Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance.
À titre liminaire, M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a rappelé que cet organisme avait été créé il y a près de soixante ans avec pour objectif de soutenir la présence du film français à l'étranger. Il repose aujourd'hui sur une structure légère comprenant trente-quatre personnes et disposant de trois bureaux à l'étranger, à New York, Tokyo et Pékin. Dotée d'un budget annuel de 9 millions d'euros, cette organisation professionnelle associe tous les acteurs de l'industrie cinématographique, les producteurs, les exportateurs comme les artistes, et intervient aussi bien en matière de longs métrages que de courts métrages. Cette logique de concertation permanente garantit une convergence des intérêts de toutes les parties prenantes de la profession.
Les activités d'Unifrance se déclinent selon deux volets distincts, qui n'excluent pas des interactions multiples : l'organisme exerce des activités strictement commerciales, d'une part, et assure des missions de diffusion culturelle et linguistique, d'autre part.
En ce qui concerne sa vocation commerciale, Unifrance fait en sorte que le cinéma français soit présent sur tous les grands marchés du monde, en accompagnant la représentation des films français aux grands festivals commerciaux à Cannes, à Berlin, à Toronto, mais aussi à Hong-Kong et aux États-Unis d'Amérique (« American Film Market »). Depuis sept ans, Unifrance organise un rendez-vous annuel, au mois de janvier à Paris, auquel tous les acheteurs potentiels sont conviés à visionner des films français. Cette manifestation connaît un succès qui ne se dément pas, puisque des représentants de plus de cinquante pays ont participé à l'édition 2010, plus de 350 distributeurs étrangers y étaient présents, 75 films y ont été exposés et les artistes français ont accordé plus de 700 entretiens.
Tout au long de l'année, Unifrance poursuit son action de promotion du film français à l'étranger, en aidant les acheteurs étrangers à distribuer des films français sur leurs marchés nationaux. À ce titre, l'organisme prend notamment en charge les déplacements de l'équipe du film, en particulier des artistes, pour accompagner la sortie de leur oeuvre à l'étranger.
Unifrance, dont la vocation est aussi culturelle, s'attache à garantir la présence de films français lors de grands événements culturels, en particulier des festivals, dont certains sont directement organisés par Unifrance elle-même. À titre d'exemple, elle a mis en place la « Semaine du film français » au Lincoln Center de New York, mais également à Tokyo, et développe des activités similaires en Chine, au Brésil, en Russie et en Inde. L'ensemble de ces manifestations est organisé en liaison avec les services des ambassades françaises. Unifrance garantit ainsi la présence de films français dans plus de quatre-vingts festivals dans les plus grandes capitales du monde.
Elu il y a seulement un an à la tête d'Unifrance, M. Antoine de Clermont-Tonnerre a indiqué qu'une des principales qualités de l'organisme résidait dans la constance de ses interventions sur les différents marchés internationaux et la mémoire de ses chargés de mission géographiques.
Les priorités que la direction renouvelée entend donner à Unifrance sont de deux ordres :
- d'une part, l'organisme étudie, en concertation avec les exportateurs, l'extension de ses activités à de nouveaux pays, comme le Kazakhstan et le Viêtnam, tout en consolidant la présence, encore balbutiante, du cinéma français sur les marchés de pays émergents comme l'Inde ;
- d'autre part, il porte une attention toute particulière à l'adaptation des circuits de distribution à la diffusion numérique. Il est indispensable d'aller à la rencontre du public là où il se trouve, non pas uniquement dans le cadre de salles de projection (qui demeurent la priorité de diffusion), mais en soutenant également la diffusion du film français sur d'autres supports comme la vidéo en ligne. À cet égard, Unifrance étudie la possibilité de développer un festival du film français « en ligne », dans le cadre d'un groupe de travail associant les exportateurs et les distributeurs, compte tenu des problèmes posés par la question de la protection des droits d'exploitation.
a souligné que le festival du film français à Cuba était celui qui rencontrait le plus de succès. Il permet au cinéma français de pénétrer un marché latino-américain où il dispose encore d'une grande marge de développement, en réunissant des exportateurs français et des acheteurs provenant de l'ensemble de l'Amérique latine qui peuvent découvrir une trentaine de films français.
a interrogé le président d'Unifrance sur l'évolution de la demande de films français en Asie et en Amérique latine.
a indiqué que l'objectif était, en Amérique latine, de maintenir les positions du cinéma français dès lors qu'une partie de la population y est traditionnellement demandeuse de films français. Néanmoins, le public francophone dans ce continent a tendance à vieillir et à diminuer, au profit d'une génération plus jeune et plus sensible au cinéma d'expression anglo-saxonne.
En revanche, à l'exception du Japon, l'Asie ne nourrit aucune attente historique particulière vis-à-vis du cinéma français. Le défi principal réside donc dans la capacité des films français à susciter l'intérêt des publics jeunes. On observe un début de reconnaissance du cinéma français en Chine, mais encore limité compte tenu du contingentement dont fait l'objet le marché national (seule une quarantaine de films étrangers obtiennent une autorisation de diffusion en Chine tous les ans).
a demandé des éléments d'information concernant les critères sur la base desquels les films français sont sélectionnés pour être présentés lors de festivals et l'équilibre envisagé par Unifrance entre la consolidation des positions du cinéma français sur les gros marchés et l'ouverture aux pays émergents.
a souligné que, en dépit d'un marché fortement concurrentiel, la France continue de soutenir efficacement l'exportation de son cinéma à l'étranger. À ce titre, le système français de soutien financier à la promotion du cinéma français à l'étranger, mêlant crédit d'impôt et contribution des chaînes de télévision nationales, est régulièrement copié par nos partenaires étrangers, notamment en Europe de l'Est. Dans ces conditions, nos concurrents étrangers sont parvenus à augmenter de façon significative les parts de marché de leur propre cinéma sur leur marché national. Aussi la France est-elle conduite à renforcer ses efforts pour maintenir ses positions sur les marchés nationaux de ses concurrents étrangers, en particulier sur des marchés traditionnels comme l'Europe, qui sont devenus très concurrentiels. À titre d'exemple, en Allemagne, la part des films allemands sur le marché national a progressé de 15 à 27 % et, compte tenu du maintien de l'attrait du public européen pour le cinéma américain, cela signifie un effet de ciseaux préoccupant pour le film français.
La Chine produit entre cinq cents et six cents nouveaux écrans de cinéma par an, ce qui en fait un marché immense dans lequel nos concurrents directs, comme l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, veulent investir.
a indiqué que, parmi les soixante-quinze films français présentés au rendez-vous annuel d'Unifrance à Paris au mois de janvier 2010, quarante-quatre étaient inédits, les autres ayant déjà été diffusés en salle. Ces films ne font pas l'objet d'une sélection éditoriale particulière, leur présentation lors de la manifestation étant essentiellement le résultat d'une sollicitation directe par les exportateurs.
Elle a rappelé que le premier marché d'exportation du cinéma français demeurait les Etats-Unis d'Amérique. Les marchés européens prioritaires se concentrent principalement en Allemagne et au Royaume-Uni et, dans des pays comme l'Espagne et l'Italie, le cinéma français continue d'être perçu, dans une certaine mesure, comme un cinéma d'auteur. La Russie, qui constitue traditionnellement le deuxième marché d'exportation du film français, a été durement touchée par la crise.
a souhaité des précisions concernant :
- les ressources budgétaires d'Unifrance et notamment la part de la subvention consentie par le ministère des affaires étrangères ;
- l'articulation d'Unifrance avec le réseau d'instituts et centres culturels français à l'étranger, notamment dans la perspective d'une mutualisation de nos instruments d'action culturelle extérieure au sein d'une grande agence culturelle.
a indiqué que toutes les opérations d'Unifrance à l'étranger étaient conduites en coordination avec le réseau diplomatique. Dans la mesure où il ne s'agit pas d'une administration d'État du fait du caractère professionnel de ses activités, l'organisme privilégie la connaissance approfondie de la géographie des marchés qu'il a accumulée au cours des ans, le support des équipes diplomatiques étant variable selon les pays. Il a souligné la nécessité de préserver un poste d'attaché audiovisuel dans la plupart des ambassades.
Le réseau culturel de la France à l'étranger assure traditionnellement une mission de promotion du patrimoine cinématographique français à l'étranger, distincte des activités d'exportation exercées par Unifrance. Cependant, ces actions, complémentaires, sont efficacement combinées au sein des différents instituts et centres culturels français.
a indiqué que le budget d'Unifrance s'appuyait sur une subvention du Centre national du cinéma et de l'image animée, de l'ordre de 6,5 millions d'euros, issue de son fonds de soutien, et sur une participation du Quai d'Orsay, à hauteur de 590 000 euros (contre 950 000 il y a deux ans). À cela s'ajoutent des partenariats conclus avec des acteurs publics, comme Ubifrance, pour un montant de 570 000 euros, et des acteurs privés.
a souhaité savoir si le soutien à l'exportation était ouvert à tout le cinéma français ou limité à des films sélectionnés.
a souligné qu'Unifrance privilégiait, en priorité, l'exportation des films qui ont déjà été achetés par des distributeurs étrangers. Il est proposé, en général, à l'acheteur étranger d'inclure son film dans des festivals. Ce contingent est ensuite complété par des films non encore vendus et pour lesquels il est fait appel à des sélectionneurs étrangers.
a salué le travail remarquable réalisé par Unifrance. Il s'est ensuite interrogé sur le nombre d'attachés audiovisuels encore présents au sein du réseau culturel et sur l'implication d'Unifrance dans leur formation. Il a également sollicité des précisions sur les mécanismes de réciprocité entre l'exportation de films français dans des pays étrangers et la facilitation de l'accueil des films de ces pays par le marché français.
a rappelé qu'Unifrance se montrait particulièrement attentive à la production cinématographique de ses partenaires étrangers. Afin de pénétrer un marché étranger, il est indispensable d'assurer une certaine réciprocité dans l'échange. Il convient donc de veiller au maintien, en France, d'un réseau d'accueil des films étrangers, notamment du parc de salles indépendantes d'art et d'essai, en accompagnant leur numérisation. L'expansion des salles multiplex au détriment des petites salles freine la diffusion des films étrangers et nuit donc à la qualité des échanges avec les partenaires étrangers.
Unifrance est intervenue auprès du ministère des affaires étrangères pour maîtriser la baisse du nombre des attachés audiovisuels au sein du réseau diplomatique, en particulier en Europe. Les attachés audiovisuels et culturels sont indispensables aux démarches d'Unifrance dans la mesure où l'organisme ne dispose pas de représentations à l'étranger.
a souligné que les échanges entre les marchés français et étrangers se font généralement spontanément et non pas sur un mode contractuel.
s'est interrogé sur le degré de pénétration du film français sur le marché russe ainsi que sur le marché des pays africains francophones, notamment en Algérie.
a rappelé qu'il n'y avait pratiquement plus de salles de projection en Algérie et que le marché du cinéma y était marqué par le piratage.
a indiqué qu'il serait possible de conduire en Algérie une opération itinérante en plein air pour créer au sein de la population une demande de film français en attendant la reconstruction des salles de cinéma.
a souligné que, dans de nombreux départements, les collectivités territoriales étaient engagées dans la construction de salles de cinéma numériques.
a souhaité obtenir des précisions sur la coopération entretenue par Unifrance avec les écoles de cinéma, notamment l'École nationale supérieure des métiers de l'image et du son (la « Fémis ») et le Studio national des arts contemporains du Fresnoy.
a relevé que les relations d'Unifrance avec les établissements d'enseignement artistique n'étaient pas encore très développées. En revanche, Unifrance organise des « leçons de cinéma » dispensées par des professionnels dans des écoles de cinéma à l'étranger.
a estimé qu'il convenait de développer les échanges dans le domaine de l'enseignement artistique et cinématographique en s'appuyant sur les nouveaux médias, et notamment Internet.