, d'autres des directions partagées et d'autres sont indépendants. Quel est, selon vous, l'avenir des hôpitaux locaux, qui jouent un rôle important dans les territoires, notamment avec les soins de suite, les soins de longue durée, des médecins qui sont à la fois médecins hospitaliers et médecins libéraux ? Les hôpitaux de proximité ne pouvant pas faire de chirurgie sont-ils condamnés à devenir des Ehpad ? Êtes-vous favorable à des directions communes ?
Par ailleurs, j'ai rencontré le même problème que Cyril Pellevat. La maison de santé que nous avons essayé de mettre en place à l'hôpital local a été refusée par l'ARS au motif que le projet n'était pas porté par les collectivités territoriales. C'est à n'y rien comprendre...
Aujourd'hui, les hôpitaux locaux sont soit des établissements de soins de suite soit des Ephad. Rien ne les empêche de devenir des hôpitaux de proximité s'ils souhaitent proposer de nouveau de la médecine polyvalente et remettre un plateau technique. Quel est le cahier des charges des hôpitaux de proximité ? De la médecine, de la biologie et de la radiologie.
Les médecins libéraux pourront intervenir. Dans la Mayenne, la maison de santé pluriprofessionnelle de M. Gendry, le président de la Fédération française des maisons et pôles de santé, est adossée à un hôpital de proximité : ce dernier suit ses malades lorsqu'ils sont hospitalisés dans le service qui se situe à côté. En réalité, ces établissements constituent une meilleure articulation entre la médecine de ville et la médecine hospitalière.
Tout hôpital en capacité de fournir une activité de médecine polyvalente avec un plateau technique minimal, qui s'articule bien dans le tissu territorial avec la médecine libérale, trouvera sa place. Ce mode d'organisation, qui existe dans les autres pays, est même très attractif pour la médecine libérale. La France est l'un des rares pays à connaître une telle dichotomie entre la médecine hospitalière, avec des statuts très particuliers, et la médecine libérale. Dans les autres pays, la médecine générale peut se faire à l'hôpital ou en ville. Dans notre pays, les médecins généralistes considèrent que les médecins qui font de la médecine générale à l'hôpital ne sont pas des généralistes. Il faut faire évoluer les mentalités.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a publié une carte concernant la répartition des médecins généralistes sur l'ensemble du territoire. On le voit bien, la situation est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît avec des territoires sur-dotés dans certains secteurs et d'autres sous-dotés. La Vendée, en dépit de son attractivité et de son dynamisme, avec 7 500 habitants supplémentaires par an, est aussi sous-dotée dans certaines spécialités.
On pourrait dresser un parallèle avec les résultats des dernières élections, la mobilisation de nos concitoyens, le numérique, les mobilités. Pour la téléphonie mobile, des moyens considérables ont été prévus pour éradiquer les zones blanches, notamment en instaurant des obligations aux acteurs et aux opérateurs. Le projet de loi d'orientation des mobilités adopté par le Sénat, soumis à l'examen de l'Assemblée nationale, impose aux intercommunalités et aux régions de se saisir de cette compétence afin qu'il n'y ait plus de zones blanches pour ce qui concerne la mobilité. Quid des déserts médicaux ? Certes, c'est une question de sémantique, mais je serais partisan de parler de « zones blanches de la santé » : plus de 6 millions de nos concitoyens n'ont pas accès aux soins ou y ont accès dans des conditions difficiles. Pourquoi ne pas en faire une cause nationale ? Pour finir par un trait d'humour, on pourrait parler « des zones sans blouses blanches ».
Vous l'avez dit en préambule, la situation est complexe. L'accès aux soins n'est pas uniquement déterminé par le nombre de professionnels dans un territoire, il est aussi lié au temps médical que ces professionnels dédient à leur exercice professionnel. Nombre de médecins s'installent dans certains territoires, mais y travaillent à mi-temps. Ce ne sont certes pas des zones blanches, mais le temps médical est réduit. La réalité ne peut pas être identifiée au travers d'une carte, d'autant que la santé recouvre aussi les pharmaciens, les sages-femmes, les infirmiers, etc. D'autres professionnels peuvent aujourd'hui intervenir dans le suivi des maladies chroniques. On ne peut donc pas réduire le maillage territorial à une carte, qui ne traduit pas le besoin médical de ce territoire, en termes de démographie, d'inégalités de santé, d'âge, ni les difficultés d'accès aux soins. Les besoins territoriaux sont éminemment variables, même d'une commune à l'autre. Et je ne parle pas des spécialistes. C'est beaucoup plus compliqué que de mailler le territoire avec des pylônes électriques !
Le plan « Ma santé 2022 » vise à lutter contre ce que vous appelez « les zones blanches » au travers d'un décloisonnement entre professionnels, d'un meilleur partage des tâches, en vue de favoriser l'attractivité des territoires. La carte donne une vision macroéconomique assez grossière de la répartition des médecins : elle ne donne pas le temps médical accessible.
En procédant par ordonnances, vous sortez du débat parlementaire une bonne partie, voire l'essentiel, de la réforme ; je pense notamment à la refonte de la carte hospitalière.
Vous proposez une gradation des soins à trois niveaux, les soins de proximité, les soins spécialisés et les soins ultraspécialisés, ce qui va entraîner une transformation profonde des établissements et la fermeture de certaines maternités et de certains services spécialisés. Je sais de quoi il s'agit avec la fermeture de la maternité de Die. Dans ces conditions, ne craignez-vous pas une métropolisation de la santé, avec des centres très performants et des zones blanches ? Certes, le Président de la République l'a annoncé, il n'y aura pas de fermetures d'hôpitaux, mais, en vidant les hôpitaux de leurs spécialités, n'allez-vous pas créer une santé à deux vitesses ? D'ailleurs, les territoires subiront une double peine, cette décision ayant des conséquences sur la dynamique autour des établissements et l'éventuelle installation des médecins.
Tous les pays ont organisé l'offre de soins selon la gradation des soins. D'ailleurs, lorsque j'ai rédigé le plan Cancer 2014-2019 et que j'ai voulu acter la gradation des soins en cancérologie pour améliorer la qualité des soins pour les cancers les plus complexes, c'était un gros mot que l'on ne pouvait pas prononcer.
La médecine est devenue de plus en plus complexe. Les plateaux techniques nécessitent énormément de compétences qu'il faut renouveler en permanence. Aujourd'hui, les 3 800 établissements de santé ne sont plus en capacité d'assurer la totalité des actes médicaux disponibles, et la situation va s'aggraver. On a donc intérêt à concentrer les ressources humaines et les compétences sur des plateaux techniques très qualifiés et de très grande qualité pour améliorer la qualité des soins.
Soyons clairs, nous vivons actuellement une médecine à deux vitesses ! N'importe quel professionnel de santé sait qu'il ne faut pas aller se faire soigner dans certains établissements. Je ne supporte plus en tant que ministre et professionnelle soignante cette médecine à deux vitesses : j'ai passé ma vie de soignante à orienter les patients vers les établissements. Je veux que tous les citoyens français soient soignés comme je voudrais que l'on soigne mon père ou ma mère.
Dans le cadre du maillage territorial des compétences, avec les consultations avancées dans les hôpitaux de proximité, qui constituent le lien avec les médecines spécialisées, nous assurons à tous nos concitoyens l'accès à des spécialistes qualifiés, compétents de différents niveaux en fonction des besoins et offrons à tous des soins de qualité.
Je vous remercie de porter ce texte sur la santé, pour lequel vous avez engagé de nombreuses concertations. Vous avez conduit ce travail avec beaucoup d'honnêteté intellectuelle. Vous venez de le dire, la situation est très différente selon que vous êtes élu ou patient concerné par la maladie. Quand il s'est agi de fermer des maternités de proximité, les grands-mères et les mères sont allées manifester, tandis que leur petite-fille ou leur fille se rendait dans une maternité plus éloignée qui offrait plus de sécurité pour y accoucher.
On peut contester le fait que vous vouliez procéder par ordonnances, mais il faut aller vite. Vous l'avez dit, la médecine à deux vitesses, nous la vivons aujourd'hui. Je fais partie de ceux qui vous aideront à réparer les erreurs du passé, car il faut préparer l'avenir. Oui, la santé numérique aura toute son importance, mais sans doute pour la génération après la mienne. En attendant, comment former les futurs praticiens et développer de nouvelles approches ?
Je vous félicite d'avoir engagé une réforme sur les études de médecine. L'une des raisons pour lesquelles il y avait moins de candidats tenait à l'impasse dans laquelle ils se retrouvaient au bout de deux années en cas d'échec.
La pratique avancée dégagera plus de 20 % de temps pour le praticien. Élu d'un territoire rural, les personnes âgées ont besoin de visites médicales régulières à domicile, mais deux visites sur trois peuvent être assurées par une infirmière de pratique avancée, en lien avec le médecin praticien.
Fixer à trois ans le statut de remplaçant est aussi une bonne mesure. De même, il est positif que la dernière année de stage soit faite sur le terrain. Certes, il faut des maîtres de stage qualifiés, mais, avec cette mesure, vous donnez à de jeunes étudiants l'occasion de connaître un territoire, une pratique. Cela donnera des résultats intéressants.
Mettre en place un projet de créer une maison de santé ne signifie pas seulement qu'il faut construire des murs, il faut que ce soit un projet commun partagé. Il faut que les élus des territoires puissent accéder à l'université pour présenter le territoire et le projet.
Ce texte va dans le bon sens, madame la ministre.
Je retiens la proposition de permettre aux élus d'aller faire de la publicité pour leurs territoires dans les facultés. D'ailleurs, certains élus le font déjà, dans les Hauts-de-France, par exemple.
Dans les Ardennes, dans le territoire le plus retiré du département, une maison de santé a été créée parce que des élus sont allés présenter le projet devant les étudiants. C'est la première maison de santé universitaire du Grand Est. Le contact avec les élus est donc important.
Pouvez-vous nous garantir, comme le Président de la République l'a annoncé, qu'il n'y aura pas de fermeture d'hôpitaux et que des CHU ne seront pas transformés en hôpital de proximité ? Pouvez-vous nous assurer que le CHU d'Arles ne deviendra pas à terme un hôpital de proximité ?
Par ailleurs, comment comptez-vous inciter les étudiants à se diriger vers les spécialités en pénurie ?
Il n'y a pas de carte hospitalière cachée. Chaque territoire décidera s'il souhaite s'inscrire dans la dynamique des hôpitaux de proximité ou pas. Il est hors de question de transformer un CHU en hôpital de proximité. Des hôpitaux locaux ou des hôpitaux généraux rencontrant des difficultés pour faire fonctionner une activité de chirurgie pérenne, par exemple, pourraient devenir des hôpitaux de proximité. Un travail de concertation sera engagé avec les élus. Le Président de la République a promis qu'il n'y aurait pas de fermeture contre l'avis des élus et des maires.
Le problème que je rencontre concerne la reconstruction d'établissements dans une autre commune. Le maire va-t-il accepter la reconstruction d'un hôpital vétuste qui se trouvait dans une zone inondable dans une zone non inondable ? Réhabilite-t-on un hôpital vétuste dans une zone dangereuse ? Dans ces cas à la marge, pour des raisons de sécurité, on va être conduit à modifier des sites. Tous les hôpitaux ont vocation à rester des hôpitaux dans les territoires. Certains seront parfois transformés en hôpital de proximité s'ils ne peuvent pas maintenir un certain nombre de pratiques. Mais je veux au contraire redynamiser les hôpitaux de proximité.
Madame la ministre, vos réponses sur le numerus clausus ne me satisfont pas. Dans le cadre des questions d'actualité au Gouvernement, notre collègue Hugues Saury a posé jeudi dernier une question concernant la région Centre-Val de Loire. Le numerus clausus augmente de 13,5 % au niveau national, mais aucune augmentation n'est prévue dans cette région. Alors qu'elle représente environ 4 % de la population, celle-ci a le plus faible taux de places dans les études de médecine, avec 2,74 % du numerus clausus, et nous avons 124 médecins pour 100 000 habitants, contre 153 au niveau national. Certes, certains de mes collègues m'objecteront les zones blanches dans certains territoires.
Qui va être concerné par l'augmentation du numerus clausus ? Paris, Marseille, Lyon, les grandes métropoles ? Quid de l'attractivité de nos zones rurales ? Comment faire pour former des formateurs ? J'aurais aimé que vous nous disiez que vous vous engagiez à recruter dans les régions qui ne sont pas concernées par l'augmentation du numerus clausus des formateurs dans les trois ou quatre ans à venir pour pallier ce déficit en médecins. Où seront les 1 400 médecins ? Tous mes collègues se plaignent. Des médecins sont prêts à prendre des stagiaires pour les former dans les zones rurales.
Une négociation a eu lieu à Paris à cause de l'expérimentation de la Paces en un an. Pour que ces étudiants aient les mêmes chances que les autres étudiants qui ont le droit de la faire en deux ans, on a augmenté le numerus clausus. Cela ne change rien au nombre d'étudiants formés in fine.
Concernant les autres régions, il faut travailler sur deux niveaux d'attractivité. La formation des externes est essentiellement hospitalière parce qu'il faut beaucoup de temps pour apprendre à un jeune à faire un examen médical, à comprendre, à faire un geste. Nous essayons de mieux répartir les étudiants. Dans le cadre du troisième cycle, après les épreuves classantes nationales, les ARS veillent à ce qu'il y ait plus de postes d'internes dans les zones sous-dotées.
En réalité, le numerus clausus contribue peu à l'installation des médecins : ceux-ci s'installent là où ils ont fait leur internat, et non pas là où ils ont suivi leurs études. Il n'est donc pas tellement important de savoir si on a formé plus de médecins à Dijon qu'à Angers, ce qui compte, c'est qu'il y ait plus d'internes.
Par ailleurs, en 2018, le nombre de maîtres de stage universitaires a augmenté de près de 14 % en un an, avec l'idée d'avoir plus de maîtres de stage dans les zones rurales, notamment dans les régions sous-dotées pour que les internes aillent se former.
Je partage l'avis de bon nombre de collègues, je salue l'intention qui sous-tend ce projet de loi.
Grâce aux initiatives menées en 2009-2010, le département de l'Aveyron compte plus d'installations que de départs à la retraite ; et je me réjouis d'un travail réalisé entre les médecins locaux et les acteurs locaux.
Ma question concerne les spécialistes. Mon ophtalmologue, âgé de soixante-deux ans, était prêt à céder son cabinet à son fils. Mais, compte tenu de son classement, il a été obligé de choisir une autre spécialité. Je prends cet exemple, mais je pourrais en prendre bien d'autres : le classement constitue un lourd handicap.
Concernant les Ehpad, dans la région Occitanie, l'ARS prélève ici ou là un certain nombre de lits pour les recentrer sur les grandes métropoles, comme Montpellier ou Toulouse. Je comprends les besoins, mais, dans quinze ans, avec le papy-boom, j'attire votre attention sur le fait que nous manquerons de lits dans ces territoires.
Pour répondre à votre préoccupation concernant les ophtalmologues, c'est exactement la raison pour laquelle nous supprimons les épreuves classantes nationales. Nous ne voulons plus de classement arbitraire, qui bloque des étudiants dans leur projet professionnel. Avec Frédérique Vidal, nous proposons une adéquation entre les demandes de spécialité des jeunes en fonction de trois critères : les connaissances, avec une note minimale à l'examen - aujourd'hui, avec l'examen classant, même quand vous avez zéro, vous êtes interne, ce qui est un peu choquant - ; une évaluation des compétences cliniques, qui sont liées au stage ; et le parcours professionnel de l'étudiant. La fin des ECN est inscrite dans le projet de loi. Nous avions prévu que la fin de la Paces et la fin des ECN soient concomitantes en 2020, mais, à la demande des doyens, nous avons décalé d'un an la fin des ECN.
Concernant les Ehpad, je suis bien consciente du vieillissement de la population. Un projet de loi sur le grand âge et la dépendance vous sera présenté à la fin de l'année, je l'espère. Nous travaillons sur toutes les modalités d'hébergement, de suivi et de prise en charge des personnes âgées, avec l'objectif que les personnes puissent rester chez elles un maximum de temps. Nous pouvons faire beaucoup mieux sur la question de la perte d'autonomie des personnes âgées, avec un système curatif et peu préventif. À l'issue des concertations qui ont été conduites, M. Dominique Libault m'a remis un rapport sur ce sujet il y a un mois.
Merci beaucoup, madame la ministre, de nous avoir consacré tout ce temps. Vous le voyez, nous n'avons pas un a priori négatif sur ce texte ; nous avons, les uns et les autres, souligné les apports de votre projet de loi, mais nous avons le sentiment que nous pouvons aller un peu plus loin concernant le volet territorial. Depuis un certain nombre de décennies, nous constatons tous que les choses s'aggravent. Tentons donc d'enrayer cette spirale infernale !
La réunion est close à 20 h 5.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.