Je suis heureux d'accueillir Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pour la présentation devant notre commission du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, présenté la semaine dernière en conseil des ministres. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct et en différé sur le site du Sénat. Nous examinerons le PLFSS en commission le 6 novembre prochain et en séance publique à partir du mardi 12 novembre.
Ce troisième PLFSS de la législature entend résoudre une équation impossible : donner plus de pouvoir d'achat aux Français, en baissant les recettes de la sécurité sociale, sans réduire le niveau des dépenses, tout recherchant l'équilibre des comptes publics. Le résultat de cette équation est connu : plus de 5 milliards d'euros de déficit, pour une part imputable à l'absence de compensation à la sécurité sociale des mesures de pouvoir d'achat. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce vice de construction, qui, à mes yeux, présente trois défauts majeurs : il masque l'existence d'un autre déficit, bien réel celui-là, qui pourrait s'aggraver compte tenu de la fragilité des hypothèses de recettes ; il n'est pas transparent, les déficits étant logés dans telle ou telle sphère des finances publiques, au gré des convenances ; enfin, il affecte la confiance dans la pérennité du système, qui sera pourtant décisive en particulier pour la réforme des retraites à venir. Lorsque la confiance n'est plus là, c'est le repli qui menace, la défense des particularismes et des intérêts catégoriels.
Je suis très heureuse de vous présenter, aux côtés d'Olivier Dussopt, les grands axes et l'esprit général de ce PLFSS pour 2020.
La hausse du déficit de la sécurité sociale a déjà fait couler beaucoup d'encre. Elle est, au premier chef, imputable à la baisse des recettes, en raison d'hypothèses macro-économiques moins favorables que prévu. Elle est également le fruit des baisses de prélèvements obligatoires voulues par le Président de la République et qui répondent à une attente forte et légitime des Français.
Nous vous présentons aujourd'hui un PLFSS de responsabilité.
Il répond tout d'abord à l'ambition du Gouvernement de mieux couvrir les risques d'aujourd'hui. Ces nouveaux risques, technologiques, industriels ou phytosanitaires exigent de nouvelles protections : la sécurité sociale doit continuer à protéger les Français de la peur du lendemain. À ce titre, nous créons un fonds d'indemnisation pour les victimes de produits phytosanitaires, une mesure dont le groupe socialiste et républicain du Sénat est à l'origine. Au titre des risques liés aux évolutions démographiques, ce PLFSS entame la réforme du grand âge et de la perte d'autonomie, avant une loi fondatrice. En 2050, près de cinq millions de Français auront plus de 85 ans et le nombre d'aînés en perte d'autonomie aura presque doublé. Ce PLFSS pose la première pierre de notre réforme : le congé de proche aidant permettra d'indemniser, pour une durée de trois mois, toutes celles et tous ceux qui doivent aider un proche malade ou en perte d'autonomie. Je sais le groupe Union centriste du Sénat particulièrement sensible à cette question et je tiens à saluer le travail conduit par votre commission sur ce sujet. Un État social moderne doit être capable d'intégrer des parcours de vie et des trajectoires individuelles moins linéaires que par le passé.
Une protection sociale du XXIe siècle, c'est aussi une approche préventive étendue à l'ensemble des risques, au-delà de la seule prévention en santé. Prévenir les risques sociaux, c'est agir en amont des difficultés. C'est pourquoi, avec Christelle Dubos, et conformément aux engagements pris lors du Grand débat par le Président de la République, une garantie de versement des pensions alimentaires sera mise en place pour en finir avec le scandale des pensions non versées. Car une pension non versée, c'est un caddie que l'on ne peut pas remplir, des loisirs auxquels on doit renoncer, un pas de plus vers la pauvreté. En liaison avec Adrien Taquet, le bilan de santé des enfants entrant à l'aide sociale à l'enfance sera systématisé pour pouvoir, le cas échéant, les orienter dans un parcours de soin.
Notre système doit aussi être modernisé et sa complexité ne plus être subie par nos concitoyens. Les ruptures de droits sont un véritable fléau. Dans le cadre de l'emploi à domicile, les crédits d'impôt et les aides sociales seront désormais versés en temps réel, afin que l'employeur ne fasse plus d'avance de trésorerie. L'obligation de produire un certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive deviendra moins contraignante pour les mineurs. L'articulation entre les aides sociales sera améliorée ainsi que le passage d'un aide à l'autre ; par exemple, la bascule du revenu de solidarité active (RSA) ou de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) vers les droits à la retraite sera automatisée. Les parcours de soins en sortie de cancers, adaptés à chacun, seront pris en charge par l'assurance maladie. Enfin, les femmes enceintes résidant loin d'une maternité bénéficieront de nouveaux droits en matière de transport et d'hébergement.
La question des inégalités territoriales, qui a très largement inspiré la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, est également traitée dans ce PLFSS. Notre ambition est d'aller vers les populations fragiles et de ne laisser personne de côté. La réforme du financement de la psychiatrie, qui permet de mieux répartir les ressources en fonction des besoins évalués au niveau du territoire, va dans ce sens. C'est aussi le cas de la poursuite des mesures visant à lutter contre les déserts médicaux, avec les contrats d'installation et les exonérations de cotisations ; je tiens ainsi l'engagement que j'avais pris devant vous lors des débats sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. C'est le cas enfin du financement et du déploiement des hôpitaux de proximité.
Le PLFSS n'est pas un simple acte de responsabilité budgétaire. En faire une lecture strictement comptable, c'est passer à côté de sa véritable nature : il est avant tout un instrument politique au service d'une protection sociale que nous sommes en train de repenser dans son ensemble, dans sa méthode comme dans ses finalités, pour la rendre plus universelle, plus juste, plus efficace.
Quelques mots à mon tour pour vous dire dans quel contexte budgétaire s'inscrit ce PLFSS, comment il s'articule avec la politique du Gouvernement en matière de soutien au pouvoir d'achat et enfin quelles réformes de simplification il prévoit tant au bénéfice des usagers que pour une meilleure efficacité de l'administration. Ce PLFSS poursuit la maîtrise des comptes sociaux, tout en apportant des réponses à l'urgence économique et sociale exprimée par nos concitoyens.
Quelques chiffres tout d'abord, qui sont la preuve que le Gouvernement a su prendre ses responsabilités et répondre à la colère et aux attentes fortes exprimées par les Français à la fin de l'année dernière et à l'occasion du Grand débat. Le solde de la sécurité sociale présenté dans ce PLFSS est négatif à hauteur de 5,1 milliards d'euros ; il s'agit d'un résultat plus dégradé que prévu, qui s'explique par des hypothèses macro-économiques moins favorables, mais aussi par les mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français décidées par le Gouvernement. La branche vieillesse redevient également déficitaire, en raison, d'une part, des mêmes hypothèses macro-économiques moins favorables et, d'autre part, de la hausse des dépenses - revalorisation différenciée des prestations en 2020 et nombre important de départs à la retraite. Nous poursuivons une politique budgétaire sérieuse et efficace depuis deux ans pour soutenir la croissance et l'emploi : des dépenses publiques à hauteur de 40 milliards d'euros ont été évitées depuis 2017 ; le déficit public baisse de 20 milliards d'euros entre 2019 et 2020 pour atteindre son niveau le plus bas depuis 2001 ; les prélèvements obligatoires ont diminué de 30 milliards sur l'ensemble du quinquennat, dont 27 milliards d'euros en faveur des ménages ; et nous avons stabilisé notre endettement, une première depuis dix ans. La sécurité sociale est aussi concernée par cette gestion budgétaire rigoureuse, et ce PLFSS en témoigne ; les dépenses de santé sont maîtrisées : l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), respecté en 2019 pour la dixième année consécutive, sera fixé à + 2,3 % en 2020, un taux légèrement inférieur à celui de l'an dernier, mais qui demeure nettement supérieur à la moyenne observée ces dix dernières années ; les efforts seront demandés à tous, notamment aux entreprises au travers d'un meilleur encadrement de la déduction forfaitaire spécifique qui permettra de financer des mesures nouvelles en faveur du pouvoir d'achat. Cette maîtrise de nos comptes sociaux nous permet de viser un retour à l'équilibre de la sécurité sociale d'ici à 2023. Par ailleurs, la dette sociale sera apurée comme prévu d'ici à 2024 ; en 2019, deux tiers de la dette sociale sont déjà apurés, soit 171 milliards d'euros sur un total de 260 milliards.
Le PLFSS met en oeuvre la politique du Gouvernement visant à redonner du pouvoir d'achat aux Français, tout en valorisant le travail et en encourageant les initiatives. Nous avons su entendre les attentes des Français en matière de justice sociale et de protection des plus fragiles : les pensions de retraite inférieures à 2 000 euros par mois seront ainsi ré-indexées sur l'inflation au profit de 12 millions de retraités, soit 77 % d'entre eux ; la prime exceptionnelle entièrement désocialisée et défiscalisée, qui a permis de distribuer 2,2 milliards d'euros de pouvoir d'achat à 5 millions de salariés en 2019 pour un gain moyen de 400 euros, sera reconduite en 2020, à la condition toutefois qu'un accord d'intéressement soit conclu dans l'entreprise ; ainsi que nous l'avions annoncé lors de l'examen de la loi de transformation de la fonction publique, la prime de départ des fonctionnaires sera également défiscalisée et désocialisée en cas de rupture conventionnelle, afin d'encourager la mobilité et les parcours professionnels.
Enfin, ce PLFSS nous permet de poursuivre le mouvement de simplification de la vie des Français et de modernisation de l'action publique : l'unification du recouvrement social par l'Urssaf sera menée à son terme, afin, notamment, que les entreprises n'aient plus qu'un seul interlocuteur ; d'ici à 2021, les déclarations fiscales et sociales des travailleurs indépendants seront fusionnées ; l'accès au droit et aux aides financières sera facilité grâce à l'expérimentation, dans les départements de Paris et du Nord avant une éventuelle généralisation, de la contemporanéisation du crédit d'impôt et des aides financières pour les personnes dépendantes ou en situation de handicap.
Nous vous présentons donc un PLFSS sincère, qui tient compte des engagements pris par le Président de la République en matière de pouvoir d'achat des Français et qui modernise l'action publique.
Vos propositions en matière de nouvelles protections rencontrent un large assentiment. Nous aurons néanmoins quelques demandes de précision. Notre collègue Jocelyne Guidez reviendra certainement sur le congé pour les aidants, dans le droit fil de la loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants récemment adoptée, dont elle est à l'origine et que vous avez soutenue. Je vous en remercie.
Ce PLFSS rompt délibérément, même si vous prétendez le contraire, avec l'objectif d'un retour à l'équilibre, puis à l'excédent, des comptes de la sécurité sociale. Les déficits de plus de cinq milliards d'euros affichés pour 2019 et 2020 posent crument la question de l'extinction de la dette sociale à l'échéance prévue de 2024. La dette qui sera apurée est celle de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), mais quid de la dette globale de la sécurité sociale ? Que restera-t-il à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ? Le président de la Cour des comptes évoque une dette de l'ordre de 47 milliards d'euros à un horizon très proche. Curieux paradoxe quand on se souvient que la sécurité sociale avait transféré 50 milliards d'euros à la Cades en 1996 ! En trente ans, nous voilà revenus au point de départ...
Ce déficit montre aussi les limites des nouvelles relations financières que le Gouvernement entend établir entre l'État et la sécurité sociale. La doctrine du « chacun chez soi », déjà contestable en période de vaches grasses, devient insupportable avec le retour des déficits. En effet, son application au travers de la non-compensation des mesures d'urgence économiques et sociales n'améliore en rien les comptes publics et plombe ceux de la sécurité sociale. Le Gouvernement persiste-t-il à vouloir faire financer par la sécurité sociale des mesures de pouvoir d'achat, que nous ne contestons pas, mais qui n'ont rien à voir avec son objet, rendant ainsi encore plus difficile le remboursement de sa dette ?
Le PLFSS propose par ailleurs de prolonger en 2020 la prime exceptionnelle instaurée par la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales (MUES) et exonérée de toute cotisation ou contribution sociale. Or, plus on prolonge ce type de dispositif, plus on en devient prisonnier. S'agit-il de sa dernière année d'application ou cette prime a-t-elle vocation à être pérennisée ? Il existe en effet un fort risque de substitution entre la prime et le salaire.
Le PLFSS propose également d'adapter le calcul des allégements généraux au futur bonus-malus de l'assurance chômage. Or l'assurance chômage n'est, jusqu'à présent, pas incluse dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale. De plus, le dispositif innove en créant, dans certaines circonstances, des contributions négatives pour les employeurs, reportables sur d'autres salariés, voire d'autres cotisations. Les employeurs seraient alors, en quelque sorte, payés pour assurer leurs employés. Pouvez-vous nous apporter des explications, car ce dispositif nous semble peu compatible avec le concept même de l'assurance sociale ?
Le retour à l'équilibre en 2023 est un objectif que nous voulons atteindre en tenant compte de la loi organique sur la Cades, du contexte macro-économique et des mesures de pouvoir d'achat que nous avons décidées. D'ici à 2023, nous construirons les prochains PLFSS pour revenir à cet équilibre.
Quand j'évoquais l'apurement de la dette, il s'agissait bien de celle de la Cades. La dette de la sécurité sociale gérée par l'Acoss s'établit aujourd'hui à environ 23 milliards d'euros et pourrait passer, selon nos estimations qui diffèrent des chiffres alarmistes que vous avez avancés, à 40 milliards d'euros en 2022. Compte tenu des conditions de financement de l'Acoss et de la faiblesse actuelle des taux d'intérêt, il n'y a pas de problème d'apurement de cette dette à court terme, et nous n'anticipons pas de remontée des taux, même à moyen terme.
Cela reste totalement gérable.
Le Sénat et le Gouvernement sont en désaccord sur le principe de la compensation des mesures de pouvoir d'achat. Le Gouvernement a choisi d'inscrire dans les PLFSS de 2019 et 2020 le coût de certaines mesures d'urgence économiques et sociales. Il s'agit d'un montant certes conséquent, mais sans commune mesure avec le coût pris en charge par l'État, qui assume 14 des 17 milliards d'euros concernés. Il nous a paru logique, eu égard à la nature des dépenses et à la situation comptable respective de l'État et de la sécurité sociale, de procéder à une telle répartition. S'agissant de l'atteinte de nos objectifs européens, la distinction entre État et sécurité sociale n'a pas lieu d'être.
Je ne suis pas en mesure de vous répondre sur une éventuelle pérennisation de la prime exceptionnelle. Celle-ci a rencontré un véritable succès en 2019 et il est souhaitable que les Français en bénéficient encore en 2020. Elle n'est pas préjudiciable à la sécurité sociale car nous n'avons constaté aucun transfert entre masse salariale et prime.
Le bonus-malus issu de la réforme de l'assurance chômage est un outil incitatif très fort contre le recours aux contrats courts qui permet une répartition du coût des allégements généraux.
Votre optimisme me laisse perplexe. Je me souviens de l'audition, en juillet dernier, du ministre Gérald Darmanin, qui nous affirmait que la compensation des 2,5 milliards d'euros de mesures accordées à la suite du mouvement des « gilets jaunes » ne poserait aucun problème et que le stock de dettes de l'Acoss, alors évalué à 17 milliards d'euros, serait absorbé par la croissance et l'évolution de la masse salariale. Or la conjoncture a été moins florissante que prévu et se sont donc ajoutés 2,5 milliards d'euros de déficit conjoncturel aux 2,5 milliards d'euros de mesures d'urgence économiques et sociales. Et ce sera la même chose les années suivantes. Le montant cumulé des déficits de l'Acoss s'établirait en 2022 à 47 milliards d'euros selon le président de la Cour des comptes. Cela me semble un chiffrage fiable et a minima, car les taux d'intérêt pourraient remonter ; je ne partage pas votre optimisme à leur sujet : la bulle grossit sur les marchés financiers internationaux et le maintien de taux exceptionnellement bas n'est absolument pas garanti.
Si la dette de la Cades n'est pas apurée en 2024, ne faudrait-t-il adopter une nouvelle loi organique pour repousser cette échéance ? Le rapporteur général du PLFSS à l'Assemblée nationale a évoqué l'idée d'une prorogation de la CRDS pour permettre le financement de la dépendance. Tout cela me laisse perplexe.
Une autre approche consistant à prendre, enfin, des mesures structurelles n'est-elle pas possible ? Je pense en particulier aux arrêts maladie, à l'aide médicale d'État et à l'âge de départ en retraite.
Par ailleurs, comment, dans un tel contexte, envisagez-vous de financer la dépendance ?
Pour notre part, nous estimons la dette de l'Acoss non pas à 47 milliards d'euros, mais à 40 milliards.
Monsieur Cardoux, vous pouvez être doublement rassuré.
D'une part, non seulement nous maintenons l'objectif d'apurement de la dette de la Cades, mais les conditions de cet apurement nous permettent d'en envisager le terme avec un an d'avance par rapport à l'échéance prévue, ce qui serait de nature à dégager un certain nombre de ressources pour financer la dette restant au sein de l'Acoss, d'autant que la Cades pourrait finir sur un résultat positif.
D'autre part, la gestion de la dette de l'Acoss nous paraît tout à fait soutenable. Nous considérons qu'il n'y a pas de probabilité de remontée des taux d'intérêt dans les douze prochains mois. Reste que cela ne suffira pas nécessairement pour atteindre l'ensemble des objectifs. Nous aurons donc à nous assurer que les différents PLFSS soumis au Parlement d'ici à 2024 comportent suffisamment de mesures de maîtrise ou d'économie concourant au rétablissement des comptes.
S'agissant de la dépendance, notre objectif est de trouver un financement sans augmentation d'impôt, puisque nous entendons réduire le poids des prélèvements obligatoires. Nous souhaitons éviter une modification de la loi organique qui encadre le fonctionnement de la Cades. Cela nécessite de trouver des marges budgétaires ailleurs.
Vous n'êtes donc pas d'accord avec le rapporteur général de l'Assemblée nationale...
Il peut y avoir des débats, y compris avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale.
Nous passons aux questions de nos rapporteurs.
Mme Deroche, rapporteure pour l'assurance maladie, vous prie d'excuser son absence ; elle m'a confié trois questions.
Le récent rapport de la Mecss sur l'Ondam a mis en lumière les attentes fortes des acteurs du système de soins d'une meilleure visibilité en matière de financement : comment entendez-vous mettre en pratique la préconisation de Jean-Marc Aubert et la demande des fédérations hospitalières d'aller vers une construction pluriannuelle des tarifs hospitaliers ? Quels seront la méthodologie et le calendrier de remise à plat de ces tarifs ?
Par ailleurs, les acteurs de soins psychiatriques, s'ils sont satisfaits de la sortie du financement par dotation annuelle, demeurent circonspects à propos de la répartition infrarégionale de la nouvelle dotation populationnelle. Quelles mesures envisagez-vous pour assurer une couverture territoriale homogène dans ce domaine ?
S'agissant enfin du secteur du médicament, touché, comme les années précédentes, par des mesures de régulation des prix, ce PLFSS vous paraît-il compatible avec les engagements pris en juillet 2018 lors du huitième Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), notamment pour assurer une croissance de 0,5 % du secteur et de 3 % pour les médicaments innovants ?
J'insiste sur nos inquiétudes au sujet du remboursement de la dette sociale. Le président de la Cour des comptes nous a communiqué tout récemment des chiffres dont nous n'avons pas de raison de douter : il en ressort que, en 2024, si la Cades a remboursé sa dette, celle restant à l'Acoss sera assez importante.
Le rapporteur général de l'Assemblée nationale propose de prolonger la Cades pour financer la dépendance. On annonce une loi sur le grand âge, mais nous ne voyons rien se préciser. En outre, depuis avril, nous n'avons plus de nouvelles du rapport Libault... Sachant qu'il faut environ 10 milliards d'euros, comment pourrait-on s'en sortir uniquement, comme le prévoit M. le secrétaire d'État, en faisant des économies à droite et à gauche ? Les solutions transitoires ne résoudront en rien les problèmes. La loi sur le grand âge est essentielle : nous ne pouvons plus attendre !
En ce qui concerne l'aide à domicile, les 50 millions d'euros prévus par le PLFSS pour l'ensemble des départements ne permettront en aucun cas de répondre aux difficultés des intervenants à domicile. Des associations sont en très grande difficulté et les plans d'aide ne sont pas respectés, ou pas en totalité. Ce sont 250 millions d'euros, au bas mot, qui manquent pour répondre à cette demande urgente.
Vous n'échapperez pas à mon marronnier : le transfert de la branche AT-MP à l'assurance maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles. Je ne comprends toujours pas pourquoi on n'arrive pas à faire un calcul un peu précis de la somme en jeu. Une commission fixe une fourchette - de 815 millions à 1,53 milliard d'euros -, après quoi on arrête le montant de 1 milliard d'euros, au doigt mouillé. Et c'est chaque année la même chose ! Nous ne sommes ni entendus ni même écoutés. On voit de plus en plus qu'il s'agit tout simplement d'améliorer le résultat global de l'assurance maladie...
Nous nous félicitions de l'institution d'un fonds d'indemnisation des victimes des pesticides, mais regrettons que son périmètre ne couvre pas, au-delà des travailleurs agricoles et de leurs ayants droit, les victimes collatérales. L'usage de pesticides, le plus souvent par pulvérisation, contamine l'environnement, exposant tous les habitants à des risques de maladies collatérales. Pourquoi ne pas avoir retenu les victimes environnementales, comme on l'a fait pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ? N'oublions pas qu'il y a une responsabilité de l'État dans l'autorisation de ces produits !
Je poursuis, monsieur le président, mais au nom de notre collègue René-Paul Savary, rapporteur pour l'assurance vieillesse, empêché d'être parmi nous ce soir. Comment expliquer la dégradation spectaculaire de la perspective financière de la branche vieillesse ? La non-compensation de certaines exonérations ne peut, à elle seule, justifier ce dérapage, même si elle renforce optiquement les problèmes de financement. Quelles conclusions en tirez-vous ?
Je m'exprime au nom de notre collègue Élisabeth Doineau, rapporteure pour la branche famille.
Le retour de la branche famille aux excédents est une bonne nouvelle pour les comptes de la sécurité sociale, mais les familles seront, cette année encore, pénalisées par la sous-revalorisation des prestations, à 0,3 %, qui entraîne une perte de pouvoir d'achat. Vous entendez reconduire cette mesure à laquelle le Sénat s'est déjà opposé l'année dernière. Or le quasi-gel des prestations pénalise notamment les familles monoparentales, que vous comptez par ailleurs soutenir en renforçant les garanties de versement des pensions alimentaires. Pour un parent isolé de deux enfants gagnant entre 1 et 2 Smic, la sous-revalorisation équivaut à 140 euros perdus en 2019. Alors que les comptes de la branche permettraient de soutenir davantage les familles, pourquoi poursuivre la sous-revalorisation ? Allez-vous continuer jusqu'à la fin du quinquennat ?
Par ailleurs, l'article 7 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit de mettre un terme, au 31 décembre 2021, au crédit d'impôt famille pour les employeurs finançant des places de crèche. Il s'agit d'un mauvais signal envoyé aux professionnels de la petite enfance et aux familles, alors que le développement des modes de garde n'est pas à la hauteur des besoins. Pourquoi ce choix, et le Gouvernement est-il prêt à revenir sur celui-ci ?
Mme Deroche m'interroge sur le secteur du médicament et le respect des engagements pris dans le cadre du CSIS 2018 en matière de régulation des prix.
La LFSS pour 2019 a permis un accès plus rapide aux traitements innovants par l'élargissement de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Les engagements pris ont été tenus.
Le système de régulation du marché des médicaments a été rendu plus simple et plus prévisible grâce au montant « M », désormais régulé sur l'ensemble de la dépense, conformément au souhait des industriels.
Le PLFSS pour 2020 intègre évidemment des mesures d'économie, mais les produits de santé sont le seul secteur où les économies baissent : 920 millions d'euros l'année prochaine, contre 980 millions d'euros cette année. C'est un signe fort à l'égard du secteur. Ce montant d'économies permet de tenir l'engagement d'une croissance du chiffre d'affaires net supérieure à 0,5 %. Cette année, le montrant « M » a permis une progression du chiffre d'affaires net de 1 % par rapport à 2018. Tous les engagements pris lors du CSIS sont ainsi tenus.
En ce qui concerne la psychiatrie, nous avons réalisé cette année un effort budgétaire sans précédent, à hauteur de 100 millions d'euros. Il sera reconduit en 2020, comme je m'y étais engagée. Cet effort historique doit aider le secteur à sortir du sous-investissement chronique. La répartition territoriale sur laquelle Mme Deroche m'interroge sera assurée par les agences régionales de santé, qui connaissent les besoins et les indicateurs de santé des territoires. Aujourd'hui, nous le savons, la répartition de la dotation globale annuellement renouvelée est totalement déconnectée des réalités.
S'agissant de la lisibilité pluriannuelle sur l'Ondam, j'ai pris un engagement à l'égard des fédérations hospitalières, qui en ont besoin pour construire leur stratégie. Nous sommes en train de discuter du vecteur le plus adapté ; il pourrait s'agir d'un amendement au PLFSS, mais ce n'est pas la seule option. Quoi qu'il en soit, l'engagement sera tenu.
Monsieur Bonne, je rappelle qu'il y a des marges sur la Cades pour financer la dépendance ; la CSG Cades sera libre en 2024. En attendant, nous mobilisons dès cette année 500 millions d'euros pour la dépendance. Cet engagement sera complété par des mesures spécifiques dans le cadre du projet de loi sur la dépendance. Les choix en matière de modes de financement sont en cours de réflexion au sein du ministère.
Il est vrai que les acteurs de l'aide à domicile sont en grande difficulté dans les territoires. Les 50 millions d'euros prévus pour cette année n'ont malheureusement pas été intégralement utilisés par les départements. Cet effort est reconduit au même niveau pour 2020, mais je voudrais que les acteurs de terrain utilisent la dotation le plus rapidement possible. Tous les départements n'ont pas lancé d'appels à projets. Nous devons, via la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les agences régionales de santé, les mobiliser davantage pour qu'ils exécutent le budget qui leur est alloué.
Les délais de mise en oeuvre n'étaient pas suffisants. C'est pourquoi tout l'argent n'a pas été utilisé.
Le projet de loi sur le grand âge sera très ambitieux en matière d'aide à domicile. Le maintien à domicile est plébiscité par nos concitoyens et nous allons l'accompagner.
Monsieur Dériot, le montant du transfert vers l'assurance maladie de l'excédent de la branche AT-MP a été fixé sur la base des travaux d'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée d'experts, notamment de médecins du travail. L'État l'a fixé dans la fourchette, mais en dessous de la médiane. Ce montant est maintenu à 1 milliard d'euros depuis plus de trois ans, mais il y aura peut-être des évolutions l'année prochaine.
La création d'un fonds d'indemnisation des victimes de produits phytosanitaires est une avancée majeure. Nous devons progresser dans l'indemnisation des victimes de pesticides, mais de manière responsable, en nous appuyant sur des données scientifiques.
Aujourd'hui, nous approchons à peu près les pathologies des agriculteurs et de leurs ayants droit exposés, mais nous avons beaucoup moins de connaissances sur les pathologies issues de l'exposition à moindre dose dans la population générale. Faute de connaître les pathologies induites, il est pour l'instant très difficile d'élargir le champ des bénéficiaires. L'expertise collective que nous avons demandée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) montre une présomption forte entre exposition et pathologie uniquement pour les victimes professionnelles, à ce stade. C'est aussi ce qu'a fait apparaître le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les produits phytosanitaires. Pour l'heure, nous traitons des expositions professionnelles, en incluant les retraités, de même que les conjoints et les enfants.
M. Savary s'inquiète de la dégradation de la branche vieillesse. Nous venons de saisir le Conseil d'orientation des retraites (COR) sur la trajectoire budgétaire de cette branche. Nous avons pris l'engagement d'être à l'équilibre lorsque la refondation du système de retraite entrera en vigueur, en 2025. Les conditions du retour à l'équilibre seront traitées par le haut-commissaire aux retraites dans son futur projet de loi.
S'agissant enfin des questions de Mme Doineau sur la branche famille, je rappelle que les financements de la sécurité sociale sont fongibles d'une branche à l'autre ; le déficit s'envisage dans sa globalité. La LFSS pour 2018, la première que j'ai fait voter, prévoyait un effort considérable en faveur des familles monoparentales ; je pense notamment à l'augmentation de 30 % du complément de libre choix du mode de garde et de l'allocation de soutien familial. Nous avons également mis en place une absence d'avance pour les frais de garde versés aux assistantes maternelles. Cette année, nous mettons l'accent sur l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa), car le non-recouvrement des pensions est l'une des causes principales de la paupérisation des familles monoparentales. Tout cela s'inscrit dans une politique assumée d'aide à ces familles.
La somme de 140 euros liée à une revalorisation des prestations familiales inférieure à ce que Mme Doineau souhaite doit être mise en regard de l'avantage obtenu par les mêmes ménages du fait de la revalorisation extrêmement importante de la prime d'activité ; au niveau de revenu que vous avez évoqué, madame Guidez, le bilan des deux mesures est très nettement favorable aux ménages.
Monsieur Bonne, je répète que, en 2024, la Cades aura apuré la totalité de la dette sociale accumulée depuis 1996, soit 260 milliards d'euros. Les 18 milliards d'euros annuels de CGS et de CRDS qui lui sont affectés ne peuvent être utilisés à une autre fin, sauf à modifier la loi organique. Des propositions sont avancées, en particulier par des parlementaires de la majorité. Cela devra faire l'objet d'un débat, à l'aune notamment de l'acceptabilité de l'impôt.
Le ministère de l'action et des comptes publics privilégie la recherche de financements alternatifs par la réalisation d'économies plutôt que par la prorogation d'un impôt.
Nous savons nous inscrire dans un temps long. Dans l'immédiat, Mme la ministre de la santé et des solidarités mobilise les moyens nécessaires pour faire face aux premières dépenses.
Mme Doineau a posé une question sur le crédit d'impôt famille. La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques fixe un principe de saine gestion : le bornage des niches fiscales dans le temps. Borner ne signifie pas supprimer, mais garantir l'évaluation de ces dispositifs, dont certains, anciens, n'ont plus forcément d'utilité avérée du point de vue de l'intérêt général. La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement repoussant le bornage de 2021 à 2023, pour que l'évaluation se fasse sur une période plus longue. Le ministère de l'action et des comptes publics est en cours de discussion avec les parlementaires de la majorité à l'initiative de cette mesure pour trouver un compromis. J'insiste encore : borner est non pas supprimer, mais permettre l'évaluation à intervalles réguliers de l'efficacité des niches fiscales.
Un certain nombre d'aspects de ce PLFSS peuvent être salués : à ceux que vous avez soulignés j'ajoute la lutte contre les pénuries de médicaments - les mesures en la matière s'inspirent en partie d'un rapport sénatorial -, la contraception pour les mineurs et les mesures d'accompagnement post-cancer.
Toutefois, nous sommes en opposition totale avec le Gouvernement sur trois points.
D'abord, il y a l'affichage du déficit de la sécurité sociale. Vous remettez en cause un principe, à nos yeux, majeur, qui a assuré et devrait continuer d'assurer la pérennité de notre système : la compensation par l'État de tous les allégements de cotisations sociales. Madame la ministre, le PLFSS, avez-vous dit, est un choix politique. Votre choix rompt avec l'autonomie de la sécurité sociale et met en danger notre modèle fondé sur la solidarité.
Ensuite, l'Ondam hospitalier fixé à 2,1 % et les efforts d'économie demandés aux établissements à hauteur de 800 millions d'euros marquent votre refus de donner à l'hôpital public les moyens d'assurer correctement ses missions. Pourtant, de la plupart des établissements les mêmes signes nous parviennent : épuisement du personnel, perte de sens et, désormais, insécurité des soins, des infirmiers n'ayant plus les moyens d'accomplir leurs tâches dans le temps imparti - sans oublier les grèves aux urgences.
Enfin, vous prévoyez la revalorisation en 2020 comme en 2019 de toutes les prestations sociales, à hauteur de 0,3 %, à l'exclusion - et c'est à saluer - des retraites dont la valeur brute est inférieure à 2 000 euros, mais aussi de l'allocation de solidarité, des prestations sur l'invalidité et des minima sociaux. Ce taux inférieur à l'inflation entraînera une perte de pouvoir d'achat pour nombre de retraités et pour des familles peu aisées.
L'article 26 envisage la réforme du ticket modérateur. Je pensais que les frais d'hospitalisation étaient les mieux remboursés, car les mieux couverts par l'assurance sociale. Une étude indique au contraire des restes à charge élevés à l'hôpital pour les personnes les plus âgées et les plus précaires. Vous ne faites que régulariser un système jusque-là provisoire sans le remettre en cause. Comment justifiez-vous ce reste à charge à l'hôpital ?
L'article 42 fait intervenir la notion de pertinence sur les actes dans le contrat d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (Caqes). Pouvez-vous nous en préciser le contenu ?
En ce qui concerne les médicaments bio-similaires, nous sommes passés d'une décision législative de substitution qui n'a jamais été traduite en décret à une mesure d'interchangeabilité. Les bio-similaires sont sources d'économies pour l'assurance maladie. Comment envisagez-vous d'assurer leur développement et leur promotion ?
Enfin, si le rebasage de la clause de sauvegarde entre en application en 2020, alors qu'il n'existait pas en 2019, le chiffre d'affaires des laboratoires qui fournissent les médicaments ne manquera pas d'augmenter facticement.
Madame la ministre, vous avez mentionné le bilan de santé des enfants entrant dans le dispositif de protection de l'enfance comme l'une des mesures saillantes de ce PLFSS. Ce bilan figurait déjà dans la loi de 2016, mais vous avez le mérite de le rendre systématique et obligatoire pour détecter les besoins somatiques ou psychiques de ces enfants et engager leur suivi médical. De quels moyens et de quelle formation les professionnels de santé disposeront-ils pour effectuer ce bilan ? Reviendra-t-il aux médecins généralistes de ville de détecter ou de repérer les signaux indiquant des besoins spécifiques ? Ces bilans assimilés à des soins seront-ils remboursés par la sécurité sociale ? Quid des médecins de la protection maternelle et infantile (PMI) ? S'agit-il de priver là encore les départements de l'une de leurs prérogatives ?
Adrien Taquet a annoncé vouloir relancer le dépistage du quatrième mois de grossesse pour prévenir des situations à risque. Comment s'opéreront les remboursements ? Dans quelle mesure les médecins de la PMI pourront-ils intervenir ?
L'article 49 laisse à penser que les assistantes maternelles sont les mal-aimées du Gouvernement. Déjà, Mme Pénicaud avait menacé de recalculer leur assurance chômage : le projet a été enterré. À votre tour, vous prévoyez une mesure les obligeant à s'inscrire sur le site de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), www.monenfant.fr, sous peine de retrait d'agrément. Faut-il vraiment rigidifier les règles, alors que les trois quarts d'entre elles figurent déjà sur ce site ?
Je suis élue du Lot-et-Garonne. En septembre dernier, nous avons appris que le dafalgan codéïné pourrait devenir un médicament générique ; en octobre, on nous a dit que l'efferalgan et le doliprane pourraient ne plus être en vente libre ; et la semaine dernière, vous avez annoncé, dans le cadre de ce PLFSS, un plan de baisse du prix des médicaments à hauteur de 920 millions d'euros. Pour le laboratoire pharmaceutique UPSA, basé en Lot-et-Garonne, ce sera 5 000 emplois menacés, alors même qu'il vient d'être racheté par un groupe japonais - c'est catastrophique. Aviez-vous bien mesuré les conséquences des mesures annoncées ?
L'article 45 met en oeuvre l'engagement pris par le Gouvernement à propos de l'indemnisation du congé de proche aidant (CPA). Je tiens à vous remercier, madame Buzyn, pour cette promesse tenue. Cependant, au lieu de financer ce congé par la sécurité sociale, vous le financez par des fonds propres, dont les réserves non pérennes de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, au risque de faire de cette mesure un cavalier social. J'ai bien noté que serait utilisé en priorité l'argent provenant d'une section particulière du budget de la caisse uniquement alimentée par la sécurité sociale. Mais cette section est déficitaire année après année, de sorte qu'elle ne suffira pas. Êtes-vous bien certaine que le Conseil constitutionnel ne sera pas plus regardant que le Conseil d'État ? Il serait dommage que l'un des marqueurs de ce PLFSS se retrouve censuré.
Vous assujettissez l'allocation journalière du proche aidant (AJPA) à la CSG et à la CRDS. Je m'étonne que le produit de ces cotisations ne soit pas affecté à la CNSA. En l'absence de ressources affectées durablement, comment pouvez-vous nous garantir que cette mesure bénéficiera de financements suffisants pour ne pas être insincère ou temporaire ?
Enfin, la récupération des indus se fera sur le RSA et sur les prestations sociales, ce qui ne mettra pas à contribution les plus riches. Est-ce comptablement possible ?
Sur la chaîne de télévision CNews, vous avez dit que l'AJPA bénéficierait aux aidants de personnes malades, notamment celles qui souffrent de cancer. Or, l'article 45 n'améliore en rien les conditions d'accès et n'ouvre le congé à aucun bénéficiaire nouveau. S'agit-il d'une erreur de votre part, ou bien de l'annonce d'un amendement gouvernemental qui serait plutôt une bonne nouvelle ?
Dans la mesure où la soutenabilité par les fonds de la CNSA n'est nullement garantie et puisque vous avez démontré qu'il s'agissait non pas d'un cavalier social, mais bien d'un financement par la sécurité sociale, je déposerai un amendement visant à financer cette allocation par la branche famille, à l'instar de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP). La mesure deviendrait donc pérenne, sincère et constitutionnelle.
Je parlerai aussi au nom de M. Mouiller qui n'a pas pu être présent. Le PLFSS prévoit des modifications du régime d'invalidité. Compte tenu des liens entre l'invalidité et le handicap et de l'articulation entre les pensions d'invalidité, l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), que pensez-vous de la suggestion de la Cour des comptes d'inclure la question de l'évolution des pensions d'invalidité dans la réflexion engagée par le Gouvernement sur l'unification des minima sociaux ? Les évolutions proposées pour l'ASI ont-elles pour objectif de préparer une fusion avec l'AAH ? Ces rapprochements sont-ils pris en compte dans la concertation en cours sur le revenu universel d'activité ? La Cour des comptes a identifié 90 niches sociales. Elle a proposé d'en clarifier le périmètre et de les rationaliser : comptez-vous les réformer en ce sens ?
Monsieur Daudigny, nous sommes tous conscients des difficultés que connaît l'hôpital public. L'accumulation des sous-investissements a entraîné une désespérance. L'an dernier, pour la première fois depuis dix ans, le Gouvernement a inversé la tendance en augmentant les moyens de l'hôpital public. J'ai pris l'engagement de faire au moins aussi bien cette année, en termes de tarifs hospitaliers. J'ai également dégagé 750 millions d'euros en trois ans à destination des urgences, dont 80 % seront affectés à des ressources de personnel pour décharger les services et faciliter l'accès aux soins. Depuis 2018 où nous avions procédé au dégel total des budgets mis en réserve, nous menons une action ferme en faveur de l'hôpital. Je me suis aussi engagée sur la pluriannualité. Nous avons aussi ouvert une réflexion sur la revalorisation des débuts de carrière, notamment pour les personnels paramédicaux, afin d'améliorer l'attractivité de nos hôpitaux publics.
Quant au ticket modérateur, il sera couvert par la nouvelle complémentaire santé solidaire qui sera lancée le 1er novembre. Cette mesure, que vous avez votée l'année dernière, devrait couvrir entre 9 à 12 millions de nos concitoyens, et coûter moins de 1 euro par jour. Elle contribuera à aider nos concitoyens les plus vulnérables, à réduire le reste à charge et à garantir les recettes des hôpitaux. Quant aux contrats de qualité, ils sont très liés à des indicateurs de processus qui ne prennent pas suffisamment en compte la qualité des pratiques professionnelles, notamment en termes de pertinence des actes réalisés. Nous avons saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour qu'elle nous fournisse des indicateurs de pertinence, dont l'un pourrait être, par exemple, le nombre de patients de plus de 70 ans opérés dans les quarante-huit heures pour une fracture du col du fémur. C'est un élément essentiel pour la survie des gens et le maintien de l'autonomie. Le rebasage de la clause de sauvegarde consiste à passer à un suivi en taux d'évolution plutôt qu'en montant, par souci de simplification.
La moindre valorisation des prestations familiales rognera sur le pouvoir d'achat des familles, certes. Mais il faut regarder la politique du pouvoir d'achat dans sa globalité : nous avons étendu la prime d'activité à 3 millions de personnes supplémentaires et elle a été revalorisée. La complémentaire santé solidaire permettra également à 12 millions de nos concitoyens d'être couverts pour moins de 30 euros par mois. Quant aux familles monoparentales, elles devraient bénéficier de mesures favorables, qui seront complétées par le recouvrement des pensions.
Les médicaments bio-similaires contribuent à sécuriser la disponibilité de certaines classes de médicaments et à dégager des marges financières par la mise en concurrence. Le PLFSS complète les outils existants pour accompagner le développement des bio-similaires, en encourageant les établissements de santé à acheter ces médicaments. Une marge de progrès existe qui devrait permettre des gains considérables pour nos hôpitaux publics.
Madame Meunier, la loi de 2016 sur l'ASE était de bonne stratégie, mais elle a montré ses limites sur le terrain. Voilà pourquoi nous avons poussé des dispositifs plus contraignants, notamment pour l'accès aux soins et à la santé. Ces enfants présentent pour beaucoup des indicateurs de santé défavorables, qu'il s'agisse de leur état global ou de leur santé mentale. La consultation systématique et le suivi éventuel seront remboursés par l'assurance maladie. Il est hors de question de laisser les médecins généralistes seuls face au repérage et à l'identification des besoins de santé particuliers de ces enfants. Les instances professionnelles se chargeront de fixer un cadrage. L'examen prénatal du quatrième mois, annoncé par Adrien Taquet, sera rendu systématique et obligatoire. L'accès à des médecins de PMI est très inégal sur l'ensemble du territoire, de sorte que ces médecins ne pourront pas forcément se charger de cette consultation prénatale obligatoire ou de la consultation pour les enfants qui entrent à l'ASE. Nous souhaitons qu'ils puissent le faire, mais nous devons aussi élargir le nombre de professionnels en capacité d'intervenir. Notre priorité reste, bien évidemment, de renforcer l'offre de PMI sur tout le territoire.
Loin de nous la volonté de mettre la pression sur les assistantes maternelles, dont nous savons qu'elles exercent un métier difficile. Cependant, les familles doivent pouvoir faire garder leurs enfants sans avoir l'angoisse de ne pas pouvoir disposer d'une offre qui correspondrait à leurs besoins. D'où la nécessité que les assistants maternels renseignent leurs disponibilités sur le site de la Cnaf. Pour autant, le manquement à cette obligation ne suffira pas à entraîner un retrait d'agrément. Le Gouvernement s'est engagé à mettre en place des mesures en faveur des assistantes maternelles, comme l'accès à la médecine du travail ou l'accès à l'assurance chômage en cas de démission liée au défaut de vaccination de l'enfant.
Madame Bonfanti-Dossat, les décisions de sécurité sanitaire qui affectent un industriel de votre territoire ne relèvent pas du PLFSS. Il ne s'agit pas de faire des économies, mais de mieux réguler l'usage de l'efferalgan et du doliprane codéïné, qui sont devenus la première cause de décès par hépatite dans notre pays en raison d'un surdosage. Nous ne cherchons pas à réduire la consommation de ces médicaments ni à mettre l'industriel en péril, mais nous voulons que leur vente soit accompagnée d'un conseil pharmaceutique, afin d'éviter les surdosages. Madame Guidez, ma langue a fourché lors de l'interview que j'ai donnée sur CNews, quand j'ai mentionné les proches de patients atteints de cancer au sujet du congé de proche aidant. Cela tient sans doute au fait qu'on a fixé le montant de cette allocation en référence à celui de l'AJPP. Le congé de proche aidant est effectivement réservé à ceux qui aident des personnes handicapées ou âgées. Il est très difficile à ce stade de caractériser finement les aidants de personnes malades. Nous engagerons un travail pour préciser ces critères, mais il nous faut du temps. Le dispositif ne doit pas être rigide et nous sommes prêts à envisager une clause de revoyure d'ici un à trois ans. Ce congé ouvre aussi des droits à la retraite, comme je m'y étais engagée. Ce n'est peut-être pas une solution parfaite, mais c'est une bonne mesure qui est très attendue. Avec Sophie Cluzel, nous présenterons, le 23 octobre prochain, une stratégie globale pour les proches aidants. Souhaitons qu'elle réponde aux problèmes très concrets auxquels ils sont confrontés. Dans le principe, nous souhaiterions évidemment un financement pérenne de ces mesures, et nous y travaillons.
Monsieur Daudigny, nous avions indiqué dans le programme de stabilité que nous vous avions présenté au printemps que le PLFSS pour 2020 serait l'occasion de régulariser le financement par la sécurité sociale d'un certain nombre de mesures d'urgence économiques et sociales, par exemple les heures supplémentaires, à hauteur de 2,8 milliards d'euros. L'État n'a pas fait financer l'intégralité de ces mesures par la sécurité sociale, puisqu'il finance lui-même 14 des 17 milliards d'euros que représentent ces mesures, qu'il s'agisse de la hausse de la prime d'activité, de la révision de la trajectoire de la fiscalité énergétique ou encore de la baisse massive de l'impôt sur le revenu. Le déficit de 5 milliards d'euros prévu en 2020 est comparable à celui de 2017, proche de l'équilibre, avec l'objectif de l'atteindre en 2023.
La non-compensation des mesures décidées par l'État et mises en oeuvre par la sécurité sociale ne date ni de 2020, ni de 2019, puisqu'en 2011 il y avait déjà la prime versée aux salariés en contrepartie du versement des dividendes, et en 2013 l'exonération de cotisation minimale maladie à hauteur de 900 millions d'euros pour les travailleurs indépendants. Sans compter, en 2014, la réforme de l'exonération des apprentis. Les exemples de rupture sont légion.
Madame Puissat, le rapport de la Cour des comptes pose une difficulté méthodologique, car il évalue le montant des niches sociales à plus de 90 milliards d'euros, alors que l'annexe du PLFSS propose le chiffre de 66 milliards d'euros. Comment l'expliquer ? La Cour des comptes considère que les taux réduits de CSG à 3,8 et 6,6 % sont des niches sociales, ce qui ne correspond pas à notre lecture. Pour rationaliser les niches sociales, on peut travailler sur l'évaluation, et l'annexe 5 du PLFSS s'est considérablement enrichie en ce sens au cours des dernières années. Une piste pourrait être de répliquer le dispositif de bornage que nous avons mis en place pour les niches fiscales. Ce travail d'évaluation doit se poursuivre dans tous les champs et nous sommes ouverts aux propositions des parlementaires sur ce sujet. Enfin, la déduction forfaitaire spécifique sera revue par arrêté, avec une date d'application au 1er janvier 2020, en application du PLFSS de 2018. Nous avons conduit la consultation idoine au printemps et cette mesure représente 420 millions d'euros.
L'ASI est un minimum social destiné aux invalides dont le montant a progressivement décroché par rapport au montant de l'AAH. Le PLFSS en propose une revalorisation exceptionnelle pour qu'elle atteigne 750 euros par mois. Ce sujet est bien évidemment intégré dans la réflexion du Gouvernement sur le revenu universel.
Je travaille en Seine-Saint-Denis, département où nous sommes très investis dans le déploiement du maillage territorial. L'article 24 prévoit la réforme du financement des hôpitaux de proximité, qui se verront verser une dotation de responsabilité territoriale. Cette dotation financera une offre de consultations et de soins de spécialité en chirurgie, ainsi que du matériel lourd ou coûteux pour l'imagerie médicale ou la télé-santé. Elle financera également l'indemnité basée sur les tarifs conventionnels des professionnels de santé libéraux qui participeront à l'exercice des missions de l'Association française de chirurgie. Étant donné que nous sommes en train de mettre en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui participent à la gouvernance des hôpitaux de proximité et qui répondent aux besoins de santé dans les territoires au même titre que les hôpitaux de proximité, pourquoi seraient-elles exclues de ce dispositif ?
L'article 40 de ce PLFSS a pour objet la mise en place d'un forfait pour le parcours global post-traitement aigu du cancer. Des soins de support et un accompagnement disponible dès la phase active sont indispensables pour améliorer la qualité de vie de ces patients qui vont guérir. Ainsi, le patient peut entrer dans une logique d'autonomisation et de reprise de contrôle sur son parcours de vie.
Ensuite, il est indispensable d'étendre ce parcours à celles et ceux qui vivront toute leur vie avec la maladie. L'avant-dernier alinéa de l'article prévoit un bilan d'activité physique : des séances d'activité sont-elles prévues à la suite de ce bilan ? Dans le contexte du virage ambulatoire, il est souhaitable que tous les acteurs soient concernés, au-delà de l'hôpital : quel sera le rôle des professionnels extrahospitaliers ? En pratique, cette année, ce parcours sera-t-il ouvert seulement aux femmes porteuses d'un cancer du sein, ou bien sera-t-il étendu à d'autres pathologies ?
Ce qui m'inquiète surtout est le budget alloué à cette mesure : 10 millions d'euros, une somme extrêmement faible au regard du nombre de patients potentiellement concernés, qui s'élève à 100 000 même s'il n'est encore question que du cancer du sein. Cette mesure très attendue risque ainsi, faute de moyens suffisants, de susciter frustration et déception : comment faire en sorte qu'elle ne reste pas un voeu pieux ?
Vous avez évoqué un PLFSS de responsabilité, mais notre groupe s'inquiète de l'absence de prise en compte par le Gouvernement de la situation réelle des hôpitaux, qui demeure absolument déplorable. La souffrance du personnel hospitalier est immense. Or l'Ondam retenu ne répond ni aux besoins que nous relevons ni même à l'estimation de l'évolution naturelle des dépenses de santé. Il faudrait un objectif de 4,5 % : nous ne sommes pas les seuls à le dire ! L'hôpital et la médecine de ville ne sont pas antagonistes. Pour justifier le virage ambulatoire, vous avez porté l'Ondam médecine de ville à 2,4 % ; pourquoi l'Ondam hospitalier est-il de seulement 2,1 % ?
Je viens de vous remettre en mains propres une proposition de loi de notre groupe, où nous proposons de fixer l'Ondam à 4,5 %. Comment le financer, nous demanderez-vous ? Je persiste et je signe : il faut mettre à contribution les revenus financiers et supprimer la taxe sur les salaires, qui pèse chaque année à hauteur de 4 milliards d'euros. Une telle somme serait bienvenue pour l'hôpital. Cela dit, si l'on gardait la clef de répartition actuelle, l'assurance maladie perdrait 2 milliards d'euros : il faut donc aussi d'autres financements. On pourrait, entre autres choses, lutter contre la fraude patronale, ce qui pourrait rapporter, d'après la Cour des comptes, 20 milliards d'euros. Voilà comment l'on pourrait financer un Ondam à 4,5 % : pourquoi vous obstinez-vous à ne pas le faire ?
Par ailleurs, les années précédentes, vous aviez annoncé le dégel des crédits en réserve. En ferez-vous de même cette année ? Ces 600 millions d'euros seraient les bienvenus à l'hôpital.
Vous annoncez 750 millions d'euros supplémentaires pour les hôpitaux et les urgences. Cela nous paraît relativement peu au regard des besoins. Quelles solutions envisagez-vous pour les urgentistes ? Une revalorisation de la rémunération des praticiens est-elle envisagée ? Cela pourrait contribuer à résoudre la problématique du recours aux intérimaires, qui vient grever encore plus les budgets. Par ailleurs, l'arrêt des fermetures de lits est-il acté ?
Vous annoncez également une garantie pluriannuelle de financement pour les hôpitaux, qui tiendrait compte du niveau d'activité antérieur. Votre équation tient-elle compte de la baisse du nombre de praticiens observée dans certains établissements ?
Vous annoncez que 500 millions d'euros seront consacrés à la grande réforme du grand âge et de l'autonomie : comment seront-ils ventilés ? Comprennent-ils les 210 millions d'euros déjà prévus cette année pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? Les responsables de ces établissements attendent avec impatience un peu plus de clarté.
Par ailleurs, ce PLFSS ne comporte pas de mesures de transfert de charges vers les organismes complémentaires. Avez-vous l'intention de modifier le ticket modérateur, ce qui aurait des conséquences pour ces organismes ?
La prise en charge des pensions alimentaires non versées par les CAF est une bonne chose. Elle doit progressivement monter en charge entre juin prochain et janvier 2021. Cela pourrait concerner jusqu'à 100 000 personnes : pour que les CAF puissent y faire face, avez-vous prévu de leur octroyer des moyens supplémentaires ?
L'article 31 de ce PLFSS transfère le financement de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'Agence nationale de santé publique - Santé publique France (ANSP) de l'État vers l'assurance maladie. Vous aviez fait le choix inverse en 2018 pour l'ANSP. Cela semblait cohérent pour un opérateur de surveillance épidémiologique. Pourquoi revenez-vous aujourd'hui sur ce choix ? Un tel transfert entraînera la disparition de deux nouveaux opérateurs de la mission « Santé » du prochain projet de loi de finances. À terme, ne faudrait-il pas envisager le financement de l'Institut national du cancer par l'assurance maladie ? La mission « Santé » sera-t-elle dépouillée du financement de tout opérateur sanitaire ?
Vous nous avez parlé de soutien au pouvoir d'achat, de garanties de pensions alimentaires, d'aide sociale à l'enfance ; nous aurons l'occasion de revenir sur ces sujets lors de l'examen de nos amendements en séance publique.
La Cour des comptes estime que les niches sociales coûteront 90 milliards d'euros en 2019, soit autant que les niches fiscales. Les magistrats financiers ont pointé le poids croissant des allégements généraux de cotisations patronales, estimé à 52 milliards d'euros. Nous proposons la suppression de toutes les exonérations de cotisations sociales patronales, ainsi que la compensation intégrale des allégements de cotisations sociales par l'État. Que pensez-vous de ces deux propositions ? Si vous n'êtes pas d'accord avec nous, nous aimerions du moins savoir ce que vous pensez des critiques que vous a adressées M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, selon qui il est nécessaire de revenir sur la non-compensation par l'État des allégements de cotisations sociales.
Les mesures d'urgence de décembre 2018 ont entraîné une détérioration du budget de la sécurité sociale, mais aussi une augmentation du pouvoir d'achat. Ces mesures sont reconduites pour 2020, d'où le déficit de 5,2 milliards d'euros que nous constatons. J'ai visité les urgences des trois hôpitaux de mon département leur personnel a apprécié l'augmentation du nombre d'agents.
Vous allouez aux Ehpad 500 millions d'euros supplémentaires pour leur fonctionnement, auxquels s'ajoutent 130 millions d'euros en investissements. Cela permettra 11 000 recrutements, soit un emploi et demi par établissement. Il faudra rapidement faire passer le taux d'encadrement de 0,6 à 0,8. Vous proposez de revaloriser les salaires des aides-soignantes : c'est bien, mais il faut aussi en recruter et donc former plus, ainsi que des infirmières.
En Corrèze comme ailleurs, nous demandons depuis trente ans des lits de pédopsychiatrie. Cela devient urgent : des enfants présentant des troubles du comportement ont besoin de lits de rupture ou d'une prise en charge en pédopsychiatrie. Je vous remercie d'augmenter les dotations.
Quant aux hôpitaux de proximité, que j'appelle « hôpitaux de territoire » quand ils sont très éloignés des centres hospitaliers régionaux (CHR) et des centres hospitaliers universitaires (CHU), il est absolument nécessaire d'y maintenir des services d'urgence.
Vous annoncez la création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Peut-on vraiment le dire ainsi ? Vous comptez plutôt étendre la prise en charge actuelle des maladies professionnelles par la médecine du travail. En outre, l'indemnisation forfaitaire proposée ne prendrait pas en compte tous les préjudices ; ce n'est pas comparable à la prise en charge des victimes de l'amiante. Vous avez évoqué la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy, adoptée à l'unanimité par le Sénat en 2016, qui couvre un spectre beaucoup plus large de victimes et assure la réparation intégrale de tous les préjudices par un fonds financé suivant le principe du « pollueur-payeur ». Pourquoi ne pas avoir repris cette proposition de loi ?
La Cour des comptes a formulé des recommandations relatives aux indemnités journalières, qui doivent être maîtrisées. Que pensez-vous de ces recommandations ?
Enfin, vous évoquez les mesures prises en faveur de l'installation de jeunes médecins dans les déserts médicaux. Je voudrais recevoir des précisions relatives aux 4 000 postes d'assistants médicaux prévus par la loi de modernisation de notre système de santé. La mise en oeuvre de cette mesure s'avère assez difficile dans mon département. Les conditions de son financement restent floues. Quels moyens y seront-ils attribués au sein de ce texte ? Comment se fera leur répartition par territoire ?
L'effort entrepris est apprécié par les urgentistes que j'ai rencontrés. Concernant le mode de fonctionnement des urgences, n'y aurait-il pas lieu de sanctuariser des lits d'aval ? Les professionnels estiment que le problème se situe surtout à ce niveau. Quant à l'amont, je n'étais pas favorable au forfait de réorientation adopté l'an dernier, mais il pourrait permettre de financer le recrutement d'infirmières en pratiques avancées, qui pourraient prendre en charge les patients aux urgences et, éventuellement, les réorienter. L'accès aux services d'urgence par le numéro unique ne pourrait-il pas être clairement régulé ? Dans certains pays, on ne peut pas accéder aux urgences aussi facilement, ce qui empêche de s'en servir comme de simples consultations non programmées qui pourraient être assurées ailleurs. Enfin, ne pourrait-on pas mieux autonomiser les services d'urgence et les plateaux techniques qui leur sont rattachés ?
Il est important de soutenir et d'accompagner les services d'urgences, au regard des besoins des patients, des objectifs assignés et des attentes des professionnels. Je ne suis pas convaincu que fixer l'Ondam à 2,3 % soit de nature à améliorer les conditions de travail, ainsi que la qualité et la sécurité des soins. Par ailleurs, qu'envisagez-vous pour remédier à la régulation défaillante des transports sanitaires ? Vous avez également affiché votre attachement à la prévention des risques psychosociaux, mais qu'en est-il de la prévention sanitaire ? Enfin, que prévoyez-vous pour les soins palliatifs et l'accompagnement des patients en fin de vie ?
Madame Apourceau-Poly, notre évaluation du coût des niches sociales diffère de celle de la Cour des comptes : nous l'estimons à 66 milliards d'euros. Cette différence de 34 milliards d'euros correspond à l'effet des taux réduits de CSG : je ne peux croire que vous vouliez les remettre en cause.
Nous ne voulons pas raboter les allégements généraux, qui sont des outils importants de compétitivité. La baisse du chômage et la création de 250 000 emplois cette année viennent confirmer la justesse de cette approche. La totalité de ces allégements est en outre compensée par l'affectation à la sécurité sociale d'une fraction de la TVA, à hauteur de 50 milliards d'euros.
Enfin, nous allons réduire la dotation forfaitaire spécifique (DFS) : c'est un exemple de rationalisation sur une niche au fonctionnement assez anachronique, qui peut avoir un effet négatif pour les salariés dans la mesure où cet abattement sur la base des cotisations sociales a des conséquences sur le calcul des prestations, notamment en cas d'arrêt maladie.
Madame Delmont-Koropoulis, les CPTS sont financées par accord conventionnel sur un cahier des charges. Les hôpitaux de proximité auront leur propre financement, mais ils sont amenés à travailler avec les CPTS. Le degré de participation des hôpitaux de proximité aux missions d'une CPTS dépend du projet de santé de celle-ci, charge à l'ARS d'être garante des complémentarités entre l'offre de soins libérale et l'hôpital de proximité. Notre objectif est de proposer un cadre propice au développement de projets adaptés aux territoires et financièrement pérennes. Cette articulation devrait être assez facile à trouver.
Madame Lassarade, le forfait de soins post-cancer s'adresse à tous les patients atteints d'un cancer, soit environ 250 000 personnes chaque année. Des séances d'activités physiques adaptées seront financées dans le cadre de ce forfait. Les acteurs extra-hospitaliers pourront être concernés, sur prescription médicale du cancérologue.
Madame Cohen, la taxe sur les salaires repose sur un barème ancien qui favorise les bas salaires et les contrats courts. Les services du ministère y travaillent, mais à recettes constantes. Cette discussion pourra avoir lieu lors de l'examen prochain du projet de loi sur la dépendance.
Concernant l'Ondam hospitalier, il faut le rapporter au tendanciel hospitalier, qui est inférieur à 4 % en raison du virage ambulatoire : l'activité des hôpitaux commence à être affectée par ce virage, que nous souhaitons tous. En outre, l'année dernière, l'Ondam hospitalier était de 2,5 % : les 400 millions d'euros supplémentaires ainsi dégagés sont désormais intégrés à la base du nouvel Ondam. Un effort considérable est fait en faveur des hôpitaux.
J'attends de connaître le taux d'exécution des établissements avant de prendre, en novembre, une décision quant à l'ampleur, totale ou non, du dégel des crédits en réserve. Nous avons la volonté d'accompagner au mieux les hôpitaux. La campagne tarifaire à laquelle je travaille devra être au moins aussi bonne que celle de l'année dernière : pour la première fois depuis dix ans, les budgets des hôpitaux publics sont en hausse !
Madame Grelet-Certenais, selon vous, 750 millions d'euros, c'est peu ! Cette somme est destinée uniquement aux services d'urgences, et non à tous les hôpitaux : ce n'est pas peu ! Tous les établissements n'ont pas de tels services. Cela représente des budgets considérables pour recruter du personnel. La priorité est de revaloriser les bas salaires hospitaliers, c'est-à-dire notamment les agents paramédicaux en début de carrière : l'hôpital manque d'attractivité pour ces métiers. Des actions spécifiques seront par ailleurs menées pour créer un pool d'intérimaires du secteur public et ne plus grever les budgets.
Il n'y a aucune politique de fermeture de lits. Je suis prête à en rouvrir partout où il y a des besoins, notamment en lits d'aval pour les urgences. Les besoins sont très variables ; ils dépendent de la démographie du territoire. On ne peut pas avoir une politique unifiée à l'échelle nationale. Quant à la garantie pluriannuelle, nous y travaillons : nous verrons si un vecteur législatif s'impose.
Monsieur Morisset, le PLFSS comprend une première salve d'engagements pour augmenter massivement la présence du personnel en Ehpad. Ces établissements bénéficieront à ce titre de 450 millions d'euros supplémentaires sur la période 2020-2021, dont 210 millions dès 2020. Une enveloppe de 15 millions d'euros sera reconduite en 2020 pour le recrutement de personnel infirmier de nuit dans les Ehpad. En outre, 130 millions d'euros seront consacrés à l'amorce d'un grand plan d'investissement pour la rénovation des établissements médico-sociaux. Enfin, nous nous engageons dans une démarche de revalorisation des métiers : la prime d'assistant en soins de gérontologie sera versée au personnel formé. Nous soutenons également l'offre à domicile. Ces budgets conséquents permettent de cranter les premières mesures en attendant le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie.
Concernant les pensions alimentaires, l'Aripa sera en capacité de mieux les recouvrer à partir de juin 2020, pour le flux, et du début de 2021, pour le stock. Pour accompagner la montée en charge progressive de cette agence, nous prévoyons un financement permettant de recruter 450 agents.
Madame Imbert, le transfert du financement de ces agences répond à un souci de cohérence : l'ANSP fait de la prévention et trouve donc toute sa place auprès d'autres opérateurs financés par l'assurance maladie. Cela permet une meilleure vision globale des budgets de prévention.
Monsieur Chasseing, en 2017 et 2018, nous avons déjà financé 4 400 nouveaux équivalents temps plein en Ehpad. Il y en aura 4 000 de plus en 2019, 12 000 encore en 2020 et 2021. Le problème est moins le financement des postes que la capacité à recruter. C'est pourquoi j'ai confié à Myriam El Khomri une mission sur l'attractivité des carrières ; son rapport doit m'être remis à la fin du mois.
Madame Féret, le rapport relatif aux indemnités journalières a été rédigé en concertation avec toutes les parties prenantes. Il présente des pistes intéressantes. Les causes de la hausse du recours à ces indemnités sont liées au vieillissement de la population en âge de travailler. Parmi les pistes évoquées, je retiendrai le maintien dans l'emploi des personnes en arrêt de travail : beaucoup de ces personnes, notamment celles qui ont un cancer, souhaitent continuer une activité professionnelle à mi-temps ou à quart-temps ; ils peuvent le faire s'ils le souhaitent. Le présent texte prévoit des mesures d'encouragement du temps partiel thérapeutique et une simplification des règles en la matière.
Quant aux postes d'assistants médicaux, il s'agit de dispositifs conventionnels qui démarrent en ce moment. L'idée est de disposer de 5 000 postes à l'horizon de 2022 ; les ARS accompagneront les professionnels qui le souhaitent. Concernant le fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, la définition des pathologies n'est pas encore suffisamment mûre pour aller au-delà de ce qui est proposé.
Monsieur Amiel, on observe une très grande hétérogénéité des dysfonctionnements dans les services d'urgences : il n'y a donc pas de solution miracle. Il faut parfois sanctuariser des lits d'aval, on le fera là où le besoin s'en exprime. En amont, le forfait de réorientation n'a aujourd'hui pas d'usage pour les infirmiers en pratique avancée ; nous verrons comment les financer d'ici à 2022. Pour l'accès aux urgences, les mesures de régulation plus strictes qui existent, par exemple, au Danemark, apparaîtraient un peu trop violentes aux Français. Nous serons peut-être forcés, dans l'avenir, de proposer une régulation plus coercitive, mais je ne me vois pas annoncer cela aux Français aujourd'hui.
Monsieur Sol, les soins palliatifs sont un sujet important auquel je travaille. Je veux dynamiser l'accès aux soins palliatifs dans notre pays. Quant à la prévention, tout n'est pas budgétaire. Le plan Priorité prévention est réactualisé chaque année, en février.
Merci pour l'ensemble de vos réponses.
La réunion est close à 23 h 30.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.