La commission a tout d'abord entendu le rapport de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 436 (2006-2007) autorisant l'approbation d'accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats Arabes Unis relatifs au musée universel d'Abou Dabi.
Soulignant qu'il n'était pas habituel que la commission demande à se saisir pour avis d'un projet de loi autorisant la ratification d'un accord international, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a estimé cependant que les trois accords passés entre la France et les Emirats Arabes Unis, relatifs au projet de musée universel d'Abou Dabi, justifiaient pleinement une entorse à cette pratique, car la dimension culturelle de ces accords n'était pas contestable, comme en témoignait le rôle déterminant qu'ont joué, dans leur négociation, le précédent ministre chargé de la culture, M. Renaud Donnedieu de Vabres, la directrice des musées de France, le président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre, ainsi que plusieurs responsables de grands musées français.
Il a jugé en outre que ce projet, d'une ampleur exceptionnelle, fournissait une illustration de la façon dont nous pouvions promouvoir notre conception de la culture dans le monde et indiqué que les retombées financières, considérables, de cet accord étaient de nature à donner une impulsion très significative à la politique de modernisation des musées soutenue par la commission.
Il a rappelé que celle-ci n'avait d'ailleurs pas attendu la conclusion formelle de ces accords pour s'intéresser à ce projet et que, dès le mois de janvier 2007, elle avait entendu Mme Mariani-Ducray, directrice des musées de France, M. Henri Loyrette, président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre, ainsi que Mme Françoise Cachin, directrice honoraire des musées de France.
Evoquant pour commencer les inquiétudes qu'avait suscitées l'annonce du projet, il a estimé que les stipulations de l'accord étaient de nature à les dissiper.
La première tenait au nombre d'oeuvres d'art qui seraient prêtées au musée d'Abou Dabi, dont certains ont craint qu'elles ne privent les musées nationaux d'une partie de leur attractivité aux yeux du public français et des touristes étrangers.
Le rapporteur pour avis l'a jugée excessive, même si le nombre d'oeuvres prêtées sera, en effet, significatif. Il a rappelé que la France s'engageait à présenter dans les 10 années suivant l'ouverture du musée, sous forme de prêts issus des collections publiques françaises, des oeuvres de qualité dont le nombre diminuerait au fur et à mesure que se constitueraient les collections permanentes du nouveau musée : 300 au cours des 3 premières années, 250 au cours des 3 années suivantes, et 200 au cours des 4 dernières années.
Il a précisé que la durée de chaque prêt serait comprise entre 6 mois et 2 ans, la totalité des galeries devant être garnies par la collection permanente du nouveau musée à compter de la onzième année.
Il a souligné que c'était la partie française qui déciderait du choix des oeuvres qu'elle prêterait et que chaque prêt se ferait sur la base du volontariat, sous le contrôle d'une commission scientifique.
Il a ajouté que ces règles s'appliqueraient aussi aux quatre expositions temporaires, d'une durée de deux à quatre mois, que la France s'engageait à organiser chaque année pendant quinze ans.
Il a insisté sur le fait que même si ces prêts devraient comporter une « part raisonnable » d'oeuvres issues des collections du Louvre, il s'agit bien de l'ensemble des musées français qui serait mis à contribution, et en particulier les douze grands établissements publics associés au sein de l'Agence « France-Museums », qui pilote le projet du côté français.
A titre de comparaison, il a rappelé que le ministère de la culture évaluait actuellement entre 8 000 et 10 000 le nombre d'oeuvres que prêtent chaque année les musées français à l'étranger et que le Louvre lui-même prêtait annuellement environ 1 500 oeuvres et participait à une centaine d'expositions à l'étranger.
Abordant ensuite la question de la sécurité des oeuvres, il a souligné que nos partenaires s'engageaient à ce que la conception et la réalisation du musée respecte un très haut niveau de la qualité de construction, de conservation et de sécurité des oeuvres, que la maîtrise d'oeuvre en serait confiée à l'architecte Jean Nouvel, et que la France serait consultée à toutes les étapes de la conception et de la réalisation du musée.
Il a jugé qu'il n'y avait donc pas de raison de penser que les oeuvres prêtées seraient moins en sécurité que dans d'autres grandes institutions plus anciennes, et notamment les nôtres, ajoutant que l'accord prévoyait, en outre, en cas de menace sur la conservation et la sécurité des oeuvres, toute une série de mesures conservatoires allant jusqu'à leur rapatriement immédiat, voire à la résiliation ou à la suspension de l'accord.
Evoquant pour finir les craintes exprimées par certains conservateurs que les contreparties financières généreuses de l'accord ne traduisent un abandon du principe de gratuité des prêts, il a insisté sur le fait que les contributions très significatives versées par les Emirats - près d'un milliard d'euros sur trente ans - viendraient financer un projet global comportant notamment une aide à la conception, à la réalisation des musées, à la formation de son équipe de direction et de ses personnels (conservateurs, régisseurs, guides et surveillants), et à la constitution de ses collections : l'organisation d'expositions temporaires et le prêt d'oeuvre des collections n'en constitueraient donc que l'un des aspects.
Revenant sur l'autorisation pour le musée d'Abou Dabi d'inclure le mot « Louvre » dans sa dénomination, il a précisé qu'elle faisait l'objet d'un encadrement juridique très strict, assorti de sanctions pouvant aller jusqu'à la résiliation de l'accord, pour éviter toute utilisation abusive. Il a jugé que le montant de la contrepartie financière - 400 millions d'euros - directement versée au musée du Louvre témoignait du prestige du musée.
a ensuite insisté sur l'opportunité exceptionnelle que constitue ce projet pour le rayonnement de nos musées et de notre politique culturelle.
Il a rappelé que c'étaient, à l'origine, les autorités émiriennes qui avaient sollicité du musée du Louvre son appui pour la conception de leur musée, portant ainsi un vivant témoignage du prestige de nos établissements, de la renommée de leurs conservateurs, de l'image de nos collections, et de notre expertise muséographique au niveau international. Il a jugé que nous devions faire fructifier ces atouts inappréciables, dans le processus de mondialisation où nous sommes engagés.
Il a d'ailleurs rappelé que nos principaux musées - et le Louvre en premier lieu - menaient déjà une politique internationale très active, qui les conduit à fournir leur expertise, à participer à des programmes de fouilles archéologiques, à contribuer par des prêts d'oeuvre à la réalisation de grandes expositions internationales et, enfin, à organiser des manifestations à l'étranger qui rencontrent un vif succès.
Il a relevé que certains grands musées s'étaient déjà, avant nous, engagés dans des partenariats plus globaux : ainsi, le British Museum et le Victoria and Albert Museum avaient signé en 2005 un accord très complet de partenariat avec plusieurs musées chinois, incluant les prêts d'oeuvres et une coopération technique, et le British Museum avait récemment signé un accord de partenariat avec le musée d'art islamique du Qatar.
Il a insisté sur les retombées en termes de mécénat que peuvent présenter ces activités internationales, rappelant au passage que le Sénat avait toujours cherché à développer l'apport de ce type de financement.
Il a noté à ce propos que la collaboration du Louvre avec le musée d'Atlanta allait permettre, grâce au mécénat américain, de financer à hauteur de plus de 5 millions d'euros la rénovation des galeries des objets d'art du XVIIIe siècle.
Il s'est réjoui de ce que la collaboration avec Abou Dabi se traduise par un essor très significatif de ces financements, puisqu'elle apportera près d'un milliard d'euros sur trente ans, selon la répartition suivante :
- 165 millions d'euros, en contrepartie des prestations de service de l'Agence « France-Museums » ; 195 millions d'euros au titre des expositions temporaires ;
- 190 millions d'euros au titre des prêts d'oeuvres des collections permanentes.
Il a précisé que ces enveloppes seraient redistribuées par l'Agence entre les différents musées prêteurs, et que le Louvre percevrait directement 400 millions d'euros pour l'usage de son nom, ainsi qu'une enveloppe de 25 millions d'euros de mécénat destinée à la restauration du pavillon de Flore.
Il a insisté sur le fait que ces sommes seraient intégralement versées aux musées et seraient dispensées de tout impôt, comme le garantissait la convention fiscale additionnelle.
Il a indiqué qu'elles permettraient de faire aboutir plus rapidement un certain nombre de projets ambitieux, de compléter le projet Grand Louvre, de réaliser le projet Pyramide, et de construire un centre commun de réserves pour accueillir les réserves du Louvre et de plusieurs autres grands musées de la Capitale, comme celles du musée d'Orsay, de façon à mettre à l'abri des oeuvres qui, outre qu'elles étaient stockées aujourd'hui en zone inondable, étaient souvent conservées dans des conditions déplorables, dénoncées par une précédente mission d'information de la commission.
Il a insisté, pour finir, sur la contribution que ce projet apporterait au dialogue des cultures, comme le confirme la vocation universelle du musée, qui devra présenter des oeuvres de toutes les périodes et de toutes les aires géographiques et « oeuvrer au dialogue entre l'Orient et l'Occident ».
Il a relevé en outre le caractère stratégique de l'emplacement de ce musée, dans un pays prospère et stable, qui entretient déjà avec la France des liens étroits, et a pour ambition de devenir le coeur de la région du Golfe pour l'enseignement supérieur et la culture, ainsi qu'un lieu de rencontres et d'échanges entre les civilisations, au carrefour des continents.
Il a donc proposé à la commission d'adopter ce projet de loi et d'autoriser la ratification de l'accord principal relatif à la réalisation du musée d'Abou Dabi et les deux accords additionnels relatifs aux dispositions fiscales et à la garantie des Etats, qui confortent son dispositif.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
a rappelé que la commission s'était s'intéressée à ce projet dés le mois de janvier dernier à l'occasion du débat public suscité par son annonce.
Il a jugé convaincants les arguments présentés par le rapporteur pour avis en réponse aux inquiétudes exprimées par les opposants au projet. Toutes les précautions étant maintenant inscrites dans l'accord, il lui a paru évident que la France avait intérêt à s'engager dans cette coopération, et il s'est réjoui de ce qu'elle ait été préférée à d'autres partenaires potentiels prestigieux.
a souhaité connaître précisément la liste des douze musées partenaires au sein de l'Agence « France-Museums » et a demandé si des musées en région pourraient participer d'une façon ou d'une autre au projet.
a précisé que les douze établissements publics partenaires de l'Agence « France-Museums » étaient respectivement : le musée du Louvre, le musée du Quai Branly, le centre national d'art et de culture Georges Pompidou, le musée d'Orsay, le musée et le domaine national de Versailles, le musée des arts asiatiques Guimet, le musée Rodin, le domaine national de Chambord, la réunion des musées nationaux, l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'école du Louvre, et la Bibliothèque Nationale de France.
Il a également précisé que les musées de France en région pourraient prêter les oeuvres issues de leurs collections et recevoir de l'Agence « France-Museums » des contreparties financières.
a regretté que la conclusion et la ratification de ces accords n'aient pas été précédées par une véritable concertation dans la mesure où ils opèrent un changement radical dans le traitement de notre patrimoine. Il a déploré que l'on s'engage dans un processus encouragé par le rapport sur l'économie de l'immatériel de MM. Jouyet et Lévy, estimant que ce processus entraînera tôt ou tard des conséquences graves. Il a exprimé l'inquiétude que lui inspirait un passage de la lettre de mission adressée à la ministre chargée de la culture, dans laquelle le Président de la République envisage la possibilité d'aliéner certaines oeuvres des collections publiques sous couvert de mieux valoriser ces dernières. Il y a vu une étape supplémentaire dans un parcours inquiétant, rappelant que le précédent ministre de la culture, M. Renaud Donnedieu de Vabres, avait su s'en garder. Il s'est interrogé sur le sens et la portée de l'exposé des motifs relatif à l'accord fiscal qui assure que du « point de vue de l'intérêt financier de la France, le manque à gagner fiscal induit par cet accord d'exonération sera compensé par les retombées économiques de l'utilisation des sommes en jeu par les institutions culturelles bénéficiaires ». Enfin, il a douté que la localisation du musée à Abou Dabi soit nécessairement la plus pertinente pour toucher les masses arabes.
a donné acte à M. Jack Ralite de la confirmation de sa position. Il s'est réjoui de ce que le regard qui avait été porté sur le projet d'Abou Dabi depuis son lancement ait permis d'en améliorer la présentation juridique.
Enfin, il a estimé qu'il n'était en soi pas anormal que la lettre de mission adressée par le Président de la République à la ministre de la culture et de la communication donne certaines directives.
s'est déclaré en accord avec les préoccupations exprimées par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il a adressée à la ministre de la culture et de la communication et tout particulièrement concernant la démocratisation culturelle et l'insuffisance des résultats obtenus en ce domaine, due au fait qu'elle ne s'est pas suffisamment appuyée sur l'école et sur les médias.
Il a jugé convaincante la présentation du rapporteur sur la politique suivie par les musées français en matière d'échanges d'oeuvres et a jugé qu'Abou Dabi était une ville géographiquement bien située pour servir de point de rencontre entre l'Europe et l'Asie. Il a souhaité que les musées en région puissent également contribuer à ce projet. Pour illustrer l'intérêt de ces échanges, il a rappelé que la présentation au musée de Dijon d'oeuvres en provenance du musée de L'Ermitage avait attiré 140.000 visiteurs. Il a ajouté que l'existence de contreparties financières significatives n'était pas de nature à le gêner et s'est réjoui de ce que les conceptions françaises en matière de muséographie puissent ainsi s'exporter. Il a estimé, en outre, que le projet était bien de nature à contribuer à l'élargissement des publics et à la démocratisation culturelle.
a avoué qu'après avoir été à l'origine un peu surpris par le projet de musée du Quai Branly, il avait été finalement très séduit par sa réalisation, par l'imagination dont il avait fait preuve en matière de traitement et de présentation des collections, et par l'intégration d'une véritable entité de recherche dans l'enceinte du musée. Il a jugé que la création d'un musée universel à Abou Dabi était de nature à renforcer l'attractivité de ce pays, estimant que les risques que nous encourions étaient mineurs par rapport à l'intérêt du projet.
a craint que l'introduction massive de capitaux privés dans le domaine de l'art ne soit de nature à faire perdre toute maîtrise aux pouvoirs publics, et que le recul du poids relatif des subventions publiques se traduise par une diminution du rôle des citoyens.
s'est réjoui de ce que les pouvoirs publics n'aient pas refusé la contribution que Total a apportée à la restauration de certaines salles du Louvre.
La commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi autorisant l'approbation d'accords entre la France et les Emirats Arabes Unis relatifs au musée universel d'Abou Dabi, le groupe communiste républicain et citoyen et le groupe socialiste s'abstenant.
Au cours de la même réunion, la commission a procédé à la nomination de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008, chargés de participer, avec voix consultative, aux travaux de la commission des finances, en application de l'article 18, alinéa 4, du Règlement du Sénat.
Ont été nommés pour les missions du budget général :
et M. Pierre Martin : « Sport, jeunesse et vie associative ».
Ont été nommés pour les missions hors budget général :
et M. Louis de Broissia : « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » ;
Enfin, la commission a décidé de proposer à la nomination du Sénat M. Jean-Léonce Dupont pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie.