Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 27 mars 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • assurance

La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission a procédé à l'audition de M. Philippe Mills, directeur général adjoint du Centre d'analyse stratégique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a indiqué que les travaux engagés par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) sur la problématique du financement de la protection sociale traduisent des préoccupations anciennes, régulièrement exprimées par la commission des affaires sociales, notamment lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. L'idée a, par exemple, été avancée de fusionner la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances initiale, soit intégralement, soit pour la seule branche famille, mais on peut craindre, en définitive, que la présentation des comptes de la protection sociale en soit rendue encore plus obscure qu'elle ne l'est aujourd'hui. La mise en oeuvre de cette réforme nécessiterait, en outre, l'adoption d'une réforme constitutionnelle.

Puis il a invité M. Philippe Mills à s'exprimer sur le débat ouvert par le président de la République en janvier 2006 autour de l'idée d'un élargissement de l'assiette des cotisations sociales à la valeur ajoutée. Le rapport de synthèse réalisé par le groupe de travail « ad hoc » constitué sur cette question a d'ailleurs fourni des éléments d'analyse utiles à ce sujet.

Debut de section - Permalien
Philippe Mills

A titre liminaire, M. Philippe Mills a souligné que si le conseil d'analyse stratégique (CAS), contrairement à la direction de la sécurité sociale et à la direction du budget, n'exerce aucun rôle opérationnel dans le suivi et la gestion des finances publiques, il a néanmoins engagé une réflexion approfondie sur les questions sociales. Ces travaux ont revêtu une double orientation. Le CAS s'est intéressé en premier lieu aux nouveaux risques sociaux et a remis récemment au Gouvernement deux rapports à ce sujet, l'un consacré à la dépendance, l'autre à la notion de service public de la petite enfance. Le conseil a travaillé, en second lieu, sur la dimension sociale de la construction européenne, ainsi que sur la stratégie dite de Lisbonne destinée à promouvoir la compétitivité des pays de l'Union et à accroître le taux d'emploi de la population active.

En ce qui concerne plus particulièrement la question du financement de la protection sociale, la spécificité française tend progressivement à s'atténuer : au début des années quatre-vingt-dix, la part des cotisations sociales représentait encore les quatre cinquièmes des recettes, supérieure à la moyenne des deux tiers observée dans l'Union européenne à quinze. Aujourd'hui, les niveaux respectifs ne sont plus que des deux tiers pour la France et de 60 % pour ses voisins. L'écart s'est donc réduit de moitié en quinze ans.

En revanche, la France se singularise toujours par un niveau très élevé de dépenses sociales, qui la classe au troisième rang européen après la Suède et le Danemark. Compte tenu du taux élevé du chômage, cette caractéristique suscite très régulièrement de vives polémiques sur le niveau des coûts salariaux. En définitive, l'enjeu de ces débats porte sur la « soutenabilité » même du financement de l'Etat providence, aujourd'hui en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

s'est interrogé sur les actions qu'il conviendrait d'engager pour permettre une approche plus globale des comptes publics, tout en conservant un niveau de détail suffisant sur la nature et le mode d'évolution des différentes catégories de dépenses.

Debut de section - Permalien
Philippe Mills

Après s'être félicité des progrès intervenus dans ce domaine, en particulier l'obligation pour les pouvoirs publics français de transmettre chaque année un programme de stabilité aux instances communautaires, M. Philippe Mills a jugé indispensable de poursuivre ces efforts. Il conviendrait pour cela de porter de trois à cinq ans l'horizon des prévisions, de prévoir la nécessité pour tout nouveau gouvernement de prendre, à l'occasion d'un débat parlementaire au début de chaque législature, des engagements précis sur les niveaux des soldes intermédiaires des prélèvements obligatoires, mais aussi plus simplement d'améliorer la fiabilité des informations statistiques. Sur ce dernier point, la création de la conférence nationale des finances publiques a permis d'enregistrer des améliorations appréciables, mais il existe encore des facteurs de progrès, notamment pour les données des branches famille et retraites ainsi que pour les finances locales. En définitive, il ne paraît pas nécessaire de fusionner loi de finances et loi de financement, la priorité devant être donnée à la poursuite de l'amélioration de la transparence des comptes publics.

Pour l'avenir, M. Philippe Mills a estimé que le financement de la protection sociale serait probablement de plus en plus largement assuré par l'impôt : de nombreuses dépenses, comme la dépendance ou les affections de longue durée relèvent en effet essentiellement de la solidarité nationale. A cela s'ajoute l'impact prévisible de la concurrence fiscale entre les pays de l'Union européenne qui exerce une pression à la baisse sur les coûts salariaux. Les Etats membres se trouvent par là même incités à réduire les cotisations sociales et à recourir de préférence à la TVA ou à des recettes nouvelles, comme la contribution sociale généralisée (CSG).

En ce qui concerne la forme que pourrait revêtir un schéma théorique optimal de répartition des dépenses en fonction des risques concernés, M. Philippe Mills a indiqué qu'un tel processus de clarification pourrait prendre cinq, voire dix ans. Sous cette réserve, il s'est prononcé en faveur de l'établissement d'une distinction entre trois ensembles distincts : les dépenses de solidarité (branche famille, couverture maladie universelle, minima sociaux, politique du handicap, partie non contributive des prestations vieillesse) qui devraient idéalement être assurées par l'impôt ; les revenus différés, à l'instar des retraites, qui demeurent intimement associés à la notion d'effort contributif et donc aux cotisations sociales ; enfin, les prestations à caractère mixte, comme l'assurance maladie ou l'assurance chômage. Dans ce dernier cas, il est possible, en effet, de moduler les aspects assurance et solidarité nationale et donc d'opter en faveur d'un mode de financement intermédiaire. Par exemple, aux Etats-Unis, les cotisations chômage sont déterminées en fonction d'un système de bonus/malus dépendant du comportement individuel des entreprises.

Or, si la France se situe au dessus de la moyenne européenne en ce qui concerne le montant des dépenses sociales, les performances relatives de notre système apparaissent moins bonnes que celles des pays d'Europe du Nord auxquels on la compare souvent. Cela conduit, d'une part, à renforcer la nécessité de maîtriser les dépenses, d'autre part, à examiner la question de l'assiette optimale de cotisation. A ce titre, il a noté que sur longue période, la TVA et la CSG évoluent au même rythme que le PIB.

Revenant sur les travaux réalisés en 2006, après que le président de la République a lancé un vaste débat sur l'idée d'un élargissement de l'assiette des cotisations sociales à la valeur ajoutée, M. Philippe Mills a jugé que les échanges intervenus à cette occasion ont mis en évidence les principaux problèmes de cette approche : malgré la technicité du sujet, cette concertation a permis d'associer à la réflexion des experts tous les acteurs du dossier, y compris les partenaires sociaux. D'une façon générale, il a par ailleurs considéré que la protection sociale occupe un espace autonome au sein des finances publiques, ne serait-ce qu'en raison de leur nature : contrairement aux dépenses régaliennes, comme la défense ou la diplomatie, les dépenses sociales sont individualisables.

La France pourrait utilement s'inspirer de l'exemple des Pays-Bas pour améliorer la transparence de ses comptes publics : outre l'établissement régulier de prévisions sur un horizon de cinq ans, ainsi que la définition d'engagements détaillés pris par tout nouveau gouvernement devant le Parlement au début de chaque nouvelle législature, tant sur le niveau que sur la répartition des prélèvements obligatoires, le choix des hypothèses macroéconomiques relève, dans ce pays, d'un comité d'experts qui évalue, en toute indépendance, la marge de manoeuvre dont disposera le nouveau gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

s'est interrogé sur l'opportunité de modifier le rôle des partenaires sociaux dans la gestion des caisses et, plus généralement encore, sur le mode de gouvernance du système de protection sociale.

Debut de section - Permalien
Philippe Mills

Après avoir rappelé les limites des pouvoirs des gestionnaires des caisses ainsi que celles de la volonté d'implication des organisations syndicales dans ces institutions, M. Philippe Mills a fait valoir que les notions de concertation, de négociation et d'élaboration d'un diagnostic partagé sont pleinement mises en oeuvre dans le cadre du dialogue social. Les débats de l'année 2006 sur l'avenir de la protection sociale ont fourni la preuve de leur utilité, dans la mesure où certaines confédérations ont considérablement modifié leur point de vue à la lumière des échanges intervenus à cette occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

s'est demandé si, à l'instar du plan Biotox, il ne serait pas possible de définir des clefs de répartition précises entre l'Etat et la sécurité sociale pour les dépenses faisant l'objet de contestation ou situées aux confins des finances publiques et des finances sociales.

Debut de section - Permalien
Philippe Mills

Après avoir indiqué que le CAS n'a pas engagé d'étude approfondie à ce sujet, M. Philippe Mills a considéré qu'une telle approche serait envisageable, à condition toutefois de raisonner financement par financement. Cela pourrait être effectivement le cas chaque année, à l'occasion de l'examen des mesures nouvelles par le Parlement. Les perspectives de succès d'une telle démarche seraient toutefois meilleures si les pouvoirs publics parvenaient au préalable à améliorer le mode de régulation de notre système de protection sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est interrogé sur l'opportunité, d'une part, de maintenir la dispersion actuelle entre une multitude d'acteurs institutionnels différents dans la conduite de la politique en faveur des personnes dépendantes, d'autre part, de transférer carrément à des assurances privées certaines dépenses, à commencer par l'exemple bien connu du remboursement des cures thermales.

Debut de section - Permalien
Philippe Mills

Sur ce dernier point, M. Philippe Mills a indiqué que le CAS s'est abstenu de prendre l'initiative de travailler sur une question qui apparaît spontanément relever du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. En ce qui concerne le dossier de la dépendance, il est, à son sens, évident qu'une partie des dépenses continuera à relever, quoi qu'il arrive, de la solidarité nationale, dans la mesure où tout n'est pas assurable par des opérateurs privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

a souhaité savoir pourquoi les données statistiques sur les finances locales posent un problème pour déterminer le solde des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Philippe Mills

a indiqué qu'il convient de distinguer les grandes villes, d'une part, des petites communes, des départements et des régions, d'autre part. Pour ce dernier groupe de collectivités territoriales, les remontées d'informations sont trop tardives, ce qui conduit à raisonner sur la base de simples hypothèses. En outre, ce travail n'est effectué que par une poignée d'experts au ministère des finances, au ministère de l'intérieur et grâce aux concours des services du crédit local de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

en a conclu qu'il s'agit essentiellement d'un problème de moyens et que la responsabilité de ces insuffisances n'incombe donc pas aux collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Philippe Mills

Partageant ce jugement, M. Philippe Mills a toutefois réaffirmé qu'il conviendra à l'avenir d'améliorer le calendrier de remontée de ces données statistiques. D'autres pays que la France, et en particulier l'Allemagne avec ses Länder, connaissent des difficultés similaires. Mais rien ne permet de penser que les autorités communautaires continueront durablement à faire preuve de mansuétude pour l'établissement des programmes nationaux de stabilité.