Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité

Réunion du 22 décembre 2016 à 11h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui les auditions de notre commission d'enquête sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures.

Cette commission d'enquête s'intéresse à l'efficacité et l'effectivité des mesures de compensation, mais également à l'ensemble de la séquence « éviter, réduire, compenser », dite séquence ERC. Au-delà d'une vision générale, quatre projets d'infrastructures vont être spécifiquement étudiés : l'autoroute A65, le projet de LGV Tours-Bordeaux, le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes et, enfin, la réserve d'actifs naturels de la plaine de la Crau.

La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse ; elle fera l'objet d'une captation vidéo, et sera retransmise en direct sur le site internet du Sénat ; un compte rendu en sera publié.

J'en viens à notre première réunion de la journée.

Nous entendons ce matin Mme Laurence Monnoyer-Smith, commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Elle est accompagnée de Mme Ophélie Darse, adjointe au chef du bureau des biens publics globaux, de M. Valéry Lemaitre, chef du bureau des infrastructures, des transports et de l'aménagement, et de Mme Frédérique Millard, adjointe au chef du bureau des infrastructures, des transports et de l'aménagement.

Les membres de notre commission d'enquête connaissent le Commissariat général au développement durable, le CGDD, qui est une structure transversale ayant pour vocation d'intégrer le développement durable tant au sein des politiques publiques que dans les actions de l'ensemble des acteurs socio-économiques. Il a, à ce titre, publié un grand nombre de revues et de documents, dont certains ont trait à la compensation des atteintes à la biodiversité ou encore à la séquence ERC.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander à Laurence Monnoyer-Smith de prêter serment.

Je rappelle que tout faux témoignage devant la commission d'enquête et toute subornation de témoin serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, soit jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour un témoignage mensonger.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Laurence Monnoyer-Smith prête serment.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Madame, à la suite de vos propos introductifs, mon collègue Ronan Dantec, rapporteur de la commission d'enquête, vous posera un certain nombre de questions, puis les membres de la commission d'enquête vous solliciteront à leur tour.

Vous avez la parole.

Debut de section - Permalien
Laurence Monnoyer-Smith

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon propos liminaire reprendra les éléments qui me semblent les plus saillants à l'aune des questions que vous m'avez adressées.

Je dresserai un panorama de l'état actuel de nos travaux, du rôle joué par le Commissariat général au développement durable dans la définition et la mise en oeuvre de la séquence ERC ; je soulignerai les progrès réalisés depuis l'introduction de cette séquence, au travers de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ; j'évoquerai, enfin, quelques enjeux aujourd'hui importants.

Les impacts d'un projet sur l'environnement ont fait l'objet d'une réglementation dense.

L'introduction de la séquence « éviter, réduire, compenser » par la loi du 10 juillet 1976 a constitué une véritable innovation tant en France qu'en Europe. Depuis, ce principe a été intégré dans la législation européenne au travers de directives traitant de l'évaluation environnementale des plans et programmes - à partir de 2001 -, puis des projets - à partir de 2011. La transposition de ces textes en droit national constitue un cadre majeur de mise en oeuvre de la séquence.

Celle-ci dépasse, d'ailleurs, la seule préservation des espèces protégées. Son périmètre, relativement large, englobe également la biodiversité ordinaire, le bruit, la qualité de l'air et la pollution.

Au fil des années, la mise en oeuvre de cette séquence ERC a nécessité un travail important d'accompagnement méthodologique - nous y reviendrons, car cette dimension est au coeur du rôle du Commissariat général au développement durable. Ce travail a été réalisé dans le cadre de la mise en oeuvre des études d'impact, avec la publication, en 1996, du guide établi par le service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (SETRA) sur l'étude d'impact des infrastructures de transport. S'y est ajouté un guide du ministère de l'environnement sur l'étude d'impact en 2000, puis un guide du Commissariat général au développement durable portant sur l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme.

Nous avons constaté un certain nombre de difficultés et d'insuffisances dans la mise en oeuvre de la séquence ERC.

Au vu des éléments fournis dans les études environnementales, la question de l'efficacité, en particulier des mesures compensatoires, pose quelques problèmes. Force est de constater que les obligations des porteurs de projet relatives à ces mesures compensatoires n'ont pas toujours été remplies.

Il existe plusieurs causes à cela, la première étant le manque de connaissances et de compétences, notamment au moment de l'introduction de cette séquence dans l'ensemble des textes de loi, de la part des maîtres d'ouvrage, mais aussi des bureaux d'études qui les assistent.

Nous avons aussi mesuré combien nous étions limités en termes d'outils et de méthodologies partagés - je reviendrai sur le sujet, notamment sur les difficultés rencontrées par les services de l'État lorsqu'ils sont confrontés à la mise en oeuvre de la part des bureaux d'études de méthodologies extrêmement différentes.

À la suite de ce constat, le ministère a lancé des travaux destinés à améliorer la mise en oeuvre de la séquence ERC.

Parallèlement à la réflexion sur la réforme des études d'impact, le Commissariat général au développement durable a donc été chargé d'organiser un comité national de pilotage, dont il assure également le secrétariat. Cette instance a pour mission d'élaborer, avec l'ensemble des parties prenantes - ONG environnementales, bureaux d'études, administrations, maîtres d'ouvrage, etc. -, une vision commune des actions à mener sur cette séquence.

En 2014, dans le prolongement des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement, un groupe de travail, présidé par M. Romain Dubois, sur l'amélioration de la séquence ERC a formulé un certain nombre de recommandations opérationnelles, que le Commissariat général au développement durable s'est attaché à mettre en oeuvre. Ce travail, qui n'est pas achevé, préfigure ce que nous appelons de nos voeux, à savoir la création d'un centre de ressources sur la séquence.

Le comité national de pilotage, lancé en 2010, a encadré et coordonné des travaux ministériels sur la mise en oeuvre de la séquence. Il a notamment permis la production de documents essentiels, tels que la doctrine et les lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels, publiées en 2012 et en 2013. Dans ce cadre, l'accent a été mis sur le fait qu'il s'agissait bien d'une séquence complète, ne se réduisant pas à la seule mise en oeuvre de mesures compensatoires.

Parallèlement, le comité de pilotage a suivi l'expérimentation de l'offre de compensation engagée en 2011 et ayant permis la mise en oeuvre de quatre sites naturels de compensation par la CDC biodiversité, EDF, le conseil départemental des Yvelines et l'entreprise Dervenn.

Enfin, il a travaillé sur la question du manque d'information et de l'engagement des bureaux d'études. Une charte d'engagement volontaire des bureaux d'études a été élaborée afin d'améliorer la qualité des travaux fournis par ces acteurs, en appui de la maîtrise d'ouvrage. Aujourd'hui, une centaine de bureaux d'études, environ, se sont engagés volontairement dans le suivi de cette charte.

Ces travaux ont permis de s'orienter vers une amélioration de la mise en oeuvre de la démarche, grâce à des retours d'expériences entre acteurs, au développement de méthodologies ou encore à l'expérimentation de nouvelles solutions de compensation.

Ce triptyque est encore perfectible, notamment s'agissant de la mise en oeuvre et du suivi des mesures, ce qui explique le renforcement de la règlementation par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

C'est aussi dans le sillage des réalisations du comité de pilotage que le groupe de travail présidé par M. Romain Dubois, de l'entreprise SNCF Réseau, a été lancé.

Ces travaux, démarrés en septembre 2014, à la demande de la ministre de l'écologie et, comme je l'indiquais, dans le prolongement des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement, visent à élaborer des propositions concrètes relatives à la mise en oeuvre de la séquence. De novembre à décembre 2014, le Conseil général de l'environnement et du développement durable a assuré leur pilotage, puis la rédaction d'un rapport contenant des propositions concrètes d'amélioration, présenté à la ministre et aux parties prenantes lors de la réunion du Conseil national de la transition écologique du 6 janvier 2015.

Ce rapport, particulièrement orienté vers des améliorations concrètes, formule six groupes de propositions : assurer le partage de la connaissance pour tous pour aller vers un centre de ressources ERC ; intensifier et déployer la formation de l'ensemble des acteurs de la séquence et favoriser l'émergence d'études d'impact de qualité ; pour un même projet, mutualiser et articuler les mesures ERC propres aux différentes réglementations ; rendre plus lisible la chronologie de la démarche, son articulation entre toutes les phases d'un même projet ; développer des éléments méthodologiques sur la compensation ; mutualiser et articuler les mesures compensatoires de différents projets.

Chacune de ces propositions se décline en actions concrètes, dont beaucoup ont été mises en oeuvre par le Commissariat général au développement durable, en liaison étroite avec ses partenaires.

Je citerai notamment l'outil de géolocalisation des mesures compensatoires, aujourd'hui encadré par l'article 69 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. La mise en place de cet outil, qui s'articule d'ailleurs avec celle d'un outil spécifique pour la gestion des études d'impact, constitue pour nous une avancée extrêmement importante pour pallier les difficultés que nous rencontrons actuellement au niveau du suivi de ces mesures.

Je mentionnerai également la création et le déploiement d'actions de formation nationales à l'attention des services de l'État - d'intenses efforts ont été fournis en ce sens -, la mise en place de la charte d'engagement volontaire des bureaux d'études précédemment évoquée et, enfin, le lancement de plusieurs études sur les questions méthodologiques.

J'en citerai plusieurs exemples : une étude de déclinaison des lignes directrices nationales ERC au secteur des carrières ; une étude sur la nomenclature et la classification des mesures ERC et de leur accompagnement ; une étude sur les typologies des méthodes de dimensionnement des mesures compensatoires ; une étude capitalisant sur l'expérience acquise à partir du suivi d'un certain nombre de projets et proposant des fiches méthodologiques.

Toutes ces études ne sont pas achevées, à l'image d'une étude de capitalisation actuellement en cours, qui repose sur un échantillonnage de 110 projets s'échelonnant entre 2008 et 2014. Celle-ci nous donne des indications importantes - les seules de niveau national dont nous disposons aujourd'hui - sur les coûts, la mise en oeuvre de la séquence, l'intensité des mesures d'évitement, de réduction et de compensation par la maîtrise d'ouvrage.

Quelles suites donner à tout cela ? Comme vous pouvez le constater, nous ne cherchons pas ici à tenir un discours angélique ; nous voulons montrer que nous sommes sur une trajectoire de perfectionnement dans la mise en oeuvre de cette séquence ERC, de développement d'outils de méthodologie et d'outils, destinés aux services, d'appui au suivi de ces mesures. Nous sommes conscients, à la fois, de l'enjeu et de la perfectibilité de la mise en oeuvre de la séquence.

Toutefois, les avancées réalisées depuis 2010, avec la mise en place du comité de pilotage, les réalisations du groupe de travail, l'implication du Commissariat général au développement durable dans la mise en oeuvre des recommandations formulées par ce dernier, nous permettent d'envisager un renforcement des obligations de mise en oeuvre de la séquence ERC.

C'est ce qui a été fait dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Un certain nombre de principes majeurs, qui, jusqu'à présent, n'apparaissaient que dans la doctrine nationale, ont été réaffirmés et, surtout, inscrits dans la loi : l'objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité ; l'obligation de résultat ; l'obligation de pérennité et d'effectivité durant toute la durée des impacts ; la proximité fonctionnelle des mesures par rapport à l'impact ; la non-autorisation du projet, en l'état, si les atteintes qui lui sont liées ne peuvent être ni évitées ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante.

La loi fixe donc des objectifs extrêmement ambitieux. Il s'agit maintenant, pour les services de l'État, d'en assurer la mise en oeuvre et d'accompagner les porteurs de projet afin d'améliorer l'application de la séquence ERC. La réalisation de l'obligation de résultat et de l'obligation de suivi constitue un enjeu extrêmement important pour ces services, qui, à ce jour, ne sont pas encore totalement équipés pour répondre à ces objectifs, mais qui s'y emploient résolument.

À nos yeux, parmi les enjeux majeurs liés à la séquence ERC, se trouve la question de l'assurance de la pérennité des mesures compensatoires sur toute la durée des impacts : cette pérennité doit être garantie sur un temps long, ce qui nécessite stabilité, capitalisation et accès à la mémoire. Cela explique le développement de l'outil de géolocalisation des mesures compensatoires, qui a vocation à être complété par la suite : il devrait permettre une capitalisation d'informations sur la nature de ces mesures, de la maîtrise d'ouvrage qui les porte, etc.

La remontée des données, je tiens vraiment à le souligner, est une question essentielle, son organisation exigeant des efforts très importants de la part des services de l'État. Cette problématique dépasse d'ailleurs les données liées à la biodiversité : nous avons, plus largement, à organiser la remontée de l'ensemble des données afférentes aux études d'impact. Le système étant totalement dématérialisé, l'enjeu technique est fort et ce sont deux ans de travail, environ, qui seront nécessaires pour mener le projet à bien.

Autre enjeu majeur, l'anticipation de la compensation. Comme je l'ai indiqué, il faut se focaliser sur la totalité de la séquence, et non seulement sur les mesures compensatoires. Plus l'anticipation de la maîtrise d'ouvrage est importante, plus celle-ci est capable d'intégrer en amont ce qui relève des mesures d'évitement et de réduction, et plus elle est apte à définir concrètement les mesures compensatoires qui devront être mises en oeuvre, parfois, d'ailleurs, de manière très anticipée par rapport à la réalisation du projet.

Cette dimension, essentielle, exige un travail d'accompagnement de la part des services, y compris en amont du dépôt des demandes d'autorisation. C'est pourquoi il nous paraît important d'impliquer l'ensemble des bureaux d'études et de mobiliser tous les services déconcentrés de l'État.

Nous voyons un troisième enjeu dans la capacité à assurer une prise en compte globale des impacts du projet. Les questions de méthodologie, qui ont été soulevées à plusieurs reprises par le comité de pilotage et par le groupe de travail, prennent ici tout leur sens. Cette prise en compte globale, qui s'inscrit dans la lignée de la réforme de l'évaluation environnementale, mais aussi de la vision européenne - l'approche par projet d'ensemble est préférée à l'approche par type d'autorisations -, nécessite effectivement de développer une méthodologie particulière pour évaluer les impacts, les biotopes qu'ils affectent et la façon de calculer les unités de compensation, pour les impacts résiduels qui n'auraient pu ni être évités, ni être réduits.

Enfin, la difficulté à compenser effectivement les atteintes à la biodiversité ne doit pas faire de cette compensation la solution première au traitement des impacts de projet. Nous sommes particulièrement attachés à ce point, comme le montre la dernière réunion du comité de pilotage, et travaillons, en conséquence, sur la question de l'évitement. Comment lui donner toute sa place ? Comment faire en sorte que cette dimension soit correctement renseignée par la maîtrise d'ouvrage, afin d'en faciliter le suivi ?

Dès le premier semestre 2017, nous nous emploierons à l'organisation d'un séminaire sur la phase d'évitement, afin de mettre en lumière les bonnes pratiques, inviter les maîtres d'ouvrage à bien renseigner cette étape et à valoriser les comportements vertueux dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je suis impressionné par votre plan de travail et par le nombre de rapports supplémentaires que nous aurons à lire.

J'aurai tout d'abord deux questions d'ordre général. L'État déploie-t-il une véritable approche croisée entre les enjeux de biodiversité et les autres enjeux d'aménagement liés aux infrastructures ? Par ailleurs, selon la loi, si un maître d'ouvrage oublie de mettre en oeuvre les mesures compensatoires qu'il s'est engagé à déployer, l'État peut se substituer à lui et, par la suite, lui envoyer la facture. Vous êtes-vous saisis de cette question, notamment sous l'angle méthodologique ?

Au-delà de ces aspects généraux, pouvez-vous évoquer les projets ciblés par notre commission d'enquête ? Avez-vous travaillé spécifiquement sur ces projets ? Quelle est votre position à leur égard ?

Debut de section - Permalien
Laurence Monnoyer-Smith

S'agissant de la façon dont les services de l'État travaillent, ceux-ci disposent d'un outil d'intégration à travers l'étude d'impact, qui leur offre une vue d'ensemble, allant, d'ailleurs, bien au-delà des questions liées à la biodiversité. Le travail que les services déconcentrés mènent, avec la maîtrise d'ouvrage, sur l'ensemble de la séquence est donc de nature à leur permettre d'avoir un regard complet sur le dossier.

En outre, les réformes de l'évaluation environnementale, de l'autorisation environnementale unique et de l'étude d'impact des projets mettent en avant une approche par projet, au détriment d'une approche par autorisation qui avait tendance à encourager un travail en silo. Nous avions parfaitement conscience que cette approche par projet, en particulier dans le cadre du permis unique, permettrait une meilleure organisation du travail.

Autre point intéressant, les demandes que, du coup, les services déconcentrés formulent concernant les outils de remontée de l'ensemble des données des études d'impact ou de géolocalisation des mesures compensatoires vont également dans le sens d'une meilleure intégration.

Par conséquent, nous progressons. Je ne nie pas l'existence d'une certaine culture - certains services travaillant sur l'autorisation « espèces protégées » ou sur d'autres types d'autorisations ont pu, de par l'organisation même du système, développer une vue quelque peu focalisée -, mais nous sommes aujourd'hui beaucoup mieux armés pour « dé-siloter » le travail.

L'action de formation que j'évoquais précédemment visait aussi à attirer l'attention, au niveau des acteurs des collectivités locales, sur la nécessité de ce travail transversal.

Au moment de la définition des mesures ERC, lorsque le maître d'ouvrage dépose son dossier, le balayage se fait désormais de manière beaucoup plus approfondie. Voilà pourquoi je suis assez confiante sur le fait que nous progressons.

S'agissant du rôle du préfet, celui-ci dispose désormais, au titre de la loi, d'importants pouvoirs de contrôle, notamment d'une possibilité, radicale, d'arrêter le projet si les atteintes sont de très grande ampleur.

Sont prévues des procédures administratives et, éventuellement, en cas de manquements graves, des procédures judiciaires. Je citerai les mises en demeure, les consignations de sommes, les suspensions de travaux, les fermetures ou suppressions d'installations et d'ouvrages, et les amendes. En particulier, la circulaire du 12 novembre 2010 relative à l'organisation et la pratique du contrôle par les services et établissements chargés de mission de police de l'eau et de la nature mentionne très clairement l'existence de procédures d'envoi de courriers de rappel, de rédaction de procès-verbaux et de mises en demeure.

La législation ayant été clairement renforcée, il est maintenant important que le suivi soit effectivement réalisé - annuellement dans les cinq premières années, puis tous les cinq ans -, mais les services de l'État font état de la quantité de travail que cela représente.

En tout cas, la législation est en place pour que ce suivi puisse être assuré.

Je vais maintenant aborder les quatre opérations qui vous intéressent. Je précise que le Commissariat général au développement durable ne joue pas de rôle opérationnel dans ces projets, puisque la définition des mesures d'évitement et de compensation est réalisée localement par les services déconcentrés de l'État. Nous jouons simplement un rôle d'appui ou de conseil, notamment en ce qui concerne la méthodologie.

En ce qui concerne l'autoroute A65, les impacts « résiduels » - ce terme doit être compris littéralement - ne sont pas négligeables : traversées de cours d'eau, l'un d'eux étant notamment bordé d'une aulnaie-frênaie particulièrement riche en biodiversité, de secteurs humides en bon état ; 5 espèces végétales et 48 espèces animales sont impactées, dont le vison d'Europe ; rupture d'un corridor de déplacement des chiroptères.

Les arrêtés ministériels d'autorisation ont défini les mesures de compensation, avec la restauration de 1 372 hectares et la gestion conservatoire de ces terrains sur toute la durée de la concession, soit 52 ans, ce qui représente un suivi très important pour les services de l'État. Le délai de mise en oeuvre était fixé à 4 ans. Un comité de suivi a été créé pour accompagner la mise en place des mesures compensatoires et attribuer des enveloppes financières pour l'application de certains plans d'action nationaux ou régionaux en faveur des espaces impactés.

Nous savons que le concessionnaire a rencontré un certain nombre de difficultés pour la mise en oeuvre des mesures de compensation, notamment la sécurisation de l'ensemble des surfaces de compensation. Le dossier du porteur de projet demandait la recherche d'une superficie de sites de compensation de près de 6 000 hectares cartographiés le long de l'infrastructure. Le concessionnaire a fait appel à CDC Biodiversité comme prestataire. Nous n'intervenons pas directement, mais mettons en place les outils nécessaires au suivi sur 52 ans, avec toute la problématique de l'archivage.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Qui est ce « nous » ? S'agit-il de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ou du Commissariat général au développement durable ?

Debut de section - Permalien
Laurence Monnoyer-Smith

Le Commissariat général au développement durable assure la maîtrise d'ouvrage pour l'ensemble des services déconcentrés de l'État, afin de mettre en place un outil qui corresponde à leurs besoins. Nous avons réalisé une étude, en constituant des groupes de travail pour essayer de comprendre quels types de données ils utilisent, où les récupérer, comment les faire remonter, etc. Les personnes présentes autour de moi aujourd'hui sont directement impliquées dans la réalisation de cet outil de géolocalisation.

J'ajoute que le Commissariat général au développement durable assure la tutelle de l'Institut national de l'information géographique et forestière : nous disposons ainsi de l'outil cartographique qui permet la géolocalisation la plus précise possible.

Debut de section - Permalien
Laurence Monnoyer-Smith

Nous disposons des états d'avancement de la mise en place de cet outil. Nous avons utilisé un designer de services pour répondre au mieux aux besoins des DREAL. La mise en oeuvre de la séquence ERC, en particulier avec la mise en oeuvre de la loi sur la biodiversité, s'est traduite par une augmentation importante du nombre des dossiers. Nous restons attentifs au fait que les services déconcentrés de l'État ont besoin d'un appui.

Debut de section - Permalien
Laurence Monnoyer-Smith

La LGV, quant à elle, traverse de nombreux habitats naturels d'espèces protégées, des cours d'eau et des zones humides. La société concessionnaire, LISEA, doit mettre en oeuvre les mesures compensatoires prévues dans les arrêtés de dérogation au régime de protection des espèces protégées. La dette compensatoire mutualisée totale - s'ajoutent en effet les compensations au titre de la loi sur l'eau et de Natura 2000 - a été estimée à 3 500 hectares par la maîtrise d'ouvrage. Un comité de suivi interdépartemental placé sous la présidence du préfet de région accompagne la mise en oeuvre des mesures de compensation, sa dernière réunion a eu lieu le 12 décembre 2016.

Pour ce seul projet, 195 dossiers de compensation ont été instruits par les DREAL des régions Centre-Val de Loire et Nouvelle Aquitaine : c'est une bonne illustration de la quantité de travail que je viens d'évoquer. Les moyens humains du service du patrimoine naturel des DREAL sont donc fortement mobilisés.

Les services instructeurs ont alerté la maîtrise d'ouvrage sur le retard pris dans le respect du calendrier, en particulier pour les espèces protégées. En effet, d'après l'arrêté de dérogation, l'essentiel des compensations aurait dû être réalisé avant décembre 2014.

En 2015, la société LISEA a voulu substituer des mesures d'investissement à une partie des mesures compensatoires surfaciques, parce qu'elle ne parvenait pas à sécuriser cette compensation. Ces investissements visaient à réduire la mortalité du vison d'Europe sur les routes, en aménagent des ouvrages d'art routiers répartis sur les bassins versants. À la suite de cette proposition, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a émis un avis défavorable à la révision de l'arrêté ministériel.

En 2016, les DREAL ont organisé des séances de travail pour trouver des solutions en vue d'un réexamen de ce dossier par le comité permanent du CNPN. Ces réunions étaient très ouvertes, puisque des ONG étaient présentes. Le 6 juillet 2016, le CNPN a formulé un avis favorable sous réserve et un arrêté ministériel modificatif est en cours de rédaction pour établir les nouvelles conditions de réalisation de la dette compensatoire en ce qui concerne, notamment, le vison d'Europe.

En ce qui concerne Notre-Dame-des-Landes, le Commissariat général a joué un rôle très limité : il est intervenu en appui de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour le traitement du contentieux européen, notamment sur l'évaluation des mesures de compensation pour les zones humides. Je pourrai vous fournir, si vous le souhaitez, tout l'historique des mesures compensatoires concernant ce projet.

Nous avons joué un rôle plus important pour la réserve d'actifs naturels de la plaine de la Crau, la réserve des Coussouls, puisqu'il s'agit d'une expérimentation. Cette opération, proposée dans le cadre du groupe de travail, concerne une offre de compensation ; elle est menée depuis 2008 par CDC Biodiversité. Un comité local de suivi a été mis en place par les services du Commissariat général au développement durable, de la DREAL et l'ensemble des parties prenantes. Un certain nombre de réunions du comité local ont permis de définir les contours de l'expérimentation et le suivi a été particulièrement intense : on a cherché à évaluer le cadre méthodologique et à lancer de nouvelles opérations. Le site est au coeur d'un réseau Natura 2000, avec des habitats d'oiseaux, ainsi qu'un habitat naturel européen prioritaire. L'opération ne vise pas à compenser une perte au niveau de la réserve en tant que telle, mais de l'ensemble des habitats des diverses espèces protégées. Aujourd'hui, à mi-parcours, 357 hectares de coussoul ont été restaurés. Les indicateurs de suivi révèlent des résultats relativement bons, puisque 46 % des unités ont été vendus aux aménageurs.

Nous pourrons éventuellement vous donner plus de détails.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Effectivement, de nouveaux échanges peuvent se faire par écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Vous avez évoqué le problème de l'efficacité des mesures compensatoires et noté le manque de compétences et de connaissances des maîtres d'ouvrage qui engagent les projets. Qui détient les compétences pour mettre en oeuvre ces compensations ? Nous avons auditionné hier Jean-Philippe Siblet, directeur du service du patrimoine naturel du Muséum, qui est un scientifique plutôt pragmatique. À l'entendre, j'ai le sentiment que la biodiversité n'est pas une science exacte.

Le programme que vous évoquez est très administratif et rigoureux. Par ailleurs, la loi a placé la barre si haut que l'on n'atteindra jamais les objectifs affichés. Si l'on doit tout respecter, on ne pourra plus construire une seule infrastructure, ou alors, ce sera très difficile.

On sait bien que les compensations artificielles ne fonctionnent pas non plus. Ne peut-on pas faire preuve de bon sens et de pragmatisme ? Quand j'entends le nombre d'études à faire, qui viennent alourdir le coût des projets, cela ne fait que les rendre encore plus infaisables.

Vous avez parlé de perfectibilité, cela me rassure. Tout est perfectible, mais il y a tellement de contraintes qu'il paraît difficile de faire aboutir les projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

A-t-on réalisé des études d'impact sur les conséquences des mesures de compensation ?

Pour être plus clair : un ouvrage « consomme » de l'espace, agricole ou forestier. L'impact forestier est limité, puisque la loi impose de compenser le défrichement d'une surface par le reboisement d'une surface équivalente. En revanche, il n'y a pas de compensation pour le secteur agricole. Chaque fois qu'un ouvrage est construit et qu'une compensation intervient, comme la terre n'est pas extensible, le reste du territoire subit des conséquences, il faut augmenter la productivité des terres agricoles restantes et l'on observe parfois des atteintes à la biodiversité.

Je pensais qu'on avait atteint le maximum de ce qui peut être fait. Or vous nous avez dit que beaucoup reste à faire. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui reste à faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Ma première question porte sur la pérennité de la connaissance des mesures compensatoires. Il y a 22 ans, l'administration que vous représentez a publié une liste des établissements classés. Dans ma petite commune, deux des établissements figurant sur cette liste étaient fermés respectivement depuis 1973 et 1932 ! Cela prouve que l'administration centrale n'est pas capable de gérer sur le long terme ce type d'informations.

Il me semblerait plus intéressant d'obliger le préfet, lors d'une révision du plan local d'urbanisme, d'indiquer dans le « porter à connaissance » la localisation des territoires concernés par des mesures compensatoires et la nature de ces mesures. Faisons davantage de pragmatisme dans toutes ces procédures : il faut que les territoires de mesures de compensation soient connus dans la durée au niveau local.

Il y a un deuxième point que j'aimerais voir pris en compte. Je suis vétérinaire de formation et je peux vous dire qu'il n'existe pas d'obligation de résultat concernant le vivant. On peut envisager une obligation de moyens, mais l'obligation de résultat n'a pas de sens, parce qu'elle fait fi des circonstances extérieures non liées au projet.

Permettez-moi enfin quelques remarques au passage. Si j'étais opposant à un projet d'équipement, je ferais de l'élevage d'espèces protégées que j'irais disperser sur les territoires. Vous auriez peut-être la niaiserie d'accepter que leur présence soit millésimée... Enfin, dans tout ce que vous décrivez, c'est la régularité des procédures qui va être jugée par l'administration ou la justice, et jamais la réalité des projets, sauf si l'on a affaire à des personnes pragmatiques ! C'est le reproche que j'adresse à l'ensemble du secteur public.

Debut de section - Permalien
Laurence Monnoyer-Smith

M. Pointereau a posé la question de l'appréciation de l'efficacité des mesures compensatoires. Lorsque j'ai parlé du manque de compétences de la maîtrise d'ouvrage, je tiens à souligner que les services déconcentrés de l'État n'adoptent pas une démarche de sanction, mais d'accompagnement : c'est bien la philosophie que nous essayons de développer. Il ne s'agit pas d'adopter une approche radicale, mais de travailler avec la maîtrise d'ouvrage pour lui faire prendre conscience de l'importance de la séquence ERC et de la pertinence des mesures à définir. L'avis du CNPN se fonde sur la pertinence des mesures, eu égard aux enjeux locaux spécifiques. Il s'agit de permettre à la maîtrise d'ouvrage d'avoir une compréhension fine des mesures proposées.

Vous avez raison de dire qu'il ne s'agit pas d'une science exacte. Le Commissariat général au développement durable y est particulièrement sensible. La mesure du service écosystémique rendu par la nature fait encore l'objet de travaux de recherche et nous savons combien il est difficile de « monétariser » la valeur d'un écosystème. Si l'implantation d'un ouvrage est décidée dans un endroit, c'est aussi parce qu'il bénéficiera d'un certain nombre d'atouts naturels. Il est assez dur de nous reprocher de nous préoccuper uniquement de la régularité de la procédure, alors que nous cherchons à faire en sorte que le territoire s'approprie véritablement le projet. Les ordonnances concernant la participation du public visent précisément à assurer une bonne appropriation par le territoire. Les aller-retour entre les services de l'État et la maîtrise d'ouvrage permettent en général d'aboutir à un avis favorable.

En ce qui concerne l'obligation de résultat, vous avez raison de dire qu'elle ne saurait être absolue, ce serait faire preuve d'une arrogance suprême. L'obligation de résultat que nous envisageons porte sur la réalisation des mesures proposées.

La problématique de l'espace, quand on parle de compensation, est une vraie question. L'artificialisation croissante de notre territoire nécessite la mise en place de mesures de compensation, qui peuvent entraîner des conflits d'usages, notamment agricoles. Nous y sommes très sensibles. C'est la raison pour laquelle il est important de mener une réflexion sur la question des équipements et sur la restauration d'un certain nombre d'espaces. Il existe beaucoup de friches qui devraient être réutilisées. Or, pour un maître d'ouvrage, il est beaucoup plus onéreux de restaurer une friche industrielle pour y installer une zone commerciale que d'artificialiser un espace naturel ou agricole. Un vrai travail doit être mené avec les services déconcentrés de l'État et les porteurs de projets pour valoriser la restauration des friches, en montrant l'intérêt qu'il y a à restaurer un milieu pour s'y installer.

Enfin, la question du suivi nous pose des problèmes techniques qui ne sont pas insurmontables. Il faut organiser la remontée des données - pour l'instant, des documents dont le format est difficilement exploitables -, mais le Commissariat général au développement durable dispose d'une expertise en matière de big data, et il est tout à fait possible de créer une plateforme de suivi qui a vocation à être ouverte et fera très vraisemblablement l'objet de crowd sourcing. À terme, cet outil facilitera le travail des services déconcentrés de l'État. Nous sommes tout à fait confiants sur la faisabilité de ce projet, mais il faut encore créer l'infrastructure informatique, ce qui nous prendra environ dix-huit mois. Nous disposerons alors d'un outil beaucoup plus précis et performant. Cette question m'inquiète beaucoup moins que celles du calcul du service écosystémique rendu ou de l'artificialisation des sols.

Quant au « porter à connaissance », il incombe aux préfets...

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Il me paraît essentiel qu'il soit très précis sur l'implantation - mais vous avez déjà les données -, et qu'il soit renouvelé tous les dix ans ou tous les quinze ans. Je vous rappelle que l'open source n'a aucun intérêt pour les communes de moins de 1 000 habitants, parce que leurs agents n'ont pas le temps de faire des recherches, car le recrutement s'est littéralement effondré. L'information sur la nature des mesures de compensation relève d'une autre démarche.

À partir du moment où les parcelles qui intéressent les services de la DREAL ne sont pas concernées par le projet de la commune, tout va bien ! C'est ainsi que procèdent les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour indiquer les sites de fouilles archéologiques, en omettant toutefois les endroits susceptibles d'intéresser les chercheurs de trésors : on ne dispose que de ce qui est racontable...

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

C'est la même chose si l'on n'indique pas le lieu de nidification d'un rapace rare...

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Oui, mais les mesures de compensation ne peuvent pas être secrètes ! Il s'agit de conserver une mémoire locale. Au terme de deux mandats, c'est-à-dire douze ans, la quasi-totalité des conseils municipaux est renouvelée et la mesure disparaît de la mémoire locale.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Je souhaiterais poser une autre question. Lors de plusieurs auditions, nous avons entendu parler du problème de la forme des dossiers par les spécialistes qui accompagnent les porteurs de projet. N'y a-t-il pas le moyen d'imposer une forme type, comme cela se fait pour l'urbanisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pour compléter cette question, les guides méthodologiques que vous avez évoqués ne nous rapprochent-ils pas du système américain, où les mesures compensatoires sont très cadrées ? J'ai l'impression que la même logique est à l'oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Ma question ne portait pas sur cet aspect. J'ai cru comprendre que les personnes chargées d'instruire ces dossiers rencontrent des difficultés, ne serait-ce qu'à envisager la présentation formelle du dossier. Il ne s'agit pas du fond.

Debut de section - Permalien
Laurence Monnoyer-Smith

La difficulté porte peut-être moins sur la forme générale que sur les méthodologies utilisées pour définir les unités de compensation. Nous sommes en train de mettre en place une nomenclature à l'intention des services déconcentrés. Notre idée est moins de codifier les méthodologies que d'apporter à ces services un appui à la bonne compréhension du fonctionnement de ces méthodologies.

Un autre élément important mérite d'être souligné : la mise à disposition des données des études d'impact va constituer une aide très importante pour les porteurs d'ouvrages, car elle apportera des connaissances approfondies sur un territoire qui pourront être capitalisées, ce qui permettra une économie importante pour le futur maître d'ouvrage qui aura moins besoin de recourir aux services de bureaux d'études. Je ne vous cache pas que cette perspective suscite la réticence de certains de ces bureaux d'études... Ces données portent sur des connaissances communes et seront très utiles pour les porteurs de projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je vous remercie d'avoir répondu aux questions de la commission d'enquête. Des compléments d'information pourront vous être demandés ultérieurement par écrit.

La réunion est suspendue à 12 heures 10.

La réunion reprend à 12 heures 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux par une audition commune des représentants des chasseurs et des pêcheurs. En effet, il nous a semblé utile de rencontrer l'ensemble de la chaîne des acteurs concernés par les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructure.

Nous allons entendre M. Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission à la Fédération nationale des chasseurs et Mme Nadège Colombet, responsable juridique de la Fédération nationale de la pêche en France, qui est accompagnée de M. Jérôme Guillouët, responsable technique.

Cette audition est ouverte à la presse et fait l'objet d'une captation vidéo.

Je rappelle que tout faux témoignage devant la commission et toute subornation de témoin serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, soit jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour un témoignage mensonger.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Laurent Courbois, Mme Nadège Colombet et M. Jérôme Guillouët prêtent successivement serment.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je vais laisser le soin à chacun d'entre vous de vous exprimer dans un bref propos introductif. Le rapporteur, Ronan Dantec, et les membres de la commission qui le souhaitent pourront ensuite vous poser leurs questions.

Avant de vous laisser la parole, je me dois de vous demander si l'un d'entre vous a des liens d'intérêt avec l'un des quatre projets que la commission étudie spécifiquement, à savoir l'autoroute A65, la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, l'aéroport Notre-Dame-des-Landes et la réserve d'actifs naturels des Coussouls en plaine de la Crau.

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Aucun, madame la présidente.

Debut de section - Permalien
Nadège Colombet, responsable juridique de la Fédération nationale de la pêche en France

Je n'en ai pas, madame la présidente.

Debut de section - Permalien
Jérôme Guillouët, responsable technique de la Fédération nationale de la pêche en France

Je suis membre du système d'information des pêches maritimes et de l'aquaculture, le SIPA.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Très bien. Je vous remercie. La parole est à M. Laurent Courbois pour la Fédération nationale des chasseurs.

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Je présenterai brièvement le réseau des fédérations de chasseurs puis les trois principes que nous défendons au niveau de la Fédération nationale. Enfin, je tâcherai de montrer l'implication des fédérations de chasseurs dans la compensation des atteintes à la biodiversité.

Aujourd'hui, il existe 90 fédérations de chasseurs sur le territoire, treize fédérations régionales et un réseau de 1 300 collaborateurs exerçant des métiers en lien avec la faune sauvage et ses habitats, ainsi qu'avec la biodiversité. Nous avons également créé une fondation nationale pour la protection des habitats de la faune sauvage qui intervient sur les territoires, notamment pour procéder à des acquisitions foncières et à des opérations de gestion conservatoire de la biodiversité.

La Fédération nationale des chasseurs défend un premier principe, celui d'une « utilisation raisonnée » de la biodiversité. Au travers de leur pratique de la chasse, les citoyens habitant dans les communes rurales s'investissent dans des actions de conservation des espèces et des habitats. C'est ce que nous appelons la « conservation par l'utilisation raisonnée », concept que nous avons fait inscrire dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Bien que ne figurant pas encore dans le code de l'environnement, nous estimions en effet que ce concept était conforme aux principes et directives de la convention internationale sur la diversité biologique.

Nous défendons un deuxième principe, celui de la reconnaissance des usages tels que la chasse et la pêche sur nos territoires, principe qui a également été introduit dans le code de l'environnement. Nous considérons que bon nombre des actions de conservation de la biodiversité que nous menons sur le terrain sont liées à ces usages.

Aujourd'hui, force est malheureusement de constater que l'efficacité de nombreuses mesures de conservation de la biodiversité est remise en cause, en raison notamment du report des directives « Habitat » et « Oiseaux » et que, d'une manière générale, l'état de conservation des espèces et des habitats ne s'est pas amélioré depuis la loi de 1976 relative à la protection de la nature. Nous constatons en outre que les pouvoirs publics n'ont plus toujours les moyens de leur ambition en matière de politique de conservation de la biodiversité.

Le troisième principe que nous soutenons est le principe de bonne intendance des territoires : il s'agit de faire en sorte que les propriétaires privés, les agriculteurs, les forestiers, les chasseurs, les pêcheurs, les ayants droit du foncier en d'autres termes, soient mieux impliqués dans les politiques de conservation de la biodiversité, et donc dans les programmes de compensation écologique.

Dans la mesure où les chasseurs s'intéressent, en raison de leur pratique, à la conservation des espèces « gibier » sur le terrain, ils contribuent aujourd'hui à conserver la biodiversité de manière directe et indirecte. Selon nous, la conservation du gibier mène à la conservation de la biodiversité. Pour donner un exemple concret, la conservation de la perdrix rouge dans le sud de la France contribue indirectement à protéger l'outarde canepetière.

L'étude sur les valeurs socio-économiques de la chasse, qui a été réalisée par le cabinet de conseil (BIPE), évalue à 57 000 équivalents temps plein l'investissement bénévole des chasseurs. Ce sont autant d'effectifs que la sphère publique n'a pas à investir dans l'aménagement des espaces et la conservation des espèces sur le territoire. Une autre étude de ce cabinet, relative aux services écosystémiques liés à la chasse montre par ailleurs que cet investissement bénévole équivaut à un engagement à hauteur de 460 millions d'euros en faveur de la conservation de la nature.

Nous avons également développé une base nationale de données pour démontrer l'implication des chasseurs et illustrer le concept de « conservation par l'utilisation » dont j'ai parlé il y a quelques instants. Cette base, évidemment consultable sur internet, a déjà permis de répertorier plus de 500 actions menées par les fédérations de chasseurs ou la fondation pour la protection des habitats de la faune sauvage.

Je terminerai mon intervention en soulignant l'implication de nos fédérations et de la fondation pour la protection des habitats de la faune sauvage dans la compensation écologique. Nous intervenons en fournissant des données aux bureaux d'études des conservatoires des espaces naturels ou des conservatoires botaniques qui nous sollicitent. Nous intervenons aussi dans la phase d'évaluation des projets quand on nous demande de réaliser des diagnostics cynégétiques et environnementaux. In fine, un certain nombre de fédérations de chasseurs participent à la mise en oeuvre de mesures de compensation écologique et à leur suivi, qu'il s'agisse de contrebalancer les effets de projets d'infrastructures routières, ferroviaires, portuaires ou éoliennes.

Enfin, si vous me permettez de formuler quelques recommandations, j'ajouterai que nous souhaiterions la mise en place d'une meilleure territorialisation, d'une meilleure contextualisation et d'une meilleure appropriation des programmes de compensation écologique. Aujourd'hui, quand un opérateur engage un programme de compensation écologique de 30 millions d'euros pour l'outarde canepetière, la démarche est assez mal comprise par les élus locaux et les citoyens ruraux que nous représentons. Je rappelle à cet égard qu'avant d'être chasseurs, ces citoyens sont des entrepreneurs du monde rural, des retraités, des ouvriers.

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

des agriculteurs pour beaucoup, des forestiers pour d'autres, et qu'ils s'adonnent certes à un loisir, mais qu'ils constituent aussi un très bon thermomètre du monde rural.

Les montants colossaux de certains programmes de compensation...

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

En l'espèce, je veux parler du programme de compensation écologique lié à la ligne LGV Nîmes-Montpellier. Ce programme, dont le coût s'élève entre 20 et 30 millions d'euros, est concentré sur quelques espèces inconnues du grand public, ce qui provoque une certaine incompréhension.

Nous proposons qu'une plus grande place soit laissée à une biodiversité plus ordinaire. Les mesures de compensation écologique seront ainsi mieux comprises sur le terrain. C'est ce que j'appelais tout à l'heure la territorialisation, la contextualisation et l'acceptation sociale des grands ouvrages et des programmes de compensation écologique.

Il faudrait également interdire ce que nous considérons comme une « double peine » pour les chasseurs : d'un côté, on détruit et on morcèle les territoires de chasse, on supprime des espèces gibier et leurs habitats ; de l'autre, on prend une mesure compensatoire consistant à mettre en place des zones interdites à la chasse. Cette injustice cristallise les tensions sociales sur le terrain, car la mise en oeuvre d'un projet d'infrastructure entraîne à la fois la destruction des habitats des espèces et l'interdiction de la chasse, alors que ces deux dimensions devraient être complètement dissociées. Pour nous, la conservation des valeurs d'usage, tel que la chasse ou la pêche, est importante.

Je ferai une dernière recommandation sur la gouvernance des programmes de compensation écologique. Il serait préférable d'éviter d'attendre que des tensions sociales apparaissent sur le terrain pour intégrer certains acteurs socioprofessionnels au processus. En effet, on ne fait appel aux fédérations de chasseurs que pour exercer une mission de médiation, le jour où les élus locaux, les maires ou les préfets de département s'aperçoivent qu'ils rencontrent des difficultés avec les populations locales. C'est dommage ! Il serait préférable d'impliquer les acteurs socioprofessionnels comme les chasseurs, les représentants des usagers de la nature, les représentants des propriétaires beaucoup plus en amont. Les programmes de compensation ne doivent pas devenir le monopole d'un certain nombre de conservatoires, avec lesquels nous travaillons du reste très bien, ou d'associations naturalistes, avec lesquelles il nous arrive en revanche parfois de moins bien travailler. Il faudrait parvenir à mieux faire travailler ensemble tous ceux qui sont présents sur le terrain.

Debut de section - Permalien
Nadège Colombet, responsable juridique de la Fédération nationale de la pêche en France

La Fédération nationale de la pêche en France, la FNPF, est une structure nationale qui coordonne les actions de plus de 3 700 associations rassemblées dans 94 fédérations départementales de la pêche. Ces structures sont chargées sur le terrain de mettre en oeuvre quotidiennement des mesures de gestion en matière de pêche, mais aussi des mesures de protection des milieux aquatiques et du patrimoine piscicole.

Environ 1 000 salariés, ainsi que 40 000 bénévoles travaillent aujourd'hui dans les fédérations pour nous permettre de remplir les missions de service public que nous a confiés la loi, l'ensemble représentant un poids économique estimé par le cabinet BIPE à 2 milliards d'euros.

Les fédérations et associations de pêche sont des opérateurs historiques des politiques de compensation écologique au travers notamment des autorisations et concessions d'ouvrages hydroélectriques. Depuis les années 1930, il existe ainsi un système de compensation des dommages piscicoles.

C'est dans ce cadre que la FNPF, avec le Conseil supérieur de la pêche, le CSP, et l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, a eu l'occasion de financer des actions et des études pour la restauration du milieu aquatique, et de financer les actions d'associations de protection des poissons migrateurs. Jusqu'ici, ces mesures étaient bien prévues par les règlements d'eau. Elles le sont encore, mais elles seront progressivement remplacées par le système de la compensation écologique de droit commun dont on parle aujourd'hui.

Compte tenu de ce contexte, la FNPF observe avec grand intérêt la structuration de la séquence « Éviter, réduire, compenser » ou séquence ERC. Elle attend avant tout qu'une véritable réflexion s'engage sur les méthodes contribuant à éviter, d'abord, les atteintes à la biodiversité.

Elle souhaiterait également une vraie réflexion sur l'application de la séquence ERC aux milieux aquatiques. En effet, d'une certaine façon, on pourrait rapprocher la séquence ERC des obligations que la France doit respecter dans le cadre de la directive-cadre sur l'eau, notamment les mesures destinées à améliorer l'état des masses d'eau à l'échelon national. Cette notion de « masse d'eau » a d'ailleurs été élargie par la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, laquelle a eu l'occasion de préciser qu'elle s'appliquait à tous les projets : désormais, aucun projet ne doit avoir pour effet néfaste de dégrader l'état de la masse d'eau. La CJCE est même allée jusqu'à considérer qu'aucun projet de nature à créer ce type de dégradations ne pouvait être lancé, sauf cas particulier justifié par un motif d'intérêt général.

Un certain nombre de réflexions doivent encore être menées autour des programmes de compensation écologique, en particulier sur le critère de proximité géographique.

Enfin, je profite de cette audition pour signaler que la FNPF vient de créer la Fondation F3P « Préservation Patrimoine Pêche », dont l'objet est de protéger les espaces des milieux aquatiques et des zones humides, de maintenir et de favoriser la biodiversité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le monde de la pêche espère vivement qu'il prendra toute sa place dans la mise en oeuvre de la séquence ERC.

Debut de section - Permalien
Jérôme Guillouët, responsable technique de la Fédération nationale de la pêche en France

En tant que responsable du pôle technique de la FNPF, je voudrais évoquer le travail qu'effectue notre réseau pour les milieux aquatiques. Comme le disait ma collègue, nos fédérations et nos associations réalisent des opérations de restauration et de protection des milieux aquatiques et des peuplements piscicoles, ce qui leur confère une vaste expertise technique et une très bonne connaissance du territoire dont elles ont la gestion.

À ce titre, les fédérations de la pêche recourent à ces mesures de compensation écologique et font très souvent figure d'opérateurs à part entière.

Je souhaite me faire l'écho d'un certain nombre de réactions provenant des fédérations départementales de la pêche sur la séquence ERC.

Tout d'abord, il semblerait que la première phase de la séquence, les mesures destinées à éviter les atteintes environnementales, est très souvent passée sous silence, soit parce qu'elle a effectivement été éludée, soit parce que nos structures n'ont pas été associées au programme à ce stade de la séquence.

Il semble que le constat soit identique pour la deuxième phase de la séquence, celle consistant à réduire les atteintes à la biodiversité : on observe que cette réduction est souvent circonscrite aux seules obligations réglementaires et que les fédérations ne sont pas très souvent impliquées.

En revanche, les fédérations de la pêche sont consultées au moment de la troisième phase, celle de la compensation, et uniquement à ce stade. Cela n'est pas sans poser de problèmes : non seulement c'est un peu tard mais cela crée très souvent des crispations en raison de la lourdeur des dossiers à traiter et de l'urgence imposée, d'autre part. C'est d'autant plus vrai que les structures n'ont en général qu'un chargé de mission ou deux, et donc des moyens limités.

Pour prolonger la réflexion, j'ajouterai que certaines fédérations se plaignent du fait que les compensations sont insuffisantes au regard des effets sur la biodiversité. Il existe même quelques cas assez complexes pour lesquels aucune compensation n'est réalisable : je pense notamment à des territoires comme les têtes de bassin ou à des projets qui affectent certaines espèces protégées exceptionnelles.

Il est assez fréquemment souligné aussi que la compensation se limite au strict périmètre du projet. Évaluer les effets d'un projet sur un cours d'eau ne peut se faire qu'en envisageant un continuum : quand on prévoit d'affecter un cours d'eau, on ne se contente pas de provoquer des effets sur la seule zone du projet. Il y a bien d'autres conséquences, en particulier en aval du cours d'eau.

Un autre point a été mis en avant, celui de l'équivalence fonctionnelle entre l'impact et la compensation : les organismes rencontrent des difficultés pour trouver des sites de compensation, problème accru par le manque de maîtrise foncière. En respectant le principe d'additionnalité écologique, les maîtres d'ouvrage se retrouvent assez vite à l'étroit et peinent à trouver des sites de compensation.

On observe d'ailleurs que les maîtres d'ouvrage comme l'administration ont une vision parfois trop stricte de la compensation des projets d'infrastructure en ne considérant que le linéaire ou la surface et en omettant de réfléchir en termes de fonctionnalité.

La compensation des atteintes à la biodiversité est souvent négligée au cours de la phase des travaux. Parfois, certaines mesures compensatoires sont mises en oeuvre avec beaucoup de retard, et ce pour diverses raisons. Pour certaines espèces particulièrement fragiles, le mal est fait.

Enfin, certaines mesures compensatoires sont engagées sans que le maître d'ouvrage n'ait de réelle certitude sur leur efficacité. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer, notamment le fait que l'écologie n'est pas une science exacte.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ce que vous venez de nous dire fait largement écho à des propos que nous avons déjà entendus, notamment la nécessité qu'il y aurait à ce que l'ensemble des acteurs soient bien associés en amont de la séquence ERC. Cette recommandation me semble faire l'objet d'un large consensus parmi les membres de la commission.

L'État essaie de travailler sur une base nationale de données, répondant ainsi au souhait exprimé par le Muséum national d'histoire naturelle de pouvoir disposer d'une vision plus claire de l'état de la biodiversité en France, et de pouvoir contribuer aux mesures de suivi des mesures compensatoires.

Voici donc ma première question : dès lors que vous avez vous-mêmes déjà mis en place des bases de données, êtes-vous favorables à l'élaboration de cette grande base nationale de données sur laquelle la séquence ERC s'appuiera ?

Ma seconde question, un peu provocatrice je le reconnais, porte sur votre statut : compte tenu de votre savoir-faire et de votre implication sur le terrain, ne vous considérez-vous pas de fait comme des opérateurs de la compensation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Monsieur Guillouët, vous nous avez dit que les fédérations de la pêche n'étaient pas associées du tout aux deux premières phases de la séquence ERC et que l'on ne vous sollicitait qu'au stade de la compensation. Pourriez-vous nous confirmer ce point ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Tout d'abord, je me réjouis d'entendre des personnes qui représentent le monde rural !

Je reconnais le professionnalisme des fédérations de la chasse et de la pêche. J'ai la chance d'avoir sur ma propre commune un étang qui appartient à la fédération de la pêche de mon département. Il est absolument passionnant de rencontrer les membres de cette fédération, car ils connaissent la nature au niveau de ma commune largement aussi bien que moi.

Je pense que les chasseurs sont aussi largement concernés par les séquences « éviter et réduire » que par la phase de compensation. Le traitement qu'on leur réserve est anormal : on n'associe ces professionnels - ce sont pourtant de vrais professionnels ! - qu'à la fin du processus en ne leur laissant que 60 ou 90 jours pour réaliser une étude. C'est impossible de travailler comme cela !

Les chasseurs et les pêcheurs sont pourtant de vrais et de bons protecteurs de la nature rurale. C'est pourquoi on devrait les associer beaucoup plus tôt aux projets. Ainsi, ils devraient être en mesure de manifester rapidement leur intérêt à agir ou, au contraire, pouvoir décliner toute implication, lorsque les projets ne les concernent pas.

Debut de section - Permalien
Jérôme Guillouët, responsable technique de la Fédération nationale de la pêche en France

Dans le cadre de leurs travaux, nos structures contribuent à alimenter le système d'information sur l'eau, dont vous avez certainement entendu parler. Elles le font parfois avec peine. C'est pourquoi nous cherchons actuellement à élaborer une base de données à l'échelon national, qui contribuerait à faire remonter ces informations plus facilement. Pour l'instant, les informations remontent au cas par cas, en fonction des études que nous commandent nos partenaires financiers ou les partenaires avec lesquels travaillent nos structures. Cela étant, il s'agit d'un problème bien identifié et nos fédérations fournissent tout de même un grand nombre de données.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

J'irai dans le sens de ce que vient de dire notre collègue André Trillard en soulignant que vous êtes des acteurs effectivement incontournables de la biodiversité. Pourriez-vous nous dire si vous travaillez en étroite collaboration avec le Commissariat général au développement durable, le CGDD, pour l'élaboration de cette base nationale de données ? Y êtes-vous associés ?

Debut de section - Permalien
Jérôme Guillouët, responsable technique de la Fédération nationale de la pêche en France

Ce n'est pas tout à fait ainsi que cela fonctionne dans les faits. À l'heure actuelle, il existe plusieurs bases nationales de données en matière environnementale. Il y a le système d'information sur la nature et les paysages (SINP), le système d'information sur l'eau (SIE), les atlas de la biodiversité communale.

L'ensemble des données est géré de telle sorte que tout le monde puisse avoir accès aux informations : si vous cherchez une donnée sur un poisson, votre requête doit vous permettre d'accéder à la bonne base de données, que ce soit celle du SIE ou celle de l'INPN - l'inventaire national du patrimoine naturel - du Muséum national d'histoire naturelle. Le système doit vous permettre de reconstituer une information complète.

Quand on dit que la FNPF souhaite élaborer une base nationale de données, c'est évidemment pour son usage propre, mais c'est également parce qu'elle souhaite participer à cet échange global d'informations sur la biodiversité, au même titre que les autres acteurs de l'environnement. À terme, si un poisson capturé par pêche électrique est répertorié par notre fédération dans le cadre d'un inventaire, on devrait pouvoir le retrouver dans la base de données de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA.

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Les fédérations de chasseurs participent aux échelons départemental et régional à la démarche engagée par le SINP, le système d'information sur la nature et les paysages.

Nous avons élaboré une base nationale de données, que l'on peut retrouver sur le site internet de la FNC, et qui reprend les actions référencées par les fédérations de chasseurs en matière de conservation de la biodiversité. Évidemment, cette base n'est pas exhaustive, parce que les chasseurs agissent au quotidien et qu'il est impossible de répertorier toutes les interventions au jour le jour.

Évidemment, nous comptons participer à la démarche engagée par la Direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie en collaborant à la mise en place de la grande base nationale de données lancée par la secrétaire d'État. Pour nous, il est intéressant d'expliquer ce que les usagers de la nature que nous sommes font sur le terrain.

La Fédération nationale des chasseurs souhaiterait évidemment pouvoir proposer plus qu'actuellement des offres de services en matière de compensation écologique. Il faut savoir que nous n'avons généralement pas connaissance des deux premiers axes de la séquence ERC et que nous ne sommes même pas consultés. À cet égard, on a l'impression que quelques bureaux d'étude et quelques conservatoires initiés, en lien avec les DREAL, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, détiennent un monopole. Les grands aménageurs communiquent, sensibilisent, mais il faut qu'ils aillent plus loin et qu'ils fassent travailler les gens sur le terrain. Or, là, il y a un problème : lors de la mise en oeuvre des mesures compensatoires, lors de l'attribution des fonds, on assiste à une sorte de course à l'échalote entre les réseaux naturalistes et les conservatoires, au milieu desquels nous essayons très péniblement d'émerger. Or nous arrivons souvent après la bataille, même si ce n'est pas le cas dans tous les départements.

Quand un programme de compensation écologique est lancé, un comité de liaison ou de pilotage est mis en place, mais nous n'y sommes pas associés dès le départ. On ne vient nous chercher que lorsqu'il y a des tensions sociales sur le terrain ou des problématiques difficiles à gérer. On nous demande même parfois toute une série d'informations et de données, et ce à titre gratuit. Dans de telles conditions, les programmes de compensation sont plus difficilement acceptés par les acteurs de terrain. Lors des grands colloques sur la compensation écologique, le monde de la chasse et de la pêche compte un représentant sur les deux cents intervenants.

Lorsque les usagers de la nature, qui sont sur le terrain et qui connaissent les infrastructures, ne sont pas associés dès le départ, lorsqu'ils prennent connaissance des sommes en jeu et qu'ils se rendent compte qu'un certain nombre de structures, qui ne sont pas sur les territoires, se les approprient, ils acceptent difficilement les mesures de compensation. Cela se répercute sur les élus locaux, sur la presse, ce qui ne facilite pas la mise en oeuvre de la politique du « éviter, réduire, compenser ».

À titre d'exemple, lorsqu'on demande, alors que mille hectares de territoires de chasse ont été détruits, qu'une enveloppe soit prévue pour aider à restaurer la pratique de la chasse, voire pour mettre en place des cultures faunistiques pour des espèces ordinaires, on nous rit au nez. Un certain nombre d'aménageurs nous disent qu'ils s'en tiennent à la liste du Conseil national de la protection de la nature, cette liste comprenant l'outarde canepetière, le lézard ocellé et le butor étoilé, mais non les espèces ordinaires comme le lapin et la perdrix. Ce qu'ils ne réalisent pas, c'est qu'en protégeant des espèces ordinaires et des valeurs d'usage, on protège mieux les espèces protégées. Cet argument, pour l'instant, fait sourire. Le problème, c'est que les gens ne comprennent pas qu'on consacre autant d'argent à la magicienne dentelée ou à des espèces ciblées par les directives. Certains programmes de compensation provoquent ainsi des broncas.

Il me semble donc qu'il ne serait pas inutile de réfléchir à une évolution législative sur ces sujets. L'objectif, évidemment, n'est pas de mettre en oeuvre des programmes de compensation de 500 millions d'euros.

Que faisons-nous pour les talus, pour les haies, pour les bandes de tournières détruites au bout d'une parcelle viticole ? Rien ! Or la nature ordinaire, ce sont tous les petits linéaires de notre espace agricole qu'on fait disparaître. Pour nos structures, c'est une lutte de faire reconnaître ces concepts.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Il est important que les ruraux soient représentés lorsque leurs territoires sont concernés. J'ai été choqué par ce que nous ont dit les juristes que nous avons auditionnés avant-hier, car aucun d'entre eux ne comprenait le fonds du sujet. Il faut parler à tous les citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je pense qu'il y a un consensus entre nous sur deux points. D'une part, il faut associer tous les acteurs très tôt, notamment lors de la séquence « éviter, réduire », et non pas uniquement lors de la partie « compenser ». D'autre part, la biodiversité banale est un enjeu majeur. On ne préservera pas les espèces remarquables sans protéger les écosystèmes.

Enfin, quelle est votre perception technique sur les continuités des rivières ou les continuités des grands écosystèmes de plaine ou de forêt ? Est-ce qu'on sait faire ou non ? Est-ce qu'on fait bien ou mal ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Quid des gardes du territoire rural ? Peut-on continuer de cumuler des représentants de la chasse et de la pêche, de l'Office national des forêts, de la politique agricole commune dans les situations de contrôle ? Pensez-vous que des regroupements intelligents d'administration sont possibles ?

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Malheureusement, dans les schémas régionaux de cohérence écologique, les SRCE, on se focalise encore beaucoup sur les ilots de biodiversité que sont les aires protégées. Dans un certain nombre d'endroits, on oublie la biodiversité banale. Ainsi, dans les régions méridionales, où 50 % ou 60 % du territoire est en trame écologique, les trois quarts de ces 50 % ou 60 % sont les actuelles aires protégées - réserves naturelles nationales, réserves nationales de chasse et de faune sauvage, sites Natura 2000.

Il faut bien se concentrer, dans les SRCE, sur la trame écologique entre les ilots de biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

La dimension « corridors et continuités » vous semble-t-elle encore trop faible dans les schémas ?

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Le problème est qu'il y a une confusion entre les espaces protégés et la trame écologique.

Dans certaines régions, les corridors sont non pas des corridors, mais d'énormes « patatoïdes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Dans quelle mesure la compensation peut-elle contribuer à la mise en oeuvre des différentes trames ?

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Il n'y a quasiment pas d'additionnalité. On constate malheureusement dans un certain nombre de régions le désengagement de la sphère publique et des services déconcentrés : on se sert de l'argent de la compensation écologique des grands aménageurs pour financer le réseau Natura 2000 et certains programmes de conservation de la biodiversité, ce que je peux comprendre compte tenu de la diminution des crédits. Cela pose la question de l'additionnalité.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

L'année dernière, alors que je défendais en séance un amendement visant à réduire la redevance pour pollution diffuse, la ministre m'a répondu qu'il ne fallait pas réduire le budget des agences de l'eau !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Avez-vous aujourd'hui une vision claire sur la qualité des mesures compensatoires, notamment des grandes infrastructures linéaires, et de leurs effets sur la faune ?

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Un réseau de 1 200 salariés compte des compétences techniques qui peuvent être mobilisées. Cela étant dit, un certain nombre de réseaux vivant de ces crédits sont réticents à faire participer les acteurs socio-économiques.

À titre d'exemple, il arrive que les crédits d'un programme de compensation écologique de plusieurs dizaines de millions d'euros soient répartis à 99 % entre trois opérateurs et que nous ne participions pas à ce programme. Nous y sommes sensibilisés, nous en sommes informés - très en retard -, mais nous ne sommes pas souvent partenaires du programme.

Or n'ayant pas d'argent, nous sommes en train de perdre les bénévoles sur le terrain, tous ces gens qui se sont investis durant des années pour mettre en place un point d'eau, des cultures faunistiques, des jachères fleuries, qui entretiennent les chemins de randonnée le dimanche, tous ces gens finissent par se décourager.

Debut de section - Permalien
Jérôme Guillouët, responsable technique de la Fédération nationale de la pêche en France

Pour ma part, je ne peux parler que de la continuité dans les milieux aquatiques.

Le Référentiel des obstacles à l'écoulement, qui est une base de données, recense 80 000 ouvrages sur 500 000 kilomètres de linéaire environ. Selon certaines études, on compte un ouvrage tous les kilomètres ou tous les trois kilomètres, en fonction des régions, des cours d'eau et de nombreux autres paramètres. Le milieu aquatique est donc fortement fragmenté, mais des efforts sont faits en matière de franchissement des poissons.

Les enjeux sont très différents en fonction des rivières, selon qu'il s'agisse d'une rivière à migrateurs ou d'une rivière de poissons non migrateurs. Il faut reconnaître que la biodiversité moins ordinaire sert à la biodiversité ordinaire, elle sert à faire avancer certains dossiers.

Nos fédérations sont très motivées par la continuité. Elles y travaillent beaucoup en tant que techniciennes, mais également en tant qu'animatrices. Elles travaillent à l'échelle d'un bassin versant et intègrent au sein d'un comité de pilotage tous les usagers, aussi bien les propriétaires de moulin que les élus, les financeurs et les administrations, afin d'obtenir un accord sur ce qu'il faut faire pour restaurer la continuité.

Certaines fonctionnalités, je l'ai dit tout à l'heure, ne sont pas compensables. Dans ce cas, nos structures négocient un peu de continuité contre un problème avec une espèce que l'on ne peut pas déplacer. On peut travailler dans le cadre d'un programme cohérent, mais également par opportunité, pour faire avancer les dossiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je répète ma question : que savons-nous faire ? Que ne savons-nous pas faire ? Vous avez parlé tout à l'heure des têtes de bassin.

J'ai compris qu'on sait rétablir des continuités même lorsqu'une grande infrastructure croise une rivière. Est-ce que c'est fait à chaque fois ?

Nous avons besoin d'éclairages techniques sur ces questions.

Debut de section - Permalien
Jérôme Guillouët, responsable technique de la Fédération nationale de la pêche en France

Chaque ouvrage a un impact sur les poissons et cet impact n'est jamais compensé à 100 %. Les passes à poissons ne fonctionnent pas à 100 %.

Le problème est que les effets non compensés s'additionnent tout le long d'un linéaire et constituent au final un obstacle assez fort.

Oui, on sait réduire l'impact des ouvrages, plus ou moins bien, avec plus ou moins de succès, certaines expériences ne fonctionnant pas. Pour certains ouvrages, la réduction est très faible. Ainsi, il n'est pas très satisfaisant de faire du transport de poissons, car on est là assez loin du fonctionnement naturel qui était escompté.

Il y a environ une trentaine de rivières à saumons en France. Si vous impactez une partie de la rivière, elle ne fonctionne plus du tout. Allez trouver une autre rivière pour retrouver la fonctionnalité globale ! C'est un exercice très difficile.

Debut de section - Permalien
Nadège Colombet, responsable juridique de la Fédération nationale de la pêche en France

En 2010, seules 4 % des infrastructures étaient équipées d'ouvrages de franchissement alors que c'est une obligation.

La partie « éviter » relève plus de la maxime kantienne pour l'instant que d'une mise en oeuvre que l'autorité administrative pourrait suivre.

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Globalement, la prise de conscience de l'impact des grandes infrastructures sur la biodiversité est assez exceptionnelle dans notre pays. Le nombre de pays qui, dans le monde, en sont à ce stade de prise de conscience et d'investissement de la sphère publique est assez réduit. Il ne faut donc pas s'autoflageller. Beaucoup d'argent est investi, beaucoup de progrès sont réalisés. C'est assez formidable si on compare la situation dans les pays en voie de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Allez voir ce qu'il se passe en Tanzanie s'agissant des corridors : nous sommes très loin d'être à leur niveau.

Debut de section - Permalien
Laurent Courbois, directeur de la fédération régionale des chasseurs du Languedoc-Roussillon et chargé de mission de la Fédération nationale des chasseurs

Je n'entrerai pas dans ce débat !

Pour répondre à la question que vous avez posée, monsieur le rapporteur, oui, nous savons faire, mais l'impact résiduel est important. Cela étant dit, et les chasseurs de France en sont conscients, la société a besoin de développer de grandes infrastructures.

Il faut toutefois être vigilant sur la biodiversité plus ordinaire. Quand on compense des espèces ombrelles, par exemple la perdrix rouge, qui mange des insectes, on est obligé de conserver les habitats desdits insectes.

L'obligation réelle environnementale et les sites naturels de compensation nous semblent aller dans le bon sens. Toutefois, l'obligation réelle environnementale ne doit pas servir, pour ceux qui confondraient exercice de la chasse et diminution de la biodiversité, à interdire la chasse. On sait bien que la régression d'un certain nombre d'espèces est due, dans 95 % des cas, à des questions liées à l'habitat, à l'agriculture, à la gestion hydraulique ou à l'utilisation de pesticides.

La Fédération nationale de pêche a une fondation, comme nous en avons une. Il me semble important que les terrains de ces fondations qui représentent les usagers de la nature puissent être éligibles aux sites naturels de compensation.

J'ai été administrateur d'un conservatoire d'espaces naturels pendant longtemps, et je le dis donc avec d'autant plus de facilité : les fondations d'utilité publique, dont les fonds sont inaliénables, devraient être rendues éligibles à ce type de dispositif.

Ce qui nous inquiète, c'est la décontextualisation de la compensation écologique. De gros opérateurs comme la CDC Biodiversité sont loin du terrain et du contexte social. Nous, nous cherchons l'appropriation de la nature. La marchandisation de la nature par de gros opérateurs nous inquiète. La nature doit être conservée dans toutes les communes rurales de France par les gens qui y vivent.