a tout d'abord souligné que le système de formation professionnelle, initiale et continue, apparaissait marqué par le corporatisme, les cloisonnements et la complexité, triple faiblesse dont résultent, d'une part, le fait que les financements ne bénéficient pas à ceux qui en ont le plus besoin, les salariés peu qualifiés et les entreprises petites et moyennes, d'autre part, l'absence d'une gouvernance capable d'assurer le lien et la cohérence entre les différents lieux de décision.
Sur cet arrière-plan peu propice à l'efficacité de la politique de formation professionnelle, deux défis sont à relever : passer d'une logique de dépense à une logique d'investissement ; désigner un pilote à chaque niveau d'élaboration et de mise en oeuvre de cette politique, l'Etat ayant la charge de garantir l'équité, la région celle d'assurer la cohérence territoriale des différents acteurs, le bassin de formation constituant le lieu privilégié de l'action.
Les principales propositions présentées dans le rapport s'inscrivent dans cette perspective. Il s'agit, en particulier, de :
- l'octroi d'une valeur prescriptive au plan régional de développement des formations professionnelles (PRDFP) ;
- la suppression du prélèvement obligatoire de 0,9 % destiné au plan de formation des entreprises, en contrepartie d'un véritable essor du droit individuel à la formation (DIF) rendu transférable d'un emploi à l'autre ;
- la création d'un compte d'épargne formation permettant de centrer sur la personne, au-delà des cases statutaires sur lesquelles le système est actuellement bâti, le financement de formations qualifiantes ;
- la rationalisation du système des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ;
- l'introduction du principe « une collecte, un collecteur, un contrat de formation en alternance », afin de simplifier l'accès des petites et moyennes entreprises à la formation professionnelle.
A titre liminaire, M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que six mois de travail intensif de la mission, au Sénat et sur le terrain, ont permis d'acquérir une vision précise du fonctionnement du système de formation professionnelle, de ses qualités, de ses défauts, des enjeux qui en résultent, des évolutions envisageables et des adaptations souhaitables.
Puis il a distingué cinq champs d'évaluation, autour desquels s'ordonne le rapport d'information : la capacité du système de formation professionnelle à répondre aux besoins de qualification, l'accès à la formation, l'appareil de formation, le financement et la gouvernance.
S'agissant de la capacité du système de formation professionnelle, initiale et continue, à répondre aux besoins de qualification, M. Bernard Seillier, rapporteur, a estimé que celui-ci n'était pas « formaté » pour bien répondre aux défis actuels :
- malgré la relance de l'alternance et de l'apprentissage, le système reste insuffisamment articulé sur les entreprises et leurs besoins. Ainsi, notre enseignement professionnel reste perçu comme une voie d'orientation par défaut pour ceux qui n'ont pas réussi dans la filière générale, et les jeunes qui s'y engagent ne le font pas forcément dans les filières qui leur assurent les meilleures opportunités de débouchés ;
- l'offre de certification professionnelle n'est pas en phase avec les besoins actuels : d'une part la spécialisation des titres et diplômes s'accorde mal avec les exigences de polyvalence requises par le marché du travail, d'autre part, l'éclatement des responsabilités entre sept ministères certificateurs entrave la lisibilité et la cohérence de l'offre de formation ;
- le manque d'articulation entre formation initiale et continue, qui constitue une spécificité forte dans notre pays, où l'on accorde un poids prépondérant au diplôme initial, conduit à des cloisonnements préjudiciables à une prise en charge efficace des 160 000 jeunes qui abandonnent chaque année le système scolaire sans diplôme ou qualification.
Face à ces constats, M. Bernard Seillier, rapporteur, a proposé plusieurs axes d'amélioration.
Tout d'abord, il faut passer d'une orientation subie à une orientation choisie, condition essentielle pour conduire chacun vers un parcours de réussite :
- en améliorant la connaissance concrète des métiers par les plus jeunes, en particulier en généralisant à tous les collégiens de 3e l'option « Découverte professionnelle » de trois heures mise en place à titre facultatif à la rentrée 2005 ;
- en professionnalisant les acteurs de l'orientation initiale, enseignants et conseillers d'orientation-psychologues, et en introduisant des stages obligatoires d'immersion en entreprise ou en milieu professionnel au cours de leur formation initiale et continue ;
- en informant mieux les élèves et les familles sur les débouchés des filières de formation, afin de les aider à élaborer un projet professionnel. A l'instar des universités, les collèges, lycées professionnels, centres de formation des apprentis (CFA) ou instituts universitaires de technologie (IUT) devraient suivre les parcours de leurs anciens élèves et collecter les résultats en termes d'insertion professionnelle de leurs diplômés.
Il a ensuite proposé de mieux coordonner les réponses apportées aux jeunes sans qualification : les jeunes repérés en difficulté de lecture aux journées d'appel de préparation à la défense (JAPD) devraient être systématiquement orientés vers les missions locales, comme l'expérimentent actuellement trois régions, et les autorités académiques devraient mettre en place des indicateurs et des outils communs de suivi des abandons de scolarité et des sorties sans diplôme pour mieux organiser leur prise en charge, dans le cadre d'une mise en réseau des acteurs de l'insertion.
Par ailleurs, il a souligné les avantages de « l'entreprise formatrice » mis en avant au cours des travaux de la mission et a proposé dans ce sens :
- une simplification des outils, par regroupement du contrat d'apprentissage et du contrat de professionnalisation au sein d'un cadre unifié de « contrat d'insertion en alternance » qui favoriserait l'optimisation des capacités d'accueil en entreprise et en centre de formation ;
- l'introduction d'une plus forte « dose » d'alternance sous statut scolaire dans les cursus en lycée professionnel, notamment au niveau du BTS, et l'institution d'un « statut du lycéen professionnel » incluant une rémunération des stages réalisés. Cette dernière proposition vise à restaurer l'attractivité de l'enseignement professionnel et à rééquilibrer sa position au regard de l'apprentissage, en répondant à la fois au souhait des entreprises de renforcer la « professionnalisation » des jeunes, et aux besoins de ces derniers d'accéder à une certaine forme d'autonomie dans le cadre de parcours plus itératifs ;
- l'amélioration du dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE), qui permet d'offrir une « deuxième chance » après avoir fait ses preuves dans l'activité professionnelle, en particulier par l'accompagnement des personnes les plus fragiles tout au long de cette démarche.
Enfin, M. Bernard Seillier, rapporteur, a souhaité une meilleure « imbrication » du système éducatif et du monde professionnel par :
- le développement de l'apprentissage, de la validation des acquis de l'expérience et de la formation continue des adultes au sein des lycées professionnels et des établissements universitaires, ce qui permettrait de favoriser les passerelles et de valoriser les ressources, locaux et équipements, pour lesquels les régions ont consenti des investissements importants ;
- la représentation des acteurs économiques au sein des conseils d'administration des lycées professionnels et des universités, et une meilleure adaptation, lisibilité et cohérence globale de l'offre de diplômes et des certifications professionnels, en mettant en place une véritable gestion paritaire de la création et de la révision des titres.
Abordant alors la question de l'accès à la formation, M. Bernard Seillier, rapporteur, a rappelé que l'une des critiques la plus souvent formulée au cours des auditions de la mission a porté sur la difficulté d'accès des personnes et des entreprises à la formation.
En ce qui concerne les salariés, cette difficulté résulte de multiples causes, au premier rang desquelles se trouve la dynamique interne d'un système fondé sur une obligation de payer, et non sur une obligation de former : dès lors que l'entreprise est soumise à une obligation de nature essentiellement financière, l'incitation à former l'ensemble des salariés est faible et la formation va aux mieux formés.
a illustré son propos par quelques chiffres :
- le taux d'accès global à la formation professionnelle continue est passé entre 1974 et 2005 de 18 % à 42 % pour les salariés des entreprises à partir de dix salariés. Les salariés sans diplôme n'ont cependant qu'un taux d'accès de 13,6 %, contre 44,3 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur ;
- en ce qui concerne l'égalité hommes-femmes, si le taux d'accès s'établit à 35,6 % pour les hommes, contre 36 % pour les femmes, de nombreuses inégalités persistent sous ces moyennes ;
- les inégalités d'accès selon les catégories socioprofessionnelles sont moins accentuées dans les grandes entreprises que dans les plus petites, où la formation se concentre sur l'encadrement et la maîtrise, et le taux global de départ en formation dans les très petites entreprises (TPE) est de 12 %, contre 22 % dans les PME de dix à cinquante salariés, contre plus de 40 % pour l'ensemble des entreprises.
En ce qui concerne les chômeurs, M. Bernard Seillier, rapporteur, a précisé que les demandeurs d'emploi non qualifiés sont seulement 16 % à émettre un souhait de formation pendant l'entretien avec un conseiller, contre 24 % pour les plus diplômés.
Il a rappelé à cet égard que le dispositif dédié aux chômeurs, comparable à un parcours d'obstacles, met en jeu trois acteurs principaux : la région, l'Etat et l'assurance chômage, et mobilise une palette très diversifiée d'organismes - en particulier l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) - et d'instruments. En fin de compte le système, censé répondre à un éventail de situations et de besoins divers, aboutit à une addition de « tuyaux d'orgue », où les personnes ont le plus grand mal à se diriger.
La solution de ces difficultés passe par l'installation de la personne au centre du système de formation professionnelle. M. Bernard Seillier, rapporteur, a noté que le mouvement a été lancé, pour les salariés, par l'accord national interprofessionnel de décembre 2003 et par la loi de 2004, avec la création du droit individuel à la formation, le DIF, qui donne aux salariés en CDI le droit de recevoir une formation de vingt heures chaque année.
Cet outil a été expressément construit afin de favoriser l'accès à la formation des salariés qui en sont le plus éloignés. Il constitue en même temps un vecteur très intéressant du dialogue social dans l'entreprise, dans la mesure où sa mise en oeuvre résulte d'un accord entre le salarié et le chef d'entreprise ou son représentant.
En conséquence, M. Bernard Seillier, rapporteur, a préconisé la transférabilité totale du DIF d'un emploi salarié à l'autre, selon des modalités tenant compte de la nécessité de maîtriser les implications financières de cette opération.
En ce qui concerne l'ensemble des actifs, M. Bernard Seillier, rapporteur, a recommandé la mise en place d'un compte d'épargne formation permettant de mettre à la disposition de l'individu en tant que tel, c'est-à-dire au-delà des statuts sous lesquels il est successivement placé au cours de sa vie active, un compte utilisable pour acquérir une qualification utile à son employabilité.
Par ailleurs, en ce qui concerne les entreprises, spécialement les PME et TPE, qui n'ont pas les moyens humains de maîtriser le fonctionnement du système de formation continue, il a souhaité une rationalisation du système des OPCA dans la perspective d'une obligation imposée à ces organismes de développer l'ensemble des services d'aide à la mise en place et à la mise en oeuvre de politiques de formation efficaces.
Abordant ensuite le dossier de l'appareil de formation, M. Bernard Seillier, rapporteur, a dressé le panorama d'une offre de formation professionnelle diverse et hétéroclite.
Le secteur public qui représente globalement un cinquième du marché de la formation continue, s'est en partie restructuré. L'AFPA, qui est le principal organisme du secteur public, illustre cet effort de restructuration essentiellement conduit en vue de la formation des publics fragiles dans le contexte du transfert aux régions, avant le 31 décembre 2008, des financements de cette association. Dans l'enseignement supérieur, la formation continue reste un univers à conquérir, puisque les universités ne représentent que 4 % des parts de marché et ne sont pas suffisamment organisées pour mobiliser les financements, pourtant abondants, de la formation continue.
En ce qui concerne les autres réseaux de formation professionnelle, M. Bernard Seillier, rapporteur, a pointé le foisonnement des organismes de formation privés soumis à un simple régime déclaratif. Sur les quelque 45 000 organismes déclarés, seuls quelques milliers sont réellement actifs. Pour limiter l'inflation de ces organismes, la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a renforcé le « filtrage » en obligeant notamment les formateurs à justifier de leurs titres et de leurs qualités.
a jugé nécessaire d'instituer des garanties de la solidité financière des organismes sous la forme d'un dépôt obligatoire lors de la déclaration.
Par ailleurs, s'interrogeant sur l'efficacité des dépenses de formation des fonctionnaires, il a constaté que la préparation des concours internes représente une part importante des budgets de formation, soit 30 % environ des actions de formation du Centre national de la fonction publique territoriale en 2005, et a préconisé une réflexion sur le redéploiement de ces dépenses.
Enfin, il a précisé que l'un des dysfonctionnements majeurs de la formation se manifeste dans le domaine des services à la personne : selon le Conseil économique et social, les filières de formation demeurent pratiquement inexistantes dans ce secteur, pourtant extrêmement dynamique en termes de création d'emplois.
S'agissant des réponses à ces dysfonctionnements, M. Bernard Seillier, rapporteur, a privilégié l'évaluation, avec la mutualisation des moyens existants au sein d'une autorité indépendante chargée d'évaluer l'ensemble du système.
Il a aussi proposé de favoriser l'effet d'entraînement des pratiques exemplaires en les faisant mieux connaître, et préconisé la mise en place de cadres juridiques dérogatoires pour ces expériences.
Il a aussi développé l'idée d'une généralisation des écoles de la deuxième chance, rappelant que cette initiative européenne, relayée par les collectivités territoriales donne d'excellents résultats.
Puis il a estimé que le « campus Véolia » et la mobilisation des partenariats pour une formation de qualité à des métiers « en tension » présente l'exemple d'une autre démarche pragmatique et féconde, en soulignant la réussite de cette initiative qui cumule les vertus de la pédagogie active, de l'accueil des stagiaires dans des conditions matérielles exemplaires, et du partenariat entre l'entreprise, l'éducation nationale, les collectivités territoriales et le milieu consulaire.
Par ailleurs, il a relevé qu'une des grandes lacunes de la formation professionnelle est liée aux faiblesses en ingénierie des organismes de formation et à l'atomisation de l'appareil de formation.
Il a considéré qu'il faudrait renforcer dans l'ensemble du système l'ingénierie et la recherche, qui reposent trop exclusivement sur les organismes publics. La capacité des organismes privés de formation à faire de la recherche et à développer l'ingénierie de la formation pourrait ainsi être un des critères de leur évaluation par l'autorité indépendante susmentionnée.
En ce qui concerne le financement de la formation professionnelle, M. Bernard Seillier, rapporteur, a tout d'abord rappelé quelques chiffres : la formation professionnelle continue et l'apprentissage drainent annuellement 24 milliards d'euros. Hors sphère publique, l'effort est de 17 milliards d'euros, dont près de 10 milliards à la charge des entreprises pour leurs salariés, un peu moins de 4 milliards d'euros en direction des chômeurs et presque autant en faveur de l'apprentissage.
Il a aussi indiqué que la réforme de l'apprentissage de 2005 s'était traduite par des prélèvements accrus et théoriquement mieux ciblés sur l'apprentissage. Cependant, le circuit de la taxe est particulièrement complexe, car il est désormais partiellement dérivé vers des régions largement responsabilisées dans l'allocation des ressources de l'apprentissage. Au terme de la décentralisation de la formation professionnelle, l'Etat privilégie le levier fiscal et social.
Pour les demandeurs d'emploi, la principale question posée est celle de l'efficacité de la dépense. En effet, le financement de la formation des salariés est assuré par l'obligation légale, fixée à 1,6 % de la masse salariale. La plus grande partie de cette obligation, soit 0,9 % de la masse salariale, sert à financer le plan de formation de l'entreprise ; le solde est destiné, pour plus des deux tiers, à la professionnalisation et le reste, au congé individuel de formation. Plus de 5 milliards d'euros sont ainsi collectés à des fins de mutualisation et accessoirement de conseil aux entreprises, par quatre-vingt-dix-huit organismes paritaires collecteurs publics agréés (OPCA). Les OPCA sont spécialisés, à des degrés divers, par branche, par instrument ou par région.
Afin de simplifier les opérations des entreprises, M. Bernard Seillier, rapporteur, a proposé qu'elles aient la possibilité de choisir librement un seul collecteur délégataire pour la collecte de l'obligation légale et de la taxe d'apprentissage.
En outre, afin de permettre à chaque OPCA de proposer aux entreprises les services qu'elles sont en droit d'attendre, à commencer par une présence à l'échelon local, il a défendu l'idée d'un mouvement de concentration des quatre-vingt-dix-huit OPCA, en relevant de 15 millions à 50 millions d'euros le plancher de collecte nécessaire à l'obtention de l'agrément.
Rappelant que 1,5 % de la collecte des OPCA sert à financer le paritarisme dans le cadre juridique actuel, il a proposé de distinguer à cet égard :
- ce qui relève directement de la participation des partenaires sociaux à la gestion de la formation professionnelle : il s'agit des rémunérations versées aux organisations professionnelles membres des OPCA, que l'on pourrait rehausser de 0,75 % à 1 % dans le contexte d'un meilleur service aux entreprises ;
- et ce qui ne relève pas directement de la participation à la gestion de la formation professionnelle : il s'agit du « 0,75 % » versé au fonds national de gestion paritaire de la formation professionnelle continue (FONGEFOR), que l'on devrait remplacer par une subvention de l'Etat aux syndicats au titre du fonctionnement de la démocratie.
Sur l'obligation légale pour le plan de formation, le « 0,9 % », il a estimé que cette cotisation obéissait au principe dit du « former ou payer », déresponsabilisant pour l'entreprise, tandis que la mutualisation opérée par les OPCA s'avérait théorique : les entreprises, à l'exception des plus modestes, disposent en pratique d'un « droit de tirage » auprès des OPCA, à hauteur de leur contribution. Par ailleurs, en plus de trente ans de pratique de l'obligation légale, les entreprises ont bel et bien intégré la nécessité de la formation professionnelle, puisqu'elles y consacrent aujourd'hui, en moyenne, près du double du montant requis.
a donc préconisé de supprimer l'obligation légale pour le plan de formation.
Il a proposé, en lieu et place de ce mécanisme, de miser sur l'obligation de former chaque salarié au travers du DIF. Un DIF transférable via un compte d'épargne formation individualisé consoliderait la portée de cet outil conçu en 2003 par les partenaires sociaux pour être la clé d'accès à la formation des salariés qui en sont le plus éloignés.
Il a aussi proposé, afin de favoriser une responsabilisation accrue des salariés, d'instaurer un « ticket modérateur », éventuellement financé par les comptes d'épargne formation, pour leur accès à la formation.
Enfin, il a suggéré que l'Etat préserve les « trésoreries dormantes » du Fonds unique de péréquation (FUP) en augmentant la capacité d'action, et donc les ressources du FUP, de 5 % à 10 % de la part de la collecte des OPCA « professionnalisation » qui lui est réaffectée.
En dernier lieu, sur le problème crucial de la gouvernance du système, M. Bernard Seillier, rapporteur, a rappelé que, sous le régime de la loi « fondatrice » de 1971, la gouvernance de la politique de formation professionnelle continue était assurée par l'Etat et les partenaires sociaux à travers la négociation collective et la gestion paritaire, et que la décentralisation engagée à partir de la loi du 7 janvier 1983 a ensuite fait émerger un nouvel acteur, la région. Ceci ne s'est pas traduit par l'émergence d'une gouvernance cohérente du système, faute d'une réelle coordination des interventions entre les acteurs traditionnels et les régions.
Il a souligné qu'après quelque vingt-cinq ans de décentralisation, on peut estimer, à l'instar du président Jacques Delors, initiateur de la loi de 1971, qu'« il n'y a plus de pilote dans l'avion ».
En effet, l'organisation issue des réformes successives de la régionalisation laisse apparaître des chevauchements et des rigidités préjudiciables :
- vis-à-vis de l'Etat, les régions sont confrontées, en amont, à la « citadelle » de l'éducation nationale, alors même qu'elles ont acquis des responsabilités croissantes dans le champ de l'enseignement, notamment pour la construction, l'équipement, l'accueil, l'entretien des lycées. En aval, les régions doivent tenir compte du fait que l'Etat dispose d'une compétence générale en matière de politique de l'emploi et du service public de l'emploi. Enfin, dans le champ même de la formation professionnelle, l'Etat a conservé des compétences résiduelles, mais non négligeables, par exemple vis-à-vis des personnes handicapées ou illettrées. En outre, l'Etat exerce des compétences partagées : en faveur des jeunes (pour promouvoir l'apprentissage notamment), ou des demandeurs d'emploi (par l'intermédiaire du fonds national pour l'emploi et de l'AFPA). Ceci conduit à des interférences avec la sphère régionale ;
- d'un autre côté, les régions doivent réaliser avec les partenaires sociaux la difficile conciliation entre logiques territoriales et logiques de branche, sans qu'il existe à l'heure actuelle une réelle structuration du dialogue social au niveau régional. Or, la logique de branche comporte des limites et des rigidités, face à la nécessité de développer les aspects transversaux de la formation dans le contexte de la sécurisation des parcours professionnels.
Cet ensemble de constats a conduit M. Bernard Seillier, rapporteur, à distinguer trois niveaux distincts et complémentaires de la gouvernance : l'Etat, la région et le bassin d'emploi.
Il a estimé qu'à l'Etat appartient la garantie de l'équité. L'Etat doit être garant de l'équité au plan national, en lançant et en animant le débat nécessaire sur les objectifs et les priorités de la politique de formation professionnelle, en mobilisant les instruments normatifs et de contrôle qu'il détient, en contractualisant des objectifs et des moyens avec les régions.
Pour assurer l'exécution de cette mission, il a proposé la désignation d'un secrétaire d'Etat ou d'un haut commissaire placé sous l'autorité du Premier ministre ou, le cas échéant, la désignation d'un ministère chef de file en matière de formation professionnelle, qui devrait être alors le ministère de l'éducation nationale.
Il a aussi suggéré de tirer au plan parlementaire les conséquences de cette mise en ordre en confiant à la commission permanente chargée de l'éducation dans chaque assemblée la compétence sur l'ensemble des formations, initiale ou continue, scolaire, universitaire ou professionnelle.
Ensuite, il a considéré qu'aux régions appartient la mise en cohérence des politiques de formation professionnelle et de leurs acteurs. A cette fin, il a proposé de faire du plan régional de développement des formations professionnelles (PRDFP) l'instrument de la stratégie globale de formation au plan régional en associant à son élaboration l'ensemble des parties concernées.
Il a suggéré de modifier la loi afin de donner au PRDFP une valeur prescriptive, de telle sorte que ses signataires, notamment l'éducation nationale et le monde économique, soient engagés par leur signature, en précisant que seuls les signataires seront engagés et qu'il appartiendra aux régions d'obtenir l'accord de tous en faisant oeuvre de compromis et de conviction.
Enfin, il a recommandé qu'au niveau des bassins d'emploi, soit assurée la coordination opérationnelle de l'action et, à cette fin, de mettre en place des conseils locaux de la formation.
Il a conclu en exprimant sa conviction que rien ne pourra se faire sans une mobilisation forte de tous les acteurs locaux sur une approche territoriale, et non pas verticale.
Un large débat s'est ensuite engagé.
Après avoir félicité le rapporteur pour la qualité de son exposé, Mme Christiane Demontès, rapporteur adjoint, a souhaité que l'ensemble des membres de la mission disposent de l'intégralité du rapport et, notamment, de la synthèse des propositions de la mission. Concernant le fond du rapport, elle a souligné, tout d'abord, la responsabilité première de l'éducation nationale à l'égard des jeunes quittant le système éducatif sans qualification et en situation d'échec, estimant que les dispositifs tels que les écoles de la deuxième chance ne faisaient que pallier cette défaillance.
Relevant, ensuite, le problème majeur de l'orientation, elle a insisté pour que les conseillers d'orientation soient non seulement des psychologues, mais également des professionnels des métiers. Si elle a reconnu que la région représentait un échelon pertinent de coordination, elle a néanmoins exprimé des réserves à l'égard d'une proposition de « régionalisation » des services d'orientation.
Après avoir rappelé les trois objectifs de la formation continue, à savoir l'adaptation des salariés aux nouveaux modes de production, la « remédiation » des jeunes sans qualification et l'élévation des compétences des salariés ou demandeurs d'emploi, elle a insisté sur le rôle de mutualisation que doivent assurer les OPCA, notamment au service des très petites entreprises. Elle a jugé nécessaire, par ailleurs, d'aboutir à une clarification de la situation des OPCA.
En outre, Mme Christiane Demontès, rapporteur adjoint, a considéré qu'il fallait se montrer plus exigeant sur l'agrément des organismes de formation, afin de favoriser la professionnalisation des acteurs. En ce qui concerne l'influence sectaire, elle a mis en cause les stages de nature exclusivement comportementale.
Elle a aussi mis en garde contre la tentation de créer de nouveaux dispositifs, estimant qu'il serait opportun, afin d'améliorer l'articulation entre les politiques des branches et celles des territoires, de réactiver les contrats d'études prospectives, mis en place au niveau national par certaines branches pour analyser l'évolution de leurs besoins de qualification, et parfois déclinés au niveau régional.
S'agissant enfin du secteur des services à la personne, elle a regretté que les rigidités dans le pilotage de ces formations par les directions régionales de l'action sociale aillent à l'encontre des besoins massifs de recrutement.
après avoir félicité le président et le rapporteur pour l'ampleur du travail accompli, a partagé le constat selon lequel « il n'y a pas de pilote dans l'avion ». Il a considéré que l'obligation légale de financement conduisait à déresponsabiliser les entreprises en matière de formation professionnelle, de la même façon que le système des cotisations versées à l'association nationale pour la gestion du fonds d'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) pour l'emploi de personnels handicapés. Il a ensuite souligné la nécessité, d'une part de renforcer le suivi de l'efficacité des formations délivrées, d'autre part, d'intensifier l'effort de formation dans les secteurs porteurs, tels que celui des services aux personnes. S'il a souscrit à la proposition du rapporteur visant à développer les écoles de la deuxième chance, il a partagé, néanmoins, le souhait de Mme Christiane Demontès de ne pas exonérer l'éducation nationale de sa responsabilité en matière de qualification des jeunes. Il a émis des réserves sur la proposition tendant à faire du ministère de l'éducation nationale le pilote du système de formation professionnelle, initiale et continue, exprimant sa préférence pour l'hypothèse tendant à confier cette responsabilité à un haut commissaire placé auprès du Gouvernement. Enfin, il s'est déclaré favorable au renforcement du rôle du conservatoire national des arts et métiers (CNAM) en matière d'ingénierie de formation.
s'agissant de la coordination de la politique de l'Etat en matière de formation professionnelle, a précisé que le choix du ministre de l'éducation nationale comme chef de file pouvait tout d'abord se justifier par le fait que la formation continue demeure très dépendante de la formation initiale. Il a ensuite estimé que l'éducation nationale ne mérite pas d'être stigmatisée de façon excessive, tout en rappelant le rôle, et parfois les défaillances, des familles, notamment dans le domaine de l'orientation des élèves. Enfin, il a indiqué que l'apprentissage ne peut continuer à être développé que si l'éducation nationale s'investit très fortement dans ce domaine.
s'est associée à l'idée selon laquelle on ne peut pas exonérer l'éducation nationale de sa responsabilité dans les défaillances de la formation initiale, tout en se demandant si ce ministère était en mesure de faire face à la multiplication de ses tâches et de ses responsabilités. Compte tenu de la complexité de l'appareil de formation professionnelle, elle s'est dite encline à apporter son soutien aux organismes publics, dont le rôle est essentiel pour préserver l'équilibre territorial des formations et dans la lutte contre les inégalités.
A propos d'une éventuelle généralisation des écoles de la deuxième chance, Mme Annie David s'est inquiétée des risques de disparité dans leur implantation au cas où les décisions relèveraient uniquement des régions.
a indiqué que la mission tenait à réaffirmer le rôle majeur de l'Etat en matière de correction des inégalités et a rappelé l'existence de mécanismes de solidarité entre les régions.
a souligné la persistance des inégalités de formation et l'ampleur des budgets alloués à la formation, avant de s'interroger sur le contrôle de ces derniers.
Elle a souhaité que l'emploi soit clairement placé au premier rang des priorités de la formation professionnelle et préconisé, à cet égard, une meilleure coordination entre l'ANPE et l'appareil de formation. Elle s'est ensuite inquiétée des modalités de contrôle du foisonnement des organismes de formation avant de formuler le souhait que le rapport de la mission d'information ne soit pas « enterré ».
a insisté sur les difficultés des jeunes à trouver une entreprise ou une association pour pouvoir effectuer des stages et sur la nécessité d'y apporter des solutions. Il a indiqué que certaines dotations départementales pourraient être mobilisées de façon plus systématique pour indemniser les employeurs.
a indiqué que, de façon générale, le rapport préconise de sortir de l'alternative entre « former et payer » qui caractérise le système actuel et comporte de façon plus spécifique un certain nombre de mesures incitatives. Il a fait observer qu'en Allemagne, la mission d'information avait également pu constater la difficulté de trouver des entreprises formatrices en nombre suffisant.
a souligné l'importance du thème du décloisonnement de la formation qui imprègne les travaux de la mission d'information en rappelant, en particulier, que l'application de la logique de branche conduit à ne pas financer un certain nombre de stages.
s'est inquiétée du sort des jeunes qui souhaitent trouver très concrètement des informations pour s'orienter vers des formations professionnelles et des organismes adéquats.
après avoir estimé que le rapport de la mission commune doit faire date, a déploré le coût encore trop élevé des emplois en alternance pour les petites communes, de l'ordre de 850 euros par mois.
a tenu à souligner son intérêt particulier pour trois sujets abordés par le rapport : la promotion de la VAE, particulièrement souhaitable, pour retenir un exemple éprouvé dans le cadre de son expérience communale, dans le domaine de la petite enfance ; l'exemplarité du campus « Véolia », dont il convient d'encourager la diffusion du modèle auprès d'autres entreprises ; enfin, l'intérêt des « écoles de la deuxième chance », à la mise en place desquelles les communes doivent être incitées.
Puis M. Bernard Sellier, rapporteur, a procédé à l'inventaire des propositions de la mission commune et accepté, sur la suggestion des commissaires, trois modifications : préconiser l'ouverture de la VAE non seulement aux élus locaux, mais encore aux personnes engagées dans la vie publique et associative ; encourager et développer (et non plus « systématiser ») au profit des TPE et PME un service de remplacement des salariés partis en formation ; enfin, concernant les moyens de parvenir à un renforcement de la coordination de la politique de l'Etat, la mission a voulu marquer sa préférence pour l'instauration d'un secrétaire d'Etat ou d'un haut commissaire chargé de coordonner l'action des administrations compétentes en matière de formation professionnelle initiale et continue, la désignation du ministre de l'éducation nationale comme chef de file constituant une possibilité de repli.
a alors évoqué les difficultés que rencontraient parfois certaines entreprises pour la mise en place de contrats en alternance, et évoqué la piste d'un financement accru des formations par les intéressés, citant l'exemple des Grands Moulins de Paris. En réponse, M. Jean Claude Carle, président, et M. Bernard Sellier, rapporteur, lui ont indiqué que le mouvement de décloisonnement général, une concurrence accrue entre les OPCA et l'éventuelle instauration d'un « ticket modérateur » sont de nature à atténuer ce type de difficulté, Mme Sylvie Desmarescaux exprimant alors sa réserve personnelle sur l'instauration d'un ticket modérateur.
a ensuite évoqué le coût du recrutement d'un apprenti dans les exploitations agricoles. M. Jean Claude Carle, président, et M. Bernard Sellier, rapporteur, lui ont précisé que, d'une façon générale, la généralisation du droit individuel à la formation était susceptible d'apporter une réponse aux demandes de formation et que, concernant l'apprentissage, la réforme de son financement s'avérait globalement favorable aux entreprises qui recrutent des apprentis, au travers, notamment, d'un crédit d'impôt de 1 600 euros annuels.
A l'issue de ce débat, Mme Christiane Demontès, rapporteur-adjoint, s'abstenant et Mme Annie David émettant un vote défavorable, la mission a adopté le rapport et décidé d'autoriser sa publication avec ses annexes.