Nous commençons notre réunion par le rapport de Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics ». Il poursuivra par une communication sur son contrôle budgétaire sur la sécurité informatique des pouvoirs publics, objet d'une actualité tourmentée ces dernières années.
Je ferai d'une pierre deux coups en présentant à la fois mon rapport sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics » et ma mission de contrôle sur la sécurité informatique des institutions.
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit qu'une mission spécifique regroupe les crédits alloués sous forme de dotations aux pouvoirs publics, pour lesquels le juge constitutionnel a rappelé le principe d'autonomie financière, qui relève de la séparation des pouvoirs. Les marges de manoeuvre du Parlement et du Gouvernement sur la détermination de ces crédits sont donc assez limitées.
Le périmètre de la mission « Pouvoirs publics » inclut la présidence de la République, les deux assemblées - Assemblée nationale et Sénat -, le Conseil constitutionnel, les deux chaînes de télévision LCP-AN et Public-Sénat ainsi que la Cour de justice de la République.
Ce budget a une caractéristique : il est constant. Depuis 2012, il se situe légèrement sous le milliard d'euros pour l'ensemble des institutions de la République. Voilà le coût de la démocratie.
La dotation de la présidence de la République connaît une légère augmentation cette année, de 103 à 105,3 millions d'euros, essentiellement due à une consolidation des crédits de la nouvelle direction de la sécurité de la présidence de la République, puisque la sécurité ne relève plus des crédits du ministère de l'intérieur, mais de ceux de l'Élysée. C'était une demande de la Cour des comptes, qui souhaite disposer d'un budget affichant le coût complet de la présidence de la République. Je reviendrai sur cette notion de coût complet.
Les dotations des assemblées parlementaires sont complètement stables depuis 2012, à 518 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et 323 millions d'euros pour le Sénat. Avec l'inflation, cela signifie qu'elles ont perdu sur cette période l'équivalent d'une année de dotation par rapport à 2011. Les assemblées ont réalisé un effort important de maîtrise de leurs dépenses - avec un bémol : pour compléter leur budget, elles puisent dans leurs réserves, année après année, pour pouvoir fonctionner, investir et faire face aux surcoûts, comme le renouvellement partiel de 2020, qui coûtera au Sénat 5 millions d'euros supplémentaires. Si l'on puise tous les ans entre 30 et 40 millions d'euros dans les réserves, elles s'épuisent. En 2022 à l'Assemblée nationale et en 2023 au Sénat, il y aura la vérité des prix. Les assemblées seront plus qu'à l'os. L'Assemblée nationale et le Sénat avaient anticipé une baisse du nombre de parlementaires, mais puisque celle-ci n'entraînerait pas de baisse des coûts pour permettre d'accroître les moyens d'action du Parlement, le sujet est en suspens.
Soulignons l'augmentation des crédits du Conseil constitutionnel sur un point tout à fait particulier : le référendum d'initiative partagée (RIP), pour lequel une enveloppe supplémentaire de 785 000 euros est consacrée.
La Cour de justice de la République a travaillé en 2019 ; elle travaillera aussi, en principe, en 2020. Tant que la réforme constitutionnelle ne la supprime pas, elle doit être financée.
Certains ont été chagrinés par un élément concernant les investissements de l'Élysée. La présidence de la République a commencé un schéma directeur de réaménagement du palais de l'Élysée et du site de l'Alma. Cette opération est menée par l'Élysée en propre et par l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) qui assure la maîtrise d'ouvrage pour tous les grands monuments historiques. Le ministère de la culture a inscrit des crédits pour le schéma directeur de l'Élysée. La présidence, de son côté, fait traditionnellement inscrire ses travaux sur les crédits alloués aux résidences présidentielles - dont Rambouillet et Brégançon -, qui représentent 5 millions d'euros chaque année dans le budget du ministère de la culture. L'élément nouveau tient au fait que dans le cas présent les crédits provenant de l'OPPIC sont et seront jusqu'en 2022 uniquement portés sur le schéma directeur. Nous ne sommes donc plus dans le budget consolidé, contrairement à ce qui est pratiqué par les assemblées : à titre d'exemple, l'Assemblée nationale va financer elle-même les travaux de son hémicycle, dont le toit menace de s'effondrer, en puisant dans ses réserves. Concernant ce même schéma directeur, on note de surcroît une inscription au compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui concerne l'immobilier vendu par l'État et en finance les travaux. En 2019 et en 2020, 5,5 millions d'euros puis 6 millions d'euros de ce CAS seront mobilisés pour le programme immobilier de la présidence de la République. Celle-ci informe qu'elle vendra un immeuble rue de l'Élysée en 2022 pour 27 millions d'euros et que l'argent des travaux est pris sur cette somme future. La procédure est assez classique, sauf que l'on a omis de nous le préciser l'an dernier, alors que j'avais posé la question lors des auditions. J'ai ainsi découvert que des crédits ont été inscrits sur le CAS en cours d'année 2019. C'est pourquoi il me semblerait opportun que le Gouvernement dépose un amendement de périmètre pour mieux retracer tous les crédits et les consolider au sein du budget de l'Élysée, comme cela avait été demandé par la Cour des comptes concernant les dépenses du ministère de l'intérieur, ou qu'à tout le moins un réel effort de transparence soit réalisé sur ce sujet. Il y a en effet un problème de cohérence. Dans le cadre de la LOLF, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas déposer cet amendement nous-mêmes.
Le programme immobilier doit être clairement expliqué, tant pour les recettes que pour les dépenses. L'an prochain, si le bureau de la commission des finances en est d'accord, ma mission de contrôle pourrait porter sur les programmes immobiliers des différentes institutions. Il y a là un besoin d'éclaircissements et de transparence.
J'en viens à ma mission de contrôle sur la sécurité informatique des pouvoirs publics. Nos institutions sont la cible régulière de cyberattaques : espionnage informatique ; cybercriminalité - avec des demandes de rançon - ; déstabilisation par de fausses nouvelles propagées parfois par de faux comptes qui laissent penser que nous en sommes les auteurs ; sabotage par déni de service. La menace n'est pas récente : le meilleur exemple est celui de l'attaque d'ampleur qu'avait subi l'Estonie en 2007. En France, en 2015, TV5 Monde a subi une attaque retentissante et a dû faire apparaître un écran noir pour que le message initial de cet instrument d'influence de la France ne soit pas détourné. Le surcoût entraîné par cette attaque a été de 2,4 % de son budget total, qui est estimé à 111 millions d'euros. En effet, ne pas tenir compte à temps de la sécurité informatique entraîne des surcoûts. Tout bon informaticien vous dira qu'il faut consacrer au moins 10 % de son budget informatique à la sécurité, sinon l'on est notoirement sous-protégé.
Tout cela démontre le rôle essentiel de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Toutes les institutions de la mission Pouvoirs publics font appel à sa compétence. C'est l'agence qui nous protège des attaques majeures. J'en appelle au maintien et au renforcement de ses crédits pour que notre sécurité informatique soit au bon niveau.
Je rappelle que le Bundestag a été attaqué en 2015, comme le site internet du Sénat français en 2011.
Public Sénat, de son côté, fait appel à une agence privée, surtout sur des points de droit.
L'Élysée, cible de premier plan, s'appuie sur plusieurs réseaux informatiques : un permanent pour les agents de l'Élysée, un extérieur et un destiné aux grands événements tels que le G7 à Biarritz.
La menace qui pèse sur le Conseil constitutionnel est plutôt liée aux résultats de l'élection présidentielle, qu'il proclame, contrairement aux résultats des autres élections qui relèvent du ministère de l'intérieur. Le Conseil constitutionnel s'appuie sur un réseau dédié du ministère de l'intérieur doté de logiciels qui datent du XXe siècle, alimenté sur des postes dédiés par des agents dédiés, dans les préfectures, qui font remonter les données au ministère de l'intérieur qui les transmet au Conseil constitutionnel. C'est verrouillé, car ce n'est pas très compatible avec internet. Néanmoins, ce réseau présente des risques de défaillance. Il faut donc investir assez rapidement pour que l'élection présidentielle de 2022 soit sûre. J'appelle le ministère de l'intérieur à investir dans ce domaine.
Une disposition organique prévoit des parrainages par voie électronique pour 2022. C'est pour l'instant hors de portée du ministère de l'intérieur, qui devra vérifier l'identité des signataires. Cette disposition était peut-être prématurée et ne sera pas applicable. Il ne faudrait pas que des candidats fantômes soient parrainés par des parrains et des marraines tout aussi fantômes. Si nous sommes amenés à examiner prochainement un projet de loi organique, il serait bon de retirer cette disposition.
Je vous propose d'adopter les crédits de la mission, moyennant la question de périmètre évoquée sur le budget de la présidence de la République.
Après les différents rapports de la Cour des comptes, l'Élysée a accepté de se doter d'un budget propre et d'un système comptable incluant tous ses agents dans les effectifs de la présidence de la République. Or on me dit que, depuis l'année dernière, les ministères sont à nouveau sollicités pour envoyer des fonctionnaires supplémentaires à l'Élysée. Est-ce le cas ?
L'Assemblée nationale et le Sénat puisent dans leurs réserves, qui ne sont pas inépuisables. Une éventuelle réduction du nombre de parlementaires remettrait en cause l'équilibre des comptes des assemblées, notamment de leurs caisses de retraite. A-t-on imaginé ce que ces deux institutions pourraient vendre comme biens immobiliers ? Elles n'auraient plus besoin d'autant d'immeubles qu'aujourd'hui.
On pourrait calculer le coût des institutions au prorata de la population.
Le rapport budgétaire pourrait souligner que la démocratie ne coûte pas si cher.
Se soucier de la sécurité informatique, c'est bien, mais quel est l'état du parc informatique ? Le matériel de base est généralement extrêmement obsolète et ne peut pas supporter l'intégration de logiciels modernes, notamment de sécurité.
En matière de sécurité informatique des différentes instances publiques, des questions se posent sur le fonctionnement de la messagerie du Sénat. Appuyée sur une solution libre, elle ne bénéficie pas d'un agenda associé. La plupart des sénateurs utilisent donc un agenda partagé avec leurs collaborateurs sur Google. C'est un premier Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Les paramètres du serveur sortant de la messagerie n'étant acceptés que par les systèmes d'exploitation d'Apple, nous utilisons tous un iPhone ou un iPad pour répondre en direct à nos e-mails. C'est un deuxième Gafam. Est-ce la solution la plus appropriée pour sécuriser les échanges électroniques du palais du Luxembourg ?
Le rapport est très intéressant - je rappelle que je suis rapporteur spécial du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Monsieur Bascher, vous envisagez des contrôles. Sachez que la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne du Sénat, dont plusieurs d'entre nous sommes membres, publie un rapport annuel et a étudié, notamment dans son dernier rapport, les cycles d'investissement du Sénat. Généralement, les prélèvements sur réserve financent les investissements, dont les cycles sont très lourds. En 2017, le montant s'élevait à 24,4 millions d'euros et en 2018 à 19,6 millions d'euros. Entre les autorisations d'engagement et la réalisation, les écarts sont importants. Je suppose que l'Assemblée nationale a publié le même rapport.
Du côté de l'immobilier de l'État, on a aussi essayé de modifier l'approche. Il n'est plus nécessairement envisagé de céder du patrimoine, mais plutôt de privilégier les revenus fixes.
L'immeuble de la rue de l'Élysée dont il est question ne figurait pas, en 2019, dans la liste des biens susceptibles d'être vendus.
J'ajoute que généralement, le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est présenté à l'équilibre. Puisqu'il y a moins de cessions, il est en déséquilibre et l'on en consomme des sommes très importantes. On devrait peut-être avoir une autre vision que celle de ce CAS. Chacun des ministères gère son patrimoine à sa façon et la vision globale est limitée.
Je félicite Jérôme Bascher pour son rapport très intéressant. Le renouvellement de la moitié du Sénat coûte 5 millions d'euros. Combien coûte le renouvellement de l'Assemblée nationale ?
Quelles sont les perspectives d'investissement du Sénat ? Celles de l'Assemblée nationale sont lourdes. Il faudrait peut-être séparer le jardin du Luxembourg du reste des dépenses. En effet, que le jardin relève du budget global du Sénat ne tombe pas sous le sens, et 1,4 million d'euros représentent une somme importante.
Quelle sont les perspectives, au regard des réserves dont chaque institution dispose ? Les réserves de l'Assemblée nationale sont estimées à 261 millions d'euros. Pourquoi ne sont-elles pas toutes totalement mobilisables ? Les réserves du Sénat sont estimées à 133 millions d'euros. À combien s'élèvent celles de la présidence de la République ? Ces montants sont à mettre en rapport avec les programmes pluriannuels d'investissement. Ceux-ci peuvent-ils être mis en oeuvre, au regard des disponibilités en réserve, les budgets étant bloqués, pour mener à bien les indispensables programmes de réhabilitation du patrimoine dont les assemblées et la présidence de la République ont la charge ? Les pouvoirs publics peuvent-ils tenir longtemps dans la configuration actuelle ?
Le jardin du Luxembourg appartient au Sénat et est ouvert au public. C'est un immense avantage pour la ville de Paris que de pouvoir profiter de ce magnifique jardin très bien entretenu par des jardiniers qui ratissent et nettoient. Les citadins s'imaginent que leur vision, c'est la nature comme partout ailleurs, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Je me félicite que la variation de l'amplitude horaire d'ouverture rappelle le rythme de la nature.
Pour le jardin, 1,4 million d'euros sont prélevés sur les disponibilités. Je me réjouis que les recettes augmentent de 10,5 %. C'est bien de rentabiliser ce jardin, même modestement.
Merci à notre rapporteur spécial. L'État dote le Sénat de 323 millions d'euros, ce qui est stable. Mais si le Sénat fonctionne bien, c'est grâce aux moyens humains. Les effectifs ont légèrement baissé. A-t-on une idée précise de la répartition des emplois et de l'évolution des effectifs, pour le fonctionnement de notre institution et du jardin ?
Je souhaite revenir sur les chiffres d'investissement et de fonctionnement, et, pour ces derniers, sur la partie structurelle et la partie conjoncturelle, notamment liée au renouvellement. Celui-ci induit un fort taux de rotation des collaborateurs. Le budget de l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs (Agas) représente 58 millions d'euros en année normale, comme 2019, soit 7 % du budget du Sénat. La rotation accélérée en cas de renouvellement augmente encore les besoins financiers.
Pour les deux assemblées réunies, l'insuffisance financière s'élève à 86 millions d'euros. N'ayant pas connaissance du montant des réserves disponibles affectables au comblement de ces déficits, il est difficile d'apprécier les risques de cette gestion non durable.
Jérôme Bascher dit que le Sénat sera à l'os en 2023. Quelle est la stratégie envisagée ? Que fait-on ? Quels emprunts ? Le Gouvernement contracte des emprunts considérables puisque les taux sont très bas. Qu'en est-il du Sénat ?
Quels sont les indicateurs d'efficacité ? L'autonomie financière des assemblées implique l'absence de projet annuel de performances. Les objectifs fixés sont-ils respectés ?
La Cour des comptes vérifie les comptes des deux assemblées et de l'Élysée. De quand son dernier rapport date-t-il ? Quel est son avis ?
J'ai lu dans la presse que l'Élysée vendait des t-shirts et des colifichets. Cela apparaît-il dans « produits divers » ?
Combien de temps le Sénat tiendra-t-il encore, en prélevant sur les réserves, notamment pour financer les investissements ? Quelles sont les perspectives ? J'ai cru comprendre que l'échéance était fixée à 2023.
Dispose-t-on du détail de ce qui est affecté au Président de la République pour ses actions militaires et diplomatiques ?
Il est difficile de répondre à toutes les questions car avec cette mission, tel le coucou, on est obligé de venir nicher dans les budgets et les missions des uns et des autres.
Roger Karoutchi a posé une question sur les caisses de retraite. L'Assemblée nationale, qui a soumis la retraite des députés au droit commun, envisage sa mise en gestion à la Caisse des dépôts et consignations, comme c'est déjà le cas pour son personnel. Les réserves prévues pour la caisse « ancien format » sont correctement dotées. Les caisses de retraite du Sénat sont largement provisionnées et ne sont pas fongibles avec le reste des réserves.
Pour répondre à Victorin Lurel et Jean-François Rapin, au rythme actuel de consommation des réserves courantes, l'année de vérité sera 2022 pour l'Assemblée nationale et 2023 pour le Sénat.
Comme l'a dit Thierry Carcenac, on peut tout à fait ralentir les investissements, car il y a toujours des glissements. Chaque institution a sa dotation, mais elle bâtit ensuite son propre budget, avec ses réserves et ses recettes propres.
Les goodies de l'Élysée ne font pas vraiment recette ; en revanche, l'Assemblée nationale s'est lancée avec succès dans la vente en ligne ; c'est une très bonne idée, dont pourrait s'inspirer le Sénat.
À votre suggestion, Nathalie Goulet, je mentionnerai dans mon rapport le coût par habitant du Sénat et de l'Assemblée nationale, sur le modèle de ce qui est indiqué sur le site internet du Sénat.
Les matériels informatiques de l'Élysée sont tellement sécurisés qu'ils n'admettent aucun autre logiciel ; cohabitent alors, comme à la gendarmerie, des outils ultra-sécurisés et peu ergonomiques et des outils achetés sur étagère et dont la sécurité laisse à désirer. S'agissant du Sénat, nos matériels sont relativement récents ; le fait que nous ayons tous des matériels différents n'est pas optimal en termes de sécurité, mais le coût d'une standardisation serait disproportionné au regard de la menace, à l'exception peut-être des parlementaires astreints au secret de la défense nationale dans le cadre de la délégation parlementaire au renseignement. Comme le souligne justement Christine Lavarde, toutes nos données sont déjà chez Google, Apple et surtout Amazon !
La vente d'un immeuble de l'Élysée pour 27 millions d'euros en 2022 n'a rien de scandaleux a priori. C'est en effet le propre du CAS « Immobilier de l'État » que d'être à l'équilibre et de réaliser des opérations de trésorerie. Je regrette cependant que la présidence de la République ne m'ait pas répondu en 2019 alors que je l'avais spécifiquement interrogée sur ce point.
Si le bureau de la commission en décide ainsi, je conduirai l'an prochain une mission de contrôle budgétaire consacrée à l'immobilier au cours de laquelle je pourrai examiner les schémas directeurs et les plans de financement de chaque institution.
Les réserves immobilières de l'Élysée ont été constituées sous le quinquennat de François Hollande à la faveur d'une sous-consommation des crédits ; elles s'élèvent aujourd'hui à moins de dix millions d'euros, et diminuent chaque année.
Jean-Claude Requier m'a demandé si le Sénat perçoit des recettes propres et j'y ai je crois répondu pour partie. S'agissant de la valorisation des jardins du Sénat, en me rappelant mes responsabilités professionnelles antérieures au ministère de la culture, il me semble qu'ils pourraient intéresser des organisateurs de défilés de mode.
Les effectifs du jardin du Luxembourg ont diminué de 111 à 109 emplois budgétaires. À l'Assemblée nationale, les effectifs devraient baisser plus fortement, car la question de l'externalisation de certaines fonctions a été clairement posée, et pas seulement pour les fonctions informatiques. Il me semble que des marges d'externalisation existent aussi au Sénat, notamment au jardin.
Le Sénat et l'Assemblée nationale reçoivent une dotation qu'ils sont libres d'affecter entre investissement et fonctionnement. Leurs réserves sont aussi totalement fongibles et peuvent être indifféremment affectées à l'investissement ou au fonctionnement. C'est une situation hors normes publiques habituelles.
Les réserves de l'Élysée seront probablement épuisées en 2021, celles de l'Assemblée nationale en 2022 et celles du Sénat en 2023. L'Assemblée nationale et le Sénat n'ont pas recours à l'emprunt, car ils disposent de réserves ; en revanche, ils effectuent des placements sur les marchés financiers, notamment pour financer leurs régimes de retraite.
La mission « Pouvoirs publics » est une mission particulière qui ne comporte aucun indicateur de performance. Toutefois, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le Conseil constitutionnel mentionne le délai moyen de jugement qui s'apparente à un indicateur.
Les comptes de l'Assemblée nationale et du Sénat sont certifiés, mais ne donnent pas lieu à un rapport d'observations de la Cour des comptes. En revanche, l'Élysée a demandé que la Cour des comptes examine son budget et fasse des recommandations.
La fonction de représentation du Président de la République apparaît dans le budget de l'Élysée où 16 millions d'euros sont consacrés à l'action diplomatique, déplacements présidentiels inclus. Mais tout cela n'est pas toujours très clair : l'an dernier, la ligne augmentait à cause du G7 à Biarritz, cette année c'est parce qu'il y a un G20 en Arabie saoudite et un G7 aux États-Unis. Par ailleurs, l'immobilisation de l'A330 présidentiel pendant trois mois pour révision occasionnera probablement des surcoûts.
Dans l'attente de plus amples explications concernant le budget de l'Élysée, je vous propose de réserver notre position sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
La commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
La commission autorise la publication de la communication du rapporteur spécial sous la forme d'un rapport d'information.
Cette mission retrace les dépenses budgétaires résultant de l'application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d'impôt. Compte tenu du caractère mécanique de ces dépenses, les crédits de la présente mission sont évaluatifs, c'est-à-dire qu'ils ne constituent pas un plafond, à la différence des crédits des autres missions budgétaires. La mission est composée de deux programmes, l'un consacré aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, l'autre aux remboursements et dégrèvements d'impôts directs locaux.
Pour 2020, 141 milliards d'euros de crédits sont demandés au titre de la présente mission, en augmentation de 5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2019. S'agissant des impôts d'État, cette augmentation s'explique notamment par la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, mais également par la hausse des restitutions de TVA et d'importants contentieux fiscaux. S'agissant des impôts locaux, la hausse s'explique principalement par le coût croissant du dégrèvement de la taxe d'habitation en faveur des 80 % des ménages les moins favorisés. Au total, en 2020, les remboursements et dégrèvements devraient représenter un tiers des recettes fiscales brutes, une proportion qui ne cesse d'augmenter depuis 2010. Ces montants justifieraient une revue régulière et détaillée de leur pertinence.
Pour 2020, les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État sont évalués à 118 milliards d'euros, en augmentation de près de 2 milliards d'euros par rapport à 2019. Leur hausse est quasi ininterrompue depuis 2010.
Plusieurs paramètres expliquent l'augmentation demandée pour 2020.
En premier lieu, les remboursements de crédits de TVA, qui représentent en valeur la part la plus importante des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, sont particulièrement dynamiques. Avec 58,6 milliards d'euros pour 2020, ils poursuivent leur croissance : + 3,1 % par rapport à la prévision révisée pour 2019, qui était elle-même en hausse de + 8,5 % par rapport à l'exécution 2018. Depuis 2013, les restitutions de TVA ont augmenté de 11,5 milliards d'euros et les parlementaires ont besoin de plus d'explications sur les causes de cette trajectoire.
En deuxième lieu, les conséquences du prélèvement à la source s'élèveront à 15 milliards d'euros en 2020, soit 4 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2019. En effet, la mise en oeuvre du prélèvement à la source a entraîné d'importantes restitutions en n+1, qui conduisent à une hausse de près de 10 milliards d'euros des crédits demandés à ce titre.
En troisième lieu, le crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) a finalement coûté 6,1 milliards d'euros ; il a permis de résoudre la difficulté posée par l'année blanche en annulant l'impôt sur le revenu afférent aux revenus non exceptionnels perçus ou réalisés en 2018.
En dernier lieu, l'acompte de 60 % du montant des crédits et réductions d'impôt de l'année précédente est désormais versé en début d'année aux contribuables. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit 5,7 milliards d'euros à ce titre, un montant à peine plus élevé qu'en 2019.
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) continue également de peser sur la mission. Le coût prévu du dispositif pour 2020 est cependant en forte baisse : Alors qu'il atteignait presque 20 milliards d'euros en 2019, la prévision pour 2020 est de 9 milliards d'euros. Le dispositif a en effet été transformé en réductions de cotisations sociales employeur, qui ne sont plus retracées au sein de la mission, mais n'en représentent pas moins un coût important pour les finances publiques.
Le coût des contentieux fiscaux est également retracé au sein de ce programme. Il s'agit principalement des grands contentieux fiscaux de droit de l'Union européenne, dont le coût pour l'État, même s'il est réparti sur plusieurs années, est très élevé ; c'est le cas du contentieux « OPCVM » (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) pour plus de 10 milliards d'euros, de celui sur la taxe additionnelle sur les dividendes pour 9,5 milliards d'euros ou encore de celui sur le précompte mobilier pour un peu plus de 5 milliards d'euros. Dans mon rapport, je déplore la priorité donnée par les institutions de l'Union aux marchés et à la libre circulation des capitaux, au détriment de l'urgence sociale, économique et environnementale.
Je me suis tout particulièrement intéressé à la question des remboursements et dégrèvements de TVA. Le ministre de l'action et des comptes publics nous avait indiqué, en mai dernier lors d'un débat organisé au Sénat, que la fraude à la TVA représentait chaque année entre 18 et 22 milliards d'euros. Nous sommes tous d'accord pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Pour cela, l'information doit être décloisonnée et les services doivent travailler de façon coordonnée, aux niveaux tant national qu'européen et international. Je considère en outre que les moyens humains doivent être renforcés et mieux spécialisés. Ce sont les conclusions que tirait également la Cour des comptes dans son référé de décembre 2018.
La lutte contre la fraude doit aussi permettre de dégager de nouvelles ressources publiques. Celles-ci permettront de mieux répartir la charge de la TVA en révisant les taux d'imposition des produits et des services de première nécessité qui contribuent au maintien de la dignité des personnes. Je pense notamment, pour avoir interrogé des foyers modestes, au savon, au dentifrice, au gel douche, au shampoing, mais aussi aux couches pour enfants et aux protections hygiéniques pour les personnes âgées.
Je sais que les taux réduits font l'objet d'un encadrement strict par le droit de l'Union européenne ; c'est pourquoi je demande que la France défende l'extension des taux réduits et super-réduits au niveau européen. En 2015, une initiative sénatoriale transpartisane avait permis de réduire à 5,5 % le taux de TVA applicable aux protections hygiéniques féminines. Il faut poursuivre l'extension de ce taux réduit ; le Sénat a voté un taux réduit sur les protections hygiéniques pour les personnes âgées, mais l'Assemblée nationale s'y est opposée au motif qu'il était contraire au droit européen. Or, le budget moyen pour une personne âgée s'établit à 150 euros mensuels : ce n'est pas rien quand on est au minimum vieillesse ou quand on vit avec une petite retraite d'agricultrice ou de conjointe d'agriculteur qui n'est même pas revalorisée !
S'agissant des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, comme chaque année, leur montant atteint un nouveau record. Ce sont ainsi 23 milliards d'euros qui sont demandés pour 2020, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2019.
Les remboursements et dégrèvements liés à la taxe d'habitation, qui s'élèvent à 14,7 milliards d'euros, constituent la majeure partie de la dépense.
Les remboursements et dégrèvements d'impôts économiques locaux constituent le deuxième poste de dépenses du programme, pour un montant de 6,2 milliards d'euros. La majeure partie de cette dépense correspond au reversement du dégrèvement barémique de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En 2020, le montant des dégrèvements d'impôts économiques locaux devrait baisser de 10 %, en raison notamment de l'extinction des contentieux nés de la décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017 relative à la CVAE de groupe.
Les remboursements et dégrèvements de taxes foncières représentent la troisième dépense du programme avec 1,6 milliard d'euros en 2020. Ce montant, quasiment stable depuis 2017, sert à couvrir le coût des rectifications a posteriori des impositions.
Enfin, les dépenses d'admissions en non-valeur constituent le dernier poste de dépenses du programme, pour un montant de 538 millions d'euros. Il s'agit d'un impondérable de la mécanique du recouvrement d'impôt, même si une amélioration des systèmes d'information pourrait permettre de réduire les montants en cause.
En conclusion, je souhaite évoquer la réforme de la fiscalité locale : le dégrèvement de taxe d'habitation en faveur de 80 % des ménages est en effet le premier facteur d'augmentation des dépenses que je viens de vous présenter. Cette mesure me semble mal inspirée et va nous conduire à une situation critique pour les collectivités locales et les classes les plus modestes.
En premier lieu, ce dégrèvement ne répond à aucune des critiques adressées jusqu'alors à la taxe d'habitation - les bases d'imposition n'étaient pas à jour et beaucoup de contribuables étaient exonérés. C'est pourtant sur la base de ce constat qu'il a été décidé de supprimer progressivement cet impôt, alors qu'il aurait fallu le réparer : si nous décidions de supprimer toutes les taxes et dépenses fiscales mal paramétrées, quels dégâts !
En deuxième lieu, ce dégrèvement a conduit à l'exonération généralisée que nous propose ce projet de loi de finances et qui se traduira par un nouveau cadeau fiscal pour les plus riches : 7,8 milliards d'euros d'ici à 2023 selon la direction générale des finances publiques (DGFiP) !
Enfin, ce dégrèvement impose de trouver un système pérenne pour compenser les communes ; or la solution envisagée n'est pas acceptable. J'estime tout d'abord que le transfert de la taxe foncière départementale n'aura pas d'autre effet que d'exclure de ce que j'appelle une « citoyenneté fiscale locale », tous ceux qui ne sont pas propriétaires. Je considère ensuite que la « compensation de la compensation » aux départements par l'attribution d'une fraction de TVA n'est pas souhaitable : elle va inciter l'État à accroître ses recettes de TVA pour financer son manque à gagner, avec, pour principales victimes, comme le démontre toute la littérature économique, les classes populaires ; enfin, elle va mettre les départements dans une situation absolument précaire, car, depuis 2011, les recettes de TVA ont augmenté moins rapidement que celles de la taxe foncière sur les propriétés bâties. C'est peut-être une manière commode pour le Gouvernement de ralentir l'augmentation de la pression fiscale, mais où sont les mesures qui ralentiront la croissance des dépenses sociales des départements ? Entre 2010 et 2017, ces dépenses ont crû de 24 %, alors les recettes de TVA n'augmentaient que de 19 % : c'est ce que l'on appelle un effet ciseau !
Compte tenu de l'ensemble de ces observations, que je vous ai présentées avec la liberté d'analyse et de ton dont notre commission est coutumière, je vous invite à ne pas adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Cela fait deux ans que nous demandons sans succès une démonstration des logiciels de détection précoce des fraudes à la TVA ! Ceux-ci sont utilisés dans d'autres pays, comme la Belgique, où ils ont prouvé leur efficacité pour détecter notamment les fraudes carrousels, au niveau national comme européen. Le ministre nous a promis une démonstration et assure qu'il dispose d'un logiciel maison. Il est évident que la détection précoce de la fraude à la TVA est le meilleur moyen de lutter contre les fraudeurs. Pourriez-vous demander, en votre qualité de rapporteur spécial, une telle démonstration ainsi que l'expertise des moyens dont dispose le ministère ?
Avec 141 milliards d'euros, cette mission est la mieux dotée du budget de l'État. Un certain nombre des dispositions qui conduisent à ce montant peuvent faire l'objet d'interrogations et de débats, comme c'est le cas de la suppression de la taxe d'habitation. Mais je ne vois pas sur quelles bases nous pourrions rejeter cette mission, dès lors que les montants des remboursements et dégrèvements correspondent peu ou prou à la réalité. Nous allons voter ces crédits car nous contestons la politique menée par le Gouvernement, et non pas les évaluations présentées dans la mission.
Pour ma part, je milite pour la suppression totale de la taxe d'habitation. Le rapporteur a-t-il pu identifier les niches que nous pourrions supprimer pour dégonfler ces 141 milliards d'euros ?
Même si l'on ne partage pas toutes les orientations qui les sous-tendent, comment ne pas voter ces crédits ?
S'agissant des fraudes à la TVA, le Gouvernement a demandé à la Cour des comptes un rapport permettant d'évaluer le niveau des différents types de fraude : quand nous sera-t-il remis ?
Ne devrait-on pas voter les crédits de cette mission ?
Je propose que la fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) actuellement perçue par les régions soit remplacée par une part supplémentaire de TVA. En effet, les régions doivent agir pour développer les transports collectifs et faire diminuer la consommation de carburants, or cela impacte négativement leurs recettes !
Je trouve en outre paradoxal de payer de la TVA sur d'autres taxes, comme c'est le cas pour les produits énergétiques : ne faudrait-il pas prévoir un dégrèvement pour ce cas de double taxation ?
Vous indiquez dans votre rapport que les admissions en non-valeur ont augmenté de plus de 1 milliard d'euros, soit + 62 %, entre 2019 et 2020. Comment l'expliquez-vous ?
La question de la détection précoce des cas de fraude à la TVA est un serpent de mer. Il s'agit bien souvent de gros fraudeurs très performants qui s'adaptent aux processus de détection. De plus, le Parlement a toutes les peines du monde à appréhender le travail de contrôle réalisé par l'administration et à disposer d'estimations fiables du niveau de la fraude. Il s'agit pourtant de sommes considérables pour les finances publiques, et que nous sous-évaluons probablement. Je vais relancer le ministre, idéalement avec l'appui d'autres élus afin que nous représentions toutes les sensibilités.
S'agissant des niches fiscales, je renvoie Jérôme Bascher aux discussions en cours à l'Assemblée nationale et aux propositions de suppression des niches fiscales du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Joël Giraud. Quant au rapport de la Cour des comptes sur la fraude fiscale évoqué par Thierry Carcenac, il a fait l'objet d'une lettre de mission du Premier ministre en date du 9 mai 2019, mais je n'ai pas encore eu connaissance de ses conclusions.
Nous pourrions débattre de l'attribution d'une fraction supplémentaire de TVA aux régions. Je suis heureux que nous ayons été unanimes à défendre l'autonomie fiscale des collectivités et le lien entre démocratie et impôt. Je suis inquiet des différences de dynamiques entre la taxe foncière sur les propriétés bâties et la TVA, mais aussi entre les dépenses sociales et la TVA : dans les départements, au moment du vote de nos budgets supplémentaires, nous sommes très souvent amenés à majorer substantiellement les crédits de l'action sociale !
La raison qui justifie ma proposition de rejet des crédits de la mission tient au fait que je m'oppose à la plupart des politiques dont résultent mécaniquement les remboursements et dégrèvements. Vous connaissez ma position sur le CICE...
Cette mission mélange des concepts différents qui s'appliquent à des périodes différentes : par exemple, un redressement notifié l'année n pourra être recouvré en n+1, mais si la notification de redressement était excessive, un dégrèvement sera appliqué en n+1 ... Tout cela est très complexe.
S'agissant de l'impôt sur le revenu, le prélèvement à la source évite d'avoir à redresser les contribuables et donc limite les remboursements ; il est relativement efficace en matière de recouvrement.
L'augmentation des admissions en non-valeur pour 2020 s'explique par la prévision de mise en liquidation d'une grande entreprise, qui devrait laisser derrière elle un passif fiscal de 1 milliard d'euros.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
La réunion est close à 17h10.