La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'impact de la crise immobilière sur le système bancaire espagnol.
a évoqué la situation économique espagnole au regard de la crise financière actuelle et de la place prépondérante occupée par les secteurs de l'immobilier et de la construction.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a indiqué que l'Espagne arrivait au terme d'un cycle de croissance résultant notamment des effets positifs de son adhésion à l'Union européenne, du bénéfice des fonds structurels communautaires, ainsi que d'un environnement monétaire stable et protecteur généré par la monnaie unique.
Il a précisé que si la croissance économique espagnole s'élevait à 3,8 % en 2007, celle-ci devrait s'établir à 2,4 % en 2008 et à 2,1 % en 2009, soit le niveau le plus bas depuis 15 ans.
a détaillé un certain nombre d'indicateurs macro-économiques :
- en termes de produit intérieur brut à parité de pouvoir d'achat (PIB-PPA), l'écart entre la France et l'Espagne s'est resserré entre 1997 et 2007, passant de 21,4 points à 5 points. Alors que la France perd 5 points sur cette période, l'Espagne améliore son indicateur de 11,4 points, passant d'une situation où son niveau de PIB-PPA était inférieur à la moyenne à une situation où il est supérieur de 5 % à la moyenne ;
- le taux de chômage, qui avait nettement augmenté suite à la « quasi récession » de 1992, pour atteindre 24 % en 1994, s'est établi en 2007 à 8,03 % de la population active ;
- l'adhésion à la Communauté économique européenne, puis au marché unique et enfin, à la monnaie unique, a permis à l'Espagne d'augmenter significativement la part des importations et des exportations dans son PIB, celle-ci passant de 25 % en 1986 à 65 % en 2006 ;
- l'étude de l'évolution des flux entrants et sortants d'investissements directs démontre une inversion des courbes à partir de 1996, témoignant de la capacité du pays à se doter d'entreprises et de centres de décision économique de taille mondiale ;
- l'investissement public, financé dans une très large mesure par les fonds européens a permis aux infrastructures publiques d'atteindre 90 % du niveau européen en 2003-2004, contre seulement 40 % en 1986.
Dans ce contexte, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le passage annoncé à une période de croissance faible, voire à une stagnation, soulevait plusieurs questions.
S'agissant du système bancaire, il s'est interrogé sur les effets de la dépendance de l'économie espagnole au secteur des bâtiments et travaux publics (BTP), qui représente 13 % du stock d'emplois et a contribué à hauteur de 19 % à la création d'emplois en 2006. D'une part, le ralentissement en cours du rythme de mise en chantier se traduit par des difficultés de solvabilité des promoteurs immobiliers, comme l'illustre la situation actuelle du groupe Colonial. D'autre part, la plupart des actionnariats des grands groupes espagnols comprend des acteurs du BTP, ce qui rend le capitalisme espagnol sensible à la conjoncture de ce secteur.
Puis M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est demandé si la hausse de l'investissement immobilier ces dernières années correspondait à une phase de remise à niveau ou à la constitution d'une bulle. Il a précisé que les analystes espagnols estimaient que cette augmentation résultait du maintien de trois facteurs structurels de soutien de la demande de logement, à savoir la décohabitation, l'immigration et la demande touristique. Prenant acte de ces conclusions, il a toutefois jugé que cette tendance était préoccupante compte tenu des prévisions de récession du secteur de la construction et du caractère cyclique du marché immobilier espagnol.
S'agissant de la solvabilité des promoteurs immobiliers, il a souligné l'importante croissance de leur dette, qui avait plus que triplé entre 2003 et 2007, et la situation instable qui en découlait. Il a toutefois observé que la solvabilité des ménages ne constituait pas encore un problème, le risque créé par l'importance des prêts immobiliers négociés à taux variable étant compensé par le fait que 60 % de ces prêts étaient des prêts hypothécaires, système alliant prudence et souplesse. Les charges financières des ménages avaient certes augmenté, en raison de l'accroissement sensible des charges d'intérêt entre 2003 et 2007, mais l'endettement global des ménages restait faible, comparé à d'autres pays de l'Union européenne, compte tenu de la part restreinte du crédit à la consommation.
est revenu sur la solidité du système bancaire espagnol, en indiquant que selon ses interlocuteurs, les risques de défaillance étaient minimes compte tenu de la qualité des bilans des banques, de leur gestion conservatrice et de l'application de normes prudentielles exigeantes.
En conclusion, il a présenté deux projets de réforme qui avaient fait l'objet d'un consensus pendant la dernière campagne électorale et qui avaient retenu son attention :
- d'une part, la réforme de la régulation financière, avec la constitution d'un pôle déontologique et de contrôle des marchés financiers dirigé par la « Comision Nacional de Mercados Financieros », et un pôle de contrôle prudentiel et de solvabilité, piloté par la Banque d'Espagne ;
- d'autre part, la suppression de l'impôt sur la fortune, M. Philippe Marini, rapporteur général, remarquant que la France serait donc l'un des derniers pays à conserver un tel impôt.
Au regard de l'ensemble des éléments présentés, il a estimé que 2008 serait un « moment de vérité » pour l'Espagne, mais qu'en tout état de cause, le gouvernement était en mesure, le cas échéant, de réagir à une récession, compte tenu d'un excédent public de 2,2 % du PIB en 2007.
s'est interrogé sur les conséquences de la forte diminution des permis de construire sur la croissance économique eu égard à l'importance du secteur de la construction immobilière en Espagne.
a souhaité avoir des précisions sur trois points : d'abord, l'importance de la Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBA), ensuite, l'attitude des entreprises espagnoles du BTP vis-à-vis des pays voisins compte tenu du resserrement de leur marché intérieur, enfin, les raisons de l'excédent budgétaire de l'Espagne.
En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général, a précisé que la BBA était surtout développée en Amérique centrale et dans la péninsule ibérique. S'agissant d'un changement éventuel de positionnement de la part des entreprises espagnoles, il a estimé que si certaines pouvaient souhaiter diversifier leurs risques en investissant à l'étranger, il convenait avant tout d'apprécier leurs pertes éventuelles au regard de leur engagement sur le territoire espagnol.
Enfin, concernant l'excédent budgétaire espagnol, il a fait observer que l'ajustement avait plus été le fait de l'Etat que des régions autonomes, et que la croissance économique avait facilité le maintien des équilibres issus des périodes de réformes et de rigueur. En outre, l'apport des fonds structurels européens avait eu un impact positif sur la résorption du déficit.
a souligné la part importante de « l'argent liquide » dans les transactions en Espagne. Parmi les réformes annoncées, il convenait également de s'intéresser aux mesures concernant le renforcement de la compétitivité de l'Espagne par un accroissement des dépenses de recherche et de développement ou des dépenses d'enseignement. Enfin, s'agissant de l'impôt sur la fortune, elle a observé que le taux de cet impôt était fixé au niveau local, et que d'ores et déjà plusieurs régions avaient un taux zéro.
La commission a donné acte au rapporteur général de sa communication.
Puis la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur la situation financière des administrations publiques en 2007.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la communication du gouvernement sur la situation financière des administrations publiques en 2007 avait été, comme chaque année, relativement « éclatée ». Il a rappelé que M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, avait tout d'abord communiqué, le 22 janvier 2008, sur l'exécution de la loi de finances pour 2007, présentée selon les règles de la comptabilité budgétaire, indiquant des résultats en ligne avec les prévisions ; puis le 17 mars 2008, sur les résultats du régime général de la sécurité sociale, selon les normes de la loi de financement de la sécurité sociale, faisant état d'un déficit de 9,4 milliards d'euros au lieu de 11,7 milliards d'euros ; enfin le 28 mars 2008, sur le montant du déficit public notifié à la Commission européenne, selon les règles de la comptabilité nationale, modifiées pour prendre en compte les exigences d'Eurostat, ce déficit public notifié ayant été supérieur de 0,3 point de PIB à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2008.
Il a indiqué que le déficit public avait été de 2,7 points de PIB en 2007, contre des prévisions de 2,5 points de PIB et 2,4 points de PIB associées, respectivement, aux projets de loi de finances pour 2007 et pour 2008. Il a, par ailleurs, indiqué que les dépenses publiques et la dette publique avaient représenté en 2007, respectivement, 52,6 points de PIB et 64,2 points de PIB. Le déficit public pour 2007 (de 2,7 points de PIB), était opportunément minoré par une modification de la comptabilisation de l'investissement militaire à la suite d'une décision d'Eurostat de mars 2006, qui prévoyait que ces dépenses devaient être comptabilisées à la livraison et non au paiement. Cela minorait le solde public de 0,1 point de PIB en 2005, 2006 et 2007.
Il a souligné que contrairement à ce que le gouvernement avait estimé, les collectivités territoriales n'étaient pas les principales responsables de la révision à la hausse, de 0,3 point de PIB, du déficit public en 2007 : le déficit de l'Etat avait été supérieur de 0,2 point de PIB aux prévisions du gouvernement, tout comme celui des collectivités territoriales, alors que le déficit de la sécurité sociale avait été inférieur de 0,1 point de PIB aux prévisions. Le fait que le déficit des collectivités territoriales ait été supérieur aux prévisions du gouvernement ne signifiait pas que ce déficit était anormalement élevé. En raison du phénomène dit du « cycle électoral », les dépenses d'investissement des collectivités territoriales tendaient en effet à augmenter l'année précédant une élection, et à diminuer les deux années suivantes. Il a déploré que le gouvernement ait eu tendance, ces dernières années, à faire des prévisions peu -réalistes en matière de solde des collectivités territoriales, afin de « boucler » ses programmations de finances publiques à moyen terme, allant jusqu'à prévoir, dans le cadre du programme de stabilité 2007-2009, que les collectivités territoriales seraient excédentaires de 0,4 point de PIB en 2009.
Il a considéré que la révision à la hausse, pour 0,3 point de PIB, du déficit public pour 2007, conduisait mécaniquement à revoir à la hausse la prévision de déficit pour 2008. Si l'on estimait, en outre, que la croissance du PIB serait en 2008 de 1,6 %, comme le prévoyait le consensus des conjoncturistes, le déficit pourrait atteindre, sans mesures correctrices, 2,8 points de PIB, voire 3,2 points de PIB au cas où les recettes publiques progresseraient moins vite que le PIB. Hors mesures correctrices, le déficit public pourrait être en 2012 de l'ordre de 2 points de PIB si la croissance du PIB était d'1,6 % en 2008, 1,8 % en 2009 et de 2,2 % ensuite. Il a souligné qu'en conséquence, la quasi-totalité, voire la totalité, des crédits mis en réserve, de 7 milliards d'euros, pourraient devoir être annulés. Il a par ailleurs estimé que, pour ramener les finances publiques à l'équilibre en 2012, une économie, par rapport à la tendance, de 80 milliards d'euros restait d'actualité.
a fait état de son déplacement à la direction du budget, le 27 février 2008 : le déficit du budget de l'Etat, comptes spéciaux compris, a été de 38,4 milliards d'euros en 2007. Les recettes ont été supérieures de 4 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale, en raison de plus-values d'impôt sur les sociétés (près de 5 milliards d'euros) et de recettes non fiscales (1,7 milliard d'euros), et de prélèvements sur recettes inférieurs de 1,4 milliard d'euros aux prévisions, ces divers phénomènes étant pour moitié compensés par des moins-values de diverses recettes fiscales, en particulier la TVA et l'impôt sur le revenu. Quant au suivi sur les cinq dernières années des gels et annulations de crédits, il faisait apparaître deux phénomènes : un « phénomène vertueux », lié à la mise en place de la LOLF et de la réserve de précaution, qui conduisait à geler dès le début de l'année un certain volant de crédits, connu dès le projet de loi de finances par l'ensemble des gestionnaires ; un « phénomène conjoncturel », lié à la variation des annulations « sèches », illustrant les tensions s'appliquant en exécution.
Il a indiqué que les reports de crédits sur l'année suivante (soit 4 milliards d'euros), avaient été maîtrisés. Comme les années précédentes, 44 % de ces reports concernaient le ministère de la défense. Il a en revanche déploré qu'une partie importante des 3 milliards d'euros d'ouvertures de crédits supplémentaires en cours d'année corresponde à des sous-budgétisations, en particulier dans le cas de la mission « Solidarité ».
Il a insisté sur deux enjeux distincts : à court terme, maîtriser les dépenses en dépit d'une conjoncture incertaine ; à moyen terme, réformer l'Etat en mettant en oeuvre la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la revue générale des prélèvements obligatoires (RGPO). Il a jugé que les premiers résultats de la RGPP constituaient un « élément très positif », et que la réforme de l'Etat « était réellement en marche ».
Un large débat s'est alors instauré.
a exprimé sa crainte que le déficit public ne soit en 2008 supérieur à 3 points de PIB, et rappelé que le Royaume-Uni prévoyait un déficit de 3,2 points de PIB pour la prochaine année fiscale.
a estimé que l'enjeu n'était pas aussi important pour le Royaume-Uni, qui n'avait pas adopté l'euro. Il a déploré que la Commission européenne puisse exprimer des points de vue différents sur la situation budgétaire de deux Etats membres ayant pourtant un niveau de déficit identique.
a souligné tout l'intérêt de la RGPP et de la RGPO. Il a estimé que le 0,2 point de déficit supplémentaire des collectivités territoriales par rapport aux prévisions du gouvernement pourrait ne pas être pérenne, compte tenu du phénomène dit du « cycle électoral », déjà évoqué par le rapporteur général.
a rappelé que, selon les estimations présentées par le rapporteur général à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2008, les économies à réaliser pour ramener le solde public à l'équilibre en 2012 étaient de l'ordre de 80 milliards d'euros.
a confirmé ce chiffre, en précisant qu'il s'agissait d'un ordre de grandeur qui dépend largement du taux de croissance.
a déploré que la presse ait été mieux informée que le Parlement quant aux réformes envisagées dans le cadre de la RGPP. Il a donc proposé que la commission auditionne M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Il s'est en outre interrogé sur la gestion du personnel du ministère de l'intérieur et sur la possibilité de supprimer certains sur-effectifs.
La commission a alors donné acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication.