Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 s'est réunie à l'Assemblée nationale le 19 novembre 2019.
La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :
Brigitte Bourguignon, députée, présidente,
Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente.
Puis ont été désignés :
Olivier Véran, rapporteur pour l'Assemblée nationale,
Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour le Sénat.
Par courrier en date du 15 novembre dernier, M. le Premier ministre a informé M. le Président de l'Assemblée nationale et M. le Président du Sénat qu'il avait décidé de convoquer la réunion d'une commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020. Nous nous retrouvons donc aujourd'hui à cette fin avec nos collègues sénateurs, auxquels je souhaite la bienvenue.
Je rappelle que le PLFSS comptait à l'origine 64 articles. Après son examen par l'Assemblée nationale, qui l'a adopté en première lecture le 29 octobre dernier, le texte s'est enrichi de 30 articles. Le Sénat, quant à lui, a rejeté le texte en première lecture dans sa séance du 14 novembre dernier.
Notre CMP est donc saisie d'un seul texte, celui adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui compte 94 articles.
Conformément à l'usage, je vais donner la parole à la vice-présidente, puis à nos rapporteurs, en commençant par celui de la dernière assemblée saisie.
Une discussion pourra ensuite s'engager, sachant toutefois que le vote du Sénat ne laisse que peu d'espoir à la CMP dans la mission qui est la sienne, à savoir élaborer un texte commun susceptible d'être adopté ensuite en termes identiques par nos deux assemblées.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du Président Milon.
Le PLFSS 2020 a été rejeté à l'unanimité des votants par le Sénat. J'insisterai sur la dimension institutionnelle de ce rejet. Nous savions d'emblée que le texte soumis ne reflétait pas les équilibres généraux de la sécurité sociale, contrairement à ce que prévoit la loi organique, en raison des mesures pour l'hôpital en débat depuis plusieurs semaines.
Le Gouvernement n'a pas souhaité répondre aux appels de l'Assemblée nationale - et singulièrement du rapporteur général - à intégrer ces mesures dans le texte en discussion. Il a confirmé cette position d'attente au Sénat, alors que les mesures semblaient se préciser. Le rendez-vous annuel des comptes sociaux devant le Parlement était dès lors privé de toute portée.
Nous aurions admis l'annonce d'un texte rectificatif à venir. Nous n'avons pas admis, en revanche, celle d'un texte virtuel, qui deviendrait caduc dès son adoption.
Le rejet du texte se fonde également sur de profonds désaccords de fond, tenant pour la plupart aux relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Le sujet des non-compensations a un impact direct sur la dette de la sécurité sociale et masque la réalité du déficit structurel en matière de maladie et de retraites. Sur ce dernier point, le Sénat rappelle la nécessité d'agir sans tarder pour garantir la pérennité de notre système, sans attendre une réforme au calendrier hypothétique et aux orientations incertaines.
Comme l'a dit Mme Catherine Deroche, le Sénat a considéré ne pas être en mesure de se prononcer sur le PLFSS pour 2020.
Reconnaissons qu'au-delà des divergences de point de vue entre les deux assemblées, un accord de la CMP n'aurait guère de sens non plus. En effet, l'équilibre d'un texte élaboré ce soir serait complètement remis en cause dès demain après les annonces très attendues du Premier ministre sur l'hôpital. Dans ces circonstances exceptionnelles, la nouvelle lecture sera presque la première, s'agissant notamment des grands équilibres et de la trajectoire financière de la sécurité sociale.
Je voudrais néanmoins rappeler brièvement aux membres de la CMP quels ont été les principaux choix du Sénat et de sa commission des affaires sociales lors de l'examen de ce texte en première lecture.
Tout d'abord, le Sénat a rejeté l'ensemble des nouvelles non-compensations. Comme nous l'avons souligné l'an dernier, il s'agit avant tout de défendre un principe de responsabilité financière de l'État décideur. De plus, la situation financière de la sécurité sociale nous semble désormais incompatible avec ces nouvelles non-compensations d'environ 3 milliards d'euros par an. Cela sera encore plus vrai demain en cas d'augmentation significative de l'Ondam.
Par une cruelle ironie, si nous ne faisons rien, la sécurité sociale sera beaucoup plus endettée à l'heure de l'extinction de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) qu'au moment de sa création en 1996. Nous espérons donc que l'Assemblée nationale relaiera fortement ce message - a minima pour les politiques sectorielles du type jeunes entreprises innovantes (JEI) ou l'indemnité de rupture conventionnelle des agents publics.
D'autre part, même si nous n'avons pu parvenir à l'examen de l'article 52, la commission des affaires sociales souhaitait le supprimer afin de réindexer sur l'inflation dès 2020 le montant des prestations sociales, à commencer par les retraites. Il s'agit d'une mesure anxiogène pour les actuels allocataires et retraités comme pour les futurs retraités. Ce n'est pas le meilleur message à envoyer avant une réforme d'ampleur. De plus, les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) à 2025 - qui chiffrent à 17 milliards d'euros le déficit envisagé - montrent que ce n'est pas une réponse à la hauteur des enjeux.
D'autres paramètres peuvent être actionnés : le taux de cotisation ou la durée ont par exemple été augmentés sous les quinquennats précédents. Nous proposions donc, en lieu et place de ce rabotage et de cette hausse des taux, une montée de progressive de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans d'ici à 2025. Qu'on le veuille ou non, il s'agit de la seule mesure susceptible d'équilibrer les comptes à cette échéance. Et, même si elle ne ferait plaisir à personne, elle est explicable dès lors que l'espérance de vie progresse également. Mais est-ce encore d'actualité alors que dans le rapport du COR qui vient de paraitre une combinaison de plusieurs paramètres y est envisagée ?
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont conduit la commission à proposer la suppression de l'article 59, qui fixait l'ONDAM pour 2020.
Je précise que nous proposions néanmoins d'adopter de nombreux articles dans leur rédaction issue de l'Assemblée nationale. Je citerai simplement l'article 9 ter, sur la taxation des « prémix », que le Sénat a voté conforme avant de rejeter le PLFSS dans son ensemble.
J'espère que la suite de la navette, après les annonces du Premier ministre demain, permettra aux assemblées de confirmer ces dispositions.
Je commencerai par me réjouir des relations de travail que nous entretenons avec le Sénat, en cohérence avec nos engagements de l'an dernier, et souhaite poursuivre ce travail dans les prochains mois, pourquoi pas dans la perspective d'une évaluation commune, à terme, du PLFSS. Je m'engage à prolonger ce travail en commun et en confiance, dans la lignée de ce que nous avions fait au moment du projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales.
Je comprends parfaitement le choix des sénateurs de ne pas poursuivre l'examen du texte, ainsi que le déchirement et le sacrifice qu'a constitué ce rejet, après le travail préparatoire de la commission et la rédaction d'amendements. Ce n'est jamais de gaîté de coeur que l'on renonce à l'examen d'un texte en séance.
Je tiens à saluer l'important travail légistique, mais aussi de fond, effectué par le Sénat. J'aurai à coeur de reprendre en nouvelle lecture la plupart des amendements, même si nous ne nous entendrons pas sur l'augmentation de l'âge de départ à la retraite ou sur quelques autres sujets précis.
Parmi les nombreuses modifications que nous reprendrons, je pense à l'amendement de votre collègue Mme Patricia Schillinger relatif à l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), et à celui de Mme Catherine Deroche étendant l'obligation d'information de l'Agence nationale pour la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d'un risque de rupture de stock à tous les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, et non plus aux seuls médicaments d'intérêt thérapeutique majeur pour lesquels il n'existe d'alternative thérapeutique.
Je pense également à l'amendement de votre collègue Mme Véronique Guillotin qui exonère les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) de la mise en place d'une prime d'intéressement, et à celui du rapporteur général M. Jean-Marie Vanlerenberghe permettant d'anticiper l'exonération de prélèvements sociaux sur la composante aide humaine de la prestation de compensation du handicap (PCH) au 1er janvier 2019.
Vous retrouverez donc beaucoup de vos « bébés » en nouvelle lecture, sous réserve qu'ils soient adoptés par l'Assemblée nationale.
Débuter notre nouvelle lecture par le texte de l'Assemblée nationale sera une nouveauté, et à double tranchant : d'un côté, nous ne discuterons pas de dispositions additionnelles introduites par le Sénat ; de l'autre, l'ensemble du texte issu des travaux de l'Assemblée sera de nouveau discuté en nouvelle lecture, aucun article n'ayant été adopté conforme.
Le Sénat est finalement allé au bout de sa démarche sur l'enjeu des compensations - enjeu sur lequel nous nous retrouvons d'ailleurs largement.
S'agissant du « plan hôpital », nous découvrirons demain les mesures, leur portée et leurs modalités de financement, dans un contexte où nous devons apporter une réponse exceptionnelle à une situation exceptionnelle.
Je souhaite naturellement que nous poursuivions nos échanges en nouvelle lecture, en espérant que les nouveaux éléments dont vous disposerez vous permettront, cette fois-ci, d'aller au bout de l'examen du texte.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
La réunion est close à 18 h 45.