Mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui pour entendre deux communications de nos collègues Alain Milon et Pascal Allizard, respectivement chefs de file des délégations sénatoriales qui siègent dans deux assemblées parlementaires européennes, celle du Conseil de l'Europe et celle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Je me félicite de ces rendez-vous réguliers organisés devant notre commission, car ils nous offrent une ouverture sur une vision continentale de l'Europe, au-delà des frontières de l'Union européenne, vision particulièrement précieuse depuis un an que la guerre sévit en Ukraine, aux portes de l'Union. En siégeant dans ces assemblées, chers collègues -et je salue ici la présence parmi nous des sénateurs membres de ces délégations sans appartenir à notre commission-, vous avez le privilège de contribuer à entretenir un dialogue avec les parlementaires des États qui sont au coeur des conflits qui agitent notre continent et vous oeuvrez ainsi à construire la paix sur le temps long.
Je sais qu'Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales, vit une semaine particulièrement intense en raison de l'examen du projet de loi sur la réforme des retraites et je lui sais gré d'être parmi nous aujourd'hui. Je lui cède sans attendre la parole pour nous rendre compte de la première partie de session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui s'est tenue fin janvier 2023.
Monsieur le président, mes chers collègues, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui pour évoquer les travaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe lors de sa première partie de session 2023, qui s'est tenue du 23 au 27 janvier dernier.
S'agissant de la délégation française, peu de changements sont intervenus dès lors que la délégation avait été renouvelée à l'automne. Je signale néanmoins que Didier Marie a été désigné par son groupe politique membre de la commission de suivi, où il rejoint nos collègues Claude Kern et Bernard Fournier.
La partie de session a notamment été marquée par l'intervention de la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, qui a appelé les États membres à réaffirmer leur fidélité aux valeurs du Conseil de l'Europe, lors du Sommet des chefs d'État et de gouvernement qui se tiendra à Reykjavik au mois de mai prochain. La guerre en Ukraine a été au coeur de son intervention et elle a été très vivement interpellée par plusieurs membres de l'Assemblée sur la livraison de chars allemands à l'Ukraine, qui n'était alors pas confirmée, mais aussi, de manière plus originale dans l'ambiance du moment, par un collègue grec sur la livraison d'armes allemandes à la Turquie... Elle a fait montre, tout au long de son intervention et de ses réponses, d'une grande habileté politique.
La Première ministre islandaise, Katrín Jakobsdóttir, est également intervenue lors de cette partie de session, qui prenait place sous présidence islandaise du Comité des ministres. Elle a naturellement évoqué le Sommet de Reykjavik, réclamé par l'APCE depuis plusieurs mois, mais qui restera un exercice exclusivement gouvernemental, en dépit des nombreux débats que nous avons pu avoir et de la tenue d'une réunion en format « commission permanente », en parallèle du Sommet des chefs d'État et de gouvernement. Nos collègues Bernard Fournier et André Gattolin ont pu l'interroger, notamment sur la ratification par les États membres des conventions initiées par le Conseil de l'Europe. La Première ministre islandaise a évoqué la possibilité de prendre une initiative sur ce sujet.
La question du point de sortie du Sommet de Reykjavik est un enjeu majeur pour l'avenir et les perspectives du Conseil de l'Europe. On sait que l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme est espérée par certains comme une marque symbolique importante. La ministre allemande l'a d'ailleurs appelée de ses voeux dans son discours. Mais cette adhésion soulève de réelles difficultés concernant la politique étrangère et de sécurité commune, comme votre commission l'a souligné à plusieurs reprises.
Je veux également évoquer un moment d'émotion, qui rejoint le thème que vous aborderez demain au travers de la proposition de résolution européenne présentée par André Gattolin sur les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Ce moment, c'est l'intervention de la lauréate du Prix Nobel de la Paix, Oleksandra Matviichuk, directrice du Centre pour les libertés civiles, qui a mentionné la documentation de 31 000 crimes de guerre en dix mois et a appelé à briser le « cercle d'impunité » dont a bénéficié la Fédération de Russie jusqu'à présent dans le cadre d'autres conflits.
La question de la création d'un tribunal spécial international pour juger des crimes commis en Ukraine a été abordée dans le cadre d'un débat d'urgence, sur la base d'un important travail effectué par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme.
L'APCE a appelé à la création d'un tribunal pénal international spécial à La Haye pour juger les dirigeants politiques et militaires russes et biélorusses qui ont « planifié, préparé, initié ou exécuté » la guerre d'agression contre l'Ukraine.
D'autres tensions traversant le continent ont été évoquées lors de cette partie de session, en particulier lors de débats sur les conséquences humanitaires du blocus du corridor de Latchine et sur les tensions entre Pristina et Belgrade, qui ne se sont pas améliorées depuis. La délégation française a eu des échanges directs avec la délégation arménienne, lors d'un dîner entre les délégations. Elle a également reçu le Président de l'Assemblée nationale du Kosovo. Il a évidemment plaidé la cause de la reconnaissance de cet État, qui aspire à intégrer pleinement le Conseil de l'Europe, ce qui ne va pas sans soulever des difficultés et des réserves de la part de plusieurs États membres.
Plusieurs débats thématiques de fond ont eu lieu. Je ne les citerai pas tous pour ne pas être trop long, mais je voudrais en évoquer certains qui me paraissent importants ou novateurs dans leur approche.
Certains débats ont tourné autour de la garantie du respect des droits de l'Homme en cas de conflit, avec des analyses sur les violences sexuelles liées au conflit, qui sont malheureusement une tragique réalité, sur l'impact environnemental des conflits armés et, surtout, sur l'émergence des systèmes d'armes létales autonomes et leur nécessaire appréhension par le droit européen des droits de l'Homme.
Ce dernier débat a donné lieu à des réflexions poussées et à des échanges vifs entre les tenants d'une interdiction absolue de tels systèmes d'armes et les tenants d'une approche réaliste, qui a finalement prévalu. André Gattolin a pris une part très active à ces échanges, puisqu'il a suppléé le président de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme. La résolution finalement adoptée par l'APCE affirme que des systèmes d'armes létales entièrement autonomes, qui sélectionnent des cibles et les éliminent sans le moindre contrôle humain significatif, ne peuvent jamais être conformes au droit international humanitaire et aux droits humains. De tels systèmes auraient donc vocation à être purement et simplement interdits. Mais elle appelle également à élaborer un cadre juridique pour les autres systèmes d'armes létales à autonomie partielle, en mettant en place des règles adaptées aux défis particuliers posés par ce type d'armes, afin d'assurer le respect du droit de la guerre. Dans l'attente de ce nouvel instrument international juridiquement contraignant, la résolution estime que la mise au point d'un code de conduite non contraignant pourrait servir de guide aux négociateurs de la future convention. Ce débat m'est apparu particulièrement intéressant et novateur.
Une séquence importante de la partie de session a été consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes, au travers en particulier d'un rapport sur le suivi de la mise en oeuvre de la Convention d'Istanbul, à laquelle l'Union européenne pourrait prochainement adhérer.
Un débat sur la captivité conjugale a également eu lieu, ce sujet ayant d'abord été étudié et pris en compte par les Pays-Bas. Telle que la définit la résolution adoptée par l'APCE, il s'agit de la situation dans laquelle une personne a contracté un mariage de son plein gré, souhaite y mettre fin, mais constate qu'elle ne peut pas le faire, soit sur le plan juridique, soit aux yeux de sa communauté.
Le dernier débat que je souhaite évoquer concerne celui du traitement des combattants étrangers de Daech et de leurs familles revenant dans nos États membres. La question est éminemment sensible et je sais que vous avez eu l'occasion de l'évoquer avec le juge Guyomar, lorsque vous l'avez auditionné conjointement avec la commission des lois. La délégation française à l'APCE l'avait fait également lors d'une rencontre à notre représentation permanente auprès du Conseil de l'Europe. La position de l'Assemblée parlementaire est plus favorable à ce retour que ne l'est la France. La portée réelle de la décision de la Cour dans l'affaire H.F. et autres contre France a été rappelée par plusieurs membres de la délégation française.
Enfin, puisqu'une délégation de votre commission se rend à la Cour européenne des droits de l'homme la semaine prochaine, je veux signaler que, lors de la prochaine partie de session prévue au mois d'avril, une séquence importante sera consacrée à la mise en oeuvre des arrêts de la Cour et au lien entre la Convention européenne des droits de l'homme et les constitutions nationales.
Je souhaite enfin ajouter un dernier point concernant le rapatriement d'enfants dont les parents sont partis combattre aux côtés de Daech. Je suis, comme vous le savez, président de la Fédération hospitalière de France pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où une dizaine de ces enfants ont été placés en hôpital psychiatrique à leur retour de Syrie. Ils sont alors surveillés par des psychiatres, mais ne sont pas en résidence obligatoire et peuvent se promener dans la ville de Marseille tous les jours. Ils sont uniquement tenus de rentrer le soir. D'après les psychiatres, qui ne sont pas formés pour soigner ce genre d'enfants ayant potentiellement subi de véritables lavages de cerveau, ces enfants s'apparentent à de véritables « bombes » humaines. Une fois qu'ils sont en liberté dans les villes, on ne sait pas ce qu'ils peuvent faire. Il me semble important d'alerter sur ce sujet.
Je me suis également saisi du sujet à Paris, à l'hôpital Saint-Antoine où se trouve un service psychiatrique confronté à des situations particulièrement difficiles. On a notamment retrouvé des dealers au sein de l'hôpital, auprès de patients en situation de détresse mentale. Ils sont alors exploités. La toxicomanie est en effet un risque au vu de leurs traumatismes, or il faut trouver l'argent pour payer la drogue, ce qui peut mener à la prostitution.
Pour être clair, parlons-nous d'enfants combattants ou d'enfants qui ont subi des lavages de cerveau ?
Ce sont plutôt des enfants de combattants, qui ont vécu leur prime jeunesse dans ce contexte-là. Ils ont, pour la plupart d'entre eux, été formés à la guerre de Daech. Ce que disent les psychiatres, que ce soit à Marseille ou à Saint-Antoine, c'est qu'ils ne s'estiment pas formés pour traiter les pathologies psychiatriques de ces enfants. Ils se retrouvent démunis face à des enfants qui sont libres le jour et ne sont tenus de revenir à l'hôpital que la nuit. Ils nous alertent sur les dangers qu'ils représentent, et sur le risque qu'ils se suicident n'importe où, n'importe quand et avec n'importe quel type d'arme.
Je pense que c'est le cas des pays qui ont un système hospitalier psychiatrique analogue, comme la Belgique. Pour les autres, je ne me prononce pas.
Quand vous parlez de « bombes humaines », évoquez-vous ici un risque en termes de virus ou de problèmes de santé, ou simplement d'agressivité pour défendre leur cause, alors qu'ils sont accueillis chez nous ?
Je vous propose d'entendre maintenant l'intervention de Pascal Allizard qui va nous rendre compte de la session d'hiver de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE qui s'est tenue fin février.
Je me réjouis, Monsieur le président, cher Jean-François, Monsieur le président, cher Alain Milon, qu'une fois de plus notre sort soit lié, au sein de cette commission, où, au titre de l'APCE et de l'AP-OSCE, nous représentons en quelque sorte la Grande Europe, l'Europe des valeurs, de la sécurité et de la géopolitique, sans laquelle l'Union européenne ne peut se développer.
Il y a près de trois mois, le 14 décembre 2022, nous avions fait le point sur l'activité de l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (AP-OSCE) l'année dernière, marquée par la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine et, sur le plan interne, par le renouvellement de la délégation française à la suite des élections législatives, qui avaient conféré à notre délégation sénatoriale un rôle particulier.
Je vous avais narré le déroulement de la session d'automne de Varsovie, marquée par un débat intense et passionnant, quasi existentiel pour cette organisation, sur le mécanisme de suspension que j'avais proposé, en tant que président de la commission du Règlement, en application du mandat exprès et unanime donné par l'assemblée annuelle de Birmingham en juillet dernier.
Je vous avais exposé combien le mécanisme du « consensus moins un », s'apparentant à un quasi droit de véto, qui gouverne la commission permanente, organe décisionnel de l'assemblée, avait rendu périlleuse une telle entreprise.
À Vienne, il y a dix jours, pour la session statutaire d'hiver, qui se tenait à la date anniversaire de l'invasion russe, ce n'est pas l'ombre de la Russie qui planait sur l'assemblée, mais bel et bien la présence même de délégations de la Douma et de l'assemblée biélorusse, qui suscita, comme vous pouvez l'imaginer, bien des inquiétudes et bien des remous.
En effet, Vienne est le siège permanent et historique de l'OSCE, organisation internationale, intergouvernementale, réunissant 57 États, dont la Russie et la Biélorussie, qui disposent donc d'ambassadeurs et de représentations permanentes, participant aux réunions périodiques avec leurs collègues des autres États membres, en dépit du peu de cas qu'ils font du « décalogue », c'est-à-dire des dix principes fondateurs, foulés aux pieds par l'invasion russe de l'Ukraine. Permettez-moi de les rappeler ici : égalité souveraine des États, non-recours à la menace ou à la force, inviolabilité des frontières, intégrité territoriale des États, règlement pacifique des différends, non-intervention dans les affaires intérieures, respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, coopération et exécution de bonne foi des obligations du droit international, notamment de la charte des Nations Unies.
La Russie est allée à l'encontre de chacun de ces principes.
Le siège de l'assemblée parlementaire se trouve à Copenhague, mais l'assemblée d'hiver se tient rituellement, chaque année, à Vienne, ce qui permet un contact étroit avec les responsables exécutifs de l'organisation, ainsi qu'avec les ambassadeurs ou représentants permanents, afin d'assurer un dialogue et une cohérence nécessaires entre nos travaux parlementaires et les missions des autres organes - voire un contrôle de ceux-ci.
Si le Règlement de l'assemblée n'inscrit pas dans le marbre le lieu de ce rendez-vous attendu, il dispose qu'il doit se tenir avant la fin février, ce qui rendit nulles et non avenues les solutions de rechange tardivement proposées, par exemple par la Lituanie.
En effet, face à la décision des autorités autrichiennes, après quelques pressions et tergiversations, d'octroyer des visas aux représentants russes et biélorusses, en vertu de l'accord de siège qui les lie à l'OSCE, des réticences et oppositions se sont manifestées, de la part des délégations de plusieurs pays membres, soucieux de ne pas voir la Russie saisir cette occasion d'une tribune de propagande et de désinformation, au détriment de l'Ukraine et de l'OSCE dans son ensemble.
Il fallut tout d'abord tordre le cou aux rumeurs selon lesquelles la présence russe et biélorusse s'annonçait massive, des chiffres fantaisistes ayant circulé, prévoyant des délégations pléthoriques, garnies de titulaires et de suppléants, plusieurs fonctionnaires et collaborateurs, soit 35 personnes en tout et jusqu'à plusieurs dizaines de journalistes, sans compter les diplomates et assimilés en poste à Vienne.
Les autorités autrichiennes se sont montrées prudentes quant à l'octroi de visas, à leurs nombre et conditions : elles n'ont accordé en tout et pour tout que sept visas aux Russes, pour six parlementaires et un fonctionnaire, et trois aux Biélorusses, strictement limités dans le temps, du début de la première réunion plénière le jeudi matin à la fin de la commission permanente le vendredi après-midi, et circonscrits dans l'espace, aux abords du centre de Vienne, entre l'hôtel désigné, leurs ambassades et le centre de congrès de la Hofburg.
La question de la présence ukrainienne était épineuse à plus d'un titre. La Rada prit, début février, une résolution recommandant aux parlementaires de tous les pays membres de ne pas se rendre à Vienne, puis la délégation ukrainienne choisit finalement d'y aller, mais sans pénétrer dans l'immeuble où ils auraient craint de croiser physiquement les Russes, donc en restant cantonnée dans son ambassade. C'est là que nous nous réunîmes avec elle, à plusieurs reprises.
Ces précisions ne sont pas qu'anecdotiques. Elles dessinent le cadre d'une session tout à fait inédite dans l'histoire de l'organisation issue de l'Acte d'Helsinki, dont nous commémorerons le cinquantenaire dans deux ans.
Dans le contexte si particulier de l'anniversaire de l'invasion de l'Ukraine, cette session s'est tout compte fait déroulée sans encombre, en dépit des tensions qui avaient entouré sa préparation : 52 États sur 57 étaient représentés par 247 parlementaires, soit près de 500 participants au total.
Certaines interventions des hauts responsables de l'OSCE, dont celle du président en fonction, le ministre des affaires étrangères de Macédoine du Nord, M. Osmani, eurent lieu en visioconférence depuis l'assemblée générale extraordinaire des Nations unies à New York.
Les enjeux de sécurité de cette rencontre firent naturellement l'objet d'une vigilance particulière. Le bureau de l'assemblée et les autorités autrichiennes y ont oeuvré diligemment, avec le concours de services compétents et efficaces, déployés sur place, auprès des délégations, aux abords de l'édifice principal et des hôtels, et jusque dans les salles de réunion, ce qui fut une première.
La chorégraphie des séances avait été minutieusement préparée, lors de réunions de bureaux en visioconférence, dans les semaines et jours précédents et sur place jusqu'à la veille de l'ouverture de la session.Les délégations russe et biélorusse étaient judicieusement placées au fond de la salle, relativement isolées et proches de sorties dédiées.
Ne serait-ce que grâce à cet agencement, elles n'ont pas pu perturber l'ordonnancement des débats, qui restèrent concentrés sur le fond, marquant une condamnation vigoureuse de la guerre menée par la Russie en Ukraine et une évaluation rigoureuse de ses conséquences considérables pour les trois « dimensions » de l'OSCE, correspondant aux compétences de chacune de ses trois commissions : les affaires politiques et de sécurité ; l'économie et l'environnement ; les droits de l'homme.
Le message principal de la délégation ukrainienne, réclamant la sanction des crimes de guerre perpétrés par la Russie, fut prononcé avec force par le chef de la délégation slovaque.
Après avoir en vain tenté d'en contester l'ordre du jour, les délégations russe et biélorusse ont fini par quitter la commission permanente, au deuxième jour, pour ne pas avoir à entendre l'adresse de l'opposante biélorusse Svletana Tikhanovskaïa. Encore leur fallait-il passer par une antichambre où était disposée une exposition très poignante de photographes ukrainiens sur la guerre.
Lorsque la parole leur fut accordée, pour de brèves interventions, ils respectèrent peu ou prou le temps imparti et subirent la sortie de salle de la plupart des délégations, tandis que d'autres brandissaient des drapeaux ukrainiens...Bref, ce fut une session difficile pour eux ! À l'outrance du chef de la délégation russe, comparant l'exclamation « Slava Ukraini ! » (« Vive l'Ukraine ! ») au salut nazi « Heil Hitler ! », répondit une indignation unanime...et la reprise, par le chef de la délégation lettone, en russe dans le texte, de la célèbre réponse du soldat ukrainien de l'île des serpents aux marins russes qui lui intimaient de se rendre.
Je précise que la délégation française s'était réunie auparavant pour arrêter une position commune : elle sortit unanime lors de chaque intervention russe ou biélorusse. L'assemblée tout entière a montré son unité autour de sa condamnation de l'agression russe et de son soutien à l'Ukraine : c'est évidemment « le » message de Vienne !
Des échanges avec les responsables exécutifs de l'organisation, il faut retenir le véto russe à la présidence estonienne pour 2024, avant celle de 2025 revenant à la Finlande. Quant au budget de l'OSCE pour cette année, il n'est toujours pas adopté, pour la même raison, et son fonctionnement est assuré par des douzièmes provisoires...Il n'en va pas encore de même pour l'assemblée, même si la délégation russe l'a menacée du même sort !
Au fond, l'assemblée de Vienne a exprimé le souhait et l'engagement quasi-unanimes des parlementaires de cette très grande région de poursuivre, contre vents et marées, leur mission de recherche du dialogue, de la paix, de la sécurité et de la coopération entre les peuples qu'ils représentent. Mission ô combien ingrate et difficile dans le contexte actuel, mais le décalogue d'Helsinki, que j'ai rappelé au début de mon propos, demeure notre boussole.
En ma qualité de représentant spécial de l'AP-OSCE pour les affaires méditerranéennes, en charge des relations avec les six pays partenaires que sont le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Égypte, Israël et la Jordanie, j'ai pu m'entretenir avec les délégations parlementaires marocaine et algérienne présentes à Vienne, ainsi qu'avec l'ambassadeur d'Israël, et laisser un message à la représentation permanente de Jordanie, en vue de l'organisation du prochain Forum méditerranéen, prévu en principe en automne de cette année.
Je suis intervenu en commission permanente sur les défis immenses posés dans cette grande région par la guerre en Ukraine. En commission du Règlement, désormais élargie, permettez-moi de le souligner en ce jour particulier, j'ai soutenu une proposition tendant à introduire, non pas encore la parité, mais une représentation plus équilibrée des genres au sein de l'assemblée parlementaire.
Nos collègues membres de la délégation souhaiteront peut-être l'évoquer eux-mêmes, mais je dirais juste que Valérie Boyer a plaidé pour l'Arménie et pour la paix, Ludovic Haye pour la sécurité nucléaire après la sortie annoncée de la Russie du Traité de réduction des armes stratégiques New Start, et Jean-Yves Leconte pour la paix et le retour à l'esprit d'Helsinki, en soulignant combien la Russie l'avait violé.
Au total, nous pouvons nous réjouir de la bonne tenue de cette session dans des circonstances difficiles, et du soutien fort exprimé à l'Ukraine, même si des interrogations existentielles profondes demeurent sur le rôle d'une organisation quelque peu déphasée face à la recrudescence de la guerre et des tensions, mais qui n'aspire qu'à jouer, le moment venu, tout son rôle pour la paix et la sécurité durable de l'Europe et du monde.
Merci. Je vois que l'ambiance de cette session était particulièrement dégradée.
C'était en effet très particulier. Je voudrais ajouter un dernier point, au sujet de Piotr Tolstoï, chef de la délégation russe depuis plusieurs années. Cela fait huit ans que je siège à la délégation française de l'AP-OSCE, autant dire que nous nous parlions tout à fait normalement par le passé. Nous nous sommes évidemment croisés dans l'antichambre de la salle des séances lors de cette session, mais, en raison de ses prises de positions et de son comportement, il n'y a plus de discussions possibles avec cet homme qui a pourtant fait ses études en France, qui parle parfaitement français et a une très grande culture.
Je partage en tout point ce qui a été dit par Pascal Allizard. J'étais relativement inquiet de la présence de la délégation française dans une assemblée où l'Ukraine ne siégerait pas, tandis que la délégation russe serait présente. Finalement, à part l'Ukraine et la Lituanie, qui étaient absentes, toutes les autres délégations ont fait le choix de quitter la salle d'audience ostensiblement à chaque prise de parole de la délégation russe. Nous avions choisi a priori de ne pas sortir pour la prise de parole des Biélorusses, mais nous avons dû le faire dès lors qu'un des membres de la délégation biélorusse s'est lancé dans l'apologie des crimes de guerre constatés quotidiennement en Ukraine.
De ce point de vue, le pire a été évité. Les Russes ont probablement « vendu » leur présence à Vienne pour leur propagande interne, mais vis-à-vis des Polonais, des Baltes et des Roumains, la situation a été relativement bien gérée alors qu'elle aurait pu être plus compliquée.
Deuxièmement, la délégation française était multicolore en termes de spectre politique mais nous étions tous quasiment alignés, avec des sensibilités mineures. C'était un point important, d'autant qu'une assemblée parlementaire peut parfois faire émerger des divergences au sein des délégations.
Enfin, on peut déplorer que l'espace de discussion pour se comprendre et résoudre par le dialogue les conflits que constituaient l'OSCE et l'AP-OSCE, soit devenu un espace de confrontation des narratifs, selon les termes mêmes de notre ambassadrice, représentante permanente. Je pense que cela pourrait durer longtemps, et il n'est malheureusement pas garanti que cet espace retrouve le rôle qu'il avait auparavant.
Je voulais revenir sur la délégation russe. J'ai appris récemment l'existence d'un avion dédié de la Douma pour se rendre aux réunions des assemblées parlementaires internationales. J'étais étonné de la très grande présence russe, parfois même au sein des comités juridiques et des droits de l'homme, et de certaines alliances avec les Turcs ou les Azéris. De ce fait, nous nous retrouvions en difficulté pour avoir une majorité sur des textes importants. Institutionnellement, c'est un titre honorifique de représenter la Douma dans les assemblées parlementaires internationales, c'est une mission considérée comme un travail à temps plein et dotée de moyens logistiques importants.
Quant à l'APCE, la première ministre islandaise, Mme Katrín Jakobsdóttir, m'a indiqué ne pas avoir eu de retour de la part du Président Emmanuel Macron sur sa présence à Reykjavik au sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe qui se tiendra les 16 et 17 mai. Je l'ai signalé au Président. Or M. Olaf Scholz fera le déplacement. Il est primordial que la France soit représentée à cet événement et ce serait à mon sens une erreur diplomatique qu'elle ne le soit pas.
S'agissant de la communication sur place, l'accès au centre de congrès n'était pas autorisé à la presse et les interviews se faisaient à l'extérieur. L'objectif était de ne pas offrir une tribune aux médias russes. Seule la présidente de l'AP-OSCE et le secrétaire général avaient le droit de s'exprimer au nom de l'assemblée, chaque parlementaire gardant sa capacité à s'exprimer ou non mais à l'extérieur. L'objectif était de ne pas donner à la délégation russe cette tribune qu'elle souhaitait avoir.
Je ne sais pas s'ils sont venus avec leurs propres médias ou leurs correspondants sur place mais des médias oeuvraient en effet et les réseaux sociaux ont été sollicités. Nous n'avons pas voulu tomber dans ces travers et dans le mécanisme de suspension que j'avais proposé ; l'un des fils conducteurs était de s'assurer qu'ils n'aient plus accès à la communication officielle et à la tribune officielle que représente l'assemblée.