Nous accueillons ce matin Mme Maryline Gygax Généro, médecin général des armées, directrice centrale du service de santé des armées (SSA). Je rappelle que vous êtes docteur en médecine, agrégée, que vous avez été directeur adjoint de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) du Val-de-Grâce à Paris et que vous avez ensuite dirigé l'hôpital Bégin à Saint-Mandé. Merci de vous être rendue disponible pour faire un point sur l'engagement du SSA dans la crise sanitaire effroyable qui frappe notre pays. Je remercie également l'ensemble du SSA, qui s'est mobilisé très tôt pour accompagner les équipes civiles et hospitalières dans la lutte contre le virus.
Cela étant, ce que notre commission redoutait, à savoir la contamination des militaires déployés ou en mission, s'est malheureusement produit. Le retour du Charles-de-Gaulle et l'annonce d'un nombre élevé de contaminations à bord a déclenché un vif émoi et empli l'espace médiatique. On dénombrait hier 688 marins positifs, et ce alors que tous les résultats des tests n'étaient pas encore connus.
Ces contaminations auraient-elles pu être évitées, alors que les caractéristiques du virus n'étaient pas encore parfaitement connues quand les missions en cours ont commencé ? Des précautions supplémentaires auraient-elles pu être prises ? Auriez-vous pu conseiller au Gouvernement de tester l'ensemble des marins et des militaires partant en opérations extérieures (OPEX) ? À ma connaissance, les marins qui embarquent actuellement ne sont toujours pas testés. Quelle est votre position sur ces sujets ? Comment est-on parvenu aux préconisations actuelles, qui ont malheureusement entraîné des contaminations ?
Il nous faut des réponses claires, car la contamination de l'équipage de ce porte-avions constitue un terrible symbole, pour le moral de nos militaires, pour la Nation, mais aussi pour le SSA, lequel doit faire face, après des années d'attrition de ses effectifs et de fermeture d'établissements d'excellence, à une situation très difficile. Notre but est de comprendre ce qui se passe et de vous soutenir, sachant que, avant la crise, il vous manquait une centaine de médecins.
Enfin, je salue l'ouverture de l'hôpital de campagne à Mulhouse. Vous nous préciserez comment chacune des composantes du SSA a été mobilisée au service de l'opération Résilience. Êtes-vous en mesure de mener de front toutes ces missions ? Les attentes ne sont-elles pas démesurées par rapport à vos moyens ?
Merci d'avoir accepté de vous exprimer aujourd'hui. Je vous laisse maintenant la parole. Les deux rapporteurs du programme 178 vous interrogeront ensuite, puis un orateur par groupe.
C'est un honneur de m'exprimer devant vous ce matin sur la gestion par le SSA de la crise liée au Covid-19. Je tiens tout d'abord à dire que le SSA s'associe à la peine des familles et des camarades des militaires du 5e régiment d'hélicoptères de combat (RCH), encore une fois durement éprouvé par l'accident d'hélicoptère survenu avant-hier.
Je commencerai par vous présenter les actions du SSA dans le cadre de cette pandémie causée par un virus inconnu, très contagieux, qui peut être à l'origine d'une aggravation brutale de l'état respiratoire, y compris chez des sujets jeunes, et contre lequel il n'existe aucun traitement préventif ou curatif connu à ce jour. Cette pandémie a bien évidemment une incidence directe sur la santé des armées, dont le SSA est en charge.
Le SSA est amené, en coordination étroite avec les autorités de santé publique, à déployer tout son savoir scientifique, son expertise militaire de l'exercice médical en situation d'exception, et son expérience des maladies virales émergentes. Cette expérience a été renforcée il y a quelques années par la prise en charge de deux patients atteints par le virus Ebola au sein de l'hôpital militaire Bégin et le déploiement du centre de traitement des soignants en Guinée-Conakry. Conformément à la revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, dans laquelle sont évoqués le risque d'épidémie virale à grande échelle et la mobilisation régulière du SSA et de ses capacités de recherche en pareil cas, nous avons soigneusement entraîné nos personnels et maintenu les stocks de matériels nécessaires.
J'en viens au nombre de cas de Covid-19 au sein de nos armées. La réponse à cette question n'est pas univoque, et ce pour plusieurs raisons.
Comme vous le savez, les militaires peuvent librement choisir leur médecin traitant. Aussi le SSA n'a-t-il connaissance que des données issues de la surveillance épidémiologique qu'il exerce au sein du Centre d'épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA). Nous disposons d'un système d'information permettant la sécurisation des données de santé, baptisé OSEA, et la déclaration anonymisée, par les médecins et les infirmiers de nos antennes médicales, de survenues d'événements de santé chez des militaires. Ainsi, 61 événements font l'objet d'une surveillance épidémiologique, dont des cas de Covid-19. Bien entendu, nos médecins ne peuvent déclarer que les cas dont ils ont connaissance, ce qui suppose une consultation en milieu militaire. Les militaires en arrêt de travail qui signalent leur cas à leur commandement sont une autre source, que nous baptiserons « cas signalés », lesquels peuvent se recouper avec les cas déclarés par le SSA. Enfin, il convient de rappeler qu'une distinction doit être faite entre cas confirmés, possibles et probables, conformément aux définitions de Santé publique France, et de souligner que, selon la phase de l'épidémie et selon les catégories de personnels, la confirmation par la réalisation de tests PCR n'est pas forcément réalisée.
À ce jour, 1 450 cas confirmés et 4 480 cas probables ou possibles sont dénombrés chez les militaires des trois armées, y compris les marins du porte-avions. Le nombre de cas signalés au commandement est de 1 520, ce nombre recoupant partiellement, je le rappelle, les données du SSA. Il s'agit bien des cas cumulés depuis le début de la crise. Pour les gendarmes, les nombres sont respectivement de 120 et de 1 900. Aucun décès n'est à déplorer chez les militaires du ministère des armées, mais un civil de la défense est malheureusement décédé, ainsi qu'un militaire de la gendarmerie. À notre connaissance, 63 militaires sont ou ont été hospitalisés, dont 12 en réanimation. Pour les guéris, j'ai signé une directive rendant obligatoires les consultations à l'antenne médicale lors du retour. Au total, 972 militaires guéris ont été vus au cours des dernières semaines. Les soignants du SSA sont inclus dans les cas de militaires. En cumulé, 180 cas confirmés et 218 cas probables ou possibles de médecins, infirmiers ou techniciens ont été dénombrés. Le nombre cumulé de soignants hospitalisés depuis la fin du mois de mars est de 14, dont 3 en réanimation.
J'en viens à l'opération « Résilience », à laquelle le SSA contribue au sein des hôpitaux militaires, mais aussi par des actions plus spécifiques, comme la mise en place de l'élément militaire de réanimation du SSA (EMR-SSA) à Mulhouse, la participation aux transferts interzonaux de patients, via des missions Morphée, et des évacuations héliportées ou maritimes sur le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre.
L'hôpital Bégin, qui est notre hôpital référent en infectiologie, a d'emblée été référencé par la santé publique comme établissement de premier niveau. Quatre autres hôpitaux (Percy à Clamart, Sainte-Anne à Toulon, Laveran à Marseille et Clermont-Tonnerre à Brest) ont été reconnus comme établissements de deuxième niveau. L'hôpital Robert-Picqué à Bordeaux est reconnu comme hôpital de rang trois. Comme leurs homologues de santé publique, ces six hôpitaux militaires ont très vite augmenté leurs capacités de réanimation. Ils ont ainsi presque triplé leur nombre de lits de réanimation, qui sont passés de 57 avant la crise à 166 actuellement, auxquels il convient d'ajouter les 30 lits de l'EMR-SSA. Parallèlement, des unités de lits permettant une prise en charge de patients Covid en médecine intensive ont été installées au sein des huit HIA - y compris ceux de Lyon et de Metz, qui n'ont plus de service de réanimation, nos anesthésistes-réanimateurs ayant été insérés chez les partenaires civils. Le SSA compte ainsi, en sus, 238 lits dédiés à la prise en charge de patients Covid hors réanimation. Depuis le début de la crise, près de 2 000 patients Covid ont été hospitalisés au sein des hôpitaux d'instruction des armées, dont 354 en réanimation. En outre, 5 000 patients Covid ont été vus en consultation. À lui seul, l'hôpital Bégin a réalisé 30 % de l'activité de réanimation liée au Covid-19 du SSA.
L'un des grands atouts du SSA est son aptitude à concevoir des unités de soutien médical des armées dans tous les environnements. Ainsi, lorsque le Président de la République a exprimé le 16 mars le souhait qu'une structure de réanimation militaire soit mise en oeuvre en appui de l'hôpital de Mulhouse, nous avons conçu, équipé et déployé à partir du 21 mars l'EMR-SSA. Je souligne qu'il s'agit non pas d'un hôpital de campagne à proprement parler - ce n'est pas une structure autonome -, mais d'un authentique service de réanimation de 30 lits, sous tente, sécurisé, créé ex nihilo en moins d'une semaine et déployé grâce au soutien des armées. Il est destiné à accueillir des patients très infectieux, ce qui est différent de la prise en charge des blessés de guerre à laquelle nous sommes rompus. Il fonctionne en très bonne collaboration avec l'hôpital de Mulhouse, qui assure une part de son soutien logistique et technique, et en parfaite entente avec les équipes médicales de celui-ci.
Je suis fière d'indiquer que cet EMR-SSA, qui est armé par une centaine de personnels du SSA et trente personnels du régiment médical, a pris en charge à ce jour 44 patients, selon une logique de flux, puisqu'il s'agissait de ne jamais être saturé et d'être toujours en capacité d'accueillir de nouveaux malades. Au total, 11 de ces patients ont été transférés dans d'autres régions, dont deux en Allemagne ; 18 ont été transférés vers le centre hospitalier universitaire (CHU) de Mulhouse, dont 12 en hospitalisation médicale post-réanimation. On déplore deux décès.
L'EMR-SSA a accueilli tous les patients qui lui ont été proposés par le CHU de Mulhouse. Depuis une semaine environ, une des trois travées de 10 lits reste vide, ce qui permet d'envisager son démontage et sa biodécontamination avant son redéploiement ailleurs, selon les besoins qui seront exprimés par la santé publique.
Le SSA a également réalisé six missions Morphée entre le 18 mars et le 3 avril. À la demande de la ministre des armées, Morphée a été mis en alerte immédiate dès le 16 mars. Une astreinte opérationnelle permanente, avec un préavis de 24 heures, est réalisée par nos anesthésistes-réanimateurs et nos personnels. Morphée est une authentique capacité de réanimation en vol, habituellement destinée à l'évacuation de 6 blessés de guerre gravissimes sur de longues distances depuis tout théâtre d'opérations, ou de 4 blessés en réanimation et de 8 blessés moins graves. Sa dernière utilisation datait de l'Afghanistan.
Le module Morphée n'avait jamais été employé sur le territoire national, ni pour des malades hautement infectieux, ni sur les avions A330 Phénix de l'armée de l'air, ni de façon répétée. Au total, 36 malades intubés et ventilés ont été transférés vers d'autres régions, sans aucune dégradation de leur état clinique, pour soulager les services de réanimation de la région Grand-Est. Des patients en état grave ont également été évacués par les hélicoptères de l'armée de terre, armés par des équipes du SAMU ou de notre médecine des forces. Nos équipes ont également participé au transfert de patients depuis la Corse sur le PHA Tonnerre, ainsi qu'à certains transferts par trains sanitaires. Au total, 106 patients ont été évacués par des soignants du SSA et 28 par l'escadrille aéro-sanitaire.
L'organisation de ces missions est assez complexe, car elle nécessite de prélever dans un délai court des personnels au sein des hôpitaux militaires ou des centres médicaux des armées. Je tiens d'ailleurs à saluer la disponibilité, la réactivité et le professionnalisme des personnels du SSA, comme des armées, ainsi que les renforts que nous avons reçus, notamment de 250 élèves de nos écoles et d'une centaine de réservistes.
J'en viens maintenant au soutien spécifique des armées. Toutes les missions que je viens de décrire ont été réalisées en préservant la mission première de soutien opérationnel des armées. Actuellement, 80 équipes de médecine des forces et 101 personnels hospitaliers sont en mission opérationnelle.
Le maintien de la santé des forces armées dans le contexte de l'épidémie actuelle est un véritable défi, qui exige la mise en oeuvre de toutes les aptitudes du SSA. Un des rôles majeurs du SSA est la prévention. Il s'agit de protéger les militaires individuellement et collectivement par la mise en oeuvre des mesures barrières et de mesures combinées en réalisant des enquêtes autour des cas afin de repérer et de casser les chaînes de transmission, mais aussi, indirectement, de protéger les familles.
Par essence, les activités militaires sont susceptibles de se dérouler en milieu confiné, comme un bâtiment de la marine, un sous-marin ou un avion. L'entraînement militaire suppose des activités au cours desquelles il est difficile de maintenir les règles de distanciation sociale. La vie en collectivité est une des bases de la vie militaire. Ainsi, dès le début de la crise, le SSA a émis de nombreuses recommandations sur la mise en oeuvre des mesures barrières et l'adaptation de la vie collective afin de permettre autant que possible une distanciation. Il a mis au point de nombreuses procédures adaptées à l'environnement des trois armées, chacune ayant ses contraintes particulières. Ces procédures ont été réfléchies, mises au point et largement diffusées, en lien étroit avec le commandement. La ministre et la secrétaire d'État ont chargé le SSA de cette prévention, ainsi que de l'évaluation de la mise en oeuvre de ces recommandations. Le SSA apporte des conseils en fonction des situations locales et des données scientifiques connues. Ces conseils sont donc extrêmement évolutifs. Ce travail est réalisé en grande proximité avec le commandement. Celui-ci décide de la mise en oeuvre des mesures préconisées. Pour être efficace, cette action coordonnée doit être continue, attentive, et les mesures prises expliquées en détail aux militaires pour obtenir leur adhésion à chaque instant.
Des mesures spécifiques concernant les opérations sont également mises en oeuvre, alliant par exemple une quatorzaine avant départ à la réalisation de tests PCR pour les unités très opérationnelles, parfois le port de masque dans certaines activités ou circonstances. En OPEX, des zones d'isolement ont été organisées. Un rapatriement sanitaire des formes susceptibles de s'aggraver a été prévu.
La médecine des forces s'est très vite adaptée à la situation en réorganisant les antennes médicales en circuits différenciés de prise en charge. Surtout, le déploiement d'une solution de télémédecine, aux heures ouvrables et non ouvrables, pour les militaires et leurs familles, ainsi que pour les civils de la défense, a permis d'apporter un soutien fort apprécié. Près de 1 000 téléconsultations sont réalisées chaque jour, dont 75 % en lien direct avec le Covid-19. Les psychologues du SSA participent également au soutien médico-psychologique, le périmètre de la plateforme Écoute Défense ayant été étendu au Covid.
Enfin, les chercheurs du SSA, notamment nos experts en biosécurité, sont pleinement mobilisés. Les HIA participent à des essais cliniques ou à des protocoles d'innovation.
Je reviens sur la réalisation d'enquêtes épidémiologiques par les épidémiologistes du CESPA sur les cas de Covid-19 au sein d'unités militaires. Dans tous les cas, il s'agit de comprendre la chaîne épidémique, de réaliser des tests autant que possible, d'isoler les patients et de mettre en quatorzaine les cas contacts. C'est ce qui est en train d'être réalisé s'agissant des militaires du porte-avions.
D'après les éléments dont nous disposions hier en fin de journée, environ 500 marins présentent des symptômes. Une vingtaine d'entre eux ont été hospitalisés à l'hôpital militaire Sainte-Anne, huit d'entre eux sont placés sous oxygénothérapie et l'un est en réanimation. Au total, un peu plus de 2 300 marins sont suivis. Parmi eux, 940 ont été testés positifs au coronavirus, 645 négatifs. Nous attendons les résultats du reste des tests. Tous les marins testés positifs sont pris en charge par le SSA, ceux qui sont testés négatifs sont placés en quatorzaine en milieu militaire à Toulon ou dans les environs, sous la responsabilité de la marine nationale. Chacun des marins, qu'il soit négatif ou positif, est suivi matin et soir par des médecins et des infirmiers du SSA. Leur température est prise deux fois par jour et leur taux d'oxygène contrôlé. L'enquête épidémiologique est en cours, elle est complexe en raison du grand nombre de marins et de la promiscuité à bord, liée à la construction du bateau. Je reviendrai sur la façon de renforcer les mesures préventives.
En conclusion, le SSA répond présent à hauteur de ses moyens, lesquels ne sont pas et n'ont jamais été conçus pour répondre à des problématiques de santé publique à l'échelle de notre pays. Sa raison d'être est le soutien des armées et la satisfaction du contrat opérationnel. Vous le savez, le SSA a subi des réductions significatives de format dans les précédentes lois de programmation militaire, en même temps que les armées. Depuis, les effectifs des armées ont été renforcés, et l'actuelle loi de programmation militaire permet de stabiliser ses moyens, voire de les augmenter légèrement dans sa deuxième partie. Des conséquences devront sans nul doute être tirées à l'issue de cette crise, même s'il est encore un peu tôt pour déterminer précisément le niveau et la nature des moyens, médicaux ou matériels, qu'il conviendra de réexaminer.
Je serai également attentive à la régénération des personnels du SSA et à l'organisation qui permettra de soutenir les armées lorsqu'elles reprendront la plénitude de leurs activités. Nous sommes en train d'élaborer les prévisions en la matière, dans la mesure du possible.
Madame la directrice, vous menez depuis 2017 avec courage la difficile mue du service de santé des armées. Notre commission sera très attentive aux conclusions de votre enquête épidémiologique sur les marins du porte-avions. Cette contamination aurait-elle pu être évitée ? Les attentes à l'égard du SSA ne sont-elles pas démesurées ?
Votre capacité d'adaptation mérite d'être saluée, compte tenu de vos moyens modestes. Votre apport à Mulhouse a été précieux. Pourriez-vous nous en dire plus sur l'opération de démontage ? Un retour d'expérience sera intéressant.
Sera-t-il possible de procéder au dépistage systématique de nos soldats avant leur embarquement ? Nous craignons en effet d'autres mauvaises nouvelles, en particulier au sein des porte-hélicoptères. Quels moyens doivent être mis en oeuvre pour limiter les risques de contamination de nos soldats, embarqués ou présents sur des théâtres extérieurs ?
Nous ne sommes ni des juges ni les médias, nous sommes à vos côtés, mais il s'agit aujourd'hui d'éviter une crise de confiance durant la crise sanitaire, mais aussi après, afin que nos armées puissent continuer d'attirer de futurs soldats.
Je tiens tout d'abord à saluer l'engagement et le dévouement sans faille du SSA, ainsi que le vôtre, madame la directrice.
Comment faites-vous face aujourd'hui au manque de personnels ? Dans quelles spécialités pose-t-il le plus de problèmes ? De quelle manière vous appuyez-vous sur les réservistes et sur les médecins libéraux que vous recrutez ? Les élèves médecins ont été inclus dans l'opération Résilience. Comment ce dispositif fonctionne-t-il ? Enfin, les infirmiers du SSA ont-ils tous les moyens, réglementaires notamment, de remplir sur le sol national les missions qu'ils effectuent en OPEX ? Devons-nous appuyer des évolutions dans ce domaine ?
Les marins contaminés du Charles-de-Gaulle sont-ils uniquement pris en charge par le SSA ou disposez-vous de relais dans les hôpitaux publics ?
L'appui de notre commission avait permis le gel des déflations de personnels avant que la loi de programmation militaire ne prévoie enfin une lente remontée des effectifs. Nous avons encore beaucoup de travail à faire, mais vous pouvez compter sur notre soutien.
Madame la directrice, je vous remercie de votre communication complète et précise. Je voudrais revenir sur deux points qui m'inquiètent. La semaine dernière, lors de son audition, la ministre des armées a évoqué la possibilité de faire monter en puissance le SSA afin d'aider les hôpitaux civils si cela s'avérait nécessaire. Par ailleurs, elle a indiqué qu'une réflexion sur l'évolution des systèmes de santé, y compris militaires, s'imposerait après la crise. Si j'ai bien compris, votre service est déjà sous tension, n'y a-t-il pas une contradiction avec les déclarations de la ministre sur un éventuel renfort apporté par le SSA ? Sur le second point, que pouvez-vous nous dire ? Une politique plus attractive de recrutement et de fidélisation ne serait-elle pas la solution ?
Comme tous mes collègues, je suis très inquiet de la situation du Charles-de-Gaulle. La presse régionale bretonne se fait l'écho de la colère et de l'incompréhension qui règnent chez les familles de marins, ainsi que dans le corps médical. Hier, on évoquait 30 % de tests dont les résultats n'étaient pas encore connus. Quelle est exactement la situation sur le pétrolier-ravitailleur La Somme et dans les autres bâtiments de la marine actuellement en mer, notamment le sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) en patrouille ?
Enfin, je voudrais parler des gendarmes, une catégorie de militaires dont on parle peu. Ils sont pourtant très exposés puisqu'ils sont en contact permanent avec la population. Je crois savoir qu'ils se plaignent du manque de masques et de gel hydroalcoolique. Pouvez-vous nous apporter quelques éclaircissements ?
Madame la directrice, je veux à mon tour vous remercier du panorama que vous nous avez dressé, répondant par avance à beaucoup de nos interrogations. Lors de votre précédente audition, nous avions bien compris que le SSA manquait d'une centaine de médecins pour assurer ses missions, qui sont très importantes. En Moselle, j'ai pu apprécier leur efficacité pour évacuer des patients vers l'étranger et soulager l'hôpital de Metz-Thionville. Je rappelle que la Moselle connaît le deuxième bilan en nombre de décès après le Haut-Rhin. Comment le SSA peut-il faire face à une charge supplémentaire dans le cadre de l'opération Résilience ?
Je ne reviendrai pas sur le Charles-de-Gaulle, mais pouvez-vous nous préciser les mesures qui peuvent être prises dans des milieux très confinés comme les sous-marins nucléaires en cas de contamination ? Quelle est votre approche pour les militaires qui vont partir en OPEX ?
Par ailleurs, vous avez parlé de l'antenne de réanimation déployée à Mulhouse. Cette structure pourra-t-elle être déplacée si un pic se déclare ailleurs sur le territoire ?
Enfin, les moyens dévolus à la médecine tropicale et aux maladies infectieuses ont été considérablement réduits ces dernières années, d'aucuns estimant que les risques avaient disparu. Fort heureusement, le SSA ne s'est pas désinvesti de ce champ disciplinaire. J'ai pu m'en rendre compte lorsque j'étais secrétaire d'État auprès du ministre de la défense. Pouvez-vous nous parler de l'action du SSA dans ces domaines et nous donner des indications sur les enseignements qu'ont pu tirer vos services de cette crise, enseignements qui pourraient être précieux pour le pouvoir civil à l'avenir ?
Dans le cadre de cette crise, nos forces armées sont pleinement mobilisées. Le groupe Union Centriste s'associe totalement aux remerciements formulés par notre président. Vous l'avez dit, le combat contre le terrorisme se poursuit, notamment au Sahel. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les mesures d'accompagnement psychologiques et sanitaires qui sont prises pour les régiments de retour de mission en OPEX ?
Mon collègue Gilbert Roger et moi-même étions à bord du Charles-de-Gaulle au début du mois de février, et nous imaginons parfaitement la difficulté à mettre en oeuvre de mesures barrières sur ce type de bâtiment, compte tenu de l'exiguïté, des conditions de vie, de travail. Tous les cas supposés ou avérés ont-ils pu être pris en charge à bord ? Des évacuations ont-elles été envisagées à un moment ou à un autre ?
Je veux avant tout saluer les efforts du SSA. J'ai été particulièrement impressionné par votre action à Mulhouse. Pouvez-vous nous en dire plus sur le retour au travail des militaires infectés ou suspects de l'avoir été ?
S'agissant de la crise sur le Charles-de-Gaulle, nous attendons des précisions de la part du ministère. À ce stade, pouvez-vous quand même nous donner un début d'explication sur ce qui s'est passé ?
Le groupe du RDSE s'associe à l'hommage rendu par le président Cambon au SSA. Avez-vous rencontré des problèmes de protection des soignants comme dans les hôpitaux civils ?
Le SSA a été profondément réformé depuis 2015. L'offre hospitalière a été mutualisée et concentrée. On explique actuellement la meilleure gestion de la crise en Allemagne par la déconcentration des moyens. Ne faudrait-il pas revenir en France sur cette logique de concentration, qui offre moins de souplesse en cas de crise ?
Je ne pensais pas intervenir au nom du groupe CRCE. C'est une situation assez délicate en raison de ma qualité de rapporteur. Je reste néanmoins en cohérence avec mon intervention liminaire sur le SSA, que mon groupe défend à 100 %. J'espère que nous arriverons à tirer au clair ce qui s'est passé avec le Charles-de-Gaulle, mais nous n'avons nullement l'intention de critiquer d'emblée le SSA.
Mes questions porteront essentiellement sur les mesures de prévention et de précaution que nous devrons retenir pour l'avenir.
Nous sommes bien évidemment préoccupés par ce qui s'est passé sur le Charles-de-Gaulle. Il y a lieu de s'inquiéter pour les navires qui n'ont pas de médecin embarqué, plus particulièrement pour certains sous-marins. Est-ce qu'il y a des mesures spécifiques pour ce type de situation ? Cela pourrait être tragique si d'aventure le commandement d'un sous-marin était touché par l'épidémie loin de nos côtes.
Les moyens prévus dans les plans de lutte contre les catastrophes nucléaires, bactériologiques ou chimiques sont-ils adaptables pour affronter une crise telle que celle que nous connaissons ?
Enfin, vous l'avez rappelé, l'opération Résilience vise à lutter contre la propagation du coronavirus. Aussi, l'armée a-t-elle les moyens et les compétences pour fabriquer des masques comme cela se fait actuellement aux États-Unis, en Australie, en Suisse, et même au Liban, un État pourtant en faillite ?
Mes questions portent sur les éléments militaires de réanimation, les EMR, ces hôpitaux de campagne comme celui qui a été installé à Mulhouse, d'une capacité totale de 30 lits. Comme mes collègues, je salue l'action du SSA, mais il a fallu 11 jours à compter de l'annonce du président Macron pour déployer cet EMR. J'imagine pourtant que le SSA était déjà prêt avant cette annonce.
De combien d'EMR dispose la France ? Combien de lits cela représente-t-il ?
Cette période de presque deux semaines pour les rendre opérationnels me paraît très longue. Imaginez que nous soyons victimes d'une attaque nucléaire, bactériologique ou chimique. Ne peut-on pas essayer de gagner de précieuses journées ? L'installation des EMR dans des établissements comme des gymnases est-elle possible ? Pourrions-nous utiliser un autre type de matériel plus facile à installer ? Comment font les autres pays ?
Enfin, pour lutter contre le coronavirus, les médecins militaires français utilisent-ils le protocole de soins du professeur Raoult à base d'hydroxychloroquine ?
Sur la situation du porte-avions, qui représente un événement majeur, vous parlez d'incompréhension et d'inquiétude. En l'état de mes connaissances, le Charles-de-Gaulle a appareillé en janvier, c'est-à-dire au moment où l'épidémie était encore un lointain événement en Chine. Or il convient de replacer chaque étape de la prise en charge des marins du porte-avions en rapport avec la phase dans laquelle se trouvait l'épidémie, les événements qui se sont produits sur le territoire national et les données de la science.
À ce stade, je ne suis pas en mesure d'apporter des réponses très précises à vos questions, puisque l'enquête épidémiologique du SSA est en cours et qu'une enquête de commandement a été déclenchée par le chef d'état-major de la marine ; sa réalisation sera confiée à un amiral, assisté d'un inspecteur du SSA pour les questions de santé, afin qu'elle soit la plus pertinente et complète possible.
Comment garantir au commandement qu'aucune épidémie à coronavirus ne se répande au cours d'une mission ou qu'un virus ne soit pas embarqué à bord d'un bâtiment de la Marine nationale, voire pis, d'un sous-marin ?
Une garantie de niveau maximal peut être apportée au commandement en fonction des données scientifiques - et on ne les connaît pas encore toutes concernant ce virus -, du type de mission, ainsi que de la connaissance, de l'environnement, des conditions et de la durée de celle-ci, de l'existence ou non d'un confinement, des interactions potentielles avec des éléments extérieurs aux armées, enfin, des possibilités de disposer des équipements et de l'organisation nécessaires. Au titre de la prévention, que peut-on conseiller au commandement pour éviter des drames comme celui du porte-avions ?
Les mesures de protection des forces sont fondées sur les mêmes principes que celles qui s'appliquent au grand public. L'utilisation des solutions hydroalcooliques, dont l'approvisionnement a soulevé quelques difficultés au sein de la gendarmerie, est désormais possible pour toutes les unités militaires, en complément d'un lavage des mains fréquent lorsque les conditions le permettent. La distanciation sociale est plus délicate sur un porte-avions, conçu il y a une trentaine d'années, dont la conformation a pour but de se protéger contre un ennemi extérieur et non un agent infectieux interne ; les coursives étant étroites, il est quasiment impossible de ne pas se croiser. Les mesures barrières sont respectées très sérieusement, mais ne peuvent qu'être imparfaites et insuffisantes.
Par ailleurs, faut-il proposer le port permanent du masque pour tout l'équipage ? Sur ce point, les politiques évoluent en fonction des données scientifiques et de la disponibilité des masques de différentes catégories. Le ministère des armées continue à réserver les masques FFP2 aux soignants, ceux-ci se trouvant en contact rapproché avec les patients contaminés et contagieux, et à privilégier les masques chirurgicaux anti-projections dans certaines situations spécifiques. Quant aux masques alternatifs à destination du grand public, ils seront bientôt, je l'espère, largement disponibles.
J'en viens à la question des tests. Monsieur le président, vous avez évoqué l'intérêt de réaliser un dépistage systématique avant chaque mission. Compte tenu des multiples informations sur les différents tests, je concentrerai mon propos sur leur objectif préventif.
Les tests de diagnostic viral tendent à rechercher le virus et à s'assurer, dans la mesure du possible, qu'aucun militaire sur le point de partir en mission n'en soit porteur. Parmi ces tests, seuls les dispositifs PCR sont actuellement possibles, mais leur protocole est lourd : il a fallu plusieurs jours pour tester l'ensemble des marins du groupe naval. En outre, ces tests, bien que fiables, peuvent révéler de faux négatifs si l'échantillon contient une quantité très faible du virus.
Au-delà de la présence du virus, ces tests pourraient-ils présenter l'intérêt d'informer les armées sur les militaires qui disposent d'anticorps, en supposant qu'une immunité en découle ? Si les tests PCR n'ont pas été réalisés avant le départ du porte-avions, c'est parce que, au mois de janvier, notre pays n'était pas encore en état d'alerte maximale concernant ce virus. De plus, avons-nous les moyens de tester toutes les unités militaires avant leur départ ? Pour le moment, les réactifs manquent partout, en France et dans le monde, pour pratiquer des tests systématiques. C'est pourquoi nous avons proposé au commandement, avant tout départ en opération, d'associer une quatorzaine, destinée à s'assurer que, en l'absence de symptômes, les militaires ne sont pas porteurs du virus, à une évaluation clinique et à des tests PCR systématiques pour les missions les plus sensibles.
Néanmoins, ayant conscience des limites de ces dispositifs, nous attendons prochainement des tests sérologiques de diagnostic rapide, utilisables avec deux gouttes de sang et lisibles en quinze minutes, afin d'y ajouter l'évaluation des militaires porteurs d'anticorps. Ce sont donc des mesures combinées qui permettent d'apporter au commandement un maximum de garanties.
Sur les questions relatives aux sous-marins nucléaires, je ne pourrai vous répondre qu'à huis clos.
J'en reviens à la situation du porte-avions et de son ravitailleur La Somme. La direction centrale du service de santé des armées a été alertée le 7 avril au soir de l'existence de plusieurs dizaines de cas d'infections respiratoires aiguës. En accord avec le commandement, nous avons envoyé dès le lendemain une équipe d'épidémiologistes, de médecins et d'infirmiers-préleveurs sur le Charles-de-Gaulle pour commencer l'enquête épidémiologique et réaliser des prélèvements sur les 60 marins symptomatiques, dont 50 se sont révélés positifs. Sur les 16 négatifs, certains ont vu leurs symptômes s'amplifier dans les jours suivants, d'où la mise en place d'une autre série de tests à l'issue de laquelle 10 cas sont devenus positifs. Nous avons aussi, le lendemain de l'alerte, évacué trois marins, plus symptomatiques ou plus à risque, vers l'hôpital militaire Sainte-Anne.
Comme je l'ai dit, l'enquête épidémiologique est en cours et l'enquête de commandement va débuter. Je peux seulement vous donner les éléments dont j'ai connaissance aujourd'hui, mais la ministre et le chef d'état-major des armées ont, comme moi, la volonté de faire preuve de transparence au fur et à mesure que des mises à jour interviendront.
Merci de ces réponses, madame la directrice centrale. Ne pensez-vous pas que le test systématique s'impose pour nos soldats qui partent en OPEX, notamment au Sahel, ou pour nos marins qui embarquent sur des bâtiments par définition confinés ? J'entends bien, comme le disent tous les médecins, que le test n'est pas définitif et conduit parfois à un faux négatif, mais cette solution améliorerait le moral des familles, de l'opinion publique et des militaires. Notre commission demandera ce test systématique, que le Président de la République a d'ailleurs ordonné pour tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Il existe suffisamment de tests pour sauvegarder la santé de nos militaires à laquelle nous sommes aussi attachés que vous.
Je suis entièrement d'accord avec vous, monsieur le président, et je sais que la ministre et le chef d'état-major des armées partagent cette position : il faut tester le maximum de militaires, la totalité si possible, avant leur départ en mission. Ce dispositif requiert certes de nombreux moyens médicaux et matériels, ainsi que des ressources humaines importantes. Nous avons commencé par les unités opérationnelles, car nos moyens nous le permettaient à ce moment-là, mais notre objectif est bien d'élargir ces tests.
Nous nourrissons de grands espoirs dans l'apparition de tests de diagnostic rapide au cours des semaines à venir, permettant de rechercher le virus par des moyens moins lourds que les écouvillonnages nasopharyngés et l'utilisation d'appareils à PCR, afin d'obtenir la confirmation de négativité, condition pour laisser partir les militaires. Plus les tests seront aisés à mettre en oeuvre, plus nous les étendrons ; je m'y engage.
La commission est à vos côtés, car il s'agit d'un élément extrêmement important. Vous avez raison d'indiquer que la situation est évolutive : on en sait plus aujourd'hui que le mois dernier. Qu'en est-il de cette lettre qu'aurait signée le médecin-chef du porte-avions en vue de diminuer les contraintes préconisées, y compris par vous-même, et qui aurait été adressée aux seules familles des marins à bord ? Est-il vrai que, au moment où des soldats étaient déjà contaminés, on prévoyait au sein du porte-avions une simplification des mesures de confinement ? De telles informations, dont je ne sais si elles sont exactes, ne risquent-elles pas de marquer l'opinion publique ? Ce point devrait être évoqué dans l'enquête de commandement. Puisque vous conseillez le Gouvernement sur la santé de nos soldats, il est très important que vous leur rappeliez que les consignes, même difficiles à tenir, doivent absolument être respectées à tous les niveaux.
Monsieur le président, je partage tout à fait votre analyse. Je ne dispose pas d'éléments précis concernant ce qui s'est passé sur le porte-avions, mais l'enquête de commandement répondra à toutes les interrogations. Les tests que je viens d'évoquer ne dispenseront jamais de l'application stricte des gestes barrières. Pour la Marine nationale, ces gestes sont recommandés dans la mesure du possible, associés au port du masque lorsque la distanciation sociale n'est pas possible. La question d'une interdiction des escales qui pourrait venir à l'esprit se heurte évidemment aux besoins de ravitaillement et à la nécessaire prise en compte du moral des marins.
Lorsque nous disposerons de tests pouvant être effectués rapidement sur un grand nombre de militaires, nous pourrons prendre des mesures de prévention plus pertinentes. C'est pourquoi j'ai demandé à l'Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) de porter une attention extrême à ces nouveaux tests de diagnostic viral rapide, en participant éventuellement à leur mise au point, de garantir leur fiabilité et de nous en procurer dès que possible. J'insiste sur le fait que l'ensemble des mesures à prendre ne se résume pas aux seuls tests. Par exemple, pour le Dixmude, actuellement en transit, le fait que la traversée ait duré 14 jours, avec une surveillance clinique stricte, permet de garantir l'absence de cas suspect à bord. À chaque escale, tout ce qui montera à bord sera décontaminé et les membres de l'équipage devant à se rendre à terre porteront un masque.
Encore une fois, notre souci est la santé de nos forces armées, qui constituent un public prioritaire. Le confinement, qui fait partie des conditions d'emploi de ces forces, particulièrement dans la marine, ne doit pas aboutir à ce que ces hommes et ces femmes, qui risquent leur vie pour notre sécurité, soient moins bien protégés. Le fait de pratiquer un test avant de partir en mission est un signe. Il serait inadmissible que l'on envoie des militaires testés positifs au Sahel : vous imaginez les conséquences politiques dans ces pays, où la population ne porte pas toujours des sentiments très amicaux à nos soldats. Nous allons vous aider à obtenir les moyens qui paraissent nécessaires, car les militaires sont tout aussi prioritaires que d'autres catégories.
Nous avons été très attentifs à vos réponses et partageons votre souci d'apporter toutes les améliorations possibles. Pourriez-vous nous faire part du retour d'expérience concernant l'EMR mis en place à Mulhouse et sa possible réutilisation ailleurs ?
Nous aurons certainement l'occasion de vous auditionner à nouveau, car la situation évolue constamment. J'espère que nous obtiendrons très prochainement ces fameux tests que nous réclamons, pour les militaires et la population civile. Je vous remercie de votre disponibilité.
Je voudrais m'associer, ainsi que l'ensemble de nos collègues, à l'hommage que vous avez rendu aux militaires du 5e RHC encore durement frappés hier.
Je n'ai pas pu répondre à toutes les questions, mais je souhaiterais dire un dernier mot concernant l'EMR-SSA. Le SSA ne dispose pas actuellement d'hôpital de campagne. C'est prévu dans le contrat opérationnel et le budget permettant d'acquérir et de mettre en place cet hôpital de campagne au sein des établissements de ravitaillement sanitaire est en cours de discussion. L'EMR-SSA a donc été conçu et déployé en 6 jours et demi, et non 12 jours, ce qui constitue un exploit, parce que nous ne sommes entraînés que pour la prise en charge des blessés de guerre, très différente de celle de malades infectieux. L'installation sous tente, déployable rapidement, offre la solution la plus flexible. L'EMR n'est pas une structure autonome, c'est un service qui doit pouvoir s'appuyer sur un hôpital. D'autres pays ont déployé des lits de surveillance médicale dans des gymnases, mais déployer des lits de réanimation dans ce type d'enceinte ajouterait un degré supplémentaire de complexité, car il faut garantir la qualité des soins.
L'EMR-SSA est donc la structure modulaire qui correspond le mieux à ce que nous savons faire. Conçue dans un temps très court, elle a permis de garantir la qualité des soins. J'ajoute que mon homologue allemand m'a confirmé qu'il ne disposait pas d'un hôpital de campagne. Concernant le faible nombre de décès en Allemagne, je ne dispose pas à ce jour d'éléments permettant d'expliquer les écarts observés entre les différents pays.
Le désengagement progressif de l'EMR-SSA est destiné à permettre de le réutiliser ailleurs, plus ou moins complètement, en fonction des impératifs de santé publique, y compris outre-mer : il faut biodécontaminer la structure, la reconditionner, compléter le matériel, régénérer les équipes, de façon à pouvoir la redéployer d'ici à quelques semaines.
Je tiens à vous rendre hommage, ainsi qu'à l'ensemble des personnels du service de santé des armées, qui ont montré leur courage, leur engagement et leur compétence. Je salue également les membres de la réserve, puisqu'un certain nombre d'anciens médecins militaires ont souhaité rejoindre la force de frappe du SSA. La commission tout entière est à vos côtés pour faire en sorte que la sécurité et la santé de nos soldats soient assurées dans les mêmes conditions que celles d'autres catégories de personnels exposés, car il y va non seulement de l'image de nos forces armées, mais aussi du respect et de la reconnaissance que nous leur devons.
Nous serons donc très attentifs à ce que des moyens vous soient donnés, comme nous l'avons déjà fait lors de l'examen de la loi de programmation militaire. Cet épisode dramatique ne fait que renforcer notre volonté en ce sens.
La téléconférence est close à 11 h 30.