Délégation sénatoriale aux outre-mer

Réunion du 8 juin 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur le président, je vous remercie d'avoir accepté cet échange, que j'ai sollicité en vue d'une restitution sur « l'état des volontés » des territoires d'outre-mer en ce qui concerne l'organisation et les modalités de leur libre administration locale.

Je suis conscient que vous avez dégagé un temps précieux et vous en sais gré.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, a initié un groupe de travail sur la décentralisation avec l'ambition de « repenser en profondeur l'organisation des pouvoirs locaux », et de formuler des propositions en ce sens. Il m'a donc fait l'honneur de me charger du volet outre-mer en ma qualité de président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

C'est dans cette optique que j'ai souhaité entendre chacun des exécutifs des grandes assemblées territoriales en vue d'une restitution des orientations reflétant aussi fidèlement que possible la diversité des visions institutionnelles ultramarines.

Nous avions prévu d'organiser un colloque, avec les juristes d'outre-mer en mai, mais la crise que nous traversons a bouleversé ce programme. Elle n'a cependant pas arrêté le Sénat dans sa détermination à avancer sur ce sujet.

J'espère en outre, sans trahir cette hétérogénéité, que de grands axes se dégageront de ces échanges, constituant des articulations autour desquels pourront se construire chaque projet, et concrétiser chaque volonté locale. À cet égard, j'ai lu avec attention la dernière résolution du congrès des élus de la Guadeloupe du 29 décembre 2019, qui dresse assez nettement les grands principes et objectifs qui devront présider au futur statut différencié du territoire. Je suis heureux de pouvoir en discuter plus avant avec vous.

Ma conviction est que les outre-mer constituent à la fois un laboratoire, et témoigne de la capacité de la République à faire preuve de créativité institutionnelle, sans pour autant que son intégrité ne soit atteinte. C'est pourquoi j'avais dégagé la nécessité de la différenciation autour du triptyque « unité, différenciation, et participation ». Je crois qu'il est grand temps que chaque territoire ultramarin trouve l'organisation qui lui ressemble, et qui, sans être une panacée, constitue un levier de développement grâce à la définition et au déploiement de politiques publiques en concordance avec les réalités locales.

J'ai souhaité associer mes collègues sénateurs Victoire Jasmin, Victorin Lurel et Dominique Théophile, comme je l'ai fait pour chacun des territoires. Nous avons auditionné pour l'heure les responsables politiques de Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna, de la Guyane, et de Polynésie française. Nous auditionnerons prochainement ceux de Martinique, de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que la présidente du conseil départemental de la Guadeloupe.

Je vous propose que la trame de questions que je vous ai adressée nous serve de fil conducteur et qu'elle guide nos échanges. Elles ont été adressées à chaque territoire, mais certaines sont plus adaptées à certains qu'à d'autres.

L'idée est d'explorer avec vous ce qui vous semble constituer la meilleure organisation des relations entre les différents échelons de pouvoir pour répondre au mieux aux enjeux de la conduite de la destinée de votre territoire.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénatrices et les sénateurs, je voudrais tout d'abord vous signaler que je ferai cette intervention en ma double qualité de président du conseil régional et de président du congrès des élus de la Guadeloupe, qui a adopté, à l'unanimité, un certain nombre de résolutions sur l'évolution de la gouvernance locale le 20 décembre 2019. Avant ce congrès, il a été procédé à une large consultation de la population. C'est ainsi qu'un forum d'expression des forces vives de la Guadeloupe a été organisé autour des deux conseils consultatifs régionaux assistés de quelques grands témoins. Un portail internet a été également mis en place pour élargir et diversifier les contributions, notamment en direction de la jeunesse.

Les réflexions et les débats ont été enrichis par l'analyse des expériences de la Guyane et de la Martinique, qui ont fait le choix de disposer d'une assemblée unique, dans le cadre de l'article 73, et de celles des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, relevant de l'article 74. Les résolutions prises à l'issue du congrès invitaient à se saisir des opportunités exprimées par le pouvoir central : « une réforme de la Constitution entreprise par le Gouvernement visant à introduire la différenciation territoriale dans la Constitution », ainsi que l'invitation à réfléchir sur une éventuelle fusion des articles 73 et 74, susceptible de permettre à chaque territoire des outre-mer d'élaborer sa propre loi organique, c'est-à-dire son propre statut.

Mais les élus n'ont pas manqué de rappeler que le débat sur l'évolution institutionnelle est ouvert depuis 1946. Nos travaux ne devaient pas se limiter à répondre à l'invitation du Gouvernement, d'autant plus qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une révision constitutionnelle dont nous ne maîtrisons pas le calendrier. Ils ont également rappelé, à titre préalable, que les interrogations concernant le juste rapport à établir avec l'État et l'accroissement des responsabilités des collectivités locales n'étaient pas une spécificité guadeloupéenne, ni même ultramarine. En élu ayant une certaine expérience des relations avec le pouvoir central, expérience nourrie par les lois de décentralisation successives qui n'ont pas été accompagnées de moyens financiers suffisants, j'ajouterai que nous devons avoir la garantie que cette invitation à plus d'autonomie sera accompagnée de moyens permettant d'exercer ces compétences.

Par ailleurs, que ce processus aboutisse à un statu quo, ou à une différenciation plus marquée, rien ne devra être décidé sans la prise en compte de l'expression démocratique, et le consentement du peuple guadeloupéen. Les résolutions du congrès nous ont invités à organiser notre réflexion sur l'évolution institutionnelle autour de deux préoccupations qui, avant toute chose, m'ont toujours paru primordiales.

Tout d'abord, sur quel levier devrons-nous agir pour être pleinement efficace dans la mise en oeuvre des politiques publiques, qu'il s'agisse de la gouvernance du sport, de la culture, du développement des productions locales pour diminuer la dépendance aux importations, de l'aménagement raisonné et durable de notre archipel ? Comment mettre en oeuvre une autonomie qui n'accentue pas la pression fiscale, sur une population globalement en difficulté ?

Si les réponses à ces préoccupations nous conduisaient à sortir du droit commun, ou de la simple adaptation, et à demander un statut particulier, organisé juridiquement par une loi organique, notre peuple, lorsqu'il sera consulté, et je souhaite qu'il le soit, saura pourquoi nous sommes amenés à lui demander son accord sur cette évolution de la gouvernance.

En attendant, les élus du congrès nous invitent à revisiter la répartition des compétences entre nos collectivités territoriales pour une meilleure efficacité. En faisant cela, ils pointent ce qui me semble être un élément de modernité, en nous invitant à mettre en oeuvre bien davantage le principe de subsidiarité, pourtant inscrit au coeur du traité fondateur de l'Union européenne. Cela signifie que l'État, ou un niveau de collectivité donné, ne doit intervenir que lorsque les autorités situées hiérarchiquement en deçà ne sont pas en mesure d'agir pour l'objet concerné. Ce principe conduit à se pencher sur la suppression des chevauchements ou des attributions émiettées : les routes ; les établissements scolaires (lycées et collèges) ; le sport, la culture...

Mais ce consensus ne suffira pas à lui seul à organiser rapidement ces transferts, qui supposeront des négociations sur les ressources humaines, les aspects financiers et patrimoniaux. Les élus du congrès ont proposé de confier, sans délai, à la Conférence territoriale de l'action publique (CTAP) la tâche de répartir de manière plus optimale les compétences exercées par les quatre niveaux de collectivités locales. Notre réflexion portera sur la simplification de la carte administrative, et notamment sur la pertinence de communautés d'agglomérations, dotées des mêmes compétences, mais disposant de ressources inégales et insuffisantes au regard des politiques publiques qu'elles doivent mener.

Je voudrais terminer mon propos sur le renforcement des responsabilités locales en outre-mer, en insistant sur trois points, à commencer par l'application du principe de subsidiarité définie dans le traité fondateur de l'Union européenne, qui devrait s'imposer à l'organisation nationale en application de l'article 55 de la Constitution. Ce principe doit inspirer la réforme constitutionnelle, et devrait jouer un rôle majeur dans l'amélioration de la gouvernance des outre-mer.

Nous avons déjà un statut particulier garanti par l'article 349, dernier alinéa, du traité de fonctionnement de l'Union européenne, celui de région ultrapériphérique (RUP). Il oblige l'Union à adopter des mesures spécifiques, y compris dérogatoires aux politiques communes. Nous devons rappeler que ce statut doit être préservé.

Le principe de subsidiarité de l'Union européenne qui s'impose à l'organisation nationale en application de l'article 55 de la constitution française a un pendant : l'aspiration des peuples à une démocratie plus directe. La vraie modernité serait de s'inspirer de la démocratie directe telle qu'elle est pratiquée en Suisse. Un tel système pourrait permettre aux Guadeloupéens de se prononcer sur un certain nombre de décisions, ou de formuler des propositions. Ces éléments, que je tire de nos résolutions, je tenais, Monsieur le président, à les porter à votre connaissance pour nourrir vos réflexions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Vous avez souligné que la réflexion actuelle ne concerne pas uniquement les outre-mer. C'est pour cela que le Sénat a créé un groupe de travail qui a vocation à réfléchir à la décentralisation, à la différenciation, et à la déconcentration des services de l'État, dans l'optique d'une révision constitutionnelle à l'échelon national. Le rapport a été confié au président de la commission des Lois, Philippe Bas, et au président de la délégation aux collectivités territoriales, Jean-Marie Bockel. Tous les groupes du Sénat y sont représentés, ainsi que la délégation aux outre-mer à travers ma présence. Par ailleurs, vous avez largement insisté sur l'expression démocratique et la consultation du peuple, sur lesquelles nous reviendrons.

Nous allons passer en revue les quatre thématiques suivantes : le bilan de la décentralisation actuelle ; votre conception de la différenciation territoriale ; la déconcentration des services de l'État ; l'éventuelle fusion des collectivités ultramarines.

La décentralisation a été mise en oeuvre depuis le début des années 1980. Nous avons cependant le sentiment que tout en décentralisant et en donnant des compétences aux départements et aux régions, l'État avait recréé des agences et des directions départementales et régionales. Quel bilan tirez-vous de la répartition actuelle des compétences entre l'État et les collectivités territoriales, en particulier la Guadeloupe ?

Par ailleurs, quelles compétences souhaitez-vous que l'État conserve en Guadeloupe ? Lesquelles souhaiteriez-vous vous voir dévolues ? Lesquelles pourraient être partagées ?

Enfin, je souhaiterais que vous abordiez votre expérience de l'habilitation, et de la consultation locale.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

La plupart des élus l'affirment, et je partage cet avis : la décentralisation n'est pas pleinement respectée lorsque des difficultés surviennent. Chacun pourra avoir son avis en ce qui concerne les compétences qui reviennent à l'État et aux collectivités. Néanmoins, les élus devraient travailler au préalable sur cette question.

Je prendrai l'exemple de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), qui prend parfois des décisions sans consulter les élus. Il importe que ceux-ci soient plus souvent associés aux décisions qui concernent nos territoires. Il s'agit pour nous du principal problème. Nous devons pouvoir décider ensemble de l'avenir de nos collectivités.

La Guadeloupe est en mesure de gérer directement un certain nombre de compétences. Il me semble que l'État ne devrait conserver que ses fonctions régaliennes, telles que la santé, ou encore la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Lorsque j'ai auditionné les collectivités du Pacifique, les présidents de Nouvelle-Calédonie comme de Polynésie française ont souligné que leurs relations avec l'État étaient satisfaisantes. Dans la période de crise que nous traversons, chaque décision importante a été prise avec une consultation préalable, ou co-signée par l'exécutif local avec le Haut-Commissaire.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous ne relevons pas des mêmes statuts.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

J'en suis conscient. Il existe onze collectivités d'outre-mer, avec presque onze statuts différents. Néanmoins, il convient de trouver pour chaque territoire une solution adaptée à ses spécificités.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Je partage ce qu'a dit le président Ary Chalus quant au fait que les responsabilités supplémentaires des collectivités doivent encore être déterminées. Leur évolution est évoquée de longue date, mais prend une nouvelle orientation, compte tenu de l'évolution de la société et des lois. La crise sanitaire témoigne de la nécessité de cette évolution. Les responsabilités régaliennes doivent être revisitées, en particulier en matière de santé. Il n'est pas possible de considérer qu'il s'agit d'une compétence exclusive.

La question de la santé doit être discutée de manière constructive, afin d'imposer légalement la nécessité de coopérer et d'échanger. Il en va de même pour l'éducation. Une co-construction est nécessaire, afin de prendre en compte les spécificités des territoires. Les textes doivent être revisités, afin de mettre en oeuvre une véritable différenciation. Un article pourrait délimiter le cadre, mais le champ d'action serait constamment revisité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Nous reviendrons sur la question de la différenciation. Sauf erreur de ma part, la santé n'entre pas nécessairement dans le champ des compétences régaliennes. Elle a par exemple été dévolue à la Polynésie française. Elle peut donc être négociée dans le cadre de lois organiques. Celles-ci sont évolutives. J'ai moi-même voté en douze ans deux lois organiques modificatives du statut de Saint-Barthélemy. Nous avons notamment demandé des compétences nouvelles, avec la création de notre caisse de prévoyance sociale.

Que pensez-vous de l'habilitation, prévue actuellement dans le cadre des collectivités ? Quelle utilisation en a été faite ? Au début de la réflexion, avec la conférence nationale des territoires où je représentais le Sénat, le Premier ministre avait évoqué la possibilité d'élargir et de simplifier le processus d'habilitation, en l'accordant par ordonnance, ou par décret en Conseil d'État. Quel est votre sentiment en la matière ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Ce serait une excellente chose, mais il faudrait que ce dispositif soit suffisamment simple à actionner pour les collectivités. La région Guadeloupe dispose de l'habilitation en matière d'énergie. Néanmoins, nous devons toujours passer par Paris pour prendre un certain nombre de décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

L'habilitation dans une compétence donnée se traduit-elle également par des moyens supplémentaires ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Pour l'heure, nous ne nous en sommes pas vu accorder. Ce serait une bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Vous avez dit qu'aucune évolution ne pourrait avoir lieu sans que la population soit consultée. Cela me semble incontournable. Néanmoins, est-ce que la demande d'une compétence nouvelle, dans le cadre d'un statut, doit systématiquement passer par une consultation populaire ? Par exemple, la demande de la compétence santé pourrait-elle être décidée par les seuls élus ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Il me semble que certaines compétences peuvent être demandées par les seuls élus. Néanmoins, certaines doivent disposer de l'aval de la population. Il aurait été souhaitable que la compétence santé nous soit transférée, mais il aurait fallu au préalable que tous les moyens aient été mis en place pour que nous disposions d'un service de santé convenable. Si nous avions demandé cette compétence il y a de cela trois ou quatre ans, comment aurions-nous pu reconstruire notre centre hospitalier universitaire (CHU) pour un montant de 500 millions d'euros ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie demandent à ce que la solidarité nationale puisse s'appliquer, quel que soit le statut du territoire ultramarin. Quel est votre sentiment en la matière ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

De nombreuses mesures ont été prises en Guadeloupe dans le cadre de la crise sanitaire sans que les élus soient consultés. Nous aurions dû être associés dès le début à la protection de notre population. Si nous avions été écoutés immédiatement, le nombre de cas aurait pu être inférieur à ce qu'il a finalement été, autour d'une centaine. Nous avons su, en Martinique comme en Guadeloupe, que trois avions devaient décoller d'Italie ou d'Espagne, avec des touristes. Nous avons demandé à ce que ces avions ne puissent pas atterrir. Nous n'avons pas été écoutés. Des mesures sanitaires n'ont été prises qu'après. Or un nombre significatif de personnes a été contaminé dans ces avions, de même que dans des bateaux de croisière. Si nous avions été consultés en amont, nous aurions pu prendre des mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Ces concertations ont eu lieu dans le Pacifique.

En tant que chef de l'exécutif de la Guadeloupe, considérez-vous que la nécessité d'une consultation populaire pour tout transfert de compétence doit être inscrite dans la Constitution ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Cela peut être une bonne chose, comme cela peut conduire à des blocages. Je pense que les élus devraient pouvoir prendre cette décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Cela exige une excellente communication vis-à-vis du projet qu'on veut faire passer auprès de la population.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous perdrions beaucoup trop de temps si nous devions consulter la population dès lors que nous demandons une compétence. Nous devrions, en tant qu'élus, pouvoir décider des sujets sur lesquels consulter la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

La consultation devrait-elle dépendre du niveau de la compétence demandée ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Parfaitement. Si la collectivité demande une compétence qui touche directement la population, il conviendrait de la consulter.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Lorsque je suis arrivé au Sénat, j'avais été surpris de voir qu'à la fin de chaque texte que nous votions figurait une partie relative à l'application outre-mer, qui autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Les choses ont évolué depuis. Comment envisagez-vous l'inscription dans la loi d'une différenciation propre à chaque territoire ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Je prendrai l'exemple de la loi sur l'eau, votée au niveau national. Il existe en métropole de nombreux fleuves et rivières. Cette loi n'est donc pas applicable en Guadeloupe. Nous avons des ravines et des littoraux, dont nous avons besoin pour développer le tourisme. Aussi, cette loi nous empêche de développer nos îles. Il me semble que chaque territoire devrait pouvoir décider de ce qu'il pourra appliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

J'avais proposé jadis que soient revues chaque année les lois votées et leur applicabilité dans nos territoires. Il n'en a pas été ainsi. Des lois spécifiques outre-mer ont été votées, qui se sont avérées de grands moments de débat. Nous avons eu le sentiment d'avoir une tribune, et d'être entendus.

Fonder un transfert de compétence sur une consultation populaire ne permettrait-il pas d'appuyer davantage la demande auprès du Gouvernement ? Lorsque nous avons demandé l'évolution statutaire de Saint-Barthélemy, nous avons mené de nombreuses études, et avons consulté la population. Le oui l'avait emporté à plus de 95 %. Face à une telle unanimité, l'État ne peut rester sourd.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Je partage complètement cet avis. C'est la raison pour laquelle des pétitions sont lancées lorsqu'un problème survient. Je pense cependant que nous ne devons recourir à la consultation que lorsque la compétence concerne directement l'avenir de la population. Les élus seuls sont en mesure de demander des compétences visant à développer naturellement un territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Dans la loi organique de la collectivité de Saint-Barthélemy est ménagée la possibilité pour l'exécutif local de consulter la population. Cette dernière peut également demander à l'être. Cette dernière option est néanmoins difficile à mettre en oeuvre, en raison du seuil important de signatures nécessaires.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

La population peut adresser des demandes qui intéressent également les élus. Ceux-ci peuvent les accompagner, dans l'intérêt du territoire. Quand il en va de l'avenir et du bien-être des populations, nous devons leur demander leur avis. Il s'agit d'un principe démocratique fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Quelle place envisagez-vous pour nos territoires dans leur environnement régional ? Chaque île des Antilles françaises développe son propre programme.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous collaborons avec les îles de la Caraïbe, notamment dans le cadre de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO). Nous collaborons également avec les autres régions françaises, et nous souhaitons disposer de davantage de latitude pour le développement de nos territoires, en matière touristique ou d'échanges. Dans le cadre de la crise sanitaire, nous avons rencontré de nombreuses difficultés à ouvrir des vols entre la Martinique et la Guadeloupe. Nous aurions pu, en tant que collectivités, prendre des mesures sanitaires, tout en mettant ces vols en place. Or nous avons dû attendre l'autorisation de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je suis d'autant plus concerné par l'exemple que vous évoquez que nous avons souhaité mettre en place des vols, mais qu'aucun grand porteur ne peut encore atterrir sur les quelque 600 mètres de pistes de l'aéroport de Saint-Barthélemy. Nous sommes dépendants de l'ouverture de l'aéroport Juliana de Sint-Maarten, et de celui de Pointe-à-Pitre. Il s'agit d'un frein considérable.

Je peux comprendre que les Polynésiens ne souhaitent pas de touristes métropolitains pour l'heure, afin de préserver leur territoire de la pandémie. Je peux néanmoins également comprendre les Chambres de commerce de la Guadeloupe et le président de Saint-Barthélemy, qui souhaitent préserver l'économie, et recevoir des touristes pendant l'été. L'État doit ainsi prendre en compte les différents points de vue des onze collectivités. J'ai toujours soutenu que les décisions devaient être prises collectivité par collectivité. Il s'agit là encore d'une différenciation de traitement.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

La Corse a été autorisée à mettre en place des vols, à la différence de la Martinique et de la Guadeloupe. Cette situation n'est pas normale. Il est clair que plus rien ne sera comme avant après la crise sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Celle-ci peut être l'occasion d'une prise de conscience de la fragilité de nos économies, et des difficultés à gérer au niveau national une telle problématique. Il faudra savoir en tirer des conclusions positives.

Quelle est votre appréciation des relations de la région Guadeloupe avec l'Union européenne ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous passons toujours après l'exécutif national vis-à-vis de l'Union européenne. Néanmoins, jusqu'à présent, les travaux que nous menons avec les RUP se déroulent bien. Nous aurions souhaité davantage de latitude sur certains dossiers, pour aller plus loin. Nous disposons aujourd'hui de 8 millions d'euros à travers le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Nous sommes obligés de demander au ministre de l'Agriculture d'assouplir ses mesures, pour que nous puissions aider nos pêcheurs. Nous aurions pu directement gérer cela avec l'Union européenne. Nos territoires ont des spécificités.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

J'avais alerté sur la problématique posée par la nouvelle répartition du FEAMP. Le ministre m'avait garanti que les outre-mer n'étaient pas concernés par cette réforme, et que l'État prendrait le relais. Néanmoins, il existe un véritable problème. À l'inverse, le statut de RUP a permis à Saint-Martin de bénéficier d'aides suite au passage du cyclone Irma, ce qui n'aurait pas été possible avec un autre statut.

Vous avez évoqué la question de la déconcentration des services de l'État, à travers l'exemple de la DEAL. Nous avons connu l'époque où coexistait l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), la Direction régionale de l'industrie de la recherche et de l'environnement (DRIRE), la Direction régionale de l'environnement (DIREN), etc. Lorsque les élus locaux faisaient face à un problème, ils étaient renvoyés d'un service à l'autre. Que pensez-vous de la déconcentration des services de l'État ? N'y a-t-il pas trop de services ? Ne faudrait-il pas une reconcentration, autour d'un préfet et d'un guichet unique ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Je me rappelle, lors de l'incendie du CHU, que la préfecture nous renvoyait vers l'Agence régionale de santé (ARS). De même, lors d'une grève importante, elle nous a renvoyés vers le rectorat. Il faudrait effectivement regrouper tous ces services autour d'une seule institution. Il faudrait même transférer aux territoires la responsabilité de certains services déconcentrés. En Guadeloupe, nous perdons aujourd'hui un temps considérable sur chaque projet, en raison de la nécessité de s'adresser à plusieurs services. Il convient de revoir cette organisation, qui constitue aujourd'hui le principal problème de la Guadeloupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Les responsabilités respectives de la préfecture et de l'ARS sont difficilement compréhensibles. Même les collectivités relevant de l'article 74, qui disposent de la compétence d'urbanisme, de construction, d'habitation et de logement, font face à des blocages. S'il est fait la moindre découverte au cours de travaux, nous devons attendre deux ans qu'une étude archéologique soit réalisée avant de pouvoir les reprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Je voudrais évoquer la décentralisation, qui fait l'objet de nombreux abus de la part de certains services de l'État. Nos élus ont des points forts et des points faibles, mais ils doivent être respectés. Eux-mêmes respectent tous les représentants de l'État sur le territoire.

Ainsi, la construction des antennes nécessaires au déploiement de la 5G doit être autorisée par les élus. Or elle a lieu sans que soient respectées les démarches administratives préalables. De même, j'ai été cosignataire d'un rapport pour le Sénat en 2018, portant sur les risques naturels majeurs. Sur le terrain, lorsque nous avons mené des auditions, nous avons constaté que les services de la DEAL appliquaient la loi selon leur bon vouloir. Certains maires constataient que des décisions étaient prises sans tenir compte de leurs propres prérogatives, ou de leur avis. Ces services doivent travailler en complémentarité avec toutes les collectivités, sans les supplanter.

Par ailleurs, nous appliquons les normes relatives à l'agriculture, et nos produits sont concurrentiels. Les directives européennes nous incitent à privilégier les circuits courts. Nous avons donc pu constater que notre production est à même de répondre aux besoins de la population. Néanmoins, de nombreux produits importés ne respectent pas les normes, et viennent concurrencer les nôtres. Cela entraîne de lourdes conséquences, notamment sur les revenus de nos agriculteurs, dont les exploitations sont de petites tailles. Je souhaiterais que nos avis soient mieux respectés.

Le préfet a récemment rédigé une note à l'intention des élus, cosignée par le recteur. Cela me semble abusif. Nos élus sont responsables, et nous devons apprendre à travailler ensemble. Le Gouvernement propose la loi décentralisation, différenciation, déconcentration (3D). Or les représentants de l'État se comportent comme s'ils étaient encore dans des colonies, en ridiculisant les élus. Les évolutions statutaires ne suffiront pas tant qu'existent de tels dysfonctionnements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

La problématique des normes est liée à la situation actuelle. Nous menons précisément une réflexion pour rendre notre système plus efficace, et mieux adapté aux réalités locales.

Je souhaitais également vous interroger sur la possibilité pour la Guadeloupe, en tant que collectivité de la République française, de disposer d'un pouvoir normatif.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

La possibilité d'édicter nos propres règles dans un certain nombre de domaines (culture, sport, etc.) serait très positive. Cela dépend néanmoins du statut qui sera le nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Le président de la collectivité de Guyane, Rodolphe Alexandre, a détaillé très précisément sa vision de l'avenir de son territoire lorsque je l'ai auditionné. Je me suis cependant demandé s'il existait une différence entre le statut sui generis qu'il proposait et celui des collectivités relevant de l'article 74. Saint-Martin en fait partie, mais est également une RUP. Saint-Barthélemy en relève également, mais avec un statut de pays et territoire d'outre-mer (PTOM). La Guadeloupe et la Réunion sont des départements et régions d'outre-mer (DROM). La Guyane et la Martinique sont des collectivités d'outre-mer, mais ont des statuts qui présentent des différences non négligeables. Les collectivités du Pacifique disposent d'une plus grande autonomie, en particulier la Polynésie française. Je me demande s'il ne serait pas possible de regrouper l'intégralité des outre-mer sous une seule appellation, tout en leur ménageant la possibilité de disposer d'un statut propre et évolutif. Quel est votre sentiment sur une éventuelle réunion des articles 73 et 74 de la Constitution ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous en avons abondamment discuté. Annick Girardin, en tant qu'élue de Saint-Pierre-et-Miquelon l'avait également abordé. Nous devons y réfléchir, afin de considérer les avantages et les inconvénients. Aujourd'hui, il importe que nos territoires disposent d'une plus grande autonomie, et puissent intégrer en partie les services déconcentrés de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je comprends ce que vous exprimez, mais dans une perspective de simplification, il me semble que nos territoires pourraient être inscrits dans la Constitution sous le nom de collectivité d'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Le gouvernement doit absolument reprendre le chantier de la réforme institutionnelle. L'article 73 doit être modifié, ainsi que l'interprétation restrictive du Conseil constitutionnel sur la notion d'adaptation.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous pouvons effectivement décider que nous sommes tous des collectivités d'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Chaque territoire disposerait de sa loi organique, définissant son statut, ses compétences, et son organisation, qui peuvent être différents d'une collectivité à l'autre. Rodolphe Alexandre m'expliquait ainsi que le statut de la Guyane est différent de celui de la Martinique, car il est président de la collectivité comme de l'exécutif. Celui-ci est du reste issu du conseil territorial.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

L'exécutif de la Guyane est à l'instar d'une commission permanente, alors que la Martinique dispose à la fois d'un exécutif et d'un conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Il me semble que cela a des conséquences non négligeables pour le bon fonctionnement de la collectivité.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

J'approuve le choix de la Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je suis agréablement surpris du consensus et des orientations qu'ils ont fixées pour le futur.

Votre réflexion n'est donc pas suffisamment aboutie pour vous prononcer en faveur du maintien des articles 73 et 74 ou de leur réécriture. J'ignore où en est la volonté du Président de la République de poursuivre sa réforme de la Constitution. Mais notre devoir, en tant que sénateurs réfléchissant à la loi 3D, est de formuler un certain nombre de propositions aussi consensuelles que possible sur l'ensemble des outre-mer.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous avons entamé une réflexion sur cette question. Certaines propositions ont d'ores et déjà été formulées. Nous avions prévu une large consultation, qui a été perturbée par la crise sanitaire. Josette Borel-Lincertin préparait un congrès à la fin du mois, mais le Covid-19 nous a fait perdre du temps. Au mois de juillet, nous allons mener une autre consultation. Je suis favorable à la démocratie participative. Je prendrais mes décisions en accord avec les Guadeloupéens, dans leur intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

La démarche du président du Sénat fait suite à une demande directe du Président de la République. Il est chargé de réunir des propositions sur la décentralisation dans sa globalité, y compris dans le cadre d'une réforme constitutionnelle. Quel est le sentiment de la Guadeloupe en la matière ?

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Je partage votre avis, mais nous prendrons cette décision en accord avec les Guadeloupéens, les élus et les parlementaires. Cela nous permettra de parvenir à la meilleure solution pour l'avenir du pays.

Debut de section - Permalien
Richard Samuel, ancien préfet

Il convient de distinguer la lettre de la déconcentration de son esprit. Ary Chalus a mis en place un fonctionnement de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) tout à fait original. Il en a fait un instrument de management des politiques publiques locales, en associant le préfet à un certain nombre de politiques publiques. Sur des sujets récents, il a associé le recteur, ainsi que la directrice de l'ARS. Nous pourrions demander l'inverse, c'est-à-dire arrêter le principe que les décisions importantes envisagées par l'État doivent faire l'objet d'une concertation préalable avec les élus du territoire concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Cela est aujourd'hui laissé au bon vouloir du préfet. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, si les rapports sont bons entre celui-ci et la collectivité, la concertation fonctionne Il convient de parvenir à davantage d'efficacité dans les deux sens. Victoire Jasmin a exprimé le malaise des élus, ce que j'aurais également pu faire lorsque j'ai appelé la préfète pour parler d'économie. Cette dernière est dans son rôle, mais le mien est également de savoir ce que fait l'État. Si nous voulons parvenir à une meilleure efficacité, à la codécision, et à une meilleure adaptation aux réalités locales, il me semble que les élus du territoire sont les mieux placés. Les services de l'État sont quant à eux les mieux placés pour savoir ce que dit la loi, ou l'État lui-même. Il existe par ailleurs un arbitre pour trancher, le tribunal administratif.

Debut de section - Permalien
Richard Samuel, ancien préfet

Je rappelle qu'Ary Chalus a ouvert la CTAP aux parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Le fait de présider la délégation sénatoriale aux outre-mer m'a permis de continuer ce travail, et d'être chargé de cette mission par le président du Sénat. Néanmoins, il y aurait beaucoup à dire concernant la gestion de la crise dans les îles du Nord.

Debut de section - Permalien
Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe

Nous traitons actuellement de la question de l'eau, mais nous ne parvenons pas à un accord. Or ceux qui font le plus en la matière sont ceux qui ne disposent pas de la compétence en matière de gestion de l'eau : le département et la région. De même, nous devrions pouvoir nous associer avec la Guyane et la Martinique sur des questions aussi importantes que celle des vols aériens.

Nous avons en Guadeloupe le groupement d'intérêt public (GIP) RASPEG. Je ne comprends pas que l'ARS et le directeur de la sécurité sociale se permettent de remplacer sa directrice alors même qu'elle mène un travail remarquable depuis des années. Elle est agente de la sécurité sociale, mise à disposition. L'ARS prend des décisions sans même consulter les élus. Nous ne pouvons plus accepter cela. De même, nous avons appris le départ de notre recteur du jour au lendemain. Cette situation n'est pas normale. Il faudrait que nous disposions de davantage de responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

J'abonde dans le sens d'Ary Chalus. Je représente l'association des maires au sein du GIP RASPEG, et je constate une dérive sans précédent. Nous disposons de personnels formés pour les postes à responsabilité, et ils l'ont été dans les mêmes universités que ceux qui viennent les remplacer, et les gouverner. Ils sont systématiquement obligés de partir. Il s'agit d'un véritable problème. Ary Chalus a parfaitement raison sur cette question. Le GIP RASPEG n'a pas d'équivalent en France. Il a été créé car nous sommes un archipel. Cette réponse a été adaptée aux difficultés que rencontre notre système de santé. Le GIP est en voie d'être démantelé. Dominique Théophile a du reste adressé un courrier au Gouvernement, signé par sept autres parlementaires.

Le GIP s'occupe des femmes provenant des autres îles pour accoucher. De même, lors de l'incendie du CHU, il a organisé la complémentarité avec les autres établissements. Je souhaiterais que lorsque nous disposons des profils adaptés pour des postes à responsabilité, nos jeunes puissent être prioritaires. De même, lorsqu'ils sont déjà en poste, il convient de ne pas les inciter à partir. La situation sociale est compliquée en Guadeloupe. Lorsque des personnalités sont en mesure de servir d'exemple pour les plus jeunes, elles doivent être conservées.

Je remercie le président Ary Chalus d'avoir évoqué ce sujet, qui témoigne des conséquences des actions menées par certains services de l'État qui « déstructurent » la Guadeloupe. Il en va de même pour l'économie et l'hôtellerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Entre 2003 et 2007, lorsque nous rédigions la loi sur Saint-Barthélemy, j'avais demandé l'inscription de la préférence locale à l'emploi. Cela signifie, à compétence égale, de préférer la personne déjà installée localement. Il m'avait été répondu que l'État français n'était pas prêt pour une telle discrimination. Depuis, je constate une certaine évolution, car la préférence locale à l'emploi a été reprise par certains présidents de la République. Elle n'est du reste pas discriminatoire.

Par ailleurs, nous nous sommes battus pour inscrire dans la loi la possibilité de créer un cursus de formation universitaire sur le droit des outre-mer, pour les étudiants souhaitant devenir hauts fonctionnaires. Cela permettrait de faire mieux connaître ce droit. Nous constatons malheureusement les difficultés pour comprendre les particularités de territoires comme les nôtres, éloignés de la métropole. Nous ne sommes pas tous égaux en la matière. Certains s'adaptent très aisément, quand d'autres font preuve d'une grande rigidité.

Je remercie le président Ary Chalus pour cet échange très libre. J'en rendrai compte fidèlement au président du Sénat ainsi qu'au groupe de travail.