Commission des affaires économiques

Réunion du 29 novembre 2006 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Photo de Philippe Marini

Au cours de sa seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Houel sur la proposition de résolution n° 2 (2006-2007) présentée par M. Philippe Marini en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs (E 2103).

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

A titre liminaire, M. Michel Houel, rapporteur, a indiqué qu'en tant que représentant du département qui héberge la plus importante commission de surendettement de France, le thème du crédit aux consommateurs l'intéressait particulièrement. Faisant part de ses profondes réserves à l'égard du crédit dit « revolving », qu'il considère à bien des égards comme l'antichambre du surendettement, voire de l'exclusion, il en a souligné les abus, qui conduisent des personnes à contracter de multiples crédits, parfois plus d'une vingtaine, ainsi que les détournements de procédure, par exemple lorsque des artisans ou des chefs de très petites entreprises utilisent un « revolving » pour assurer leur trésorerie. Observant que tous ces écarts conduisaient à des situations souvent douloureuses, il a estimé que la responsabilité des établissements financiers et des banques était très largement engagée.

Puis, relevant que, malgré ces difficultés, le droit du crédit à la consommation, grâce à la loi Scrivener de 1978 et aux treize modifications qu'elle a connues depuis, était très abouti dans notre pays, au regard de la situation tant dans les nouveaux Etats membres de l'Union que chez certains de nos grands voisins, comme la Grande-Bretagne ou l'Espagne, et que la protection du consommateur français était globalement d'un très haut niveau, il a présenté l'initiative prise par la Commission européenne, en septembre 2002, de réformer le droit communautaire en la matière. Rappelant que la précédente directive, datant de 1986 et modifiée deux fois, en 1990 et en 1996, tendait à l'harmonisation minimale des législations des Etats membres, M. Michel Houel, rapporteur, a indiqué que la Commission européenne avait estimé désormais nécessaire de rechercher une harmonisation maximale, seul moyen d'après elle de renforcer les offres de crédit transfrontières et de réaliser le Marché intérieur dans le domaine du crédit à la consommation.

Il a observé qu'avec ce projet, dont les objectifs sont légitimes, il pouvait cependant être craint de voir disparaître certaines dispositions protectrices de la législation française, telles que le droit de rétractation, la possibilité de rembourser par anticipation sans indemnité, les effets de la rupture des contrats de crédit affectés à l'achat d'un bien ou d'un service, ou encore l'encadrement du crédit « revolving », tout récemment renforcé par la loi Chatel de 2005, domaines dans lesquels la France se distingue par des mesures de protection du consommateur que ne connaissent pas beaucoup des pays voisins. Il a ensuite relevé que :

- le processus engagé en 2002, qui avait donné lieu à une proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne du Sénat (DUE), rapportée par M. Aymeri de Montesquiou, avait été interrompu en 2004, après que le Parlement européen eut, en première lecture, demandé de nombreuses modifications ;

- que la nouvelle Commission européenne avait présenté, en octobre 2005, une proposition modifiée (dite DCC) tenant compte d'une centaine de demandes du Parlement européen, qui avait été soumise une première fois au Conseil des ministres en mai 2006 ;

- qu'à cette occasion, l'Assemblée nationale avait adopté une résolution faisant une demi-douzaine de recommandations au Gouvernement français ;

- que c'est une proposition de résolution s'inscrivant dans la même lignée, mais comportant cependant deux demandes supplémentaires, que M. Philippe Marini avait déposée au début du mois d'octobre dernier.

Puis M. Michel Houel, rapporteur, a expliqué qu'entre mai 2006 et aujourd'hui, à l'occasion de très âpres négociations, le texte de la directive avait été profondément modifié par la présidence finlandaise de l'Union européenne, comme il a pu le mesurer à l'occasion des auditions auxquelles il a procédé. Il a observé que la Finlande, souhaitant en effet parvenir à un accord politique lors de la réunion du Conseil « Compétitivité » convoquée les 4 et 5 décembre prochain, avait accepté beaucoup de modifications au texte de la DCC, dont notamment plusieurs émanant du camp français, très impliqué sur ce dossier. Il a précisé qu'avec la Commission européenne et la Finlande, la France était en effet l'un des rares Etats à vraiment souhaiter un aboutissement, les autres, y compris les « grands » comme l'Allemagne, l'Italie ou la Grande-Bretagne, étant plutôt sur la réserve.

Il a ainsi conclu que les changements intervenus étaient si nombreux et substantiels qu'ils rendaient en partie caduques les demandes de la proposition de résolution de M. Philippe Marini, ce qui expliquait que ses propres suggestions différaient, parfois sensiblement, de celles de son collègue, même s'ils partageaient tous deux un objectif identique.

Puis, après avoir indiqué que, malgré des délais d'examen très réduits, il avait procédé aux auditions de représentants de l'Association française des sociétés financières (ASF), de l'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV), de la Fédération bancaire française (FBF), de l'UFC-Que Choisir et du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Michel Houel, rapporteur, a présenté sa proposition de résolution.

S'agissant des considérants, il en a conservé deux en l'état, qui sont du reste très similaires à ceux de la résolution de l'Assemblée nationale de mai 2006, afin de saluer les objectifs de principe de l'harmonisation et la méthode retenue pour faciliter un accord entre le Conseil et le Parlement européen, supprimé le troisième dès lors qu'il ne peut plus être fait référence à la clarté et à la simplicité de la proposition de directive, les diverses demandes acceptées par la présidence finlandaise ayant évidemment rendu plus complexe sa rédaction par rapport à sa version initiale, et ajouté un nouveau considérant afin de signaler que sa proposition de résolution s'appuie sur un texte qui a fortement évolué depuis six mois et qui, précisément, est devenu plus complexe.

Il a ensuite expliqué et justifié successivement les sept recommandations qu'il proposait de faire au Gouvernement.

Le principe de reconnaissance mutuelle constituait le point inacceptable du texte présenté en octobre 2005, dès lors qu'il autorisait, dans un certain nombre de domaines très importants tels que l'information précontractuelle, le droit de rétractation, les transactions liées ou encore les modalités du remboursement anticipé, un établissement financier à proposer à un consommateur étranger un contrat de crédit ne respectant pas la législation du pays de ce consommateur s'il respecte celle du pays de l'établissement. La mise en oeuvre de ce principe aurait fragilisé un grand pan de l'édifice juridique national et soumis le consommateur français au risque de se trouver privé d'importantes protections, raisons qui expliquaient que M. Philippe Marini y soit farouchement opposé. Toutefois, le Conseil de l'Union ayant décidé, en mai dernier, de supprimer ce principe, il ne semble plus nécessaire que de simplement demander au Gouvernement de veiller au maintien de cette suppression et d'insister sur la nécessité de cibler un nombre limité de règles pour lesquelles l'harmonisation serait totale, afin de favoriser la comparaison des offres de crédit transfrontières. En outre, comme la suppression de la reconnaissance mutuelle permet, par effet de conséquence, d'écarter une crainte exprimée par M. Philippe Marini relative à l'exercice des activités de crédit par les personnes physiques, la proposition de résolution soumise à l'approbation de la commission confirme que celles-ci ne seront pas autorisées à offrir des crédits dans les pays, comme le nôtre, où cela leur est interdit.

La deuxième inquiétude concernait le crédit immobilier. La DCC, en effet, rendait possible dans sa version initiale la soumission de certains de ces crédits à la législation sur le crédit à la consommation. En France, cela aurait conduit à de grandes difficultés juridiques, ce qui justifiait une fois de plus l'opposition de M. Philippe Marini. Mais là encore, une décision politique définitive a été prise en juin dernier, permettant dès lors à la proposition de résolution de se limiter à rappeler l'intérêt qu'attache le Sénat à cette restriction du champ de la directive.

Le troisième problème concernait les petits crédits, inférieurs à 200 euros désormais puisque le seuil de 300 euros fixé en octobre 2005 a été réduit. Pour ces petits crédits, la DCC prévoit un régime de protection simplifié et allégé, ce qui n'est pas satisfaisant dès lors que les consommateurs qui y ont recours sont en général les plus vulnérables. Aussi, comme celle de M. Philippe Marini, bien que dans un texte allégé, la proposition de résolution demande-t-elle que leur soient appliquées les règles du droit commun. Quant à la réévaluation du plafond de 50.000 à 100.000 €, demandée par certains Etats membres pour répondre à des situations propres à leurs traditions consuméristes, elle ne devrait pas avoir de réelles incidences sur le droit français du fait que :

- d'une part, 95 % des contrats de crédit à la consommation portent sur des prêts inférieurs à 15.000 € ;

- d'autre part, pour des montants dépassant 50.000 €, les prêteurs chercheront le plus souvent à obtenir des garanties hypothécaires, ce qui fera sortir les prêts concernés du champ d'application de la directive.

Le quatrième point était relatif au droit de rétractation, dont le délai d'exercice est fixé par la directive à quatorze jours, et surtout à la date de début d'exécution du contrat. En France, il est interdit au prêteur de verser l'argent à l'emprunteur pendant la durée du délai de rétractation, qui est normalement de sept jours et qui peut être réduite à trois à la demande de l'emprunteur en matière de crédit affecté. Avec la DCC, l'exécution du contrat est normalement immédiate. Cependant, les négociateurs français ont obtenu que les Etats membres soient autorisés, à l'intérieur du délai de quatorze jours, à fixer un laps de temps de réflexion pendant lequel le contrat sera « gelé ». Dès lors, la rédaction de la proposition de résolution tient compte de cette modification au texte d'octobre 2005 qui permet à la France de conserver son mécanisme actuel.

S'agissant des contrats liés, c'est-à-dire des contrats de crédit affectés à l'achat d'un bien ou d'un service, M. Philippe Marini formulait une demande paraissant excessive, puisqu'elle exigeait que la législation communautaire impose une règle qui n'existe pas en droit français. Telle est la raison pour laquelle la proposition de résolution demande uniquement que le Gouvernement obtienne que les Etats membres puissent prévoir dans leur législation, s'ils le souhaitent, que la rupture du contrat de crédit entraîne automatiquement celle du contrat d'achat du bien ou du service.

Le sixième point concernait le remboursement anticipé sans frais. Dans la version d'octobre 2005 de la DCC, il n'était pas permis aux Etats membres d'interdire le paiement d'une indemnité par le consommateur au prêteur en cas de remboursement anticipé. Cette faculté étant désormais reconnue dans le texte modifié, la proposition de résolution vise à s'assurer qu'elle sera maintenue dans la version définitive.

Sur le dernier point, relatif à la législation sur le crédit « revolving », existe une divergence d'opinion entre M. Philippe Marini et la Commission européenne. Le premier estime que, la DCC ne traitant pas explicitement de ce type de crédit, celui-ci sera soumis au régime général du crédit à la consommation et qu'en conséquence, le dispositif français, bien que plus protecteur pour le consommateur, devra être supprimé. La seconde, au contraire, affirme que le silence de la DCC autorise les Etats membres à adopter une législation particulière en la matière. Pour rassurer les organisations de défense des consommateurs, la présidence finlandaise a accepté de faire figurer cette position dans les considérants liminaires de la directive. Si l'analyse juridique de la Commission semble exacte, il convient toutefois de s'assurer qu'aucune altération de la législation française en la matière ne sera possible. Aussi la proposition de résolution demande-t-elle que cette faculté ouverte aux Etats membres figure dans un article de la directive, plutôt que dans ses considérants.

A l'issue de cette présentation, M. Michel Houel, rapporteur, a expliqué pourquoi il n'avait pas repris deux des demandes formulées par M. Philippe Marini.

La première visait à interdire le démarchage à domicile en matière d'offre de crédit. Or, la législation française autorisant cette activité, qu'elle encadre du reste très précisément, il semblait curieux de demander que la DCC impose un nouveau système que personne, ni les banques et les institutions financières, ni les associations de consommateurs, auditionnées les unes comme les autres, ne réclame aujourd'hui.

La seconde concernait le taux de l'usure, mécanisme que la France est un des rares pays de l'Union européenne à connaître. Or, à aucun moment des discussions communautaires, ni à l'origine, ni depuis lors, il n'a été question de lui interdire de le maintenir. Dans ce contexte, il n'a pas semblé utile d'évoquer ce sujet dans la proposition de résolution.

En conclusion, M. Michel Houel, rapporteur, a souligné qu'au regard des oppositions de certains Etats membres, voire du PE, à ce qu'est devenue la proposition de la Commission européenne, il pouvait être craint que la Finlande ne retire l'examen de la DCC de l'ordre du jour de la réunion du Conseil « Compétitivité » des 4 et 5 décembre. Indiquant que s'était tenue le jour même, à Bruxelles, une ultime réunion du Comité des représentants permanents, à l'issue de laquelle la présidence finlandaise devait prendre sa décision, il a estimé qu'un retrait de la DCC signerait l'interruption quasi définitive de la négociation. Les Allemands, qui exerceront la présidence au cours du premier semestre 2007, ne devraient vraisemblablement pas considérer comme prioritaire l'aboutissement de ce dossier, sur lequel ils sont très réservés. Dès lors, une reprise par la présidence française au cours du second semestre s'avérerait, après un gel de six mois des négociations, plutôt délicate.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Relevant que la première proposition de directive communautaire avait été présentée par la Commission européenne en septembre 2002, qu'elle avait donné lieu à une proposition de résolution de la DUE du Sénat, ainsi qu'à un vote en première lecture du Parlement européen, puis qu'en 2004 et 2005, la Commission avait présenté deux versions modifiées nouvelles, M. Bernard Piras s'est étonné de la précipitation avec laquelle la commission des affaires économiques avait été conduite à examiner la proposition de résolution de M. Philippe Marini. Puis il a souligné que son groupe partageait les réflexions du rapporteur quant à l'importance qu'il y avait, en amont, à encadrer la législation sur le crédit à la consommation afin de limiter, en aval, les problèmes de surendettement. Enfin, relevant que le texte de compromis après six mois d'intenses travaux avait beaucoup évolué depuis celui d'octobre 2005, il a demandé quelles règles fixait la DCC en matière de droit de rétractation, de clauses obligatoires dans les contrats, d'informations précontractuelles et contractuelles à fournir au consommateur, d'encadrement des intermédiaires, de contrôle des organismes de crédit ou encore de démarchage à domicile.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

En réponse, M. Michel Houel, rapporteur, a tout d'abord souligné que l'examen soudain de la proposition de résolution de M. Philippe Marini avait été justifié par le fait que la présidence finlandaise avait décidé de maintenir sa recherche d'un accord politique au prochain « Conseil Compétitivité », alors même que les oppositions de nombreux Etats membres pouvaient laisser penser jusqu'il y a peu que la discussion allait devoir se poursuivre pendant un moment encore. Il a ensuite indiqué que toutes les questions soulevées par son collègue étaient, dans l'état actuel du texte issu des négociations, correctement traitées par la DCC, qu'il s'agisse :

- du délai de rétractation, fixé à quatorze jours, mais à l'intérieur duquel pourra être définie une période initiale pendant laquelle l'exécution du contrat sera « gelée » ;

- des clauses impératives du contrat et des informations devant être obligatoirement fournies à l'emprunteur, qui sont précisément énumérées et détaillées ;

- de l'encadrement et du contrôle des intermédiaires financiers et des organismes de crédit ;

- ainsi que du démarchage à domicile, à nouveau autorisé, conformément à la demande formulée en octobre 2002 par la proposition de résolution de la DUE rapportée par M. Aymeri de Montesquiou.

Il a ajouté que, d'une manière générale, les associations de défense des consommateurs, dont il avait auditionné les représentants des deux plus importantes d'entre elles, étaient globalement satisfaites du texte de compromis auquel étaient parvenus les négociateurs des Etats membres à Bruxelles, puisqu'il permettait de conserver presque intégralement notre dispositif national de protection du consommateur en matière de crédit à la consommation, qui est l'un des plus élaborés et des plus efficaces de l'Union européenne et auquel elles sont très attachées. A cet égard, il a conclu en formulant l'espoir que la proposition de directive sur le crédit aux consommateurs soit rapidement adoptée par le Conseil des ministres et le Parlement européen, car elle devrait permettre d'améliorer significativement la protection du consommateur européen sans remettre en cause les législations nationales assurant déjà un haut niveau de protection.

Puis la commission a adopté le rapport de M. Michel Houel ainsi que la proposition de résolution dans la rédaction qu'il a proposée, le groupe socialiste s'abstenant.