Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 27 novembre 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • OTAN
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La réunion

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La commission a procédé à l'audition de Mme Christine Roger, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS), sur la politique européenne de sécurité et de défense.

Debut de section - Permalien
Christine Roger, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS)

a rappelé que la France avait fait des questions de défense et de sécurité l'une des quatre priorités de sa présidence de l'Union européenne.

Elle a tout d'abord évoqué les différents domaines dans lesquels la présidence française s'était efforcée de tracer des orientations à court et à moyen termes de nature à favoriser un développement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD).

Elle a cité, en premier lieu, la mise à jour de la stratégie européenne de sécurité, qui se présentera sous la forme d'un complément au document de 2003, qui n'est pas remis en cause, et qui sera présentée au Conseil européen du 11 décembre prochain.

Le renforcement des capacités de la PESD constitue un deuxième axe de travail.

Concernant le renforcement des capacités de déploiement de personnels au profit de missions civiles, elle se manifeste déjà avec l'opération Eulex, qui, avec 2 000 personnels, représentera la plus importante opération civile jamais réalisée par l'Union. Les dernières discussions aux Nations unies laissent espérer un déploiement, dans les jours à venir, sur l'ensemble du territoire du Kosovo, Eulex atteignant sa capacité opérationnelle initiale début décembre.

S'agissant des capacités militaires, des engagements ont été formalisés en faveur de projets fédérant des groupes de pays. Ces projets portent notamment sur la modernisation des hélicoptères, la constitution d'une flotte européenne d'avions de transport, autour de l'A400M, l'inter-opérabilité des moyens aéronavals, le renseignement spatial, avec le programme Musis qui sera confié à l'Agence européenne de défense, le déminage maritime, la mise en réseau de moyens de surveillance maritime, ou encore les échanges en matière de formation des officiers, à l'image du programme Erasmus.

Par ailleurs, l'examen des deux directives du paquet défense, portant respectivement sur l'ouverture des marchés de défense et les transferts intra-communautaires d'équipements de défense, a bien progressé.

a ensuite rappelé les réticences britanniques vis-à-vis du renforcement des capacités propres de l'Union européenne en matière de planification et de conduite d'opération, l'actuel centre d'opération de l'Union à Bruxelles ne disposant que de 89 personnels et n'ayant jamais été utilisé, hormis pour un exercice l'an passé. Elle a précisé que la présidence française avait proposé de renforcer les capacités de planification, dans le cadre d'une approche intégrant les volets civils et militaires.

Abordant les partenariats dans le cadre de la PESD, Mme Christine Roger a tout d'abord indiqué qu'en dehors des accords Berlin plus, les modalités de coopération avec l'OTAN n'avaient guère progressé. Ainsi, aucun arrangement formel n'a pu être conclu entre l'Union européenne et l'OTAN pour les théâtres où les deux organisations agissent côte à côte, comme le Kosovo ou l'Afghanistan.

Le partenariat avec l'Union africaine s'est renforcé, même si la question du financement demeure centrale, dans le cadre de la reprise par l'Union européenne du concept Recamp (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) que l'Union africaine s'est désormais pleinement approprié sous l'appellation Amani Africa.

En ce qui concerne les relations avec les Etats-Unis, Mme Christine Roger a relevé les dispositions favorables qu'avaient manifestées des responsables proches des équipes du candidat Obama, les Etats-Unis soutenant particulièrement le renforcement des capacités militaires européennes. Elle a également signalé la participation des Etats-Unis, avec une centaine de personnels, à l'opération Eulex au Kosovo, ce qui montrait une disposition favorable à l'égard des missions de la PESD.

a ensuite indiqué qu'indépendamment des projets qu'elle avait initiés, la présidence française avait dû faire face aux développements de l'actualité internationale au cours du semestre.

Sur la crise géorgienne, son action avait été généralement jugée très positivement, même si certains Etats faisaient observer que les forces russes ne s'étaient pas intégralement retirées en deçà des positions antérieures au conflit. Par ailleurs, les discussions ont pu reprendre à Genève sur la question des réfugiés et des personnes déplacées et sur des arrangements de sécurité susceptibles de prévenir toute reprise du conflit. A cet égard, Mme Christine Roger a indiqué que les 245 observateurs européens présents sur place signalaient un renforcement des moyens militaires en présence, tant du côté russe que géorgien.

a également mentionné la mise sur pied prochaine de la première opération navale de la PESD, destinée à la lutte contre la piraterie maritime au large de la Somalie. Elle a précisé que l'opération serait commandée par un officier britannique depuis le quartier général de Northwood, le Royaume-Uni assurant ainsi pour la première fois le commandement d'une opération autonome de l'Union européenne. Elle a ajouté que, dans le cadre de cette opération, l'Union européenne agirait en partenariat avec l'OTAN, mais également avec des pays tiers intéressés comme la Russie, l'Inde ou la Malaisie.

En conclusion, Mme Christine Roger a estimé qu'en matière de défense, la France avait globalement atteint les objectifs qu'elle avait fixés à sa présidence.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

s'est interrogé sur le point de savoir si les réticences du Royaume-Uni à l'égard de la politique européenne de sécurité et de défense ne tenaient pas à la place privilégiée occupée par ce pays au sein de l'Alliance atlantique et à la crainte d'une remise en cause de ses relations particulières avec les Etats-Unis.

Debut de section - Permalien
Christine Roger, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS)

a estimé que les réticences de l'administration britannique, tant au sein du ministère de la défense qu'au sein du Foreign Office, à l'égard de toute avancée de la politique européenne de sécurité et de défense en matière militaire, était une constante, qui semblait tenir à des raisons idéologiques et que, seule, une forte volonté politique était à même de pouvoir surmonter, comme cela avait été le cas avec Tony Blair, par le mouvement initié lors du Sommet franco-britannique de Saint-Malo. Or, l'actuel Gouvernement britannique ne semble pas faire de ce dossier l'une de ses priorités.

On peut toutefois relever que le Royaume-Uni, malgré certaines hésitations au départ, a finalement accepté de participer à l'opération militaire navale de l'Union européenne de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, et même de la commander.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

s'est interrogé sur la position de la nouvelle administration américaine à l'égard de la politique européenne de sécurité et de défense et il s'est demandé si l'attitude peu constructive de la Turquie au sein de l'OTAN n'était pas liée aux réticences de certains Etats membres à l'égard de son adhésion à l'Union européenne.

Debut de section - Permalien
Christine Roger, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS)

a estimé qu'il fallait attendre l'entrée en fonctions de la nouvelle administration américaine et que ce dossier n'était pas prioritaire au regard d'autres sujets, comme la crise économique et financière. Cependant on peut s'attendre à ce que les Etats-Unis fassent preuve au minimum de la même ouverture que celle manifestée par l'actuelle administration depuis quelques mois et envisagent favorablement tant les missions civiles que les opérations militaires autonomes de l'Union européenne, notamment dans les régions où la présence militaire américaine serait susceptible de soulever des difficultés, comme au Tchad par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

a rappelé que le Président de la République avait subordonné une éventuelle réintégration de la France dans la structure militaire intégrée de l'OTAN à des avancées substantielles de l'Europe de la défense et il a interrogé Mme Christine Roger sur le point de savoir si, à ses yeux, les progrès réalisés sous présidence française, dans ce domaine, pouvaient être considérés comme suffisants pour justifier une telle réintégration au sein de l'Alliance atlantique.

Il s'est également demandé si les retards de la mise en place de l'opération Eulex de l'Union européenne au Kosovo n'étaient pas liés à une mauvaise coordination avec la mission Minuk de l'ONU.

Il a enfin souhaité avoir des précisions au sujet de l'agence européenne de défense et de l'opération Eufor au Tchad et en République Centrafricaine.

Debut de section - Permalien
Christine Roger, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS)

a indiqué que les avancées de la politique européenne de sécurité et de défense sous présidence française de l'Union européenne étaient substantielles, à partir d'objectifs initiaux ambitieux. Les conclusions du prochain Conseil européen devraient d'ailleurs en reprendre les principaux éléments, avec notamment un complément à la stratégie européenne de sécurité, une déclaration sur les capacités civiles et militaires, qui devrait fixer un haut niveau d'ambition, et une déclaration sur la sécurité internationale.

Le déploiement de l'opération Eulex de l'Union européenne au Kosovo se heurte surtout à des difficultés dues aux tensions entre les Serbes et les Albanais, par exemple sur la question sensible des contrôles douaniers, notamment dans la zone située au nord et contrôlée par les Serbes. Il est, à cet égard, indispensable d'obtenir l'accord des Serbes avant de déployer des troupes sur le terrain afin que la mission puisse se dérouler dans un contexte aussi favorable que possible.

L'agence européenne de défense dispose de moyens très limités, puisqu'elle compte une centaine d'employés et un budget de 22 millions d'euros pour 2009, dont seulement 8 millions d'euros pour les dépenses opérationnelles. Sa mission ne peut donc pas consister à conduire des programmes d'équipements. Elle joue plutôt le rôle de levier pour lancer des projets en commun, avec un certain succès, comme l'illustre par exemple le projet sur la protection des forces auquel participent dix-neuf pays.

L'opération Eufor au Tchad et en République centrafricaine compte actuellement environ 3 500 militaires déployés sur le terrain, et ce nombre semble être raisonnable compte tenu des ressources limitées de la région. Mme Christine Roger a toutefois fait observer que la future mission de l'ONU envisageait de mobiliser davantage de personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

a indiqué qu'il avait toujours été personnellement hostile à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, en raison notamment du risque de précédent, comme l'avait d'ailleurs ensuite illustré la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud par la Russie à la suite du conflit avec la Géorgie de l'été dernier. Il s'est également interrogé sur les véritables raisons de l'attitude réservée de la Turquie à l'égard des relations entre l'Europe de la défense et l'OTAN.

Debut de section - Permalien
Christine Roger, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS)

a indiqué que la reconnaissance par l'Union européenne de l'indépendance du Kosovo et la reconnaissance par la Russie de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie ne pouvaient pas être mises sur le même plan, la première ayant été le fruit d'un long processus diplomatique, auquel la Russie et la Serbie avaient été associées, à la différence de la seconde, qui était directement issue du conflit armé entre la Russie et la Géorgie de l'été dernier et de la violation de l'intégrité territoriale de la Géorgie. Une mission d'enquête internationale vient d'être chargée par l'Union européenne d'établir les causes et le déroulement du conflit.

La Turquie participe aujourd'hui à l'opération de l'Union européenne Althéa en Bosnie-Herzégovine, mais elle adopte une attitude peu constructive à l'égard de la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne, par exemple au Kosovo ou en Afghanistan.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

s'étant interrogé sur l'état d'avancement des négociations sur le paquet défense et sur les réticences initiales de la France, Mme Christine Roger a indiqué que, sur les deux propositions de directives, seule, celle sur les conditions de transfert intra-communautaire des produits de défense, avait soulevé, au départ, des réticences de la part de la France au regard de la possible reconnaissance d'une compétence externe de la Communauté dans ce domaine, en application de la jurisprudence de la Cour de justice dite AETR, mais que ces réticences avaient été levées à la suite de l'avis du service juridique du Conseil concluant que la Communauté disposait déjà d'une compétence externe dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Christine Roger, ambassadeur, représentant de la France auprès du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne (COPS)

En réponse à M. Josselin de Rohan, président, qui s'est déclaré inquiet de l'attitude de la présidence tchèque de l'Union européenne à l'égard de la politique européenne de sécurité et de défense, au regard notamment des prochaines élections dans ce pays, Mme Christine Roger a déclaré que l'on pouvait espérer la poursuite des initiatives engagées par la présidence française, notamment dans le domaine capacitaire.