La commission d'enquête a tout d'abord entendu MM. Richard Samuel, haut fonctionnaire de défense, directeur des affaires politiques, administratives et financières, Luc Retail, responsable de la mission chargée de la police nationale, et Jean-Marie Laperle, chef d'escadron responsable de la mission chargée de la défense civile et de la gendarmerie nationale, au ministère de l'outre-mer.
a souligné que l'immigration clandestine revêtait un caractère très particulier en outre-mer compte tenu de son ampleur -en France, près d'une mesure de reconduite à la frontière sur deux est effectuée depuis les collectivités ultramarines- insistant par ailleurs sur son effet déstabilisant sur des sociétés aux dimensions géographiques et humaines souvent réduites.
Il a indiqué que cette situation, qui touche plus particulièrement la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte, justifiait des mesures législatives propres à l'immigration clandestine dans les collectivités françaises d'outre-mer, arrêtées lors du comité interministériel de contrôle de l'immigration du 27 juillet 2005, qui avait retenu trois axes d'action :
- l'adaptation, chaque fois que nécessaire, du droit applicable en métropole afin d'améliorer les conditions d'intervention des services et de réduire l'attractivité des territoires ultramarins ;
- le renforcement de la capacité d'action opérationnelle des moyens de l'Etat, soit par un accroissement de ceux-ci, soit par une optimisation de leur mise en oeuvre ;
- l'intensification de l'action diplomatique envers les pays d'origine ou de transit par la signature d'accords de réadmission et l'accroissement de la coopération en vue de leur développement.
Il a mis en exergue la forte augmentation, depuis quelques années, de la pression migratoire sur les collectivités d'outre-mer, en particulier sur la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte, précisant qu'entre 2001 et 2005, le nombre de reconduites avait plus que doublé, passant de 7.640 à 15.588. Il a indiqué que cette progression atteignait 106 % à Mayotte, 100 % en Guyane et 85 % en Guadeloupe et, bien que les taux portent sur des chiffres moins élevés en valeur absolue, 178 % en Martinique et 167 % à la Réunion.
Il a jugé que Mayotte connaissait la situation la plus grave puisqu'on estimait généralement que près de 40 % de la population, c'est-à-dire environ 60.000 personnes, sur une population de 160.000 habitants, était constituée d'étrangers aux trois quarts en situation irrégulière. Il a souligné qu'avec une proportion identique, la métropole compterait plus de 18 millions d'immigrés clandestins.
a rappelé que certaines caractéristiques des collectivités ultramarines rendaient difficile la gestion des flux migratoires :
- sauf en Guyane, l'insularité alliée à l'exiguïté : le recensement de juillet 2002 faisant apparaître une densité de 430 habitants au kilomètre carré à Mayotte, 338 en Martinique, 237 en Guadeloupe, 281 à la Réunion, cette densité atteignant, pour cette dernière, 740 habitants au kilomètre carré en excluant les territoires montagneux ;
- les relations historiques existant entre ces collectivités et leur environnement, qui rendent notamment difficile la négociation d'un accord de réadmission ou l'obtention de facilités pour la reconduite des Comoriens, compte tenu des relations familiales existant entre Anjouan et Mayotte et de la revendication de souveraineté portée par les Comores ;
- la dualité de statuts civils applicables à Mayotte où quelques Mahorais sont soumis au statut civil de droit commun tandis que la majorité d'entre eux bénéficient d'un statut de droit personnel, au sens de l'article 75 de la Constitution, inspiré du droit coranique. Il a souligné que, depuis la modification de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, la filiation naturelle pouvait être établie, dans le cadre du statut civil de droit local, par dation du nom ;
- une situation économique qui favorise l'attractivité des territoires ultramarins dans leur environnement régional. M. Richard Samuel a indiqué que le SMIC mahorais représentait, certes, 48 % du SMIC métropolitain, mais que le produit national brut (PIB) par habitant de cette collectivité représentait, en mai 2005, neuf fois celui des Comores, qui s'élève seulement à 431 euros. Il a précisé qu'en 2002, le PIB par habitant était de 14.037 euros en Guadeloupe et de 15.519 euros en Martinique, alors qu'il atteignait, dans le même temps, seulement 1.610 euros en Haïti et 5.640 euros à la Dominique. Il a rappelé que les Comores et Haïti étaient les pays les plus pauvres de la planète, leur indice de développement humain les classant respectivement aux 136e et 149e rang mondial, alors que, à titre de comparaison, la Guadeloupe, si elle était un Etat, serait classée au 33e rang mondial.
a indiqué que le ministère de l'outre-mer cherchait à améliorer les outils juridiques actuels afin de mieux lutter contre l'immigration clandestine outre-mer dans le respect des dispositions des articles 73 et 74 de la Constitution qui organisent, pour les départements d'outre-mer, un régime d'assimilation juridique permettant des adaptations législatives « tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » et, pour les collectivités d'outre-mer, un principe de spécialité législative permettant une « organisation particulière » et tenant compte des « intérêts propres » de chacune d'elles au sein de la République.
Il a souligné que le Conseil constitutionnel faisait une appréciation très différente des notions de « contraintes particulières » et d'« intérêts propres », avec, pour la seconde, une plus grande liberté d'action. Il a précisé que le droit applicable dans les collectivités relevant de l'article 74 pouvait largement différer du droit en vigueur en métropole, sous réserve du respect des principes constitutionnels, le Conseil constitutionnel ayant admis, dans une décision du 20 juillet 1993, que le droit de la nationalité pouvait tenir compte des intérêts propres au sein de la République des collectivités régies par le principe de spécialité législative.
Il a indiqué que les mesures examinées par le ministère de l'outre-mer dans ce cadre tendaient à :
- généraliser à toute la Guadeloupe le régime applicable à Saint-Martin et en Guyane en matière de recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière ;
- permettre des visites sommaires de véhicules circulant sur la voie publique ;
- autoriser l'immobilisation des véhicules terrestres ayant servi à commettre des infractions aux règles d'entrée et de séjour des étrangers en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte ;
- imposer, pour la dation de nom en vigueur à Mayotte, que les deux parents soient de statut civil de droit local ;
- étendre à tout le territoire de la République les mesures d'interdiction du territoire, de reconduite à la frontière et d'expulsion prononcées outre-mer.
Il a relevé que certaines de ces mesures reprenaient des propositions de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'immigration clandestine à Mayotte. Exprimant sa crainte que l'adoption d'un régime plus restrictif en Guadeloupe ne détourne vers la Martinique une grande partie des flux migratoires en provenance des Etats voisins, il a estimé qu'il conviendrait de réfléchir à une extension à la Martinique de certaines des mesures envisagées pour la Guadeloupe.
a exposé que les moyens opérationnels de lutte contre l'immigration clandestine devaient être renforcés, à commencer par les moyens humains. Il a insisté sur l'effort déjà accompli puisque, de 2001 à 2005, les effectifs de la police aux frontières avaient augmenté de 15 % en Guadeloupe, de 53 % en Guyane et de 700 % à Mayotte, ce dernier chiffre tenant compte de l'intégration des policiers mahorais. Il a indiqué que la police aux frontières recevrait cette année de nouveaux renforts à Mayotte et en Guyane.
Il a également souligné le renforcement des effectifs et la mobilisation des forces de sécurité non spécialisées dans la lutte contre l'immigration clandestine mais qui, dans leur activité quotidienne, pouvaient exercer des actions efficaces en ce domaine. Il a indiqué que les services de sécurité publique et de gendarmerie avaient augmenté respectivement de 2 % et 7 % à la Guadeloupe, de 29 % et 7 % à la Martinique et de 9 % et 15 % en Guyane.
Il a évoqué l'effort accompli en ce qui concerne les moyens matériels, soulignant qu'à Mayotte, la police aux frontières disposait désormais de deux embarcations, dont une vedette de 12 mètres mise en service en mai 2005, deux autres vedettes devant être mises en chantier et livrées en 2006. Il a rappelé que la gendarmerie maritime avait mis en service une vedette neuve l'année dernière, une neuvième vedette devant être affectée à la Guadeloupe en 2006.
Il a également insisté sur l'enveloppe de 2,5 millions d'euros dégagée par le ministère de l'outre-mer pour l'installation de deux radars de surveillance maritime à Mayotte : le premier, entré en service en novembre 2005, ayant déjà fait la preuve de son efficacité en permettant l'interception de 13 embarcations ; le second devant entrer en service en avril 2006.
Il a, en outre, évoqué l'intensification de la lutte contre le travail clandestin, estimant que celle-ci aurait une incidence sur le nombre d'infractions à la législation sur les étrangers relevées par les services de police et de gendarmerie.
Il a rappelé que, dans le cadre de l'action de l'Etat en mer, le préfet de la Guadeloupe et le préfet de Mayotte bénéficiaient désormais d'une délégation du délégué du gouvernement pour l'action de l'Etat en mer -respectivement les préfets de la Martinique et de la Réunion- pour la lutte contre l'immigration clandestine par voie maritime. Il a estimé que ce dispositif permettait à la fois de mobiliser les services de l'Etat au plus près des réalités locales et d'assurer une cohérence plus forte entre les dispositifs terrestre et maritime de lutte contre l'immigration clandestine.
Il a jugé que les résultats obtenus dans la lutte contre l'immigration clandestine témoignaient de l'effort réalisé par l'Etat puisque, pour le mois de janvier, le nombre de reconduites à la frontière avait plus que triplé dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer par rapport à 2005 : au 31 janvier 2006, 2.092 reconduites avaient été effectuées, l'augmentation atteignant 424 % à Mayotte.
a estimé que beaucoup restait à faire, en matière de coopération régionale, pour réduire l'attractivité des territoires français d'outre-mer par rapport aux Etats voisins, jugeant que, par des actions de développement économique ou de développement des infrastructures locales, ce type de coopération pouvait permettre de retenir dans leur pays des étrangers tentés par l'émigration vers la France.
Il a ainsi indiqué que, lors de la cinquième commission mixte franco-comorienne, en avril 2005, deux domaines d'action avaient été définis pour l'aide française, qui pourraient contribuer à freiner les mouvements migratoires vers Mayotte :
- d'une part, le développement rural, producteur de richesses et créateur d'emplois, afin de développer les filières et la commercialisation des produits agricoles, de stabiliser la propriété foncière et de favoriser le désenclavement rural ;
- d'autre part, la santé, en dissuadant les femmes comoriennes de se rendre en France pour y accoucher dans de meilleures conditions. Il a souligné que l'Agence française de développement (AFD) était chargée d'un programme d'appui aux services de santé pour la prise en charge de la grossesse et de l'accouchement et que, dans les prochains mois, serait mis en oeuvre un plan d'action associant le ministère des affaires étrangères, l'AFD et l'agence régionale de l'hospitalisation de la Réunion tandis que, parallèlement, un appui technique et financier serait apporté à des organisations non gouvernementales capables d'améliorer rapidement la santé maternelle et infantile à Anjouan. Il a ainsi évoqué la création possible d'un « peace corps » à la française.
Il a estimé que le développement des actions de coopération impliquait de mieux mobiliser les outils financiers disponibles, en particulier les fonds de coopération régionale, dotés seulement de 3,6 millions d'euros, l'AFD et les crédits communautaires INTERREG. Il a jugé que rien n'interdisait que les fonds de coopération régionale soient mobilisés dans des domaines qui pouvaient avoir une influence sur l'immigration clandestine, comme l'éducation, la santé ou le développement rural. Il a insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas seulement de construire des dispensaires ou des écoles, mais qu'il fallait également fournir les personnels qui permettront d'assurer les soins ou l'enseignement.
Soulignant la tension extrême qui régnait à Mayotte entre la population mahoraise et les immigrants comoriens, M. François-Noël Buffet, rapporteur, s'est interrogé sur les mesures qui permettraient de mettre fin, à très court terme, à cette situation, abordant notamment la question de la résorption des bidonvilles de Mamoudzou.
a reconnu que l'importance de l'immigration clandestine alliée à l'exiguïté des collectivités suscitait une montée du racisme et de la xénophobie, ce qui était notamment palpable en Guadeloupe. Il a jugé que, dans un premier temps, le renforcement de l'appareil répressif devait se poursuivre mais qu'il ne suffirait pas à régler le problème.
rappelant que la conférence des bailleurs de fonds des Comores avait prévu une aide de 65 millions d'euros sur la période 2006-2009, a demandé s'il ne serait pas préférable que la France effectue elle-même, sur le terrain, les actions de coopération financées par ce biais. Il a souligné les difficultés liées à l'absence de délimitation territoriale claire de la frontière entre la Guyane et le Surinam sur le fleuve Maroni et a demandé si celle-ci ne constituait pas un obstacle à l'exercice des contrôles frontaliers. Il a rappelé que la départementalisation de la collectivité de Mayotte était souhaitée par la majorité de la population, mais qu'elle pourrait avoir pour effet de renforcer l'attractivité de cette île sur les immigrants clandestins.
a insisté sur la nécessité de mettre en place une coopération destinée à améliorer la qualité des équipements et personnels de santé aux Comores. Il a estimé qu'il conviendrait de joindre à l'aide ainsi apportée des recommandations en matière de bonne gouvernance. Il a souhaité que les négociations concernant la délimitation frontalière sur le fleuve Maroni soient accélérées, mais a estimé qu'elles ne seraient pas absolument déterminantes pour assurer un meilleur contrôle des flux d'immigration. Il a rappelé que la loi du 11 juillet 2001 avait prévu une consultation sur la départementalisation de Mayotte en 2010. Il a jugé qu'il était nécessaire de tenir compte des spécificités locales, et notamment de l'existence d'un statut civil de droit local.
a considéré que Mayotte constituait une société de type post-colonial. Il a insisté sur la nécessité d'accroître la coopération interrégionale en estimant qu'il convenait d'exécuter directement sur place les programmes d'aide. Il a jugé que la répression ne saurait constituer une réponse adaptée à l'ampleur du problème.
a estimé qu'il convenait déjà de régler les problèmes suscités par les immigrés clandestins présents sur le territoire national, évoquant les bidonvilles ainsi créés. Elle a jugé qu'il existait un laisser-aller en matière d'urbanisme et en matière sanitaire, soulignant par ailleurs la montée du racisme parmi les populations autochtones.
a rappelé que, quelle que soit leur situation au regard du séjour, les étrangers étaient soignés et leurs enfants scolarisés. Il a estimé que le problème le plus délicat en outre-mer était celui de l'habitat. Il a relevé l'existence de difficultés foncières ainsi que le fait que nombre d'habitats illégaux avaient été construits sur le domaine public maritime. Il a jugé nécessaire de régulariser ces habitats, relevant qu'à Mayotte cela permettrait également aux communes de disposer d'une ressource fiscale.
Il a souligné que les départements d'outre-mer faisaient l'objet de programmes de rénovation urbaine importants, évoquant les opérations menées par l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) à Fort-de-France, Pointe-à-Pitre et Cayenne.
a souligné que les personnes retenues dans les centres de rétention, en outre-mer comme en métropole, étaient avant tout des victimes. Il a estimé que les contrôles d'identité aléatoires menés par les services de police pouvaient pénaliser les étrangers irréguliers séjournant en France depuis longtemps. Il a souhaité que les éloignements de Comoriens soient suspendus durant la campagne électorale qui débutait aux Comores, car ils étaient de nature à favoriser les candidats intégristes.
a indiqué que l'application des lois de la République était une nécessité et qu'elle permettait également, dans ce domaine, de mettre un terme à des formes d'esclavage moderne à l'encontre des clandestins.
a souligné que les élus locaux, notamment en Guyane, se plaignaient que le calcul de la dotation globale de fonctionnement ne prenne pas en compte les populations étrangères en situation irrégulière installées sur leur territoire, alors que leur nombre était parfois supérieur à celui des Guyanais.
a estimé que si, dans son principe, cette prise en compte était souhaitable, en revanche, il s'avèrerait difficile de recenser ces populations en situation irrégulière, notamment en raison du fait qu'elles refusaient de se faire connaître.
a demandé où en étaient les travaux relatifs à l'état civil à Mayotte, évoquant les difficultés actuellement posées par les dations de nom et les reconnaissances d'enfants.
a répondu que la mise en place de cet état civil se poursuivait, bien que des différends statutaires avec les personnels de la Commission de révision de l'état civil (CREC), aujourd'hui résolus, aient retardé l'accomplissement de ce travail. Il a indiqué que les équipements logiciels seraient améliorés et a souhaité une meilleure évaluation de l'état civil par le ministère de la justice.
ayant indiqué que les personnels de la CREC avaient déploré le manque de moyens accordés et les difficultés liées à la double tutelle exercée par les ministères de la justice et de l'outre-mer, M. Richard Samuel a reconnu la nécessité d'une meilleure coordination, tout en estimant logique de confier la tutelle de cet organe au ministère de la justice. Il a, en tout état de cause, jugé qu'il fallait parvenir à un état civil moderne, soulignant qu'il était inacceptable que des Français ne disposent pas de papiers d'identité.
a estimé que la coopération avec les Etats voisins des collectivités ultramarines devait être privilégiée, suggérant la mise en place d'une véritable politique d'aide technique permettant d'envoyer des volontaires dans ces pays afin d'y développer certains équipements ou d'y apporter des formations. Il a jugé que cette démarche permettrait d'endiguer la dégradation du tissu social dans ces Etats tout en estimant que l'aide apportée par la France ne devait pas nécessairement transiter par les gouvernements de ces Etats.
s'est déclaré favorable à cette démarche, observant qu'un projet visant à utiliser les moyens du service militaire adapté à la Réunion afin de contribuer au développement et à la formation à Madagascar avait été évoqué. Il a jugé que si une telle expérimentation était mise en place et s'avérait probante, elle pourrait par la suite être étendue.
a regretté que, jusqu'ici, l'action des collectivités et de l'Etat n'ait pas eu encore un caractère suffisamment volontariste pour régler les difficultés rencontrées.
La commission d'enquête a ensuite entendu M. Philippe Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny.
A titre liminaire, M. Philippe Jeannin a déclaré que le tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny avait à connaître de l'immigration clandestine en raison :
- du fait que l'aéroport de Roissy était inclus dans son ressort ;
- de la commission de nombreux faits délictueux liés directement ou indirectement à la présence de nombreux clandestins en Seine-Saint-Denis ;
- du problème des mineurs étrangers isolés.
Il a rappelé que la Seine-Saint-Denis comptait 1,4 million d'habitants, dont une proportion d'étrangers s'élevant à 39 %, mais il s'est déclaré incapable d'évaluer le nombre des clandestins, l'activité judiciaire n'offrant qu'un éclairage partiel. Il a ajouté que la présence de l'aéroport de Roissy suscitait une charge de travail importante au titre de l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) relatif à la prolongation de la rétention administrative par le juge des libertés et de la détention, mais surtout au titre de l'article L. 221-1 du même code relatif à la prolongation du maintien en zone d'attente.
a ensuite détaillé l'activité judiciaire civile du TGI de Bobigny, remarquant que depuis 2001 la situation s'était nettement améliorée.
Concernant les demandes de prolongation du maintien en zone d'attente, après un pic en 2001 avec 12 715 demandes examinées qui avaient profondément désorganisé l'ensemble du travail de la juridiction, il a salué la forte décrue du nombre de demandes : 10.143 en 2002, 2.656 en 2003, 2.122 en 2004 et environ 2.400 en 2005.
Il a expliqué cette évolution par les méthodes nouvelles de la police aux frontières, notamment les contrôles à la descente des avions, par le développement des visas de transit aéroportuaire et par la conclusion d'accords bilatéraux de réadmission.
Concernant les rétentions administratives, il a remarqué que la Seine-Saint-Denis, avec un nombre de demandes de prolongation de la rétention à peu près constant, de l'ordre de 1.500 à 2.000 par an, ne se distinguait pas particulièrement des autres grands départements en zone urbaine.
Il a indiqué que la possibilité prévue par la loi du 26 novembre 2003 de statuer dans une salle d'audience située à proximité du centre de rétention administrative ou de la zone d'attente n'avait pas encore été utilisée, les travaux d'aménagement des salles d'audience sur la zone d'attente de Roissy n'étant toujours pas achevés.
a également indiqué que depuis la stabilisation du nombre des dossiers, cinq juges des libertés et de la détention étaient chargés de l'examen des demandes de prolongation de la rétention ou du maintien en zone d'attente, ce qui facilitait l'élaboration d'une jurisprudence cohérente.
Il a rappelé que le contrôle du juge se limitait à celui des conditions d'interpellation, des motivations de la demande de prolongation et du respect des droits.
Evoquant ensuite la question des mineurs étrangers isolés, il a souligné la complexité de chaque affaire. Il s'est notamment demandé si la législation réservait un traitement suffisamment différencié aux mineurs par rapport à celui réservé aux adultes, en dépit des dispositions relatives à l'administrateur ad hoc ou de la circulaire du 2 mai 2005 prévoyant une formation pendant la période d'accueil.
En outre, il a estimé que l'administrateur ad hoc ne constituait un progrès qu'à condition qu'il dispose du temps nécessaire pour assurer une véritable prise en charge de chaque mineur.
Il a également attiré l'attention sur la nécessité de clarifier le partage des compétences entre les juridictions, notamment entre le juge des libertés et de la détention et le juge aux affaires familiales.
De la même façon, il s'est inquiété de l'hétérogénéité des pratiques locales en matière de mode de prise en charge des mineurs isolés se trouvant sur le territoire national, remarquant toutefois que la circulaire du 2 mai 2005 ébauchait une harmonisation du traitement des mineurs de plus de seize ans.
Enfin, il s'est demandé s'il ne convenait pas, suivant en cela une proposition de M. Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, de modifier la législation afin que les mineurs ne puissent refuser le bénéfice du jour franc avant un éventuel renvoi.
Concernant l'activité pénale du TGI de Bobigny, il a indiqué que les infractions à la législation sur les étrangers au sens large représentaient entre 1.400 et 1.500 affaires par an sur un total de 12.000 à 13.000 affaires correctionnelles.
Il a précisé que les infractions de séjour irrégulier simple étaient exclues de ce décompte, car elles étaient classées sans suite, l'étranger étant directement placé en rétention après la prise d'un arrêté de reconduite à la frontière.
Toutefois, il a déclaré qu'il était très difficile de chiffrer l'incidence de l'immigration clandestine sur le niveau de la délinquance générale. Ainsi, il a indiqué que si de nombreuses affaires concernaient le travail clandestin, elles ne révélaient pas systématiquement l'existence de filières organisées ou d'un phénomène de large ampleur. Il a estimé à une vingtaine le nombre d'ateliers clandestins démantelés par an, chaque atelier comptant entre 4 et 50 clandestins.
a demandé s'il était fait usage de la visio-conférence pour la tenue des audiences devant le juge des libertés et de la détention, comme le permet la loi.
a indiqué que le projet de salles d'audience délocalisées à proximité de la zone d'attente de Roissy prévoyait un système de visio-conférence, mais qu'il n'en avait pas encore été fait usage.
Il s'est interrogé sur le bien-fondé de l'exigence légale du consentement de l'étranger à l'utilisation de la visio-conférence, cette technologie ayant maintenant fait ses preuves, notamment au TGI de Paris.
Revenant au rôle du juge des libertés et de la détention, il a fait observer que celui-ci avait souvent peu de moyens pour apprécier véritablement une situation du fait d'une vue parcellaire sur un dossier.
a ensuite demandé si la fraude documentaire était à l'origine d'un contentieux important.
a répondu qu'en matière pénale, la fraude documentaire était rarement à elle seule la cause d'une condamnation. En revanche, il a expliqué qu'au civil, le parquet était souvent sollicité par les maires pour vérifier l'authenticité de documents d'état civil.
La commission d'enquête a enfin entendu M. François Barry Delongchamps, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, accompagné de M. Alain Le Seac'h, sous-directeur de la circulation des étrangers, et de Mme Isabelle Edet, chargée de mission pour l'asile.
Remerciant la commission d'enquête de lui donner l'occasion de s'exprimer sur un sujet qui est au centre des préoccupations de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France (DFAE), M. François Barry Delongchamps a indiqué que son intervention, qui s'inscrirait dans la suite des propos tenus par le ministre des affaires étrangères lors de son audition par la commission d'enquête, s'organiserait autour de quatre points principaux illustrant l'action de la DFAE dans la lutte contre l'immigration irrégulière : le rôle des consulats, le dialogue avec les pays source d'immigration, la participation à la définition de l'immigration choisie, la mise en oeuvre de la politique de l'asile.
Soulignant que le réseau diplomatique et consulaire était, par définition, aux avant-postes de la politique migratoire, M. François Barry Delongchamps a fait valoir que la DFAE, qui assure l'animation et la gestion du réseau consulaire, était impliquée au premier chef dans la définition et la mise en oeuvre des nouvelles orientations de la politique de l'immigration.
Il a, à ce titre, évoqué en premier lieu les mesures importantes prises en vue de la généralisation progressive de la biométrie. Alors que cinq consulats étaient équipés en 2005, 29 autres devraient l'être en 2006, la généralisation devant être réalisée en 2008 si le ministère dispose des moyens nécessaires.
a évalué à 145 millions d'euros entre 2006 et 2008 le coût global de cette opération, observant que ces dépenses pourraient être couvertes par l'encaissement des frais de dossier de demandes de visas : il a indiqué à cet égard que la France en demanderait, lors du prochain Conseil Justice et Affaires Intérieures, le relèvement de 35 à 60 €, relèvement dont elle souhaitait qu'il puisse être effectif à partir du 1er octobre prochain.
Abordant ensuite la question de la fraude documentaire, M. François Barry Delongchamps a rappelé que les filières de l'immigration clandestine utilisaient les procédures « régulières », souvent avec la complicité des autorités locales, et insisté sur l'importance des trafics de « vrais-faux » documents : le contrôle des actes de l'état civil constitue en conséquence un aspect essentiel de la lutte contre l'immigration illégale.
Notant la rapide croissance des « mariages mixtes » célébrés à l'étranger -13.000 en 1994, 44.000 en 2004- qui sont devenus la première source d'immigration légale, il a estimé que la fraude au mariage, et donc à l'acquisition de la nationalité française, était un élément déterminant du phénomène de pression migratoire auquel était confronté le réseau diplomatique et consulaire.
a indiqué que le ministère des affaires étrangères était partie prenante à la modernisation de certaines règles qui résultera du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages qui sera prochainement examiné par le Parlement, mais aussi de l'avant-projet de loi sur l'immigration et l'intégration, qui prévoit notamment, pour les conjoints de Français, l'allongement des délais d'obtention de la nationalité française par déclaration.
Faisant état du « naufrage » de l'état civil dans certains pays, M. François Barry Delongchamps s'est demandé si ces mesures seraient à la hauteur des enjeux et a émis l'idée que le recours à des tests ADN pourrait, par exemple, faciliter les mesures de regroupement familial, citant à cet égard le cas de familles de réfugiés statutaires qui restent en attente de visas faute de pouvoir établir avec certitude le « périmètre familial ».
Abordant ensuite le thème du dialogue avec les pays source d'immigration, M. François Barry Delongchamps a rappelé que la DFAE assurait, en liaison avec le ministère de l'intérieur, la négociation des accords de réadmission et le suivi de leur application.
Indiquant que la France avait signé 37 accords bilatéraux de réadmission et était liée par cinq accords communautaires, M. François Barry Delongchamps a mis en relief l'utilité de ces instruments pour encadrer les procédures d'éloignement et notamment la délivrance des laissez-passer consulaires.
Il a en revanche douté de l'intérêt de généraliser de tels accords, d'une part parce que les pays source, qui ne sont généralement pas demandeurs d'accords auxquels leurs opinions publiques sont hostiles, sont en conséquence enclins à exiger des contreparties en matière de liberté de circulation qui peuvent aller à l'encontre de l'effet recherché et, d'autre part, parce que des arrangements ad hoc ou la coopération policière peuvent permettre de parvenir au même résultat sans exiger une négociation compliquée.
Le choix doit donc résulter d'un examen au cas par cas, la DFAE et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur ayant fait celui de s'orienter vers une systématisation des accords de réadmission avec les pays d'Europe centrale et orientale et les pays de la zone Caraïbe.
a par ailleurs jugé plutôt encourageant le bilan de la politique conduite par le gouvernement pour améliorer le taux de délivrance des laissez-passer consulaires, qui est passé de 35 % en 2004 à 46 % en 2005, relevant que seuls deux des douze pays ayant fait l'objet de démarches diplomatiques spécifiques depuis le mois de septembre 2005 posaient encore des problèmes. Il a noté à cet égard que l'éventualité de sanctions à l'égard des pays insuffisamment coopératifs relevait d'une décision politique, la DFAE pouvant pour sa part proposer une liste de sanctions possibles et graduées.
a ensuite exposé la participation de la DFAE à la définition d'une immigration choisie, notamment par une meilleure sélection des étudiants étrangers.
Relevant que la France, qui accueille plus de 50.000 nouveaux étudiants étrangers chaque année, est aujourd'hui un des pays les plus ouverts après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, il a souligné qu'il importait de mieux accueillir les meilleurs étudiants, les plus motivés, mais aussi de mieux contrôler, dès le pays d'origine, la réalité et le sérieux de leurs projets d'études. C'est le rôle des nouveaux « centres pour les études en France » (CEF). L'articulation entre les CEF, chargés de l'examen pédagogique des dossiers, et les consulats donne des résultats très satisfaisants et permet aux postes de se concentrer sur l'approche régalienne de la délivrance des visas.
a insisté à cet égard sur la transmission de tous les dossiers aux postes consulaires, qui leur permet de conserver toutes leurs capacités d'action et toutes leurs compétences.
Il a souligné que des conclusions positives pouvaient être tirées de la campagne « étudiants » 2005-2006 dans les cinq pays (Chine, Vietnam, Tunisie, Maroc et Sénégal) où elle a été mise en place, relevant notamment son impact auprès des autorités locales et la baisse de la demande - sauf en Chine - qui met en évidence le rôle de filtre des CEF.
Il a noté que si des difficultés demeuraient - le poids des interventions locales, les divergences d'opinion entre les universités, soucieuses de développer leurs effectifs, et les CEF, l'accès des consulats à la totalité des informations et des dossiers - elles ne remettaient toutefois pas en cause le bien-fondé de cette réforme, à laquelle la DFAE a pris une grande part, et qu'intègre l'avant-projet de loi sur l'immigration et l'intégration en prévoyant la délivrance de plein droit d'un premier titre de séjour pour certains étudiants.
a enfin exposé le rôle de la DFAE dans la mise en oeuvre d'une politique de l'asile conforme à nos engagements internationaux et permettant de mieux contrôler les détournements de procédure.
Il a rappelé qu'en France la politique de l'asile relevait du ministère des affaires étrangères et non, comme c'est souvent le cas ailleurs, du ministère de l'intérieur : il a indiqué que c'était la DFAE qui était en charge de l'asile et que le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l'Etat », dont il assurait la responsabilité, prévoyait les moyens budgétaires de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Soulignant que la politique de l'asile ne relevait pas du contrôle des migrations, il a cependant observé que les procédures de l'asile ne devaient pas être détournées pour devenir une voie de migration économique.
a insisté sur la chute, confirmée sur deux années, de la demande d'asile en France : après le pic atteint en 2003 avec 93.540 demandes, dont 31.547 au titre de l'asile territorial, 65.614 dossiers ont été enregistrés en 2004 et 59.038 en 2005.
Il a toutefois relevé que cette tendance reflétait deux réalités différentes :
- une baisse plus importante du nombre des premières demandes, qui passent sous la barre des 50.000 dossiers ;
- une augmentation de 34 % des demandes de réexamen, progression cependant beaucoup moins importante que celle constatée en 2004.
a souligné que seules avaient augmenté en 2005 les demandes d'asile en provenance d'Haïti (+ 61 %) et de Serbie-Monténégro (+ 8 %).
Il a également insisté sur la réduction du délai total de traitement des demandes d'asile, qui dépassait 18 mois en 2003 et 2004 et est actuellement inférieur à huit mois - deux mois et demi à l'OFPRA, quatre à cinq mois à la commission des recours des réfugiés (CRR) - l'objectif demeurant de traiter toutes les demandes en six mois.
a mis en relief les deux facteurs expliquant la chute des demandes d'asile :
- la moindre « attractivité » de notre pays après l'entrée en vigueur en 2004 de la réforme de la loi sur l'asile, en raison de la plus grande efficacité des procédures et de leur accélération, notamment depuis l'été dernier avec l'établissement de la liste des pays d'origine sûrs ;
- la stabilisation politique des Balkans, de la zone des Grands Lacs, de l'Algérie, le caractère conjoncturel de ce second facteur devant inciter à la prudence.
Il a en conséquence estimé qu'il semblait légitime de poursuivre la réflexion sur les moyens d'améliorer encore ce dispositif, tels l'élargissement de la liste des pays d'origine sûrs ou la réduction d'un mois à 15 jours du délai de saisine de la CRR, décidée par le comité interministériel de contrôle de l'immigration du 29 novembre 2005.
a demandé des précisions sur l'expérimentation des visas biométriques et sur les progrès qu'on pouvait en attendre en termes de contrôle des sorties du territoire.
Ayant observé que le choix des visas biométriques imposait d'accueillir dans les postes tous les demandeurs de visas, ce qui pose des problèmes matériels non négligeables, M. François Barry Delongchamps a expliqué que les premiers postes retenus pour l'expérimentation, sauf Minsk et San Francisco, étaient des postes où étaient déjà reçus personnellement la totalité ou la quasi-totalité des demandeurs de visa.
Il a souligné que l'expérience apparaissait positive quant à l'utilisation du matériel, le recueil des données biométriques s'effectuant très facilement et de manière « conviviale », même s'il suppose un effort d'accompagnement et d'explication de la part des agents. M. François Barry Delongchamps a également observé que la biométrie exigeait la constitution d'une banque européenne de données et un effort d'équipement en bio terminaux. Il a rappelé à cet égard que 80 % des visas Schengen étaient délivrés par les consulats d'autres Etats membres.
Affirmant la nécessité d'aller de l'avant dans la mise en oeuvre de la biométrie, il a annoncé la publication prochaine du décret relatif à la liste des consulats qui seraient équipés dès cette année.
A propos du contrôle des sorties du territoire, M. François Barry Delongchamps a tout d'abord douté que l'origine principale du séjour irrégulier soit le maintien sur le territoire de détenteurs de visas de tourisme, indiquant que, selon une enquête menée dans certains pays sensibles, 20 % seulement des personnes reconduites à la frontière avaient bénéficié de tels visas. Il a ensuite évoqué l'expérience engagée pour vérifier le retour des bénéficiaires de visas, notant toutefois qu'elle ne s'appuyait sur aucun texte et que par ailleurs les intéressés ne regagnaient pas obligatoirement leur pays d'origine après avoir quitté la France.
a précisé que l'expérience du rendez-vous de retour était menée dans une dizaine de postes exposés à des risques migratoires élevés. Il a indiqué que la procédure, assez lourde, ne concernait qu'un public ciblé et qu'il était procédé à un signalement des personnes dont le retour n'avait pu être vérifié.
Notant que certaines catégories de visas, notamment les visas de circulation, ne se prêtaient pas à ce type de contrôle, il a précisé que l'éventuelle extension de l'expérience dépendrait du bilan qui pourra en être dressé.
Se félicitant que la commission d'enquête entende, après le ministre des affaires étrangères, le directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France, M. Jean-Pierre Cantegrit a évoqué le problème de l'accueil dans certains consulats, qui a pu être à l'origine d'incidents.
Citant le cas d'un homme d'affaires algérien empêché, faute d'avoir obtenu un visa, de venir en France pour signer un contrat important relatif à un investissement dans notre pays, il a souhaité que l'on puisse demander au personnel des postes d'assurer un accueil courtois des demandeurs de visas et de faire la différence entre les demandes auxquelles il faut, dans l'intérêt de la France, apporter une réponse rapide et celles qui peuvent, très normalement, nécessiter certaines vérifications.
a répondu en soulignant que la politique des visas devait permettre d'encourager la venue en France de personnes qui sont des acteurs importants des relations avec notre pays et, d'une manière générale, d'accueillir de matière satisfaisante tous les demandeurs. Exprimant le souci d'éviter le phénomène des files d'attente dans la rue, qui a entre autres inconvénients celui d'encourager les trafics, il a indiqué qu'il s'efforçait de développer la méthode de la prise de rendez-vous par téléphone, mise en place, notamment, à Londres.
Il a cependant évoqué le déficit en personnels des postes, indiquant que des ratios avaient été fixés pour imposer le traitement par agent et par an de 3.000 dossiers de visas dans les pays où existe une forte pression migratoire, de 4.500 dossiers dans les autres. Il a souligné que le passage aux 35 heures avait diminué de 9 % la force de travail disponible, sans création de postes, mais qu'il n'entendait pas que cela se traduise par une baisse de vigilance et de qualité dans l'examen des dossiers. Il a par ailleurs observé que le paiement des frais de dossier dès le dépôt des demandes avait permis de faire baisser le nombre de celles-ci.
a rappelé que les instructions données aux postes traduisaient une politique des visas qui doit être claire et permettre de distinguer entre les acteurs importants des relations avec la France et les personnes qui souhaitent venir dans notre pays.
En ce qui concerne les premiers, il a indiqué que les partenaires des postes, plutôt que de se plaindre d'être mal accueillis, avaient tout intérêt à les aider à dresser des listes d'attention positive permettant de faciliter la délivrance de visas aux personnes - scientifiques, artistes, hommes d'affaires - dont il est de notre intérêt de faciliter la venue en France.
S'agissant des personnes qui souhaitent venir en France, il faut bien entendu instruire leurs demandes avec équité et rigueur : M. François Barry Delongchamps a rappelé à cet égard que les instructions communautaires recommandaient de refuser la délivrance de visa en cas de doute sur le risque migratoire, recommandation qui devait être appliquée par les postes.
a posé des questions sur l'avancement de la négociation des accords de réadmission avec les Etats voisins de la Guyane et sur l'ouverture dans ce département d'un consulat du Guyana. Il a également souhaité connaître l'opinion de M. François Barry Delongchamps sur les liens entre codéveloppement et politique de l'immigration.
Après avoir rappelé que la France avait signé avec le Brésil un accord de réadmission qui est en vigueur depuis 1996, Mme Isabelle Edet a indiqué que le projet d'accord avec le Guyana n'était pas encore signé mais que les deux parties s'étaient attachées, avant sa signature formelle, à définir les conditions de son application, la visite récente au Guyana du ministre délégué au tourisme ayant contribué à créer un climat de confiance avec nos partenaires. En ce qui concerne la Dominique, Trinité-et-Tobago et la Barbade, la négociation porte sur les contreparties en matière de liberté de circulation demandées par ces Etats, que la France souhaite cibler sur des dispenses de visas pour les très courts séjours ou au bénéfice de certaines catégories, comme les groupes scolaires.
La concrétisation du projet de création en Guyane d'un poste consulaire du Guyana paraît également en bonne voie, dans l'attente d'une demande officielle d'ouverture de ce consulat.
En ce qui concerne le codéveloppement, M. François Barry Delongchamps a estimé qu'il apparaissait comme une solution à terme, et comme la réponse la plus intelligente à apporter à l'immigration économique motivée par la pauvreté. Soulignant les problèmes particuliers qu'affrontent certains départements et collectivités d'outre-mer, il a relevé, à propos de Mayotte, l'importance de l'immigration comorienne en France, qui aboutira à terme à la francisation d'une proportion non négligeable de la population de l'archipel, se demandant si les migrations vers Mayotte, facilitées par la fraude et les dysfonctionnements de l'état civil, n'apparaissaient pas comme un pis aller par rapport à un projet de migration en métropole.
a noté à cet égard qu'il convenait de s'interroger sur la dégradation de l'état civil d'un grand nombre de pays partenaires, qui justifierait sans doute qu'on leur apporte une aide en ce domaine.
Insistant sur la nécessité de ne pas limiter à un aspect défensif la politique de contrôle de l'immigration, il a estimé qu'il conviendrait sans doute de mettre davantage l'accent sur une « contre-offensive » en agissant sur les raisons de l'immigration et en aidant les pays source à mettre en oeuvre une « gouvernance » favorable à leur développement : le codéveloppement peut certainement être à cet égard un instrument très utile, ce qui ne veut pas dire qu'il soit facile à gérer.
a enfin demandé à M. François Barry Delongchamps de préciser les indications qu'il avait données sur la proportion, parmi les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, d'anciens bénéficiaires de visas de court séjour.
a répondu qu'il lui fournirait les chiffres, que ses services étaient en train de rassembler, relatifs aux reconduits à la frontière ayant bénéficié d'un visa délivré par la France.