La commission a entendu Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
a précisé à la ministre que l'objet principal de l'audition portait sur les conditions dans lesquelles seront organisés les examens de fin d'année au sein des universités. Il a insisté sur la nécessité, d'une part, que les étudiants puissent passer leurs examens et, d'autre part, que les conditions d'organisation de ces derniers garantissent la valeur nationale du diplôme, sans que puissent planer des doutes à ce sujet. A cet égard, il a cependant fait part de son inquiétude, compte tenu de témoignages d'étudiants recueillis directement ou par le biais des médias, faisant état d'examens portant sur des programmes allégés ou de modalités peu usuelles (comme la possibilité de travailler sur le sujet d'examen à son domicile...).
Partageant les mêmes préoccupations, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur, a jugé souhaitable une vérification des conditions de rattrapage des cours non délivrés. Il a demandé à la ministre de préciser les conséquences des récents événements sur les partenariats entre universités françaises et étrangères, et si l'on disposait d'informations sur les éventuels taux de réussite qui, s'ils s'avéraient élevés en dépit des circonstances, pourraient nuire à la crédibilité des diplômes.
Il a souligné que le blocage des universités était le fait de minorités extrémistes, comme souvent, alors même que la grande majorité des étudiants et des enseignants ne s'inscrivaient pas dans la même logique. Il a jugé anormal que de tels blocages les empêchent de travailler.
Après avoir indiqué que les dernières universités perturbées retrouvaient une activité normale, Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a rappelé que ce troisième épisode conflictuel depuis 2005 avait deux motifs : le nouveau statut des enseignants-chercheurs et la réforme de la formation des maîtres, sur fond de réformes plus globales du système d'enseignement supérieur. Elle a souligné que le Gouvernement s'était efforcé, tout au long de ces trois derniers mois, d'apaiser les tensions grâce à un dialogue constant avec l'ensemble de la communauté universitaire.
Elle a relevé que la détermination du Gouvernement à tenir le cap de la réforme attendue par les universités depuis vingt-cinq ans expliquait à la fois la longueur du mouvement et son caractère très hétérogène et disparate. Elle s'est réjouie d'avoir toujours pu compter sur l'appui du Président de la République et du Premier ministre pour conduire cette réforme, lourde et complexe, qui doit permettre de replacer l'université française au coeur de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. A cet égard, elle a évoqué la décision du Premier ministre de ne pas supprimer d'emplois dans les établissements d'enseignement supérieur en 2010 et 2011.
Estimant que la négociation n'excluait pas la fermeté, notamment face aux occupations illégales et aux dégradations, Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a salué le professionnalisme des forces de police à l'occasion de la trentaine d'évacuations de sites universitaires, qui se sont déroulées dans de bonnes conditions.
Soulignant le caractère très hétérogène du mouvement dans sa forme d'expression et très variable selon les universités et selon les unités de formation et de recherche, la ministre a rappelé que près de la moitié des universités n'avaient connu aucune perturbation, et notamment celles ayant récemment accédé à l'autonomie. En revanche, seize universités ont connu des perturbations longues et affectant l'ensemble de leurs composantes, dix-sept ont subi un mouvement touchant le seul secteur des sciences humaines et sociales (SHS) et dix ont été faiblement concernées.
Après avoir indiqué que la plupart des étudiants ayant perdu entre une et douze semaines de cours sont retournés à l'université, elle a estimé à 30 000 le nombre d'étudiants devant être pris en charge. Evoquant ensuite l'organisation des plans de rattrapage, elle a précisé les consignes données aux recteurs en vue de garantir la validité des diplômes : pas de semestre « blanc », pas de moyenne automatique et des examens fondés sur des enseignements réels. Les plans de rattrapage reposent sur trois principes :
- un temps d'enseignement en présence de l'enseignant suffisant (soit l'équivalent de cinq semaines de cours) ;
- complété, autant que de besoin, par un soutien pédagogique en ligne ;
- au moins 80 % du programme du second semestre assuré.
Les universités sont accompagnées par le ministère pour la mise en oeuvre de leurs plans de rattrapage, sans que soient exclues des mesures plus sévères, telles que le fait de déférer au tribunal administratif les plans qui seraient défaillants.
Se déclarant préoccupée par la situation des étudiants, en particulier des plus modestes d'entre eux, la ministre a évoqué la mise en place de dispositifs complémentaires d'aides.
Relevant que les enseignants-chercheurs avaient largement compris l'enjeu et assumé leurs responsabilités, elle a indiqué que les présidents d'université seraient en mesure d'évaluer si leurs cours avaient été effectivement assurés.
La ministre, après avoir évoqué la préoccupation et, parfois, l'indignation des Français, a jugé nécessaire une réflexion sur les modalités permettant d'assurer plus clairement la continuité du service dans les universités. Elle a relevé que, à chaque fois qu'un vote s'était déroulé par bulletin secret via Internet, une immense majorité des votants s'était manifestée pour une levée des blocages.
a souhaité, par ailleurs, que soit pris en compte le malaise particulier, ancien mais aigu, des filières de sciences humaines et sociales (SHS). Evoquant le manque de confiance des acteurs concernés, elle a relevé que ceux-ci ressentaient leurs disciplines comme étant sans valeur économique directe. Cette perception est sans doute alimentée par trois volets de la réforme : l'insertion professionnelle des diplômés résultant de la loi de 2007 relative à la liberté et aux responsabilités des universités, l'évaluation des enseignants-chercheurs portée par le décret sur leur statut et la réforme de la formation des maîtres. En effet, les universitaires des SHS perçoivent encore trop souvent les concours de l'éducation nationale comme le principal débouché de leurs étudiants, alors même qu'il n'y a pas de fatalité à enfermer les SHS dans la seule reproduction académique. En effet, les entreprises cherchent à diversifier leur recrutement, car elles ont besoin de compétences linguistiques, d'ouverture culturelle, de sens critique et de capacité créatrice. A cet égard, la ministre a annoncé la création d'un Haut conseil des humanités et des sciences sociales, devant avancer des propositions pour la fin de l'année 2009, pour à la fois renforcer le potentiel scientifique national et clarifier les enjeux de formation et d'insertion des diplômés concernés.
Enfin, répondant au rapporteur pour avis, elle a indiqué qu'elle allait réunir les ambassadeurs des principaux pays étrangers sur la question des partenariats internationaux afin notamment de restaurer l'image de l'université française.
a évoqué les quatre sujets suivants à :
- la conduite du dialogue social ces derniers mois, estimant que les divers collectifs avaient été privilégiés au détriment des syndicats représentatifs ;
- l'inquiétude des familles, compte tenu de la suspicion qui pèse sur la valeur des examens ;
- le « manque de confiance de la communauté universitaire en elle-même », évoqué par la ministre dans un récent article : dans ces conditions, les déclarations du Président de la République, en janvier dernier, ont sans doute amplifié le mouvement ;
- les budgets pour 2010 et 2011, afin de savoir si le gel des postes concernait exclusivement les enseignants-chercheurs ou l'ensemble des personnels.
a posé deux questions concernant :
- la date et le contenu de la réforme de la formation des maîtres, la nécessaire professionnalisation du diplôme devant permettre une formation aussi bien pratique que théorique, ainsi que le permettait jusqu'à présent la dernière année au cours de laquelle les jeunes concernés étaient rémunérés en tant que stagiaires de l'éducation nationale ;
- la manière d'inciter les futurs bacheliers à s'orienter vers l'université, alors qu'un média avait relayé le fait que seulement 27 % d'entre eux la citaient en premier choix, les autres privilégiant les filières sélectives.
a rappelé que, à l'occasion de l'examen de la loi de 2007 sur la liberté et les responsabilités des universités, son groupe avait demandé que soit abordée la question des objectifs et des moyens des universités avant celle de la réforme de la gouvernance, ce qui aurait permis une concertation préalable au lancement par la ministre des différents « chantiers ». Puis il a évoqué les points suivants :
- l'impact des déclarations du Président de la République sur une communauté universitaire qui attendait plutôt des signes positifs ;
- la grande inquiétude des filières de SHS, dont le malaise doit être écouté, car elles estiment que les politiques ne peuvent pas définir leur utilité sociale, par manque de capacité à anticiper celle-ci à l'horizon de vingt ans ;
- la crainte des chercheurs et universitaires d'être « sacrifiés », dans le contexte actuel de malaise général lié à la crise économique ;
- les risques liés à une dramatisation excessive des conditions de passage des examens de fin d'année ;
- le problème de la misère étudiante qui se posera avec acuité lors de la prochaine rentrée universitaire, compte tenu de la crise économique ;
- les perspectives d'emploi dans l'enseignement supérieur en 2012.
a estimé que la commission ne faisait pas de catastrophisme, mais qu'il était utile de faire le point sur la situation, compte tenu des informations relayées par les médias, relatives aux inégalités des conditions de passage des examens. Ce souhait est lié à l'attachement des sénateurs à la valeur des diplômes.
Evoquant ensuite la prochaine rentrée universitaire, il a rappelé que la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, qui vient de rendre ses travaux, a proposé la création d'un dixième mois de bourse.
Evoquant les filières universitaires courtes, Mme Maryvonne Blondin a relayé les inquiétudes liées à l'évolution de leurs crédits, alors même que leurs diplômés bénéficient d'un taux d'insertion professionnelle élevé - comme l'ont indiqué les personnes auditionnées par la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes - et qu'elles doivent continuer à investir dans des équipements performants pour rester en phase avec les attentes des entreprises. En outre, ces filières craignent de voir leurs spécificités disparaître ainsi que la valeur nationale de leurs diplômes.
a rappelé que, à l'issue d'une première phase de dialogue, tant les présidents d'université que les étudiants avaient été rassurés, mais que le mouvement avait repris car les premiers s'étaient heurtés à leur communauté d'enseignants-chercheurs et les seconds à la réalité de la vie étudiante. Evoquant ensuite le malaise des filières SHS, elle a relevé que leur sentiment de fragilité se trouvait renforcé par des procédures, telles que celles de l'Agence nationale pour la recherche, dont les rythmes ne leur sont pas adaptés, ou par les indicateurs de publications. Enfin, elle a mis en exergue un certain nombre de politiques gouvernementales relevant d'autres ministères et tendant à affaiblir ces filières (par exemple la politique du livre, l'archéologie préventive...).
Après avoir salué la « précautionneuse détermination » de la ministre, M. Jean-Claude Etienne a reconnu que le dialogue avec le milieu universitaire n'était pas aisé. Il a salué les préoccupations exprimées par les filières SHS et estimé que leur réelle utilité sociale était insuffisamment valorisée, notamment en termes d'insertion professionnelle. Puis il a abordé les points suivants :
- le fait qu'il est normal que la commission des affaires culturelles veille à la crédibilité des diplômes ;
- les conséquences financières de l'équivalence d'une heure de travaux pratiques et d'une heure de travaux dirigés, et le cadre de son financement (au sein du « plan licence » ou non) ;
- la nécessité de préparer la réforme de la première année d'études de santé et d'y consacrer les crédits nécessaires.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- dans un premier temps, le dialogue avec les organisations représentatives sur le statut des enseignants-chercheurs n'a pas suscité de « tirs de barrage », d'autant que des concertations et négociations avaient été conduites pendant dix-huit mois. Les réactions de la communauté universitaire, en janvier, ont donc entraîné la prise de conscience de l'absence totale de reconnaissance du pouvoir de médiation des syndicats, ce qui constitue un vrai problème. Il a fallu alors nouer un dialogue avec un nombre important de personnes, les préoccupations étant différentes suivant les disciplines, les territoires et les populations concernés. Ce problème de médiatisation et d'absence de reconnaissance de la légitimité du mandataire pour négocier est réel et mérite une réflexion. Parallèlement, le dialogue a toujours été maintenu avec les organisations étudiantes et avec les organisations représentatives des personnels ;
- paradoxalement, alors que les réformes s'attaquent aux vrais problèmes, le fait de soulever en quelque sorte le « couvercle de la cocotte » a fait exploser l'amertume accumulée au cours des vingt-cinq dernières années, liée aux demandes de démocratisation auxquelles l'université peine à répondre, compte tenu de la dévalorisation du métier d'enseignant-chercheur, de la vétusté des locaux, etc. En définitive, l'évolution d'une situation, pourtant insatisfaisante, fait peur à ceux qui ont mis en place des expédients de nature à permettre au système de fonctionner en dépit de ses failles. Dans ces conditions, alors que le constat du Président de la République était certes un peu sombre mais proche d'une certaine réalité, et avait pour objectif de mieux faire rayonner l'université française, son message a fait l'objet d'une exploitation politique ;
- s'agissant de la réforme du statut des enseignants-chercheurs, le refus d'une gestion locale des promotions venait des pratiques antérieures de « localisme » que les réformes avaient pourtant pour but de corriger ;
- pour ce qui concerne le budget, la sanctuarisation des emplois concerne l'ensemble des postes de l'enseignement supérieur et le gel devrait aussi concerner désormais ceux du secteur de la recherche. Les suppressions marginales de 2009 n'ont concerné aucun emploi d'enseignant-chercheur ;
- la formation des maîtres sera professionnalisée et il conviendrait de maintenir une formation en alternance, sachant que c'est bien la première année d'enseignant - et non la dernière année de formation - qui est rémunérée ;
- s'agissant des voeux exprimés par les futurs bacheliers, 42 % des élèves en terminale générale souhaitent s'inscrire à l'université, ce qui marque néanmoins une baisse tendancielle. L'objectif du renforcement de l'autonomie des universités est bien de renforcer leur attractivité. Il est aussi proposé de créer des classes préparatoires au sein de l'université, afin d'estomper les frontières avec les grandes écoles ;
- par ailleurs, de nombreuses mesures vont dans le sens d'un renforcement de cette attractivité : le « plan licence » et la lutte contre l'échec en première année, le contrat doctoral, les moyens importants consacrés au patrimoine immobilier universitaire (deux fois supérieurs à ceux consacrés au « plan université 2000 »). Il convient d'y ajouter les restructurations en cours avec la constitution des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et l'importante revalorisation de la rémunération des jeunes maîtres de conférences (entre +12 et +25 %) ;
- afin de préparer la rentrée 2009, une rencontre sera organisée d'ici au début du mois de juillet avec les organisations étudiantes et il n'est pas exclu d'accroître le nombre de boursiers, qui a déjà augmenté de 50 000 cette année. En revanche, la création d'un dixième mois de bourse, outre qu'elle coûterait 150 millions d'euros, ne correspond pas au rythme de l'année universitaire, qui est de neuf mois. Il serait donc préférable de consacrer des crédits à une revalorisation du montant des bourses ;
- les spécificités des instituts universitaires de technologie (IUT) doivent être prises en compte afin qu'ils disposent des moyens nécessaires ; les universités se sont engagées à ce que les moyens alloués aux IUT soient au moins constants et le ministère en sera garant ; en outre, dix millions d'euros seront spécifiquement consacrés au patrimoine immobilier utilisé par les IUT. En revanche, ces derniers ne doivent pas être autonomes car l'université doit disposer d'une identité et d'une collégialité réelles, au risque de revenir à l'université facultaire d'avant 1968. La pluridisciplinarité doit, au contraire, être renforcée, notamment dans le cadre des PRES ;
- l'autonomie doit permettre des initiatives et le développement d'identités différenciées, dans la transparence et tout en maintenant le caractère national des diplômes ;
- le dispositif d'orientation active a été mis en oeuvre avec succès cette année, avec 630 000 inscriptions et 130 000 demandes de conseils. M. Richard Descoings a néanmoins demandé l'évolution du calendrier concerné ;
- s'agissant du logement étudiant, les chantiers sont lancés et 70 millions d'euros de l'enveloppe consacrée au « plan licence » seront affectés au démarrage du « plan campus » ;
- afin d'encourager la mobilité internationale, les étudiants boursiers pourront bénéficier de 600 à 800 euros par mois ; des difficultés subsistent néanmoins pour les étudiants issus des classes moyennes ;
- les moyens consacrés à la réforme de la première année des études de santé s'inscrivent dans l'enveloppe consacrée au « plan licence ».