Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède, conjointement avec la commission des affaires sociales, à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2011.
L'audition du Premier président de la Cour des comptes constitue un moment essentiel pour préparer l'examen du projet de loi de règlement des comptes et le débat d'orientation budgétaire, qui auront lieu cette année au Sénat le 8 juillet, respectivement le matin et l'après-midi, conformément au « chaînage vertueux » retenu par les pères de la loi organique relative aux lois de finances.
Je suis honoré de cette audition commune consacrée à la présentation du rapport 2010 sur la situation et les perspectives des finances publiques établi par la Cour des comptes pour laquelle je suis accompagné de Christian Babusiaux et Rolande Ruellan, présidents de chambre, ainsi que d'autres collègues. Ce rapport, établi conformément à l'article 58-3° de la LOLF, complète le rapport sur les résultats et l'exécution du budget de l'État et l'acte de certification de ses comptes, que j'ai présentés à la commission des finances le 26 mai dernier, ainsi que l'acte de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, qui a été rendu public hier et que j'exposerai à la commission des affaires sociales le 6 juillet prochain.
Pour en résumer les conclusions, la dégradation très sérieuse de nos finances publiques en 2009 et au début de 2010 n'est pas encore irréversible si la France s'attelle dès maintenant à une action de redressement forte, crédible et durable. Si le mal qui atteint nos finances publiques est chronique, ce dont témoignent les précédents rapports de la Cour, la maladie a franchi un nouveau stade. Il y a urgence à la traiter, sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté.
Avant de décrire les perspectives, arrêtons-nous quelques instants sur les exercices 2009 et 2010.
En 2009, notre déficit et notre endettement publics ont atteint un niveau sans précédent depuis l'après-guerre. Le déficit public s'est élevé à 7,5 % du PIB, en raison d'un accroissement des dépenses publiques de 3,7 % en volume et d'une baisse du produit des prélèvements obligatoires de plus de 5 % par rapport à 2008. Si l'on exclut les mesures liées à la crise - soit le plan de relance de 7 milliards, le remboursement anticipé de TVA aux collectivités pour un coût de moins de 1 milliard et un accroissement de 4 milliards des allocations chômage -, le rythme d'augmentation des dépenses publiques est de 2,4 %, un chiffre bien supérieur à celui de 1% prévu dans la loi de programmation. En outre, les charges d'intérêt payées au titre de la dette ont fortement diminué du fait de la baisse des taux. Autrement dit, ce sont les dépenses courantes, hors intérêts de la dette, hors investissement, et hors mesures de relance et d'assurance chômage, qui ont progressé de 3,7 % en volume. L'année 2009 a donc été marquée par un « phénomène de décompensation », un relâchement des efforts de maîtrise des dépenses publiques dans tous les secteurs, dont s'était inquiété Philippe Séguin devant vous l'an dernier. Quant à la baisse des recettes, majoritairement attribuable à la récession et, dans une moindre mesure, au volet fiscal du plan de relance, elle est également la conséquence de baisses pérennes de prélèvements obligatoires, telle la diminution du taux de TVA sur la restauration, et des hausses de recettes affectées aux organismes de protection sociale ou aux collectivités territoriales. Le coût net de ces mesures nouvelles a aggravé le déficit public de 2,5 milliards en 2009. Du côté des dépenses comme des recettes, la crise n'explique donc qu'une partie de la dégradation de nos finances publiques. Pour dresser un diagnostic précis du mal, il est nécessaire de procéder à de savants calculs, sur la base d'une prévision de croissance potentielle. Le chiffrage de la Cour ne prend pas en compte les mesures de relance, considérées comme non pérennes, contrairement à la Commission européenne qui retient, en conséquence, un niveau de déficit structurel sensiblement plus élevé que le nôtre. D'après nos calculs, le déficit structurel est de 5 % du PIB en 2009, contre 3,9 % en 2008, la crise et les mesures de relance expliquant seulement un tiers du déficit global.
Je ne reviens pas sur la forte augmentation du déficit public de 4,2 points de PIB, principalement attribuable à l'État et à ses divers organismes d'administration centrale, que j'avais évoquée à l'occasion de la présentation du rapport sur les résultats et l'exécution budgétaire de l'État.
L'année 2009 aura également été marquée par une forte hausse des déficits sociaux du fait d'une croissance des dépenses de 4,5 %, après une augmentation de 3,1 % en 2008, conjuguée à une diminution des recettes due à la baisse en valeur de la masse salariale privée de 1,3 %. Ce déficit atteint 20,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 3,2 milliards de déficit pour le fonds de solidarité vieillesse. En 2009, les quatre branches du régime général sont dans le rouge. L'assurance maladie, avec un solde négatif de plus de 10 milliards, est responsable de la moitié du déficit d'ensemble des branches. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été à nouveau dépassé de 700 millions en 2009, du fait d'une sous-estimation des dépenses hospitalières et de la réalisation incomplète des économies prévues en loi de financement. Le déficit de la branche retraite continue de se creuser pour atteindre 7,2 milliards, confirmant la tendance observée depuis 2005, malgré une croissance moins vive des prestations servies grâce au ralentissement des départs anticipés. La branche famille enregistre également un déficit important de 1,8 milliard, alors qu'elle était proche de l'équilibre en 2008. Quant à l'assurance chômage qui avait dégagé d'importants excédents en 2007 et 2008, elle est redevenue déficitaire en 2009 avec un résultat négatif de plus de 1 milliard.
Dans ce panorama, les collectivités territoriales se distinguent : leur déficit, qui a diminué de plus de 3 milliards en 2009, représente désormais 0,3 % du PIB, contre 0,4 % en 2008. Leurs recettes ont progressé plus fortement que leurs dépenses, grâce aux remboursements anticipés de TVA qui n'ont guère relancé l'investissement. Leurs dépenses de fonctionnement ont décéléré sensiblement par rapport aux années précédentes, sauf pour les intercommunalités. Néanmoins, ces évolutions positives masquent l'aggravation de la situation financière de nombreux départements, victimes d'un effet de ciseau entre le dynamisme des dépenses sociales et la faible progression de leurs recettes.
Plus préoccupant, le déficit primaire, c'est-à-dire hors charges d'intérêts de la dette, est passé de 0,5 % en 2008 à 5,1 % du PIB en 2009. Dans ces conditions, il est impossible de stabiliser l'endettement en pourcentage du PIB, la France devant emprunter pour payer les intérêts de la dette et une partie des dépenses courantes hors intérêt. C'est le fameux effet boule de neige décrit par Philippe Séguin l'an dernier. La dette au sens du traité de Maastricht a augmenté en une seule année de plus de dix points de PIB. Elle représente 78,1 % du PIB, soit presque 1 500 milliards. La dette publique est portée à près de 80 % par l'État et les organismes qui lui sont rattachés, dont l'endettement a progressé de 135 milliards en 2009. La dette sociale a augmenté, pour sa part, de 31 milliards, si l'on tient compte des 24 milliards de découvert de trésorerie de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) fin 2009. Au total, avec les déficits transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et non amortis, la dette sociale atteint près de 150 milliards, soit quasiment le niveau de la dette locale qui s'établit à 157 milliards. Toutefois, la dette sociale est profondément anormale, les cotisations devant couvrir les prestations, quand la dette locale, elle, résulte d'investissements et a pour contrepartie des actifs.
Pour mieux comprendre l'état de nos finances publiques, recourons à des comparaisons internationales. Notre position, défavorable l'an dernier, l'est restée. Notre déficit et notre dette publics ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, malgré une récession moins violente et un plan de relance d'une ampleur plus limitée. Plus inquiétant : le décrochage de la France par rapport à l'Allemagne. Notre déficit public, inférieur à celui constaté outre-Rhin entre 2002 et 2005, est supérieur de plus de quatre points de PIB en 2009. De même, notre déficit structurel est supérieur de quatre points de PIB à celui de l'Allemagne en 2009 quand la différence était d'un point en 2006. Quant à l'écart entre les soldes primaires français et allemand, il dépasse pour la troisième année consécutive les trois points de PIB, un niveau jamais atteint. Notre dette publique qui était inférieure à celle de l'Allemagne jusqu'à fin 2007, lui est désormais supérieure de cinq points. D'aucuns considèrent que ces écarts croissants tiennent à une gestion trop restrictive des finances publiques en Allemagne. Pour autant, la dégradation de notre position en Europe est également patente lorsque l'on nous compare à l'Italie : notre déficit public comme notre solde structurel sont supérieurs depuis trois ans à ceux de l'Italie, même si notre dette reste inférieure.
Pour 2010, le Gouvernement annonce une nouvelle dégradation : le déficit et la dette publics atteindraient respectivement 8 % et 83,7 % du PIB. Cette évolution s'explique par une croissance de 1,7 % des dépenses publiques en volume, hors relance et allocations chômage, soit un niveau bien supérieur à l'objectif de 0,6 % retenu pour la période 2011-2013 ; et par une insuffisante sécurisation des recettes résultant, entre autres, de la réforme de la taxe professionnelle. Dès lors, le déficit structurel atteindra 5,7% du PIB, soit une hausse de 100 milliards. L'ensemble des administrations publiques sera concerné en 2010, même si les organismes sociaux seront les plus affectés en raison du faible dynamisme de la masse salariale. En retenant les hypothèses du Gouvernement, le déficit du régime général sera proche de 27 milliards, dont la moitié proviendra de l'assurance maladie, auquel il faut ajouter le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui s'établira à 4,3 milliards ; celui de l'assurance chômage atteindra 10 milliards. Le déficit budgétaire de l'État sera de 152 milliards -un record. La prévision d'un fort rebond de recettes fiscales nettes apparaît volontariste au regard de la précédente récession de 1993, qui s'était traduite par une élasticité des recettes fiscales sensiblement inférieure à l'évolution du PIB pendant trois ans. Dans ce contexte, l'augmentation de près de 12 milliards de recettes fiscales fin avril 2010 doit être interprétée avec une grande précaution. Elle traduit d'abord le contrecoup des mesures de relance de début 2009. Ce déficit record est surtout la conséquence de la réforme de la taxe professionnelle d'un coût net de 12,7 milliards et des 35 milliards de dépenses d'investissements d'avenir. Certes, les investissements d'avenir auront un faible impact en 2010 sur le déficit et l'endettement publics au sens de Maastricht. En effet, les 35 milliards, déposés auprès du Trésor, seront versés, pour partie, par tranches de 4 à 5 milliards chaque année sur une période de quatre ans, sans être inclus dans la norme de dépenses. Le reste de cette somme, non consomptible, donnera lieu au versement d'intérêts de 600 millions par an qui seront, eux, intégrés dans la norme de dépense, ce qui accroîtra d'autant l'effort nécessaire de réduction des dépenses courantes de l'État. Pour autant, ce programme d'investissement augmentera la dette de 19 milliards en 2014, sans compter la charge cumulée des intérêts de plus de 11 milliards durant la période 2010-2020.
L'année 2010 sera probablement marquée par une nouvelle dégradation de la capacité d'autofinancement des collectivités, et en particulier des départements du fait de la forte croissance des dépenses sociales. Leur besoin de financement progressera dans un contexte d'incertitudes sur l'évolution du cadre institutionnel et financier des collectivités et de baisse des remboursements de la TVA.
Résultat : le déficit public de la France restera plus élevé que celui des pays de la zone euro et de l'Union européenne, supérieur de trois points de PIB à celui de l'Allemagne. La dette publique sera dans les moyennes communautaires, mais son déficit structurel continuera d'être plus élevé.
Le futur n'est pas davantage rassurant. Les conditions d'un retour à un déficit public de 3 % du PIB, objectif affiché par le Gouvernement, sont loin d'être assurées à ce jour. Le programme de stabilité adressé à la Commission est fondé sur une croissance de 2,5 % par an entre 2011 et 2013. Le Gouvernement a, en effet, privilégié un scénario de rattrapage rapide des pertes de production, plus favorable que les scénarios du rapport Cotis-Champsaur. L'élasticité des recettes semble surévaluée tandis que l'objectif de progression des dépenses, de 0,6 % par an, paraît très ambitieux. Comment dégager 45 milliards d'économie, et beaucoup plus sur les dépenses primaires pour compenser la hausse des charges d'intérêt, au vu des décisions qui font suite à la publication du Livre blanc sur la défense nationale ou encore de l'accroissement des dépenses fiscales prévues au titre du Grenelle de l'environnement ? En outre, il sera difficile à l'État de diminuer de 1 à 2 points le rythme des dépenses des administrations locales et sociales, faute de leviers efficaces pour les réguler.
A moyen terme, la soutenabilité des finances publiques de la France n'apparaît pas assurée. Si l'on retient une croissance de 2,25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, le déficit public et la dette dépasseront en 2013 respectivement 6 % et 93 % de la richesse nationale. Le redressement de nos finances publiques est désormais un impératif. Il faut un traitement immédiat, continu et massif de nos déséquilibres financiers pour réussir à faire atterrir cet avion gros porteur qu'est la France, lancé à pleine vitesse, sur une piste qui se réduit à mesure que notre endettement devient de moins en moins supportable.
Parmi les causes de déséquilibres financiers qui menacent à court terme la soutenabilité des finances publiques figurent les retraites avant la mise en oeuvre des mesures récemment annoncées par le Gouvernement. Le rôle de la Cour n'est pas de prendre parti sur celles-ci, mais de mesurer leur impact. Le chiffrage du besoin de financement par le conseil d'orientation des retraites (COR), à l'horizon 2050, est de 114 milliards pour l'ensemble des régimes de retraite, selon le scénario le plus pessimiste, soit 3 % du PIB. La réforme aura un effet structurel à long terme, c'est-à-dire à l'horizon 2020. Pour autant, ces calculs ne tiennent pas compte des charges d'intérêts au titre des déficits cumulés des régimes, supérieures en 2050 à 114 milliards. Les mesures annoncées par le Gouvernement réduiront relativement peu le déficit à court terme alors que la moitié du problème de financement des retraites se pose dès maintenant. Le déficit hors intérêts, de 1,7 % du PIB en 2010 selon le COR, doit être traité par des mesures d'impact immédiat pour enrayer l'effet boule de neige des intérêts de la dette.
En outre, les comparaisons internationales montrent que la France devra faire un effort de redressement équivalent aux autres pays européens pour compenser la situation initiale plus dégradée de ses finances publiques. La réforme des seules retraites ne suffira pas à traiter un problème financier global, qui appelle des mesures continues et vigoureuses de l'État, des organismes sociaux et des collectivités. Depuis des années, il y a un décalage permanent entre les dépenses et les recettes publiques : les dépenses ne sont couvertes qu'à hauteur de 86 % en 2009 et les recettes de l'État couvrent à peine plus de la moitié de ses dépenses nettes. Le Gouvernement a annoncé des mesures d'approche pour réduire la progression des dépenses fiscales, des dépenses d'intervention ou des dépenses de fonctionnement de l'État et de ses opérateurs. La diminution du déficit structurel de 1 point de PIB chaque année sur la période 2011-2013, soit 20 milliards par an, à laquelle il s'est engagé devant le Conseil de l'Union européenne, devra être impérativement tenue. Il revient au Gouvernement et au Parlement de décider des modalités de cet ajustement budgétaire, difficile, mais non impossible comme l'ont prouvé de nombreux pays.
Si la Cour n'a pas pour rôle de mettre au point un programme qui engagerait des choix collectifs, elle est fondée, de par la mission d'assistance qui lui est confiée par la Constitution, à identifier les termes du débat, le niveau des efforts à accomplir et à proposer des pistes de réflexion. Il convient d'abord de déterminer la part respective que doivent jouer la hausse des recettes et la réduction des dépenses dans le redressement. Pour la Cour, l'effort doit porter prioritairement sur la dépense publique, dont les effets sont plus durables pour la consolidation des comptes publics. Cela implique une politique, plus ambitieuse que celle de la révision générale des politiques publiques, consistant à réexaminer l'ensemble des dépenses publiques, et notamment les plus coûteuses : les prestations sociales, qui représentent le tiers des dépenses publiques, les rémunérations, qui en constituent le quart, mais également les dépenses d'assurance maladie, dont le déséquilibre est tout aussi fort que celui des retraites. De telles réformes structurelles nécessitent, au préalable, une réflexion sur le bien-fondé et l'efficacité de l'intervention publique afin de ne pas dégrader la qualité du service rendu. La Cour entend prendre toute sa part dans la revue générale des programmes, conformément à sa nouvelle mission constitutionnelle.
Les réformes structurelles ayant un impact budgétaire souvent très progressif, il faut dès à présent mettre l'accent sur les dépenses d'intervention. Depuis de trop nombreuses années, nous avons pris la mauvaise habitude de tenir un guichet ouvert pour des publics sans cesse plus nombreux. L'insuffisante sélection de la dépense publique conduit à un saupoudrage, que la Cour a déjà souligné en matière d'aides personnelles au logement ou au développement des entreprises. En attendant, il faudra prendre des mesures à effet rapide, quitte à ce qu'elles soient temporaires. Ainsi, pourrions-nous gager toute nouvelle dépense publique de manière à ce que la satisfaction des nouveaux besoins soit strictement réalisée par redéploiement. Il serait en effet paradoxal de vouloir à la fois réduire la vitesse à l'atterrissage, tout en appuyant en même temps sur la manette des gaz. De même, n'attendons pas d'atteindre le bout de piste pour actionner les freins ! La Cour propose une « boîte à outils » pour consolider rapidement les comptes publics. En matière de dépenses de personnel, les réductions d'effectifs ayant des limites inévitables, la prochaine négociation salariale pluriannuelle dans la fonction publique sera déterminante : la hausse de 1 % de la valeur du point de la fonction publique représente 1,8 milliard en année pleine. D'autres pays ont déjà pris des décisions de gel, voire même de baisse des rémunérations des hauts fonctionnaires ou de l'ensemble des fonctionnaires. Toutefois, l'alignement progressif des cotisations retraite de la fonction publique sur le régime général, annoncé par le Gouvernement, pèsera déjà sur l'évolution des rémunérations versées.
Ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre en 2013 nécessitera également un cocktail de mesures à effet rapide et de réformes structurelles, pesant de manière équitable sur les assurés, les bénéficiaires d'allocations et les professionnels de santé. La réforme des retraites annoncée par le Gouvernement contribuera à ralentir la croissance des pensions avec un relèvement de l'âge d'ouverture des droits. Mais l'indexation des pensions continuera d'entretenir le dynamisme de ces dépenses, comme la revalorisation des prestations légales qui accroît la progression des prestations familiales. En matière de maladie, nous pourrions envisager la baisse du prix des médicaments, une plus grande sélectivité des admissions au régime des affections de longue durée ou une non-revalorisation des actes et consultations au-delà de ce qui a été déjà décidé.
Il faut également agir sur les recettes en cessant impérativement de consentir des baisses d'impôt et en limitant la progression des dépenses fiscales qui ont augmenté à périmètre constant de plus de 5 % par an depuis 2000, et même de 8,5 % chaque année depuis 2004. Ces deux phénomènes sont, en effet, la cause principale du déficit structurel. Une hausse ciblée des prélèvements obligatoires est inévitable. Elle devra passer, en priorité, par un réexamen des dépenses fiscales et des niches sociales. Ce sera une mesure d'équité. De nombreux dispositifs ont été retirés depuis quelques années des dépenses fiscales, sans que les explications apportées ne convainquent totalement. Les critères d'ancienneté et de généralité manquent de pertinence sans compter qu'ils ne sont pas utilisés de manière cohérente. Leur chiffrage, exercice difficile, progressera via une meilleure utilisation des déclarations fiscales et un croisement plus fréquent avec des données statistiques. Cet effort ne devra pas se limiter aux 6 milliards annoncés par le Gouvernement à horizon 2013, qui correspondent à la hausse moyenne des dépenses fiscales chaque année, mais porter sur 10 milliards en application de la règle posée par la loi de programmation qui limite la durée de vie des dépenses fiscales créées à partir de 2009 à quatre ans. Il faudra compléter cet examen des dépenses fiscales par un abaissement du plafond global des avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu qui a été instauré en 2009 ou une réduction forfaitaire de tous les crédits et réductions d'impôts -le fameux coup de rabot. Si de telles mesures sont décidées, elles devront s'appliquer de manière systématique et uniforme et, en priorité, aux réductions et crédits d'impôts.
Quant au retour à l'équilibre des comptes sociaux, il passera par un apport de nouvelles recettes qu'il faut d'abord rechercher dans un réexamen systématique des exonérations de cotisations et des réductions d'assiette. On pourra agir, en particulier, sur les dispositifs d'entreprise, comme l'intéressement ou la protection sociale complémentaire, générateurs de fortes inégalités entre les salariés. Enfin, il faudra rapidement transférer à la Cades la dette accumulée de l'ACOSS au titre de la maladie, ce qui imposera sans doute de combiner un relèvement du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et un allongement de la durée de vie de la dette sociale, à condition qu'elle soit remboursable dans un délai maximum de dix à quinze ans.
Pour conclure, la France, dont les finances publiques étaient déjà fortement dégradées, est entrée en 2009 dans une récession jamais connue depuis la seconde guerre mondiale si bien qu'elle ne pourrait pas faire face aujourd'hui à un éventuel retournement conjoncturel ou à une nouvelle crise financière sans craindre les réactions de ses créanciers. Les marges de manoeuvre de l'État se trouvent progressivement réduites par l'effet boule de neige de notre endettement. Plus nous attendrons, plus les efforts à réaliser seront importants parce qu'il faudra payer les charges d'intérêts de notre dette. Le coût de l'inaction est supérieur à celui des mesures immédiates. La dette a augmenté de près de quinze points de PIB entre fin 2007 et fin 2009, ce qui génère chaque année des charges d'intérêts supplémentaires de 10 milliards au taux d'intérêt théorique de 3,5 %, soit l'équivalent des deux tiers des aides personnelles au logement versées à plus de 6 millions de personnes. Il faut donc engager la consolidation des comptes publics dès 2011. Voilà le principal message de la Cour, dont j'ai bon espoir qu'il sera entendu.
Ce message, loin d'être pessimiste, oblige à plus de lucidité sur les efforts à accomplir et les nombreux atouts dont la France dispose pour rétablir sa situation financière. Engageons-nous dans cette voie pour donner à tous la conviction d'un effort collectif, partagé et équitable. C'est à cette condition que nous pourrons parer aux comportements d'épargne de précaution, défavorables à la croissance, et conforter la confiance des créanciers dans notre pays.
Merci de cet éclairage sur nos finances publiques. Vos observations, partagées par la commission des finances, ne nous étonnent guère. La bonne nouvelle est que la dégradation de nos finances publiques n'est pas irréversible ! Nous aurons tout le loisir d'éprouver nos convictions lors de l'exercice stimulant du débat d'orientation budgétaire auquel participe le Gouvernement.
Merci de ce constat extrêmement clair. J'ai le sentiment que notre commission des finances, pour m'en tenir à une litote, est enfin moins isolée...
Soit ! Mais l'aggravation de notre situation a incité à davantage de lucidité... Une contrainte contradictoire pèse sur notre pays. D'une part, nous devons revenir à un déficit de 3%, sans quoi les conditions de financement de notre dette s'alourdiront de sorte que toutes les perspectives de rétablissement de nos comptes voleront en éclat. D'après toutes les études prospectives, le crédit de la France se maintiendra. Soit, mais à condition que nous nous astreignions à une trajectoire crédible. J'insiste : il nous faudra de la persévérance, de la constance et, j'ose le mot, de la rigueur dans les mesures appliquées... D'autre part, les efforts de consolidation, qui iront s'amplifiant à mesure que les plans des États de la zone euro et de l'Union européenne s'accroîtront, remettront en cause la croissance potentielle de nos États et notre capacité à nous situer sur cette trajectoire de croissance potentielle. Dans ces conditions, est-il concevable de revenir à 3 % de déficit public en 2013 avec une croissance sensiblement inférieure aux 2,5 % affichés de manière volontariste, et selon moi, non crédible par le Gouvernement ? Il y a donc une contradiction entre la confiance des marchés, la capacité à faire évoluer nos économies et à maintenir une croissance minimale. Cette contradiction, à laquelle nous n'échapperons pas, ne doit en aucun cas être une excuse à une coûteuse inaction, a rappelé le président Migaud. Pour autant, elle constitue un vrai problème de modèle pour la France et la zone euro.
La nouvelle norme de dépenses de l'État, annoncée par le Premier ministre, est le gel en valeur des dépenses hors charge de la dette et hors pensions. Monsieur le président, cette nouvelle norme de dépense est-elle plus rigoureuse que l'ancienne norme, c'est-à-dire la stabilisation en volume ? Concernant les dépenses de personnel, pensez-vous que la RGPP a été source d'économies ? Les mesures catégorielles et générales portant sur les rémunérations ont-elles réduit les gains de la RGPP ? La Cour préconise-t-elle le gel indiciaire de la fonction publique d'État ? Quelles mesures spécifiques devraient être prises pour éviter que la création de très nombreux opérateurs de l'État ne rende théoriques les règles de gouvernance de nos finances publiques ? Quelles sont les mesures préconisées pour contraindre les dépenses et l'endettement des opérateurs de l'État ? Enfin, deux questions inspirées par les auditions sur le projet de loi de règlement. Peut-on réduire de 10% les dépenses d'intervention en ne sacrifiant que des dépenses discrétionnaires ou faut-il aussi modifier les régimes des différents guichets ? Les objectifs de réduction des dépenses sont-ils compatibles avec les lois de programmation et les nombreuses contractualisations en cours que l'État s'est plu à signer avec des partenaires divers ?
Ce matin, le rapport de M. de Montesquiou sur la loi de programmation et d'orientation pour la performance de la sécurité intérieure ne nous a guère rassurés...
Merci de ces propos sur les travaux de la Cour. Il est dans l'intérêt de notre pays de respecter ses engagements vis-à-vis des autres pays de l'Union. Il y va du crédit de la France, il y va des conditions de financement de notre dette. Un retour à un déficit de 3% en 2013 paraît un objectif difficile quand le Gouvernement se fonde sur des hypothèses optimistes. Par exemple, l'élasticité des recettes est fixée à 1,2% quand, dans le passé, elle n'a jamais été supérieure à 1% après une forte période de récession. La Cour recommande donc de prévoir des mesures pour parer à la situation où les hypothèses ne se vérifieraient pas. Le Gouvernement y réfléchit actuellement, le Parlement débattra bientôt des orientations budgétaires, les arbitrages ne sont pas encore rendus sur les lois de finances et de financement.
L'adoption d'une nouvelle norme de dépense modifie peu la situation. Il faut donc aller au-delà car les objectifs de maîtrise de la dépense publique ne sont pas respectés, en raison de l'accroissement des dépenses fiscales et des dépenses des opérateurs de l'État, dont l'augmentation respective a été de plus de 8,5 % et de plus de 11 %.
Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite génère des économies modestes, environ 500 millions, qui sont, de surcroît, en partie recyclées. En revanche, cette réforme aura des effets à long terme sur les finances publiques.
Concernant les règles de gouvernance de nos finances publiques, elles ont une portée symbolique au moins pour nos partenaires. L'important, plutôt que de les modifier, est de les faire respecter.
La réduction de 10% des dépenses d'intervention et des dépenses courantes nécessite la modification du régime des guichets pour mieux cibler la dépense. Trop souvent, l'objectif initial s'est perdu.
Effectivement, la comparaison des engagements pris dans les lois de programmation avec les objectifs de réduction des dépenses peut être source d'inquiétude. D'où la nécessité de ne pas multiplier les dépenses, notamment fiscales.
La loi de programmation militaire, comme toute politique publique, devrait être remise sur la table.
La Cour ne formule pas de propositions.
Elle reste à sa place en dressant des constats et en établissant des chiffrages : aux politiques de décider.
La maîtrise de la dépense publique requiert un effort plus ample. Nous mettons des éléments sur la table, il vous appartient d'arbitrer. Il peut aussi y avoir des mesures temporaires. Nous avons chiffré le gel indiciaire.
Cela représente 1,8 milliard...
pour les trois fonctions publiques.
La situation des comptes sociaux 2009 et 2010 n'est pas plus rassurante que celle de l'Etat. Fin 2010, les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteindront 53 milliards d'euros. L'Acoss ne pourra continuer à les prendre en charge et la Cades aura besoin de ressources nouvelles, voire d'une prolongation de sa durée de vie. Quelles sont les options envisageables ?
Dans le cadre de la réforme des retraites, le FRR pourrait alimenter la Cades. Est-ce inévitable ? Une affectation au FSV ne serait-elle pas plus judicieuse ?
L'Ondam a connu un dépassement de plus de 700 millions en 2009. La rationalisation des établissements doit-elle conduire à tout facturer selon la logique de la tarification à l'activité (T2A) ? Cette réforme n'a-t-elle pas des effets pervers ?
La Cour a indiqué dans son rapport 2009 que l'Acoss ne pouvait pas porter des déficits d'une telle ampleur ; la loi de financement de la sécurité sociale l'a néanmoins autorisée à emprunter jusqu'à 65 milliards. Les plafonds d'avance de trésorerie de l'Acoss doivent permettre de faire face aux seuls déficits infra-annuels ; le processus est aujourd'hui dévoyé. Un transfert à la Cades aurait pour contrepartie de nouvelles ressources avec, peut-être, un report de son échéance. Il convient d'augmenter la CRDS et de jouer sur la durée d'amortissement. Rolande Ruellan vous expliquera que, dans cette dernière hypothèse, il faut modifier la loi organique.
La réforme des retraites devrait permettre de revenir à l'équilibre en 2018, mais rien ne le garantit. Elle repose sur 13 milliards de recettes supplémentaires et 15 milliards de mesures d'économies. En tout état de cause, il faudra des ajustements. Nous ne connaissons pas le détail de la réforme proposée, qui laisse entière la question du financement de l'assurance maladie, sauf à imaginer que le FRR vienne combler le déficit. Céder des actifs est difficile dans le contexte actuel ; il n'y a pas de disponibilités immédiates. La crise peut rendre légitime d'utiliser une ressource, mais il ne s'agit pas du seul déficit et un raisonnement global est nécessaire.
Non, mais elle a accéléré le déficit. La question des retraites ne doit pas occulter celle de l'assurance maladie, dont le déficit est supérieur.
Le dépassement de l'Ondam s'élève à 740 millions, dont 600 millions pour les établissements de santé. La grippe peut avoir « le dos large » ; en réalité, l'introduction de la nomenclature V 11 a provoqué des dépenses supplémentaires, les hôpitaux étant mieux rémunérés pour les cas graves ; ce nouveau codage a donné lieu à une optimisation. Les Hospices civils de Lyon viennent ainsi de se voir infliger un redressement pour avoir surcodé, même si des erreurs sont possibles. Le problème essentiel reste l'organisation de l'hôpital. On n'a pas assez progressé sur le réseau et sur l'organisation interne. Des hôpitaux demeurent déficitaires et empruntent parfois pour rembourser des emprunts. Ils n'ont pas sur s'adapter assez rapidement pour faire face au passage à la T2A, ce juge de paix impitoyable qui a révélé les sous-productivités des établissements.
Nous y reviendrons en septembre.
A vous entendre, on sent qu'il n'y aura pas de mesures fortes prises dans ce domaine par le Gouvernement. Il faudra que la commission des finances...
renouvellent leurs initiatives. Vous avez en effet dressé un parallèle entre le déficit budgétaire, qui appelle une diminution des dépenses car les recettes ne sont pas certaines, et le déficit social, qui nécessite des recettes supplémentaires - vous devinez la position de celui qui a à connaître du FRR et de la Cades. Vous ne pouvez pas donner votre sentiment sur la TVA pour la restauration mais la Cour donne souvent son avis sur l'efficacité ou l'inefficacité d'une dépense. Les 20 milliards d'allègements de charges forment une trappe à bas salaires. La Cour pourrait-elle nous aider par ses avis ?
Il est nécessaire de relever la CRDS, je le confirme. L'assiette de cette contribution est large et son taux bas ; la reprise de 10 milliards d'euros supposerait ainsi une augmentation de 0,077 point de la CRDS en 2010, mesure qui présenterait l'avantage d'être indolore et compréhensible pour l'opinion publique. La réforme des retraites est le prélude à un règlement des comptes sociaux et des solutions seront peut-être apportées au sujet du financement de la dépendance. Tarder ne rendra-t-il pas le relèvement de la CRDS plus difficile ? Ma génération a la douleur de reporter sur ses enfants et petits-enfants la charge de ses feuilles de maladie. Un gouvernement peut néanmoins répugner à augmenter la CRDS et à ajuster la CSG à l'endroit des retraités, ce qui pourrait être mal accepté.
Si je n'ai pas encore eu le temps de lire la totalité du rapport, j'ai pris connaissance avec intérêt des réponses du Gouvernement. Représentant la commission des finances au conseil de surveillance du Fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), j'ai noté une augmentation de 40 % du nombre des bénéficiaires de la CMU en 2009. La croissance est plus faible pour la complémentaire. Cette affaire, qui concerne plus de 4 millions de personnes, n'apparaît jamais dans les dépenses sociales. Pourriez-vous y jeter un coup d'oeil ?
La Cour a noté que 68 % de notre dette extérieure était portée par des non-résidents, ce qui est dangereux. Dans ses réponses, le Gouvernement avance une justification extraordinaire : cela accroît la sécurité du pays !
On doit trouver un mécanisme de réorientation de l'épargne. Enfin, dans la boîte à outils, il y a l'augmentation des recettes. Une augmentation de la TVA et de la CSG n'est-elle pas préférable au bricolage fiscal ?
Il y a entre nous quelques points de consensus. Indépendamment du respect que nous lui portons, nous n'avons pas à déléguer une partie de nos pouvoirs à la Cour. Nous avons un rôle de contrôle des dépenses. La communication d'Aymeri de Montesquiou ce matin, en commission des finances, a démontré que la mission « Sécurité » a engagé des dépenses qui n'avaient pas encore été validées par le vote de la loi de programmation (LOPPSI 2), ce qui est extrêmement dommageable. Certaines règles ne sont pas respectées, ainsi en ce qui concerne les niches fiscales.
L'an dernier, le rapporteur général nous avait expliqué qu'il était heureux que nous n'ayons pas à voter sur les projections pluriannuelles qui engagent le Gouvernement. Je suis ravi de son nouvel optimisme.
Nous discutons de manière systématique de la dépense et de la recette, mais la croissance est fondamentale. Comment atteindre nos objectifs si nous ne prenons garde à celle-ci ? Le plan de relance a souligné l'importance du rôle des collectivités locales, mais quel sort leur réserve-t-on ?
La T2A et le prix de journée ont un effet inflationniste. J'ai été très surpris de constater l'importance des partenariats public-privé dans les hôpitaux publics. Si je n'y suis pas hostile par principe, je sais aussi quelle bombe à retardement ils deviennent quand on ne les contrôle pas. Il n'est pas admissible que des hôpitaux empruntent pour rembourser d'autres emprunts. Je m'y suis opposé pendant trente-et-un ans au CHU de Rennes, alors même que je votais les budgets.
Si j'ai dit qu'il était préférable de ne pas être amené à voter les programmes pluriannuels, c'est que je les trouvais insincères : ils étaient envoyés à Bruxelles sans réelle intention de les mettre en pratique. Le double langage n'étant plus de mise cette année, car la situation est bien pire, nous pourrions voter.
La commission Camdessus propose de fixer un plafond de dépenses et un plancher de recettes pluriannuels.
Quand le discours s'écarte de la réalité, c'est la résurrection du « nouveau roman » !
Il faut beaucoup d'optimisme pour y croire... La situation est pire que l'an dernier, quand on nous annonçait un effort de maîtrise. Il y a la crise, mais les deux-tiers du déficit sont d'ordre structurel.
Je suis abasourdi par la comparaison avec nos partenaires européens : nous sommes les mauvais élèves de l'Europe. Comment redresser la situation ? Tout est dans le rouge et il n'y a pas beaucoup de grain à moudre. Je suis plutôt pessimiste. Quand le Gouvernement a pris de mauvaises décisions au cours de ces huit dernières années, sa majorité ne l'a pas corrigé. Peut-on arrêter les cadeaux fiscaux et avez-vous analysé les niches fiscales et sociales du point de vue de l'emploi ? Il ne s'agit pas que le malade meure guéri ! Rêver d'une croissance de 2,5 %, c'est se faire plaisir.
Cet échange me déprime. Les mesures indispensables auront des conséquences peu réjouissantes. Pouvez-vous nous remonter le moral en énumérant les atouts de la France ?
Dans son récent rapport sur l'hôpital, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale pointe la possible dérive de la T2A. Ce mécanisme crée en effet un intérêt à amplifier les recettes pour caler les dépenses. La tentation est grande pour un CHU en déficit... Les comptabilités analytiques restent indigentes et, si l'on a accompli des progrès sur les paramètres de base des échelles de coût et que l'on maîtrise mieux les coefficients de groupe, encore faut-il jouer sur les deux tableaux simultanément.
Avez-vous constaté une amélioration de la gouvernance des hôpitaux et des systèmes d'information ?
Ce n'est pas managé ! Peut-on espérer un meilleur pilotage et qu'on sorte des querelles entre hôpital public et clinique privée qu'il faudrait mettre en synergie ?
L'administration hospitalière française est très bonne mais il y a une défaillance au niveau ministériel - je l'ai expérimenté à mes dépens. Cela procède de la tradition de pauvreté des ministères sociaux.
Les mesures d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), sur lesquelles je prépare un rapport, représentent plus de 8 milliards d'euros. Je découvre des choses au fil des auditions.
Il faut agir sur les dépenses et sur les recettes, tant pour le budget de l'Etat que pour les comptes sociaux. Il y a des marges sur le bloc des niches fiscales et la Cour s'est exprimée à plusieurs reprises sur la baisse de la TVA pour la restauration, qu'elle a estimée inopportune. Le contexte des finances publiques est extrêmement tendu. La loi de programmation prévoit que toute nouvelle dépense fiscale doit être gagée et qu'elle peut être mise en cause. La Cour des comptes, monsieur Hervé, reste à sa place...
Nous disons les choses en toute indépendance et vous décidez.
Les conditions de vote de la TVA sur la restauration ne sauraient se reproduire puisque de telles dispositions relèveront désormais obligatoirement de la loi de finances.
La Cour des comptes ne peut que se réjouir de cette discipline. S'agissant des niches fiscales et sociales, la méthode du « rabot » présente au moins le mérite de l'efficacité et de la rapidité : 10 % de 30 milliards d'exonérations fiscales, cela fait 3 milliards. Cependant, une mesure générale ne doit pas exclure de travailler sur chaque niche.
Ce matin, à l'Assemblée nationale, la question de la retransformation des dépenses fiscales en dépenses budgétaires a été posée par le rapporteur général Gille Carrez.
La CMU est inscrite dans notre programme pluriannuel et nous y reviendrons dans un rapport futur. Nous avons pris connaissance de la réponse du Gouvernement sur la dette. Il devient dangereux de trop dépendre de l'extérieur qui impose des règles. Si l'on ne doit pas prendre de décisions interdisant le retour à la croissance, les effets keynésiens s'émoussent quand la dette est trop élevée et l'inaction a un coût car ne pas agir, c'est laisser la dette et la dépendance s'accroître aux dépens de la souveraineté et de notre marge de manoeuvre.
La TVA ne fait pas partie de nos recommandations afin de ne pas trop peser sur la consommation. Le déblocage de l'épargne est un sujet récurrent.
Il faudra bien se poser un jour la question de savoir ce qui prime de la consommation ou de la production.
Je connais vos propositions.
Oui, le contrôle et l'évaluation sont importants, et la Cour peut y aider. Poursuivre l'endettement, même de façon maîtrisée peut être contreproductif en termes de croissance et si les collectivités territoriales contribuent à l'investissement, celui-ci n'a pas augmenté en 2009, les mesures du Gouvernement ayant eu essentiellement pour objet de faciliter la trésorerie des collectivités.
La situation est grave mais pas désespérée car la France a des atouts, madame Le Texier. La crise immobilière y a été moins forte et les conséquences de la crise financière y ont été moins sensibles. Nous avons des comptes transparents et fiables, grâce à la certification, ce qui peut contribuer à notre crédibilité. Le taux d'épargne privée est plutôt plus important que chez nos voisins et la démographie joue en notre faveur. Enfin, le modèle social a pu avoir des effets heureux lors de la récession. Préserver ces atouts contribue à un redressement qui est possible si l'on prend des mesures immédiates, continues, partagées et structurelles.
On peut partager le constat de messieurs Le Menn et Arthuis sur les hôpitaux qui ont un vrai problème de pilotage.
Nous traitons tous les ans de l'hôpital dans le rapport sur la sécurité sociale. Nous avons observé des poches de sous-productivité : il y a forcément des progrès à réaliser. Nous disposons d'outils comparatifs. Les établissements n'en sont pas moins des personnes morales et il y en a 1 100. La loi Hôpital patients santé et territoires devrait apporter des améliorations. Les comptabilités analytiques ne sont pas assez développées et la T2A, qui a un côté inflationniste, appelle des contrôles. Des hôpitaux perdent de l'argent faute de coder correctement. Or les tarifs sont fixés en fonction de l'enveloppe prévue. Nous avons bien entendu évoqué les MIGAC l'an denier.
Merci de cette audition stimulante. En présentant votre rapport, vous avez confirmé que la Cour assure pleinement sa mission d'assistance du Parlement, et tout particulièrement quand il veut exercer ses prérogatives de contrôle. Les prochains rendez-vous seront vivifiants car le vote sur le débat d'orientation budgétaire, s'il n'engage pas la responsabilité du Gouvernement, préfigure les lois pluriannuelles, avec un plafond de dépenses et un plancher de recettes pour tracer la trajectoire du retour à l'équilibre. Nous avons entendu vos observations. Le Gouvernement s'engagera sur les préconisations de M. Camdessus. Nous devrions avoir une autre attitude sur les lois de finances et contenir l'addiction pour les dépenses publiques comme la tentation de baisser les impôts. Nous sommes appelés à un partage équitable, avec 45 milliards de recettes supplémentaires et 45 milliards de dépenses en moins. Nous n'aurons pourtant franchi que la moitié du chemin vers l'équilibre.