La commission a procédé à l'audition de MM. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez et Jean-François Cirelli, président-directeur général de Gaz de France.
après avoir salué le rôle important de la commission des affaires économiques du Sénat, et plus particulièrement de M. Ladislas Poniatowski, rapporteur du projet de loi relatif au secteur de l'énergie en 2006, dans la conduite et la réussite du projet de fusion GDF/Suez, a tenu à rappeler le calendrier de cette fusion. Le 16 juillet prochain, ce projet sera soumis au vote des actionnaires respectifs des assemblées générales extraordinaires de Suez et de Gaz de France. A l'issue de l'assemblée générale de Gaz de France, qui absorbera la société Suez, l'Etat signera le décret de sa privatisation normalement le 17 juillet. Deux jours ouvrables s'écouleront avant que la nouvelle entreprise ne soit légalement créée, notamment au niveau des autorités boursières. Le lundi 21 juillet à minuit, GDF/Suez S.A et Suez-Environnement auront une existence légale et leur cotation à la bourse de Paris et de Bruxelles aura lieu le lendemain. A l'issue de cette opération financière, la France pourra s'enorgueillir de compter parmi ses champions nationaux deux entreprises leaders mondiales, l'une dans le secteur de l'énergie, l'autre dans le secteur de l'environnement. GDF/Suez constituera alors la troisième capitalisation boursière de France et d'Europe continentale, après EDF et Total. Les processus de rapprochement entre les deux entreprises sont achevés et font ressortir la complémentarité industrielle et géographique de ces deux entités. En définitive, au travers de sociétés telles EDF, Total, GDF/Suez, Areva et Alstom, la France disposera d'un secteur de l'énergie sans équivalent dans le reste du monde.
Le projet de fusion répond plus que jamais aux enjeux actuels du paysage énergétique mondial. L'obtention d'une taille mondiale permettra d'optimiser les approvisionnements du groupe, qui deviendra l'un des tout premiers acheteurs de gaz en Europe. L'opération contribuera également à une diversification et à une meilleure sécurité des approvisionnements européens. La nouvelle entreprise se hissera en particulier au premier rang européen pour l'achat de gaz naturel liquéfié (GNL), grâce à des positions géographiques complémentaires dans le monde entier.
Le nouveau groupe bénéficiera, dans le paysage énergétique européen, d'une place stratégique majeure, grâce à un chiffre d'affaires cumulé en 2007 de près de 74 milliards d'euros pour l'ensemble de ses activités, qui la situe très loin devant ses premiers concurrents américains. GDF/Suez sera le leader européen du gaz naturel en tant que premier acheteur et opérateur du plus vaste réseau de transport et de distribution. Il sera également le second opérateur de stockage de gaz en Europe.
Président-directeur général de Gaz de France, a indiqué que le projet de fusion GDF/Suez reposait sur une ambition industrielle, une ambition sociale et le maintien de missions de service public.
La raison d'être de cette fusion est un projet industriel ambitieux, puisque le programme d'investissements du nouveau groupe sera exceptionnellement important, s'élevant à 10 milliards d'euros par an pour les trois prochaines années. Le groupe devra définir une politique résolument tournée vers l'innovation et les services pour compenser la baisse de son chiffre d'affaires en France et en Belgique qu'entraîneront les économies d'énergie. Les priorités du nouveau groupe porteront sur l'approvisionnement en gaz, les infrastructures et la production d'électricité.
Les 10 milliards d'investissements annuels se répartiront dans les cinq secteurs suivants :
- entre 1 et 1,5 milliard d'euros pour la branche énergie en France afin d'augmenter, à terme, de 5 gigawatts la production électrique du groupe ;
- entre 4 et 4,5 milliards d'euros par an sur le marché européen afin d'avoir une capacité de production de 100 gigawatts ;
- entre 1 et 1,5 milliard d'euros consacrés au développement du gaz naturel liquéfié (GNL) pour sécuriser l'approvisionnement des 22 millions de clients du groupe ;
- entre 1 et 1,5 milliard d'euros pour le renouvellement et la construction de nouvelles infrastructures ;
- entre 300 et 500 millions d'euros pour la branche énergétique, qui concerne notamment les projets « biomasse » et « biogaz ».
Puis M. Jean-François Cirelli a précisé que le projet de fusion s'accompagnait d'une forte ambition sociale. Rappelant que le nouveau groupe comptera 130.000 collaborateurs dans le secteur de l'énergie et 62.000 dans le secteur de l'environnement, il a souligné que le groupe était confronté au double défi du renouvellement du personnel et de la transmission des compétences entre les anciennes et nouvelles générations. Faisant valoir, d'une part, le fort taux de renouvellement du personnel, avoisinant les 8 à 9.000 personnes par an, et, d'autre part, la quasi absence de doublons entre les services de Suez et de GDF, dont témoignent les récentes conclusions d'un rapport du cabinet d'expertise comptable Secafi alpha, il a précisé que le nouveau groupe ne mettra pas en place de plan social. La direction de Gaz de France a d'ailleurs pris l'engagement devant son comité d'entreprise et les organisations syndicales représentatives de ne procéder à aucun licenciement lors de la fusion, de favoriser l'accompagnement des salariés qui seraient amenés à changer d'emploi ou de lieu de travail et de mettre en place des comités de suivi.
Enfin, Jean-François Cirelli a indiqué que le nouveau groupe n'abandonnerait pas ses missions traditionnelles en matière de service public. Après avoir mentionné qu'un nouveau contrat dans ce domaine était en cours de préparation avec l'Etat, il a constaté que la situation des clients les plus démunis, la sécurité des infrastructures et la protection de l'environnement demeureraient des thématiques fortes pour le groupe.
Rappelant que la Commission européenne avait réalisé une enquête approfondie sur la fusion GDF/Suez dans le cadre de son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, il a estimé que le groupe avait répondu aux attentes bruxelloises.
soulignant qu'il avait toujours été convaincu du bien-fondé du projet industriel sous-tendant le nouveau groupe, a souhaité obtenir des précisions sur les conditions imposées par la Commission européenne pour autoriser la fusion entre les deux entreprises. Puis il a mis en lumière le risque de voir la France exclue du projet Nabucco, tendant à relier par gazoduc la mer Caspienne à l'Europe occidentale en passant par la Turquie et la Suisse.
a indiqué que deux cessions significatives avaient été décidées après négociation entre Suez et la Commission européenne. D'une part, Distrigaz, société belge propriété à 57 % de Suez, dont l'activité principale concerne le négoce en gaz et la vente aux entreprises de contrats d'approvisionnement, a été vendue à l'entreprise italienne Eni pour 5 milliards d'euros. En contrepartie, Suez a obtenu le droit d'acheter une partie du réseau de distribution d'électricité à Rome, ce qui compense quasi intégralement les inconvénients nés de la cession de Distrigaz. D'autre part, la société belge productrice d'électricité SPE a été cédée.
après avoir mis en exergue la grande diversification du groupe en matière d'approvisionnement, a indiqué que l'absence de la France dans le projet Nabucco s'expliquait plus par des raisons politiques qu'industrielles. Déplorant la hausse très importante des coûts d'infrastructures (entre 30 et 80 % depuis deux à trois ans), il a jugé qu'il sera difficile de réunir les 5 à 6 milliards d'euros nécessaires pour mener à bien ce projet. Celui-ci est d'ailleurs confronté à des problèmes d'ordres technique, juridique et de rentabilité financière. En tout état de cause, le nouveau groupe GDF/Suez ne subira pas un préjudice important s'il ne devait pas faire partie du consortium international.
a souhaité connaître la politique industrielle du nouveau groupe concernant le nord de l'Europe, l'importance qui sera accordée au gaz naturel liquéfié, le nouveau statut fiscal et social du groupe et enfin la politique menée en matière d'énergies renouvelables.
soulignant la volonté du Président de la République de hisser la France au premier rang mondial en matière d'énergie nucléaire, a souhaité connaître la stratégie du nouveau groupe en ce domaine et savoir s'il se portera candidat pour le projet de construction en France d'un deuxième réacteur pressurisé européen (EPR).
s'est demandé si, au sein du nouveau groupe, l'avenir de l'énergie biomasse et biogaz était assuré et si des structures avaient été mises en place afin d'évaluer les besoins en énergie de la population mondiale à très long terme.
évoquant la volonté du groupe de diminuer le montant des factures acquittées par les particuliers pour rester compétitif, a craint que l'entretien des réseaux de gaz ne soit la variable d'ajustement de cette politique tarifaire.
En réponse à ces différentes interventions, M. Jean-François Cirelli a précisé les points suivants :
- un nouveau gazoduc dans la mer Baltique va prochainement être construit, en partenariat avec Total ;
- GDF est la société qui a le plus recours au GNL en Europe. Ce type de gaz permet une plus grande flexibilité dans l'approvisionnement des clients ;
- la création, dans le secteur du gaz, d'une société anonyme équivalente d'Electricité Réseau Distribution France (ERDF) serait intéressante car cet organisme, chargé de la gestion du réseau de distribution du gaz, garantirait la continuité du service public du gaz en distinguant nettement les aspects techniques des aspects commerciaux ;
- les investissements sur le réseau gazier sont passés de 180 millions d'euros en 2004 à plus de 600 millions aujourd'hui, mais la capacité d'investissement dans le réseau dépend du taux de retour pour les opérateurs et du prix de vente. A ce sujet, on peut craindre un sous-investissement mondial en matière d'infrastructures de distribution d'énergie ; par ailleurs le groupe est très hostile aux propositions de la Commission européenne interdisant les entreprises dites « intégrées » dans le secteur de l'énergie ;
- les énergies nouvelles renouvelables occuperont une place déterminante au sein du nouveau groupe. Même si les projets de biomasse, de biogaz et de cogénération sont souvent portés par des filiales, ils sont néanmoins pleinement intégrés dans les projets stratégiques globaux du groupe ;
- une planification des besoins en énergie au niveau européen serait souhaitable et devrait être prévue dans un prochain projet de directive communautaire.
a complété ces éléments de réponse en précisant que :
- le siège du nouveau groupe sera situé à Paris, les cotations boursières de GDF/Suez et de Suez-Environnement seront réalisées également à Paris, mais aussi à Bruxelles. Les statuts sociaux et fiscaux sont de droit commun ;
- les projets relatifs à l'énergie hydraulique occuperont une place considérable au sein du nouveau groupe, car Suez est d'ores et déjà le premier actionnaire de la Compagnie Nationale du Rhône, et des investissements importants ont été réalisés récemment, concernant notamment un barrage dans les Hautes-Pyrénées ;
- Suez, contrairement à EDF, souhaite participer à des projets relatifs à l'énergie nucléaire dans des pays qui n'ont aucune expérience dans ce domaine. Ces deux entreprises sont les deux seules au monde à exploiter des centrales nucléaires en dehors de leur territoire national, Suez ayant acquis une expertise reconnue de tous dans la gestion de ces dernières ;
- le nouveau groupe se prononcera l'an prochain sur une éventuelle candidature pour le projet de construction de la deuxième centrale EPR. Toutefois, il serait souhaitable que le GDF/Suez s'inspire de l'expérience finlandaise et s'associe à des partenaires français, voire internationaux, qui soient également d'importants consommateurs en énergie électrique.