Mes chers collègues, nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir M. Benjamin Smith, directeur général du groupe Air France-KLM, Mmes Anne-Marie Couderc, présidente non exécutive du groupe Air France-KLM, Anne Rigail, directrice générale d'Air France, et Anne-Sophie Le Lay, secrétaire générale du groupe Air France-KLM et d'Air France.
Nous avons reçu Benjamin Smith en janvier 2019, peu de temps après sa prise de fonctions. Nous l'avions écouté avec grand intérêt nous présenter les perspectives qu'il entrevoyait pour sa compagnie et avions pris connaissance des mesures qu'il avait commencé à mettre en oeuvre pour redresser l'entreprise.
Le contexte est malheureusement aujourd'hui très différent : le groupe subit la crise sanitaire de plein fouet, et l'entreprise est dans une situation préoccupante.
Son activité représente 2 % du trafic habituellement observé. Dans un secteur où les coûts fixes sont très importants, c'est une situation extrêmement délicate, que connaît d'ailleurs l'ensemble des compagnies, puisque l'Association internationale des transports aériens (IATA) a indiqué que les pertes de l'ensemble des entreprises du secteur pourraient représenter 314 milliards pour l'année 2020.
Nous aimerions donc que vous puissiez faire le point sur la situation de l'entreprise, sur les pertes, ainsi que sur les mesures que vous avez mises en oeuvre pour essayer de réduire les coûts.
Nous sommes bien conscients des difficultés et avons nous-mêmes appuyé la démarche du secrétaire d'État aux Transports, M. Jean-Baptiste Djebbari, et du Gouvernement tendant à ce que soit adaptée la réglementation européenne sur le remboursement des vols annulés. Nous souhaitons qu'un fonds de garantie soit mis en oeuvre pour trouver un équilibre entre les intérêts des consommateurs et la protection du pavillon national.
Nous avons aussi évoqué avec Jean-Baptiste Djebbari la nécessité que l'État intervienne de manière plus structurelle et plus forte pour soutenir l'entreprise.
Comme vous le savez, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui conditionne les aides que vous pourriez percevoir à de meilleures pratiques environnementales. Pour certains, c'est encore insuffisant. D'aucuns regrettent qu'un chèque en blanc ait été donné au transport aérien.
Le Haut Conseil pour le climat a, par ailleurs, fait savoir aujourd'hui qu'il souhaitait que les aides accordées aux entreprises aériennes soient conditionnées à de meilleures pratiques environnementales, notamment en matière d'émissions de gaz à effet de serre et de respect des objectifs des accords de Paris.
Nous souhaiterions connaître votre position sur ce sujet et que vous nous indiquiez en quoi vous comptez améliorer vos pratiques en matière environnementale.
J'ajouterai, avant de vous laisser la parole, des remerciements pour le rôle que vous avez joué dans le rapatriement d'un certain nombre de Français qui se trouvaient à l'étranger et pour votre contribution au pont aérien entre la Chine et la France, évidemment fort utile.
Après que chacun de vous se sera exprimé, je donnerai la parole à Mme Bonnefoy, référente de notre commission sur la situation du transport aérien dans le cadre du suivi de la crise sanitaire.
Vous avez la parole.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous retrouverons dans un contexte qu'aucun d'entre nous n'aurait pu imaginer lors de notre dernière audition.
La pandémie du Covid-19 a très violemment agressé l'ensemble de l'économie, et tout particulièrement le secteur aérien, dans des proportions totalement inédites, en provoquant l'arrêt de pratiquement tous les vols à travers le monde.
Selon l'IATA, les pertes pourraient atteindre 290 milliards d'euros en 2020, dont 82 milliards d'euros pour l'Europe.
Rappelons la chronologie des quelques semaines qui ont vu la chute de notre activité :
- 23 janvier, fermeture de l'aéroport de Wuhan en Chine ;
- 30 janvier, le groupe décide de suspendre tous ses vols vers la Chine ;
- mi-mars, de nombreux pays appliquent des restrictions fortes sur les flux de passagers en provenance ou transitant en Europe et par la France ;
- l'Europe prend des décisions similaires sur les flux de passagers non européens ;
- 17 mars : le Président de la République française annonce le confinement des Français ;
- Transavia France suspend ses opérations le 21 mars, suivi, 48 heures plus tard, par Transavia Hollande ;
- Hop ! suspend toutes ses opérations le 23 mars ;
- Orly ferme le 31 mars au soir ;
- aujourd'hui, Air France opère moins de 5 % de son programme, et KLM moins de 10 %.
C'est une crise d'une gravité extrême et sans aucun précédent. Ceci étant, notre groupe l'affronte avec trois idées-forces, tout d'abord celle d'adapter rapidement le groupe à cette situation sans précédent, en deuxième lieu d'apporter tout notre appui aux États français et hollandais dans la gestion des rapatriements et des approvisionnements de fret médical - vous savez la fierté que c'est pour l'ensemble du groupe Air France-KLM et de ses employés - et enfin de faire de cette crise un point de départ pour un modèle vertueux conciliant impératifs écologiques et économiques, en considérant Air France-KLM comme l'une des infrastructures de la reconstruction du modèle aérien post Covid-19.
Ces dernières semaines, Benjamin Smith et toute l'équipe managériale du groupe, tout comme les dirigeants des compagnies et leur management, se sont mobilisés pour identifier tous les moyens possibles pour minimiser les impacts financiers de cette terrible crise, continuer à mener les opérations que nous effectuons, dont les rapatriements et le pont aérien de fret médical, et commencer à préparer la reprise du groupe dans les semaines à venir.
Les équipes font un travail absolument exceptionnel pour gérer cette crise sans précédent et mettre en oeuvre la stratégie du groupe, qui est de préserver un minimum d'activité et d'assurer la sécurité sanitaire de nos personnels et de nos clients.
Historiquement, nous avons souvent fait le choix de maintenir nos activités, dans la mesure du possible, dans toutes les crises traversées. Nous sommes de nouveau là, même si nos activités sont très fortement réduites. La réduction massive de notre offre ne peut que se poursuivre en avril et mai. Cependant, le groupe continuera à être aux côtés des États français et néerlandais et de leurs concitoyens.
En ce qui concerne Air France-KLM, la compagnie est pleinement présente, avec notamment le pont aérien, après avoir assumé les rapatriements. Elle continuera à être présente pendant la relance, et c'est une fierté pour les 46 000 collaborateurs d'Air France.
En parallèle, l'État français est intervenu très rapidement et efficacement auprès du groupe, comme auprès d'autres secteurs, afin de sauvegarder la situation de trésorerie à court terme par des reports de charges et de taxes. Il en est de même aux Pays-Bas.
Par ailleurs, des discussions sont en cours pour surmonter les difficultés de trésorerie sur les mois à venir sous forme de prêts garantis par les États ou par des prêts directs des États au groupe ou à ses filiales.
Dès le premier jour de la crise, le groupe et son management ont pris toutes les mesures économiques et financières qui s'imposaient pour préserver la trésorerie et les liquidités. Le groupe a démontré une capacité d'adaptation interne extrêmement rapide.
J'ajoute aussi que, depuis deux ans maintenant, une nouvelle dynamique s'est instaurée avec l'arrivée de Benjamin Smith à la tête d'Air France-KLM et d'Anne Rigail à la tête d'Air France.
Leurs méthodes alliant concertation, dialogue et inclusion de toutes les parties prenantes internes et externes ont commencé à montrer leur efficacité pour la partie française du groupe avant le début de la crise que nous connaissons. C'est le mérite que nous devons reconnaître aux grands professionnels que sont Benjamin Smith, Anne Rigail et, pour KLM, Peter Elbers.
Je suis convaincue que cette crise est un catalyseur pour accélérer la transformation de l'aviation civile et que nous avons notre rôle à jouer afin d'accélérer notre engagement de longue date dans la transition environnementale, en recherchant l'alignement des équilibres écologiques et économiques.
Disposer d'un groupe comme Air France-KLM constitue un levier de compétitivité pour tous les secteurs économiques de la France, des Pays-Bas et, plus largement, de l'Europe.
Bénéficier de deux hubs à Paris et Amsterdam pour relier la France, première destination touristique en Europe, et les Pays-Bas au reste du monde est un actif de souveraineté pour nos deux nations. Cet actif est et sera indispensable pour la relance de nos économies.
Les deux ans passés à la tête d'Air France-KLM me permettent d'exprimer devant vous toute ma confiance en Benjamin Smith au titre du groupe, Anne Rigail au titre d'Air France et Peter Elbers pour KLM, pour relever les défis et transformer cette crise en opportunité.
Je vais à présent passer la parole à Benjamin Smith, qui va vous apporter davantage d'éléments sur les perspectives d'Air-France-KLM. Anne Rigail vous présentera ensuite les mesures d'adaptation et les engagements pris par Air France.
Je vous remercie.
Mesdames et messieurs les sénateurs, la situation est d'une extrême gravité. Dans le monde entier, toutes les flottes des compagnies aériennes sont clouées au sol. C'est une situation sans précédent, à laquelle le secteur du transport aérien n'a jamais été confronté depuis ses origines.
Des compagnies vont faire faillite. Cela a déjà commencé. Virgin Australia Airlines est déjà en cessation de paiements, et la France ne sera probablement pas épargnée.
Cette crise est grave car elle s'inscrit dans la durée. Elle va modifier profondément la gestion des enjeux sanitaires par les États, les attentes et les comportements des voyageurs. Elle impactera l'économie du fait de l'arrêt brutal des échanges.
La capacité d'adaptation individuelle et collective des acteurs est un élément clé pour survivre.
Il est difficile de donner avec précision des perspectives de trafic. Si nous regardons les analyses de certains experts et professionnels du tourisme, le scénario qui semble se dessiner est celui d'un retour au niveau d'activité de 2019 vers 2022.
Le groupe Air France-KLM a été frappé de plein fouet, et le plan stratégique que j'ai lancé avec toute l'équipe de management du groupe et de ses compagnies s'est arrêté en pleine progression. Mon engagement est de mener ce plan à son terme avec les ajustements, les accélérations et les transformations nécessaires.
Ce plan reste articulé autour de trois axes : rétablir la stabilité sociale au sein d'Air France tout en transformant le modèle actuel, tirer parti du modèle performant de KLM et poursuivre la croissance de Transavia.
La transformation durable et la transition écologique sont inscrites au coeur de ce plan stratégique, dont l'ambition est de retrouver des niveaux de compétitivité comparables à ceux de nos pairs.
Le groupe Air France-KLM constitue un actif de souveraineté pour les États français et néerlandais, mais aussi pour l'Europe, qu'il faut préserver, car la montée en puissance des hubs aux portes de l'Europe est intense.
Au-delà de la forte mobilisation de l'ensemble des équipes internes pour mettre en oeuvre l'ensemble des transformations indispensables, le groupe Air France-KLM est en discussion avec les États français et néerlandais pour obtenir un soutien, comme Anne-Marie Couderc l'a dit.
Compte tenu de la crise à laquelle nous sommes confrontés, de sa durée et des incertitudes qu'elle génère, ce soutien est indispensable pour permettre au groupe de traverser cette période critique et lui donner les moyens de mettre en place un modèle aérien plus vertueux, mais aussi plus collectif via le dialogue social, la concertation et l'inclusion. Ces aides devront être toutefois remboursées, et ce soutien engage notre responsabilité.
Le groupe Air France-KLM fait partie des infrastructures de la relance. La reprise post Covid-19 s'annonce lente et progressive. Nous sommes prêts à accélérer notre transformation. L'effort collectif doit s'imposer sur plusieurs sujets, et Air France-KLM y mettra toute son énergie.
Nous souhaitons aussi que le monde post Covid-19 coïncide avec un nouveau chapitre de l'histoire du groupe Air France-KLM.
Nous désirons donner la priorité à la sécurité sanitaire de nos clients et de nos employés et retrouver la compétitivité, socle de notre engagement vers l'avenir de l'aviation civile fondé sur de nouveaux principes, des engagements concrets et une méthode ouverte pour tous les acteurs de la filière aéronautique.
Nous continuerons à connecter la France à ses territoires, la France et l'Europe au monde. Il s'agit d'un engagement central au service de tous les citoyens et de tous les secteurs économiques.
Nous formulerons des engagements sur le plan de l'avenir de la mobilité en France, notamment avec le secteur ferroviaire, les aéroports et les autres modes de transport, en réfléchissant aux passagers et au fret, à la métropole et à la France d'outre-mer et, bien sûr, à une connexion au reste du monde.
Nous ferons tout notre possible, avec l'aide des gouvernements français et néerlandais, pour réussir le Green Deal européen et contribuer au progrès en matière environnementale.
À travers la présidence de l'Association européenne des compagnies aériennes (A4E), que j'assure depuis début mars, le groupe a une opportunité de promouvoir la vision française de l'avenir du secteur aérien, en particulier s'agissant du Green Deal européen.
Air France, comme KLM, réduira de 50 % les émissions de CO2 par passager et par kilomètre par rapport à 2005, année de référence, d'ici à 2030. Cet objectif a été à moitié atteint en 2019.
Pour réduire les émissions de CO2 à la source et la montée en puissance de l'utilisation de biocarburants de deuxième génération, nous souhaitons participer pleinement à la constitution d'une filière française de biocarburant aéronautique en Europe. En France, l'utilisation de biocarburant durable est compatible avec les ambitions françaises de la feuille de route nationale sur les biocarburants.
En concertation avec les pouvoirs publics, cette utilisation devra être graduelle et globale. Elle devra par ailleurs s'appuyer sur les investissements verts et les mécanismes de compensation nécessaires à la constitution d'une filière biocarburant aéronautique, dans le respect des équilibres économiques de tous les acteurs de la filière. Nous nous engageons à expliquer ces enjeux importants et prometteurs au grand public, notamment pour ce qui concerne les compagnies aériennes.
Le renouvellement accéléré de la flotte se poursuivra avec la sortie anticipée des avions polluants et bruyants afin de réduire de 25 % les émissions de CO2 par kilomètre et par passager. Ceci est très important pour nous.
Je passe à présent la parole à Anne Rigail s'agissant des actions et des perspectives du groupe Air France.
Je tiens tout d'abord à préciser que le groupe Air France a contribué à une importante opération de rapatriement. Alors que l'espace aérien mondial était en train de se fermer à une vitesse assez inédite, les vols d'Air France et de Transavia ont permis de rapatrier depuis mi-mars plus de 270 000 passagers, dont 150 000 ressortissants français et 44 000 ressortissants communautaires.
Ce travail a été mené en coopération avec le centre de crise du quai d'Orsay. C'est un bel exemple de partenariat public-privé dans ce contexte de crise.
Nous avons réussi à rapatrier ces ressortissants depuis 82 pays, avons veillé à plafonner nos tarifs et à mettre en place des prix spécifiques. Nous n'avons réalisé aucun profit sur ces trajets, alors que de nombreux vols se faisaient à vide à l'aller, les pays concernés ne nous ayant pas autorisés à faire débarquer chez eux des ressortissants européens.
Notre personnel de bord est formé aux situations de peur et d'anxiété. Il a eu pour souci constant de protéger nos clients.
Dans la foulée, nous apportons une contribution majeure au pont aérien mis en place avec la Chine pour approvisionner la France en matériel médical. Nous utilisons nos 777 tout cargo et passagers pour le fret en soute et en cabine. Nous avons enregistré cette semaine cinq rotations d'avions tout cargo et trois rotations de 777 passagers. À partir de la semaine prochaine, nous monterons à sept fréquences par semaine pour les 777 passagers.
Ajoutons qu'en dépit des circonstances, nous continuons à relier la France métropolitaine et la France d'outre-mer. Nous sommes aujourd'hui la seule compagnie à maintenir une activité vers Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Cayenne et Saint-Denis de La Réunion pour assurer la continuité territoriale.
Prendre l'avion doit et devra désormais se faire sur la base d'actions garantissant la sécurité sanitaire de nos clients, mais aussi de nos personnels, au sol comme à bord.
Nous avons renforcé le nettoyage des cabines, adapté le service à bord pour réduire au maximum les contacts, et communiqué de manière proactive auprès de nos passagers dans ce domaine. Sur la quasi-totalité de nos vols, nos coefficients de remplissage sont faibles, de l'ordre de 40 % en moyenne, sauf sur des vols de rapatriement. La distanciation sociale y est donc possible. Quand ce n'est pas le cas, comme sur deux ou trois vols, les personnels navigants commerciaux distribuent des masques à tous les clients qui n'en possèdent pas.
Nous avons généralisé les procédures de désinfection des cabines en utilisant des pulvérisants contenant des produits virucides. L'air à bord des avions est renouvelé toutes les trois minutes, avec des filtres à haute efficacité HEPA, identiques à ceux utilisés dans les blocs opératoires, qui retiennent les plus petits des virus, dont le Covid-19.
On l'a dit, le secteur aérien va être fortement et durablement touché face à l'ampleur de l'épidémie. Notre programme de vols est très vite tombé à moins de 5 % de son niveau normal après l'annonce du confinement. La chute de trésorerie, associée aux coûts fixes résiduels, peut être mortelle si on ne réagit pas rapidement et profondément.
Je pense que nous avons pris les décisions qui conviennent. Les dépenses et les investissements ont été limités au strict minimum pour garantir la sécurité de nos opérations. Les embauches et le recours à la main-d'oeuvre extérieure ont été stoppés, et nous continuons aujourd'hui à exploiter un programme très minimal d'environ cinq vols long-courriers et quinze vols court-courriers et moyen-courriers par jour au départ de Paris-Charles-de-Gaulle pour desservir au total 36 destinations.
Ces niveaux d'activité sont prévus jusqu'au mois de mai prochain. Nous les ajusterons en fonction des décisions gouvernementales et de la demande réelle de transport.
Nous avons dialogué en continu avec les collectivités de la métropole. Air France est titulaire de cinq délégations de service public sur le territoire métropolitain et de deux autres en Corse. Dès le 5 mars, nous avons pris contact avec les collectivités locales délégantes pour ajuster notre programme sur ces lignes. Elles sont actuellement suspendues, en bonne intelligence avec les collectivités. Nous avons maintenu des vols domestiques qui se limitent à moins d'un vol par jour sur trois escales, Toulouse, Marseille et Nice.
Comme Benjamin Smith vous l'a dit, l'environnement est pour nous un sujet clé. Nous disposons d'un plan ambitieux et suivi pour voler tout en contribuant à la transition énergétique du secteur. Nous avions commencé à le faire savoir avant la crise, mais nous devons insister encore.
Nous visions une réduction de 50 % des émissions de CO2 à l'horizon 2030 par passager et par kilomètre par rapport à 2005. Cet objectif est conforme à l'objectif de l'accord de Paris et aux objectifs de la stratégie française bas-carbone.
Nous avons programmé la sortie anticipée des avions les plus polluants - quadrimoteurs, 340, 380 - et faisons entrer dans notre flotte des avions comme les A350 et les A220, qui consomment respectivement 25 % et 20 % de fuel en moins.
Nous poursuivons les optimisations internes - éco-pilotage, réduction des masses, utilisation de biocarburants durables que nous souhaiterions pouvoir développer pour réduire les émissions de CO2 à leur source.
Nous compensons les émissions de CO2 de manière réglementaires avec les programmes Emission Trading Scheme (ETS) et Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (Corsia), mais également de façon proactive, puisque nous compensons à 100 % les émissions de CO2 de nos vols domestiques depuis le 1er janvier de cette année.
Nous commençons à contribuer à la R&D pour concevoir avec les constructeurs des aéronefs décarbonés. Bien sûr, nous visons une décarbonation totale de toutes les opérations au sol. Notre parc d'engins est aujourd'hui en majorité électrique.
Nous pensons que le groupe Air France a toute sa part dans l'économie française. Nous sommes fortement implantés dans les différentes régions. Nous contribuons à plus de 1,6 % du PIB français et, hors emplois directs du groupe, induisons plus de 420 000 emplois en France.
On le sait moins, mais nos personnels étant basés en France et à Paris, nous avons un effet redistributif sur tout le territoire français, et même dans les régions sans desserte directe. Ainsi, en Bourgogne-Franche-Comté ou en Centre-Val de Loire, nous représentons respectivement 500 et 650 millions d'euros de retombées annuelles. Une part importante de nos personnels navigants habite en province, alors même qu'ils prennent leurs vols à Paris.
Toutes nos dépenses relatives aux services en vol - traiteurs, matériels - sont réalisées en France. Nos compagnies sont également des vitrines pour les contenus culturels, les produits français - vins, eaux minérales, marques agroalimentaires. Nous veillons que nos prestataires soient le plus souvent choisis dans le secteur adapté, et prêtons une attention particulière à la supply chain d'Air France, composée de 3 900 fournisseurs, notamment en termes de délais de paiement ou de responsabilité sociale.
Nous avons également une importante activité de maintenance. Air France Industrie représente ainsi 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Certains investissements axés sur l'innovation, le digital et l'économie circulaire s'inscrivent dans le dispositif « Territoires d'industrie », notamment à Orly et Roissy.
Dans les domaines de l'écologie comme dans ceux de l'aménagement du territoire, nous souhaitons développer une vision inclusive avec tous les partenaires industriels et les opérateurs d'autres modes de transport.
Nous sommes convaincus qu'il ne faut plus opposer les différents modes de transport - avions, trains, bus -, mais qu'il est nécessaire de mener un travail collectif sur leur complémentarité, bien évidemment sans naïveté à l'égard de la concurrence sur certaines destinations.
Avant la crise du Covid-19, nous avions lancé un plan de restauration des marges d'Air France, notamment avec la mise en oeuvre sur le réseau domestique d'un plan de restructuration pour la période 2018-2021 afin de réduire les pertes actuelles d'environ 200 millions d'euros par an.
Ce plan s'inscrit dans la suite des plans continus d'ajustement de l'offre domestique. Nous avons perdu 40 % de l'offre et 53 % de nos effectifs dans nos différentes escales régionales depuis 2006. Le dernier plan prévoit 18 % d'ajustement de l'offre face à l'implantation d'autres modes de transport et des compagnies low cost en France. Nous avons réduit nos effectifs de près de 150 personnes dans nos escales françaises.
Nous savons que la reprise sera lente et progressive compte tenu des nouvelles exigences sanitaires et des probables modifications du comportement des voyageurs. Cela pose évidemment la question de l'accélération de la transformation d'Air France, en particulier de son modèle d'exploitation domestique. Nous souhaiterions instaurer une complémentarité accrue entre l'ensemble des modes de transport.
Quand la crise est survenue, nous étions déjà dans une logique de transformation pour rétablir notre compétitivité. Ce plan était en route depuis un peu plus d'un an. Les résultats 2019 d'Air France étaient en dessous de ceux des principales compagnies aériennes concurrentes.
Même si nos coûts ont baissé de 2 % en 2019, notre marge est restée à 1,7 %, en deçà de celle de nos principaux concurrents européens. Lufthansa a, quant à elle, une marge de 9 %. Celle de British Airways s'établit à 14 %.
La crise nous impose donc d'accélérer notre transformation, mais aussi nos engagements environnementaux.
Sur le plan financier, le dialogue avec l'État s'est établi rapidement et de manière agile. Le groupe a dialogué avec les gouvernements français et néerlandais, ainsi qu'avec la Commission européenne pour adopter différentes mesures et préserver au maximum la trésorerie.
Le dispositif d'activité partielle a été mis en place au sein d'Air France dès le 23 mars, au début pour une durée de six mois à hauteur de 50 %. Une réflexion est en cours, compte tenu du profil probablement plus lent de la reprise, pour pouvoir appliquer ce dispositif sur une durée plus longue.
Nous avons également, après accord de la Commission européenne, obtenu le report de paiement sur des taxes et des redevances aériennes - taxe d'aviation civile, de solidarité, redevances terminales - jusqu'à la fin de l'année 2020, avec des remboursements étalés sur les années 2021 et 2022.
Nous avons également obtenu une autorisation de report de paiement des cotisations sociales pour un mois renouvelable, et des discussions sont en cours pour reporter les cotisations sociales de l'exercice 2020 sur une base pluriannuelle.
En matière d'adaptation des règles européennes, l'agilité doit aussi prévaloir. Le 26 mars dernier, le Parlement européen a accepté de lever l'application d'une disposition très contraignante sur les créneaux de vol jusqu'au 24 octobre 2020, ce qui permet aux compagnies aériennes de conserver leurs créneaux horaires, alors même que nos avions ne volent plus.
Concernant le remboursement des billets, le droit européen veut que les clients d'un vol annulé soient remboursés. Dans des circonstances normales, le remboursement doit avoir lieu sous sept jours. Nous dialoguons au niveau européen pour aménager la règle, mais non le principe. Notre proposition, comme celle de toutes les compagnies aériennes, est de pouvoir donner un avoir remboursable au bout de douze mois s'il n'est pas utilisé durant cette période.
Ce combat est loin d'être gagné, mais il nous semble être juste. Une proposition d'aménagement des dispositions du règlement a été faite en ce sens par les autorités française et néerlandaise, proposition soutenue par un certain nombre d'États membres.
Cette demande est majeure pour les transporteurs aériens compte tenu de l'impact de trésorerie qu'elle peut avoir. Nous l'estimons à un milliard d'euros en Europe pour le groupe Air France-KLM d'ici au 30 septembre 2020.
Je vous remercie.
La parole est à Mme Bonnefoy, référente « Situation du transport aérien » de la commission en cette période de crise sanitaire.
J'aimerais à mon tour vous remercier pour votre présence et vous féliciter pour la qualité du travail accompli depuis le début de la crise sanitaire. J'ai pu m'en rendre compte au travers des auditions que j'ai menées en tant que rapporteure pour avis du budget sur le transport aérien et référente « Situation du transport aérien » de la commission en cette période de crise sanitaire.
C'est dans ces circonstances dramatiques que l'on mesure la nécessité pour une puissance du rang de notre pays de pouvoir compter sur une compagnie comme Air France.
J'aimerais évoquer avec vous les chantiers des semaines à venir, ainsi que les enjeux du « monde d'après ».
Mes premières questions porteront sur les perspectives de reprise du trafic aérien dans les semaines et les mois à venir - même si vous les avez déjà abordées.
Les personnes que j'ai consultées jusqu'à aujourd'hui s'accordent sur un point : le retour à la normale n'est pas envisageable tant qu'un traitement ou un vaccin ne sera pas trouvé. D'ici là, le trafic aérien devra probablement se soumettre aux contraintes imposées par le virus.
En vol comme au sol, aux frontières en particulier, des règles sanitaires devront être prises pour empêcher une nouvelle propagation incontrôlée du virus. Elles seront probablement inscrites dans le plan de déconfinement qui sera présenté par le Gouvernement.
Selon vous, quelles mesures devront être prises pour permettre une reprise sécurisée du trafic ? Quels modèles de financement pourraient être retenus pour ces nouveaux dispositifs de sécurité sanitaire ? Faut-il s'orienter vers un financement par le passager via la taxe d'aéroport ?
En tout état de cause, ces nouvelles contraintes pourraient entraîner un bouleversement durable du transport aérien et accélérer la tendance à la concentration du secteur, qui était à l'oeuvre avant même le début de la crise sanitaire.
Selon vous, faut-il s'attendre à une augmentation importante du prix du transport aérien et à une réduction de la pression concurrentielle ? Peut-on raisonnablement penser que le modèle low cost résistera à la crise ?
C'est à l'aune de ce constat et de ces interrogations qu'il faut paramétrer, je crois, l'aide que l'État apportera au secteur aérien et en particulier au groupe Air France-KLM. À l'État de redevenir stratège pour donner les moyens à un champion national de résister au mouvement de consolidation auquel n'échappera probablement pas le secteur.
Selon les informations transmises par le secrétaire d'État aux Transports, l'aide publique pourrait s'organiser en deux temps avec, à court terme, des prêts garantis par les États français et néerlandais et, à moyen terme, la perspective d'une recapitalisation ou d'une montée en capital de l'État dans Air France-KLM.
Concernant les prêts garantis, êtes-vous en mesure de nous en dire plus sur les négociations engagées avec les États français et néerlandais, tant sur l'avancée de ces négociations que sur les modalités de l'aide envisagée ?
Concernant la recapitalisation ou la montée en capital, pouvez-vous nous donner des indications concernant les besoins du groupe et le calendrier envisagé ?
En plus de ces aides directes, une révision du règlement européen relatif au remboursement des vols annulés pourrait également s'avérer nécessaire pour autoriser la remise d'avoirs aux passagers concernés en remplacement d'un remboursement monétaire, afin de rassurer les consommateurs sur la solvabilité des avoirs remis par les compagnies. Ne faudrait-il pas aussi, selon vous, mettre en place un fonds de garantie au niveau national ou européen ? En tout état de cause, nous sommes tous d'accord sur le fait que le statu quo n'est ni souhaitable ni durable. Un équilibre doit être trouvé entre le droit des consommateurs et la protection des compagnies nationales mises en péril par la crise sanitaire. C'est le sens du courrier que notre commission, par l'intermédiaire du président Maurey, a adressé au secrétaire d'État aux transports.
Enfin, Air France doit dès à présent se projeter dans le monde d'après qui, dans l'aérien en particulier, ne ressemblera à rien de ce que nous avons connu jusqu'ici. Le groupe devra adapter sa stratégie en conséquence. En particulier, comment envisagez-vous le rôle futur d'Air France concernant la desserte intérieure, le court-courrier, alors que le groupe y connaissait, avant même le début de la crise, d'importantes pertes de parts de marché ? Vous avez enfin parlé de complémentarité accrue entre tous les modes de transport. Comment souhaiteriez-vous mettre en oeuvre cette stratégie ?
Pour compléter les questions de Mme Bonnefoy, j'aimerais connaître vos souhaits en matière d'intervention de l'État par rapport aux montants sollicités et au montage juridique. S'agit-il d'une augmentation de capital, d'une nationalisation ?
Ce sont des éléments sur lesquels on a aujourd'hui assez peu d'informations.
Nous travaillons avec Aéroports de Paris afin que le parcours dans l'aéroport redonne confiance aux passagers sans attendre le déconfinement - marques au sol pour signaler la distanciation, plexiglas devant tous les comptoirs. Les salons sont actuellement fermés compte tenu du faible trafic. Nous ne les rouvrirons pas avant un certain temps.
En vol, tous les membres d'équipage d'Air France ont à disposition quasiment depuis le début de la crise des masques, du gel, des gants, des lingettes, des sprays. Nous réfléchissons également au fait de pouvoir donner des lingettes aux clients.
Nos avions sont nettoyés de manière approfondie avant chaque vol. Nous passons des pulvérisants virucides régulièrement, avec un effet rémanent de dix jours pour garantir une parfaite hygiène à bord.
Nous avons limité le service en vol de manière à réduire les interactions, tout en préservant un service correct. L'air en cabine est renouvelé toutes les trois minutes et passe par des filtres qui retiennent les plus petits virus.
Aujourd'hui, les coefficients de remplissage nous permettent d'installer nos clients à distance les uns des autres. Nous souhaitons - et c'est ce que nous avons proposé aux équipes du Gouvernement qui s'occupent des mesures de déconfinement - que le masque soit rendu obligatoire pour le transport en avion, comme d'autres pays l'ont déjà réclamé. Ceci, associé à l'ensemble des autres mesures, permet de garantir une parfaite hygiène.
Concernant les prix du transport aérien, nous avons fait en sorte que les clients qui devaient être rapatriés en urgence ou que le fret aérien pour lequel il existe peu de capacités et une forte pression ne se voient pas appliquer un tarif prohibitif. Nous y veillons quotidiennement. Nous avons même eu des vols à perte.
Quelques compagnies veulent aujourd'hui relancer le trafic avec des tarifs extrêmement bas. On entend parler de billets à un euro sur les vols low cost. Nous croyons que ce ne sont pas les leçons à tirer de cette crise. Ce n'est par ailleurs pas totalement cohérent avec la logique de transition énergétique du secteur que nous souhaitons développer.
Nous faisons tout pour maintenir des prix du transport aérien acceptable pour notre clientèle. Cela a été notre souci pendant toute cette crise. Nous ne voudrions pas que l'après-crise signifie une guerre tarifaire et des pratiques d'offres en dessous des prix et des coûts réels.
J'aimerais tout d'abord remercier tous mes collaborateurs pour l'effort qu'ils ont fourni durant cette crise.
Mes équipes et moi-même sommes par ailleurs très reconnaissants au Gouvernement français pour ce qu'il a fait afin qu'Air France puisse survivre après cette crise très compliquée. Air France fait partie de la culture française et le fait que la compagnie en sorte renforcée sera d'un grand bénéfice pour l'économie du pays. J'espère que l'on trouvera une solution rapide.
S'agissant du soutien des États, nous sommes aujourd'hui en discussion intense aussi bien avec l'État français qu'avec l'État néerlandais.
Nous ne pouvons communiquer sur des chiffres précis. Nos meilleures estimations actuelles concernant la trésorerie et intégrant les mesures qui ont été évoquées mettent en évidence qu'en l'absence d'un financement rapide, nous avons un besoin de liquidités au troisième trimestre 2020. C'est dire que la situation est très sérieuse. C'est pourquoi les deux États sont aussi impliqués.
Les modalités prévues par les gouvernements nous offrent aujourd'hui des possibilités de deux natures, mais je ne peux en dire plus aujourd'hui, même si je pense que, du côté français, nous allons avancer assez rapidement dans les jours qui viennent. Du côté néerlandais, la pression étant moindre, cela devrait arriver dans les jours et semaines qui suivent.
Les prêts bancaires garantis par les États et la possibilité de prêts directs par les États si nécessaire sont des dispositifs totalement adaptés à la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Nous n'avons pas de voeu à exprimer sur la manière dont ces prêts nous seront attribués. Ils devront en tout état de cause être remboursés et nous devrons trouver les modalités adaptées pour répondre aux créanciers privés ou étatiques.
L'ensemble du management d'Air France, tout comme celui de KLM, s'engage de manière responsable à réaliser des économies assez drastiques et à faire en sorte que ceci profite à la transformation de nos compagnies ainsi qu'à l'ensemble du groupe.
Nous sommes cependant tenus à une grande confidentialité.
C'est ce qui est envisagé.
Personnellement, je souhaiterais obtenir des réponses sur le « jour d'après » et sur le scénario de reprise d'Air France.
Ce scenario table a priori sur 30 % de vols assurés d'ici juillet, comptant sur la reprise des vols intérieurs, la réouverture des frontières à l'intérieur de l'Union européenne, mais aussi de certains pays hors Union européenne.
Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, cet objectif peut paraître ambitieux, alors que, de l'aveu même du Premier ministre, il ne semble pas raisonnable de partir loin à l'occasion des vacances d'été.
Par ailleurs, la restructuration du réseau intérieur, présentée comme le principal défi de votre plan de changement de modèle et de reconstruction devait initialement se faire en cinq ans, mais vous souhaiteriez la réaliser en deux ans. Même si on comprend cette volonté d'accélération, ma première question porte sur cette modification du calendrier. Dans quelles conditions et avec quelles adaptations d'ordre économique, social et environnemental comptez-vous y parvenir ?
Vous avez évoqué à l'instant les aides éventuelles que vous escomptez. Il me semble que raccourcir de trois ans un plan qualifié d'ambitieux nécessite quelques précisions. Pourriez-vous nous communiquer ces éléments à l'occasion de cette audition ou ces jours prochains ?
Concernant la reprise des vols, quelle destination allez-vous privilégier et en quoi consisteraient les mesures de confinement, avec ce que cela suppose en termes de gestes barrières ? Notre commission a auditionné M. Farandou, président de la SNCF, qui a évoqué le port obligatoire du masque, mais qui envisage également de ne mettre à la vente qu'un siège sur deux. La compagnie Air France pourrait-elle s'orienter vers ce type de dispositif ?
Merci pour votre implication et votre réactivité face à la crise actuelle.
Ma question portera sur le low cost. Le retour à la normale va sans doute demander énormément de temps. Un changement de paradigme va peut-être avoir lieu en matière de déplacements touristiques. Pensez-vous qu'il faudra à terme promouvoir le modèle du low cost ? Disposez-vous d'informations sur la reconsolidation du secteur, question que vous a posée Nicole Bonnefoy à laquelle vous n'avez pas répondu ?
Vous pilotez tous les quatre une des compagnies aériennes les plus puissantes au monde et parmi les premières en Europe. La crise est sidérante, terrifiante, elle cloue les avions au sol, mais n'offre-t-elle pas une perspective d'opportunité puisque bien des entreprises aériennes sont nettement plus fragiles qu'Air France-KLM ? Ma question peut étonner, mais je pense que vous avez des réponses.
Par ailleurs, je vais tout à l'heure soumettre au vote, en séance, dans le cadre du budget, un amendement destiné à conditionner les aides, prêts ou participations des entreprises liées à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PEE) à des considérations écologiques ex ante.
Je pense que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale était cosmétique. Celui que je vais proposer ne vous dérangera pas compte tenu de vos déclarations rassurantes sur l'écologie, l'environnement, la prise en compte des limitations en matière de carbone. Il dépasse en effet l'aspect déclaratif. Il est pragmatique, basé sur les propositions d'Oxfam et suggère que, dans douze mois, vous produisiez une stratégie interne de réduction de votre empreinte écologique accompagnée d'un plan d'investissement et de transformation.
Si ceci n'était pas suivi d'effet, vous subiriez des contraintes et vous exposeriez à des demandes de remboursement. Je pense en effet qu'on ne peut disjoindre la crise sanitaire de la crise climatique. Je rappelle que toutes les études en matière de pollution de l'air laissent entendre qu'il existe en France au minimum 60 000 morts par an dues à la pollution de l'air.
Quel type de masques donnerez-vous aux passagers lorsque l'avion sera plein ?
Par ailleurs, quel est l'impact de la crise sur l'activité cargo du groupe ?
Enfin, pouvez-vous avancer un calendrier s'agissant de la filière carburant ?
Il est important d'être plus précis s'agissant des gestes barrières, car si l'on souhaite que les passagers retrouvent rapidement l'envie de reprendre l'avion dès que ce sera possible, il faut qu'ils soient tout à fait rassurés.
La seule distanciation sociale n'est pas forcément une mesure rassurante, surtout en classe économique. Vous devriez construire un discours plus rassurant sur ce point, si je puis me permettre.
Notre niveau d'activité est en ce moment compris entre 2 % et 3 %. Il devrait être un peu plus élevé à partir de fin juin-début juillet.
Quelles seront les destinations ? Les États-Unis constituent notre marché le plus important. Nous les privilégierons donc si l'on rouvre les frontières - même si d'autres destinations, comme le Brésil, le Japon, l'Afrique sont également importantes.
Il n'en reste pas moins que nous devons nous concentrer sur les vols domestiques. Nous avons en effet perdu beaucoup d'argent l'année passée. Ce n'est pas nouveau : nous sommes en concurrence avec le train et le low cost.
Nous allons accélérer le plan stratégique que nous avons mis en place en novembre dernier. Nous savons que nous devons réduire notre activité sur les réseaux de navigation, où les déficits sont énormes. C'est pourquoi nous allons transformer notre hub régional.
Il est par ailleurs très important de conserver notre trafic sur Roissy. Quant aux dessertes entre Orly et les villes moyennes, nous nous interrogeons pour savoir si Orly peut constituer un hub ou si nous devons utiliser un autre outil. Nous étudions la rentabilité des transversales qui ne passent pas par Paris.
Bien sûr, tout ceci aura un impact social. Nous veillons que cette situation n'affecte pas nos salariés outre mesure, mais nous allons connaître des changements très importants.
Certaines consolidations vont toucher l'Europe, voire la France. Les faillites vont nous permettre d'augmenter rapidement notre activité. Il est très important pour Air France de dégager une plus grande compétitivité par rapport à ses concurrents. Il peut exister d'autres opportunités à travers le monde, mais le premier de nos buts est d'affermir la position d'Air France.
S'agissant du low cost, en France, les deux groupes les plus importants n'ont pas d'activité long-courrier et peuvent reprendre leurs dessertes bien plus vite que nous. C'est pourquoi nous devons mettre en oeuvre tous nos outils.
S'agissant des scénarios de reprise et des gestes barrières, je pense que tout est déjà largement mis en oeuvre. Les sujets majeurs demeurent les masques et la distanciation. Nous sommes convaincus, comme toutes les compagnies, qu'il faut des masques à bord. Nous en avons pourvu nos personnels depuis plus d'un mois et leur avons confié un stock pour pouvoir en doter les clients qui n'en possèdent pas.
Nous travaillons en concertation avec les acteurs du transport et le Gouvernement sur les mesures de sécurité, mais nous pensons que l'obligation de port du masque est fondamentale.
Concernant la distanciation sociale à bord, la difficulté, dans cette période de transition, est d'estimer nos coefficients de remplissage. Beaucoup de clients ne nous préviennent pas de leurs intentions, et il est donc difficile d'établir des estimations précises.
On a pu connaître un ou deux problèmes mais, en moyenne, le remplissage est compris entre 30 % et 40 %. La distanciation sociale est totalement respectée sur l'immense majorité de nos vols, et on le vérifie vol par vol.
Il faudra cependant tenir compte du fait que notre marge était de 1,7 % pour un coefficient de remplissage moyen de plus de 85 %. Si on réduit ce coefficient pour pouvoir respecter la distanciation sociale à bord à moyen-long terme, cela signifie qu'il faudrait limiter le remplissage des cabines aux deux tiers. Notre marge serait alors de - 25 %.
On peut donc se poser la question de la soutenabilité d'une telle mesure, alors que les masques, les filtres HEPA, les désinfections, les gels et les lingettes sont des gestes barrières déjà très significatifs. Nous agirons bien évidemment en concertation avec les différents experts et prendrons les mesures barrières à partir du déconfinement. En effet, les décisions des autorités, qu'il s'agisse des vols domestiques ou des vols à destination des pays de l'Union européenne, déterminent nos capacités de reprise.
Celle-ci se fera donc en fonction des décisions qui seront arrêtées sur le plan européen et international. Nous n'envisageons pas une reprise rapide, nous l'avons dit. Nous gérons les flux dans les aéroports et les avions de manière à respecter les gestes barrières. La problématique vient du fait qu'on ne peut, en matière de transport aérien, concilier une distanciation sociale à long terme avec une reprise significative. Il faudra donc trouver les bons ajustements.
Je laisserai Anne-Sophie Le Lay évoquer le problème de l'environnement. Nous avons mis en place une commission du développement durable au sein du conseil d'administration du groupe Air France-KLM.
L'engagement du groupe pour lutter contre le changement climatique et en faveur de la transition écologique est un engagement de très long terme. Nous sommes classés tous les ans numéro un de l'industrie aérienne par le Dow Jones Sustainability Index (DJSI).
C'est pour l'industrie aéronautique, qui est en bout de chaîne, une tâche difficile. On doit agir au niveau de l'ensemble de la filière. Nous voulons éviter toute taxation nationale ou européenne afin de ne pas fausser la concurrence internationale.
Nous sommes très impliqués dans cet engagement fort en matière de changement climatique et de transition écologique. Il convient donc d'inciter notre filière à investir dans des avions moins polluants et à poursuivre ses travaux en matière de carburants alternatifs.
Quelles que soient les difficultés du transport aérien, notre groupe est très impliqué dans ces domaines, qu'il s'agisse d'Air France, de Transavia ou de KLM. Je tenais à rappeler que nous partageons totalement cette démarche.
Le transport aérien est en effet engagé depuis très longtemps sur les objectifs environnementaux qui, depuis quelques mois, occupent particulièrement l'ensemble de la filière. Malgré les travaux importants de R&D menés par les constructeurs, les ruptures technologiques ne sont toutefois pas pour demain.
Dans l'intervalle, il est important que la filière aérienne s'organise pour atteindre des objectifs de réduction de CO2 que le groupe, tout comme l'ensemble du secteur, s'est fixé dans le cadre des accords de Paris et de la stratégie nationale bas-carbone.
Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, autour des carburants alternatifs durables dans le cadre de la feuille de route nationale.
Il est important que nous le fassions en concertation avec les pouvoirs publics. Il convient que cette utilisation soit graduelle, globale, et puisse s'appuyer sur des investissements verts et les mécanismes de compensation nécessaires à la constitution de cette filière, bien évidemment dans le respect des équilibres économiques pour l'ensemble des acteurs.
C'est un enjeu important pour nous, et Air France-KLM souhaite très rapidement porter ces sujets pour les travailler avec l'ensemble de la filière.
Il reste en effet tout un travail à faire pour convaincre de l'engagement réel du secteur aérien en faveur de l'environnement, car il existe aujourd'hui un sentiment assez général que transport aérien et respect de l'environnement sont incompatibles.
Vous devez être convaincants, et cela doit passer par des mesures fortes et volontaristes.
S'agissant du marché du cargo, celui-ci revient sur le devant de la scène. Il ne s'est jusqu'à présent pas développé à cause des prix. Aujourd'hui, certains de nos appareils passagers servent cependant uniquement pour le cargo. Ce trafic augmente plus que celui des passagers, car les restrictions ne sont pas les mêmes.
Quel est le type de masque utilisé lorsque l'avion est totalement rempli ?
Pour ce qui est des masques, ce n'est pas à nous d'édicter une doctrine. On étudie les préconisations des autres compagnies. Au Canada, je crois que les compagnies recommandent des masques grand public. Le port du masque est une mesure phare. C'est aux experts de se prononcer sur les masques qui devront être utilisés par les passagers.
Nous avons des stocks pour les clients qui n'en possèdent pas. Cela a pu se produire de manière exceptionnelle - j'ai deux vols en tête. Nos personnels disposent de stocks pour se protéger eux-mêmes et pour protéger les clients.
Je voudrais revenir sur le changement dans les mentalités et les pratiques au sortir de la crise sanitaire, ainsi que sur la place plus importante des enjeux environnementaux qui apparaît nécessaire.
S'il est difficile d'imaginer le monde de demain et l'impact de la crise sur notre mode de vie, des questions ne s'en posent pas moins. On a vu que vous vous les posez également, puisque la sortie de crise sera déterminante pour l'entreprise et que des restructurations sont inévitables.
Pourtant, certains territoires enclavés craignent de voir disparaître les lignes intérieures qui les relient à la capitale, comme celles qui desservent Clermont-Ferrand. La liaison ferroviaire rencontre des difficultés, et certains passagers se tournent donc vers l'aérien, qui s'avère généralement plus fiable et constitue une solution complémentaire.
On a abordé le sujet des aides liées à une meilleure pratique environnementale. Je voudrais évoquer les aides conditionnées à l'avenir des lignes d'aménagement du territoire dans le futur plan de transport post-crise. Mme Couderc a estimé que cette crise constituait une opportunité. J'aimerais savoir si les lignes d'aménagement du territoire seront confortées ou si elles demeureront, comme souvent, les grandes oubliées.
Enfin, mon collègue Jean-Pierre Corbisez s'interroge sur un éventuel transfert du siège du groupe Air France-KLM aux Pays-Bas, qui lui ferait économiser 700 millions d'euros par an. La situation économique difficile va-t-elle relancer ce projet ?
Les membres de l'exécutif d'Air France ont affirmé que leur compagnie est très engagée en matière d'enjeux écologiques et estiment que cette crise sanitaire va avoir un effet de levier en matière de neutralité carbone.
Comment réagissez-vous aux propos de la présidente du Haut Conseil pour le climat qui, pour respecter les engagements en matière de climat, invite à réduire les déplacements en avion ?
La question du renouvellement accéléré de la flotte pour équiper celle-ci d'avions moins polluants recoupe la question du financement. Quels seront vos moyens, hormis le recours aux prêts des États ?
S'agissant de la reprise, comment allez-vous gérer le renouvellement des autorisations de vol de vos pilotes après ces nombreux jours sans voler ? Il faut à la fois garantir la sécurité sanitaire, mais aussi celle des vols.
Enfin, je salue l'engagement de votre compagnie s'agissant du rapatriement de nos compatriotes. Il reste toutefois encore des questions concrètes. Je pense à un étudiant de mon territoire, actuellement à Shanghai, dont le vol de retour, prévu le 25, a été annulé. Comment peut-il rentrer en France, aucune proposition alternative ne lui ayant été faite ? Quelle réponse concrète pouvez-vous lui apporter ?
Je m'inquiète pour la situation de votre compagnie, mais aussi pour celle des compagnies européennes et mondiales et de l'industrie aéronautique.
Quelles conséquences aura selon vous cette crise sur cette dernière ? Où en êtes-vous de vos commandes en cours ? Allez-vous pouvoir les maintenir ?
Je pense que la crise a révélé le rôle du transport aérien. Même si nous volons de manière plus modérée, nous avons tenu à assurer la continuité territoriale. Nous sommes restés présents, alors que beaucoup d'autres ont arrêté leurs activités.
Le transport aérien est nécessaire aux besoins essentiels ainsi qu'à l'offre cargo, très inférieure à la normale, l'essentiel étant assuré par les vols de passagers. Faute de transport de passagers, on n'arrive plus à acheminer le matériel sanitaire, d'où le pont aérien avec la Chine, ou les matériels vers les DOM-TOM, voire la livraison des produits frais et ultra-frais.
On a parfois des demandes antagonistes entre le fait de limiter le transport aérien et d'augmenter l'offre cargo, alors qu'on parle de la même chose. Le transport aérien reste un besoin essentiel et joue un rôle crucial pour le rayonnement de la France. Au-delà de notre souci de contenir ce virus et de le maîtriser, cette crise a démontré à quel point une compagnie comme la nôtre est essentielle pour une nation qui, comme la France, veut avoir une vraie présence dans le monde.
Quant à la personne bloquée à Shanghai, les autorités chinoises n'ont malheureusement pas permis la reprise du trafic de passagers. On a d'ailleurs dû organiser notre pont aérien via Séoul. Nos pilotes, qui étaient testés avant leur départ, étaient à nouveau testés en Chine. L'un d'eux, déclaré positif, est longtemps resté bloqué en Chine. Nous n'avons pas repris notre trafic de passagers sur la Chine.
Pour le faire, il faudra que la Chine nous y autorise, comme c'est le cas de la plupart des pays africains, des États-Unis ou de l'ensemble du monde. La reprise dépend de facteurs extérieurs très nombreux. Tenter des prédictions relève d'un exercice assez peu scientifique.
La problématique des lignes d'aménagement du territoire, la liaison entre Paris et les régions, ainsi que la réduction des pertes des vols domestiques constituent des sujets essentiels. Il faut bien évidemment maintenir certaines destinations. Je rappelle que nous renforçons le lien des régions vers le hub de Roissy, certaines correspondances internationales jouant un grand rôle pour les régions. Nous étudierons les choses au cas par cas.
Il faut aussi que ces lignes soient soutenables économiquement. Toutes ne le sont pas toujours. Il faut qu'on se penche sur le sujet en concertation avec tous les acteurs concernés.
Pour ce qui est de la reprise et du respect de la sécurité des vols, qui sont des points fondamentaux, nous veillons à ce que notre programme minimum soit assuré par différents types d'avions afin de faciliter la reprise. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a accepté certaines facilités dans le domaine de l'extension des licences des pilotes. Nous allons faire voler nos instructeurs et reprendre les séances de simulateur pour pouvoir réaliser la reprise en toute sécurité. Des études sont en cours pour ce faire.
En matière de formation, tous nos pilotes doivent réaliser six atterrissages par période de 90 jours. S'ils n'en ont pas la possibilité, des simulateurs de vol leur permettent de s'entraîner sur les appareils qu'ils utilisent. Nous en possédons en grand nombre. Par ailleurs, notre activité va progressivement reprendre et s'accélérer dans les prochaines semaines, après le déconfinement.
Le plan stratégique mis en place en novembre dernier représente 30 % ou 45 % de nos besoins pour assurer la rentabilité d'Air France. Beaucoup d'options existent, mais c'est probablement la meilleure façon de financer nos appareils.
Le transport aérien est aujourd'hui contesté, très certainement à juste titre dans certains cas. Cette crise révèle tout l'intérêt que représente le secteur aérien pour relier des territoires là où aucun autre moyen de transport n'est possible. On le constate aussi en matière de rapatriement ou de transport de matériel médical.
Je pense que les compagnies aériennes responsables, au lendemain de la crise, devraient être mieux considérées, notamment au regard des modes de concurrence.
Aujourd'hui, les compagnies aériennes comme Air France, KLM et autres respectent un certain nombre de règles face à des compagnies qui recourent au dumping de façon tout à fait anormale.
Nous ne bénéficions cependant pas de règles suffisamment équitables en matière de concurrence dans le transport aérien. Les États qui apportent leur soutien aux compagnies devraient demeurer vigilants face aux règles de concurrence.
95 % des collaborateurs d'Air France bénéficiant de contrats de droit français, il est très difficile de se battre face à certains concurrents qui n'appliquent pas les mêmes règles que nous.
Vous avez évoqué 36 destinations jusqu'en mai et un vol Toulouse-Marseille-Nice par jour. Quand envisagez-vous de faire fonctionner à nouveau l'aéroport d'Orly ?
Concernant l'avenir des lignes intérieures, vous connaissez les difficultés de la région Auvergne. Nous n'avons pas de TGV et sommes dotés de trains obsolètes. Jean-Baptiste Djebbari, la semaine dernière, nous a parlé d'un rephasage des opérations de modernisation de la ligne. On peut donc être relativement inquiet.
Reste l'avion. Je comprends le problème financier que pose le fonctionnement aérien des petites lignes, mais les régions sont-elles sollicitées dans le cadre de nouveaux programmes de financement ? Elles ont en effet la compétence économique et tiennent à conserver un trafic aérien vers Paris.
On peut comprendre qu'il n'y aura pas autant de vols qu'auparavant, mais il est indispensable de maintenir le lien. Il ne faudrait pas ajouter une crise économique à la crise sanitaire.
Je salue les déclarations très fortes de toute l'équipe d'Air France, réunie autour de Mme Couderc, concernant la transition écologique.
Je voudrais revenir sur deux questions faisant écho à la dernière intervention d'Anne-Marie Couderc.
Premièrement, la compagnie Air France, malgré le contexte de crise économique que connaît le transport aérien, va-t-elle poursuivre sa politique de compensation des vols ? On pourrait d'ailleurs espérer que celle-ci se porte sur les vols internationaux, puisqu'on n'aura pas de neutralité du transport aérien sans compensation à la hauteur des émissions de CO2.
Deuxièmement, il est peu probable que les carburants de seconde génération, à ce stade, soient concurrentiels par rapport à un prix du pétrole qui pourrait rester relativement bas pendant un certain temps, même si les fluctuations sont rapides. S'il n'existe pas de taxe carbone forte sur le transport aérien, il n'y a pas de modèle économique viable avec des carburants alternatifs.
Air France va-t-elle prendre le leadership d'une coalition de compagnies responsables comme Lufthansa ou autres pour imposer des compensations carbone plus fortes au niveau international ? On peut penser que les Chinois sont moins en situation de force qu'au moment où ils se sont opposés à l'ETS. Il est peu probable qu'on y parvienne sans cette coalition ni sans remise en cause des règles internationales.
Enfin, cela ne signifie-t-il pas qu'on accepte l'augmentation du prix du billet du transport aérien ? Cela veut dire que l'on ramène un certain nombre de passagers vers le train et que l'on réserve le transport aérien pour les endroits où il est nécessaire aux échanges économiques...
La distanciation sociale va immanquablement se traduire par une perte de recettes et par la diminution du nombre de sièges offerts. Vous avez évoqué un remplissage aux deux tiers. À périmètre constant, les charges d'exploitation, notamment en termes de masse salariale des navigants et non navigants, vont automatiquement peser. Quelle sera votre stratégie de maîtrise des coûts ? Envisagez-vous de négocier certains accords d'entreprise ?
L'éventualité des licenciements à l'issue de la prorogation du chômage partiel est-elle envisagée en cas de reprise de l'exploitation de la totalité du réseau pour 2022 ?
Quelles sont les conséquences de la crise sur l'industrie aéronautique et notamment sur Airbus ?
En second lieu, qu'en est-il du Boeing 737 MAX et de la politique d'Air France concernant cet avion, que le recyclage de l'air rendrait bien moins polluant que les autres ?
Une précision en matière de chiffres.
Vous avez été discrets - et on peut le comprendre - sur l'ampleur des besoins financiers. Peut-on avoir quelques éléments sur la trajectoire que vous imaginez pour 2020, en termes de résultats notamment ?
Air France ne décide de rien concernant Orly. Nous y avons actuellement entre 1 000 et 2 500 passagers par jour, contre 150 000 habituellement.
Le fait de se regrouper sur Roissy avait donc du sens. La réouverture d'Orly dépendra de la reprise, du rythme du déconfinement, du besoin des autres compagnies et des décisions d'ADP. C'est donc une question à laquelle il est difficile de répondre aujourd'hui.
Pour ce qui est de Clermont-Ferrand, nous sommes bien conscients de l'importance du transport aérien. C'est pourquoi il va falloir travailler le dossier avec l'ensemble des parties prenantes. Clermont-Ferrand est aujourd'hui relié à Orly, à Charles-de-Gaulle et à d'autres régions importantes. Il faut trouver une façon de maintenir des dessertes dans une économie soutenable à moyen-long terme, pour nous comme pour les régions.
Concernant la question de la distanciation sociale, je me suis peut-être mal fait comprendre. Aujourd'hui, la distanciation sociale signifierait un coefficient de remplissage à 66 % et une baisse de nos recettes de l'ordre de 20 %. Aucun modèle ne peut, à moyen-long terme, s'adapter à cette mesure. C'est, je pense, le cas de la très grande majorité des compagnies.
Bien évidemment, il faudra accélérer notre plan de transformation et être plus productifs et efficients. La reprise étant plus lente que ce que l'on avait imaginé, nous réfléchissons à pouvoir appliquer le chômage partiel durant une période plus longue, mais ce n'est ni décidé ni officialisé.
Pour en revenir aux sujets environnementaux, il faut selon moi poursuivre plus que jamais la compensation des vols. Les carburants ne concernent pas que les compagnies aériennes, qui sont en bout de chaîne. On ne peut pas toujours se retourner vers la compagnie aérienne pour lui demander des comptes. C'est une transition qu'il va falloir aborder avec l'ensemble de la filière.
Comment être leader et montrer la voie ? Nos plus grands concurrents sont les compagnies du Golfe. Nous en avons sur toutes nos lignes. Il faut donc une logique et une cohérence globale pour que ce soit supportable.
Vous avez abordé deux enjeux importants, la compensation et les carburants alternatifs. Plusieurs systèmes européens et mondiaux sont en train de se mettre en place dans le cadre du programme Corsia.
On a rappelé à quel point notre secteur est concurrentiel. Il est important que tous les enjeux de compensation et de taxation du secteur aérien soient envisagés dans un cadre européen et surtout international, afin que l'ensemble des compagnies soient dans la même situation et soumises aux mêmes dispositions fiscales.
Il en va de même des carburants alternatifs. La France a pris une initiative extrêmement importante sur ce sujet fin janvier en lançant, dans le cadre de l'engagement pour la croissance verte, un appel pour le lancement d'une filière de carburants alternatifs en France. On attend la réponse pour fin septembre. Ces sujets doivent également être portés au niveau européen dans le cadre du Green Deal actuellement en discussion au niveau européen.
Nous portons évidemment ces sujets en France. Nous sommes convaincus que c'est une bonne transition pour le secteur aérien et l'ensemble de la filière. Nous sommes associés à Safran et Total dans les discussions avec les aéroports, en particulier ADP. Nous pensons utile de les porter de la même manière au niveau européen. C'est ce que nous faisons dans le cadre de l'Association des compagnies aériennes européennes.
Il nous est difficile de nous exprimer sur les questions financières que vous avez soulevées, monsieur le président. Air France et KLM travaillent sur les business plans qui fondent les besoins de soutien de leur trésorerie pour les mois à venir. Il nous est difficile de nous exprimer sur ce sujet aujourd'hui, et croyez bien que j'en suis désolée.
Vous connaissez notre transparence, mais il s'agit de questions assez sensibles tant que nous n'avons pas abouti dans les discussions, d'autant que les prévisions sur lesquelles nous nous fondons ont beaucoup bougé au long des dernières semaines, compte tenu de la chute de notre activité et du fait que les perspectives de reprise d'activité ne sont pas très claires. Nous nous exprimerons sur ces sujets dès que nous le pourrons.
J'ajoute que nous aurons les résultats du premier trimestre début mai. On y verra alors plus clair, et nous pourrons nous exprimer plus librement.
Nous n'avons pas commandé de 737 MAX. Nous disposons d'A220 pour la flotte moyen-courrier en France, de 737 NG pour Transavia, ainsi que pour KLM.
Quant aux salaires des pilotes, ils sont au prix du marché, et je veux remercier nos salariés pour leur engagement.
Ceux qui nous soutiennent, en particulier le Gouvernement français, doivent être convaincus qu'Air France peut devenir, avec toutes les parties prenantes, un champion mondial dans son domaine.
Merci d'avoir consacré près de deux heures à cet échange très intéressant, même si on n'a pas obtenu de réponses à toutes les questions - mais nous comprenons votre discrétion sur certains sujets.
Nous sommes très attachés au pavillon français et au fait de pouvoir disposer d'une entreprise aérienne française performante. Nous soutiendrons tous les efforts qui seront faits par l'État et le Gouvernement pour vous accompagner dans cette période difficile, dont nous espérons, comme vous, qu'elle constituera une opportunité pour votre entreprise.
Néanmoins, notre commission demeurera vigilante en matière d'aménagement du territoire et de développement durable. Il ne faut pas que la nécessaire réduction des coûts se fasse au détriment de l'aménagement du territoire. Il est vrai que ce n'est pas aux entreprises de le financer. Il doit exister une répartition équitable entre l'État et l'entreprise dans cette prise en charge.
Nous veillerons à ce qu'Air France-KLM puisse remplir sa mission et que les attentes exprimées au cours de cette audition ainsi qu'à l'extérieur de notre assemblée en matière d'environnement se traduisent par des faits.
La réunion est close à 17 heures 55.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.