Au cours d'une première séance qui s'est tenue le matin, la commission a examiné le rapport de MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat, Yves Détraigne et Mme Michèle André sur leur mission d'information à Mayotte effectuée du 1er au 6 septembre 2008.
rappelant que Mayotte était devenue française en 1841, a expliqué que cinq années plus tard l'ordonnance royale du 9 décembre 1846 avait aboli l'esclavage dans l'archipel, si bien que l'appartenance à la France était devenue synonyme de liberté pour la très grande majorité des Mahorais. Relevant qu'à l'inverse de la plupart des collectivités d'outre-mer, Mayotte aspirait à un rapprochement avec le droit métropolitain, il a précisé que la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer avait avancé à 2008 la possibilité pour le conseil général de Mayotte de demander à accéder au statut de département et région d'outre-mer. Lors du conseil des ministres du 23 janvier 2008, le Gouvernement a proposé d'avancer vers une départementalisation adaptée et progressive en fonction du choix fait par les Mahorais lors d'une consultation. Au cours de sa séance du 18 avril 2008, le conseil général de Mayotte a adopté à l'unanimité une résolution demandant que l'archipel accède au régime de département et région d'outre-mer.
a indiqué que lors d'un déplacement à Mayotte le 27 septembre 2008, M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, avait annoncé que la consultation sur la question de la départementalisation de Mayotte aurait lieu en mars 2009. Il a rappelé que la mission d'information de la commission des lois qu'il avait conduite dans l'archipel du 1er au 6 septembre 2008 était le troisième déplacement de la commission à Mayotte en huit ans, une mission s'y étant rendue, sous la présidence de M. José Balarello, en janvier 2000, puis en avril 2001 avant la discussion du projet de loi relatif à Mayotte.
Soulignant que la départementalisation était une revendication historique, il a relevé que l'archipel des Comores avait obtenu le statut de territoire d'outre-mer en 1946, le Conseil général imposant alors aux Mahorais des restrictions de crédits, un sous-équipement et le transfert du chef-lieu de Dzaoudzi à Moroni (Grande Comore).
Depuis cette époque, la crainte d'une hégémonie des îles plus peuplées structure l'action des autorités politiques de Mayotte, la départementalisation étant revendiquée à compter de 1958 comme le moyen d'ancrer le plus solidement possible l'archipel au sein de la République française.
Il a indiqué que lors du scrutin d'autodétermination du 22 décembre 1974, les îles de la Grande Comore, d'Anjouan et de Mohéli s'étaient prononcées à une quasi unanimité pour l'indépendance tandis que les Mahorais avaient choisi, à 63,82 % des suffrages exprimés, le maintien dans la République française. Les Comores ayant ensuite proclamé unilatéralement leur indépendance, deux consultations ont été organisées à Mayotte, la première aboutissant à un vote presque unanime en faveur du maintien de Mayotte dans la République (99,4 % des suffrages exprimés), la seconde conduisant au rejet du statut de territoire d'outre-mer (97,47 % des suffrages exprimés) alors que 79,59 % des votants avaient déposé un bulletin « sauvage » exprimant le souhait de voir Mayotte doté du statut de département d'outre-mer.
Il a rappelé qu'après la loi du 24 décembre 1976, créant à Mayotte une collectivité territoriale au statut sui generis provisoire, la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte avait repris les dispositions de l'accord sur l'avenir de Mayotte approuvé par la population en juillet 2000. Indiquant que la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 avait ensuite inscrit Mayotte à l'article 72-3 de la Constitution, il a précisé que depuis le renouvellement du conseil général de 2004, le président de cette assemblée était l'autorité exécutive de la collectivité départementale, le contrôle a priori des actes du conseil général par le représentant de l'Etat ayant été supprimé après le renouvellement de 2008.
Il a expliqué que l'actualisation du statut de Mayotte en 2007 entrainait depuis le 1er janvier 2008 l'application de plein droit des lois et règlements, sauf dans les domaines de la fiscalité, de la propriété immobilière et de l'urbanisme, de la protection sociale, du droit syndical, du droit du travail, de l'entrée et du séjour des étrangers, ainsi que des finances communales.
Considérant que selon M. Soibahadine Ibrahim Ramadani, sénateur de Mayotte, les Mahorais fêtaient en 2008 le cinquantième anniversaire de leur aspiration à la départementalisation, M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur, a souligné que l'évolution statutaire représentait pour la population de Mayotte la garantie de pouvoir vivre dans un Etat de droit et dans une société démocratique.
Estimant que Mayotte disposait aujourd'hui d'un statut sur mesure, il a jugé que l'accès au statut de département et région d'outre-mer aurait pour conséquence essentielle de rendre obligatoire un alignement sur le droit commun, tout en préservant la possibilité d'adaptation.
Après la diffusion à la commission d'un extrait du journal télévisé de RFO, relatif au comité pour la départementalisation du conseil général de Mayotte et à la rencontre de la mission d'information de la commission des lois avec le Grand Cadi et les Cadis, il a évoqué -en dépit de progrès indéniables- le retard persistant de Mayotte dans l'assimilation du corpus républicain.
Rappelant que la religion musulmane, implantée à Mayotte depuis le XVème siècle, occupait une place majeure dans l'organisation sociale, il a indiqué que près de 95 % des Mahorais étaient d'obédience musulmane et suivaient une pratique modérée de l'Islam, la société étant également marquée par des coutumes africaines et malgaches très vivaces.
Précisant que les Mahorais, c'est-à-dire les Français considérés comme originaires de Mayotte de religion musulmane, étaient automatiquement soumis à un statut personnel dérogatoire tant qu'ils n'y avaient pas renoncé, il a souligné que ce statut civil de droit local, inspiré du droit musulman, ne pouvait être transmis que par deux parents ayant eux-mêmes conservé le statut personnel. Les autres résidents de Mayotte, métropolitains ou étrangers même musulmans, relèvent du droit commun. Cette dualité de statut s'accompagne d'une dualité des règles en matière d'état des personnes et des biens, et d'une justice particulière aux citoyens de statut personnel, rendue par les Cadis.
relevant que le statut de droit commun se transmettait automatiquement aux enfants mineurs d'un couple mixte, a expliqué que le statut personnel avait fait l'objet de plusieurs modifications visant à le rapprocher des principes républicains.
La loi de programme pour l'outre-mer de 2003 a ainsi :
- limité le champ d'application du statut personnel à l'état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités ;
- interdit la polygamie pour les personnes accédant à l'âge requis pour se marier à compter du 1er janvier 2005 ;
- prohibé la répudiation unilatérale pour les personnes accédant à compter du 1er janvier 2005 à l'âge requis pour se marier ;
- interdit les discriminations entre enfants devant l'héritage pour les enfants nés après la promulgation de la loi.
Considérant que certaines dispositions du statut civil de droit local demeuraient en contradiction avec les stipulations de la Convention européenne des droits de l'Homme, il a observé que, lors de l'examen de la loi de programme pour l'outre-mer de juillet 2003, le conseil constitutionnel avait confirmé la compétence du législateur pour rapprocher le statut personnel des principes et des droits fondamentaux.
rappelant que les Cadis exerçaient à la fois une activité judiciaire, une activité notariale et une activité sociale et administrative, a précisé que le Cadi fondait ses décisions sur la doctrine musulmane et sur des règles coutumières issues d'Afrique de l'est. Il a expliqué que la justice cadiale comprenait dix-sept tribunaux cadiaux et un Grand Cadi, fonctionnaires de la collectivité départementale de Mayotte, soulignant que la quasi inexistence de règles procédurales, la méconnaissance du principe du contradictoire et de la représentation par avocat, en faisaient une justice aléatoire, sans garantie pour le justiciable.
Il a souligné que l'état civil se trouvait à Mayotte dans une situation très complexe, l'ancienneté de l'état civil en métropole ne permettant pas d'appréhender l'ampleur du changement que représente pour les Français de Mayotte la fixation de leur état civil avec nom et prénom.
Il a rappelé que l'ordonnance du 8 mars 2000 avait créé une commission de révision de l'état civil (CREC), chargée de fixer les noms et prénoms des personnes de statut personnel nées avant la publication de l'ordonnance et d'établir les actes d'état civil (naissance, mariage, décès). Il a précisé que cette commission, dont le mandat devait se terminer en avril 2006, allait être prorogée pour une durée de cinq ans et devrait donc poursuivre sa mission jusqu'en avril 2011. Depuis sa mise en place, la commission a rendu environ 65.000 actes d'état civil. Elle avait, au 31 décembre 2007, 14.000 dossiers en instance.
a observé que les administrations, même en métropole ou à la Réunion, demandaient systématiquement aux personnes originaires de Mayotte de produire un acte de naissance établi par la CREC, le nom et le prénom des personnes relevant du droit commun n'étant parfois pas mieux fixés que ceux des personnes relevant du statut civil de droit local, en raison notamment du très mauvais état des anciens registres d'état-civil. Il a déploré que les exigences des administrations et l'extrême lenteur des travaux de la CREC placent les Mahorais dans la situation d'étrangers dans leur propre pays, ne pouvant par exemple obtenir la délivrance d'un titre d'identité pour se rendre en métropole ou à l'étranger. Il a jugé que le manque d'encadrement des rapporteurs de la CREC expliquait largement les délais de traitement excessifs variant entre deux ans et demi pour le cas les plus simples et six ans et demi pour les cas les plus complexes.
Il a rappelé que sur les 6.800 agents publics de Mayotte, susceptibles d'être intégrés dans l'une des trois fonctions publiques, seuls 1.557 l'ont été, la plupart étant des instituteurs. Il a précisé que l'intégration de plusieurs centaines de fonctionnaires se trouvait bloquée, car les corps transitoires n'étaient pas encore constitués et leur régime indemnitaire n'était pas fixé. Il a soulevé le problème de l'absence de garanties sur la transition entre les régimes de retraites et sur la pérennité des caisses. Ainsi, certains agents qui remplissent les conditions requises pour prendre leur retraite ne peuvent le faire, en l'absence des dispositions réglementaires nécessaires.
Evoquant ensuite la situation des communes, il a relevé que lors des élections municipales de 2008, treize des dix-sept communes de Mayotte avaient élu de nouveaux maires dont deux femmes. Soulignant que les communes mahoraises présentaient une situation financière structurellement dégradée, il a expliqué que leurs ressources étaient exclusivement constituées par des dotations et par le Fonds intercommunal de péréquation, qui reçoit une quote-part de 20 % des impôts, droits et taxes perçus par la collectivité départementale. Indiquant que les communes ne connaissaient que des problèmes récurrents de rupture de trésorerie, il a observé qu'elles étaient dans l'incapacité de programmer des investissements et même d'assurer les services d'un centre communal d'action sociale. La départementalisation, en permettant la création d'une fiscalité directe locale, permettrait donc aux communes de Mayotte de sortir de la précarité et du dénuement.
a observé que les règles de publicité foncière appliquées à Mayotte devaient être révisées afin d'offrir une sécurité juridique équivalente à celle existant en métropole. Il a précisé que la réforme de la publicité foncière avait été engagée par l'ordonnance du 28 juillet 2005 tendant à rapprocher du droit commun les dispositions relatives aux immeubles applicables à Mayotte.
Observant que la population de Mayotte avait été multipliée par huit en cinquante ans, il a indiqué que le nombre annuel de naissances, proche de 8.000, faisait du centre hospitalier de Mayotte la première maternité de France, au sein de laquelle plus de 56 % des femmes ayant accouché en 2007 n'étaient pas affiliées à la sécurité sociale. Relevant que l'explosion démographique constituait une contrainte pour le développement de l'archipel, il a expliqué que la population était confrontée à des difficultés de logement, malgré les efforts conduits depuis les années 1970 pour développer l'accession à la propriété. Il a souligné que cette explosion démographique nécessitait un effort considérable en matière de scolarisation, la population scolaire de Mayotte ayant augmenté de 62 % entre 1997 et 2007, si bien qu'au cours de la même période avaient été construits quarante écoles, sept collèges, et quatre lycées.
Rappelant que près de 90 % des élèves de l'archipel rentraient à l'école sans parler le français, il a insisté sur le rôle prépondérant de la préscolarisation dès l'âge de trois ans pour assurer le bon apprentissage de la langue française.
Il a observé que dans les bidonvilles de Mamoudzou, la situation apparaissait potentiellement explosive, de nombreux jeunes étant livrés à eux-mêmes, parfois après la reconduite de leurs parents aux Comores. Il a précisé que les évènements survenus le 27 mars 2008 après la fuite à Mayotte du colonel Mohamed Bacar, président de l'île d'Anjouan, donnaient une indication claire des tensions sous-jacentes au sein de l'archipel, des métropolitains ayant alors été pris à partie par la population d'origine comorienne et plusieurs blessés ayant été conduits au centre hospitalier.
a rappelé que l'économie mahoraise, marquée par la faiblesse du secteur privé, ne fournissait que 1.800 offres d'emplois par an, alors que près de 4.000 jeunes sortaient du système scolaire.
Expliquant que Mayotte était confrontée à une forte pression migratoire en provenance des îles voisines et plus particulièrement de l'île d'Anjouan, située à 70 km, il a indiqué que la plupart des étrangers en situation irrégulière empruntaient, au péril de leur vie, des bateaux de pêche appelés « kwassa-kwassa ». Il a souligné que si la population en situation irrégulière s'élevait à environ 60.000 personnes, l'Etat mobilisait des moyens très importants pour lutter contre l'immigration clandestine, près de 16.000 personnes étant éloignées chaque année. Rappelant que la Commission nationale de déontologie de la sécurité, saisie en décembre 2007 par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, avait jugé indigne de la République le centre de rétention administrative créé en 2003 pour accueillir les étrangers faisant l'objet d'une procédure d'éloignement, il a indiqué que ce centre avait fait l'objet de mesures d'amélioration au cours des derniers mois et accueillait désormais 50 à 80 personnes, contre plus de 200 auparavant, grâce à une meilleure organisation des modalités d'éloignement.
a estimé que si, dans le dernier quart du XXème siècle, Mayotte n'était pas prête pour la départementalisation, la situation avait changé, la population apparaissant beaucoup plus mobile et d'importants efforts ayant été accomplis pour rapprocher Mayotte du droit commun dans de nombreux domaines. Il a considéré que le choix de la départementalisation devait être fait pour sortir de l'ambigüité tant à l'égard des Mahorais que des pays voisins, la population de Mayotte devant toutefois être informée des conséquences de la transformation en département et région d'outre-mer au moyen d'un document d'orientation.
Rappelant que l'Union des Comores avait toujours contesté les résultats des référendums organisés en 1974 et 1976 à Mayotte, il a insisté sur la nécessité d'engager une coopération massive entre la France et ce pays, pour réduire l'immigration irrégulière, préserver la cohésion sociale de Mayotte et construire un équilibre solide dans cette partie de l'Océan indien.
Il a jugé que l'Etat devrait obtenir pour Mayotte le statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne qui lui permettrait d'accéder aux financements européens et de faire ainsi des progrès rapides en matière d'infrastructure et de développement économique. Il a cependant relevé que l'évolution du statut de Mayotte en droit interne était sans conséquence sur la situation de la collectivité au regard de l'Union européenne.
a indiqué que si la départementalisation devait entraîner un alignement sur le droit commun de la République, il paraissait indispensable d'achever rapidement la révision de l'état civil, cet objectif conditionnant l'établissement de listes électorales fiables. Il a précisé que la mission recommandait à cette fin :
- la nomination au sein de la commission d'au moins un vice-président, magistrat ou fonctionnaire qualifié en matière d'état civil, afin de doubler le nombre d'audiences et de multiplier le nombre de décisions rendues chaque semaine ;
- la création d'une équipe administrative de cinq à six fonctionnaires aguerris en matière d'état civil qui seraient chargés de coordonner les travaux des rapporteurs et de superviser la préparation des décisions.
Il a déclaré que de nouvelles modifications devaient être apportées au statut personnel pour garantir aux personnes qui en relèvent les mêmes droits qu'aux personnes relevant du statut civil de droit commun. Aussi a-t-il recommandé, au nom de la mission d'information :
- la suppression des fonctions juridictionnelles et notariales des Cadis, le conseil général de Mayotte devant envisager des dispositifs permettant de les employer à d'autres fonctions ;
- l'élévation de quinze à dix-huit ans de l'âge légal du mariage des femmes ayant le statut personnel ;
- l'interdiction de toute nouvelle union polygame dès l'accession au statut de département et région d'outre-mer, la pénalisation de la polygamie devant en outre être envisagée, sur le modèle des articles 433-20 et 433-21 du code pénal, afin d'assurer le respect de cette réforme.
Considérant que le conseil général de Mayotte n'avait mis en place qu'un service d'aide sociale à l'enfance embryonnaire, sans rapport avec les besoins de la collectivité en ce domaine, il a insisté sur la nécessité :
- de modifier les dispositions du code de l'action sociale et des familles afin de marquer l'obligation pour le conseil général de Mayotte d'assumer ses compétences en matière d'aide sociale à l'enfance ;
- d'engager la réalisation par le conseil général et la protection judiciaire de la jeunesse d'un état des lieux et d'un chemin directeur,
- de créer une structure d'hébergement pour le placement en urgence de mineurs en grande difficulté et pour offrir une alternative à l'incarcération des jeunes délinquants ;
- de renforcer les moyens financiers et humains du service d'aide sociale à l'enfance.
rappelant que la totalité des impôts perçus à Mayotte alimentaient le budget de la collectivité départementale, a expliqué qu'il serait indispensable dans le cadre de la départementalisation de mettre en place une fiscalité locale qui apparait aujourd'hui inapplicable, le plan cadastral de Mayotte ne comportant aucune évaluation de la valeur locative des parcelles. Précisant que les recettes douanières de la collectivité ne pourraient en outre subsister que de manière transitoire si Mayotte accédait au statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne, il a souligné l'ampleur de l'effort que la départementalisation impliquerait en matière de fiscalité.
Estimant que la départementalisation devait être mise en oeuvre de façon adaptée à Mayotte, il a jugé que l'archipel devait être doté d'une seule assemblée exerçant à la fois les compétences du département et de la région. Il a estimé qu'en matière de protection sociale, si les besoins de la population mahoraise étaient très importants, l'application immédiate à Mayotte du droit commun bouleverserait les équilibres économiques et sociaux. Il a déclaré que la mission recommandait, par conséquent, que les prestations sociales s'appliquent de façon progressive, un fonds de développement économique et social pouvant être créé à titre transitoire, afin d'apporter à Mayotte le même montant d'aides qu'à un département suivant une répartition différente. Il a par ailleurs jugé que des règles spécifiques devaient être maintenues en matière d'entrée et de séjour des étrangers.
a considéré que si la population de Mayotte en faisait le choix en mars 2009, l'évolution statutaire de l'archipel interviendrait alors que sa situation apparaissait porteuse de risques et d'inquiétudes. Il a souligné que l'accès au statut de département et région d'outre-mer ne devait pas compromettre mais renforcer le fragile équilibre de Mayotte. Il a relevé que les mahorais devraient accepter que le statut personnel soit rendu entièrement compatible avec les principes de notre République et que la justice cadiale soit supprimée. Indiquant que les élus de Mayotte devraient assumer davantage de responsabilités, il a précisé que la départementalisation entrainerait pour l'Etat la programmation d'un effort financier exceptionnel sur plusieurs années.
a souligné la nécessité d'expliquer à la population de Mayotte les conséquences de la départementalisation, rappelant que les départements étaient devenus au fil du temps un véritable mythe, synonyme d'une appartenance définitive à la France. Elle a jugé que Mayotte ne pouvait accéder au statut de département et région d'outre-mer sans que le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes y soit assuré. Estimant qu'en cette matière l'ambiguïté avait été trop longtemps entretenue, elle a observé que le statut personnel devait être rendu entièrement compatible avec les valeurs de la République. Rappelant que, lorsqu'elle était secrétaire d'Etat aux droits des femmes, elle avait rencontré Mme Zaina M'Déré, fondatrice du mouvement des Chatouilleuses, elle a expliqué que les femmes appartenant à ce mouvement avaient conduit dans les années 1960 une action politique emblématique afin de préserver l'appartenance de Mayotte à la France.
rappelant qu'il avait administré, conjointement à un Cadi, une ville importante du Maroc, a expliqué que selon le droit musulman applicable à l'époque, le Cadi considérait qu'il existait une présomption d'adultère lorsqu'une femme et un homme étaient restés seuls dans la même pièce pendant un temps équivalent à celui nécessaire à la cuisson d'un oeuf. Il a souhaité savoir si les Cadis de Mayotte se référaient à des règles similaires en matière d'adultère.
a rappelé que le statut personnel en vigueur à Mayotte était un droit coutumier se référant au Minhadj Al Talibin (Livre des croyants zélés), recueil d'aphorismes et de préceptes fondés sur la charia, écrit au XIIIème siècle par Al-Nawawi, juriste damascène de rite chaféite, et empruntait des éléments aux coutumes africaine et malgache.
Il a précisé que les Cadis n'étaient pas compétents en matière d'adultère.
s'est interrogé sur ce que deviendraient les Cadis si leurs compétences juridictionnelles et notariales étaient supprimées.
a indiqué qu'ils avaient évoqué la possibilité de bénéficier d'un statut comparable à celui des fonctionnaires du culte d'Alsace et de Moselle. Elle a considéré qu'il appartiendrait au conseil général de déterminer les activités qui pourraient être confiées aux Cadis.
a rappelé que les Cadis marocains pouvaient s'appuyer sur la gestion d'un patrimoine important constitué par les « biens habous ».
a précisé que si les Cadis étaient en voie d'extinction il y a une vingtaine d'années, le conseil général en avait multiplié le nombre malgré un rejet de la population.
soulignant le poids de l'immigration irrégulière, a estimé que les mesures juridiques ne pouvaient suffire à l'endiguer et qu'une coopération massive devait être engagée avec l'Union des Comores afin de réduire la pression migratoire.
a indiqué qu'avant de partir en mission à Mayotte il était a priori défavorable à la départementalisation, le statut de collectivité d'outre-mer apparaissant plus adapté à une population souhaitant conserver des spécificités importantes. Il a rappelé que Mayotte n'avait pas été annexée mais avait demandé la protection de la France à l'égard des îles plus peuplées des Comores.
Considérant que depuis les référendums des années 1970 la France avait suivi une position non dénuée d'ambiguïté à l'égard de Mayotte, il a jugé qu'il fallait aujourd'hui expliquer clairement aux Mahorais les enjeux de la départementalisation. Il a estimé que si la population de Mayotte se prononçait en faveur de l'évolution statutaire, il faudrait mettre en oeuvre la départementalisation pour assurer un développement à la mesure des défis à relever par l'archipel.
s'est demandé si la forte présence de l'Islam à Mayotte ne rendait pas la départementalisation impossible, dans la mesure où la population, attachée à ses traditions, risquait par exemple de ne pas accepter la disparition des Cadis.
rappelant que les incertitudes d'état civil étaient fortement préjudiciables aux Mahorais qui, ne pouvant obtenir de documents d'identité, se retrouvaient étrangers en France, a expliqué que la population, en particulier chez les jeunes générations, éprouvait une certaine lassitude envers les Cadis.
Il a rappelé que le non-respect des principes élémentaires de procédure par les Cadis n'apportait pas de garanties suffisantes aux justiciables.
a souligné que les Mahorais pratiquaient un Islam modéré, sauf en ce qui concernait les droits des femmes. Il a précisé que l'ancrage de cet Islam, également marqué par des traditions issues d'Afrique de l'Est, apparaissait dans la confusion que faisaient fréquemment les mahorais entre le statut personnel et la religion musulmane, alors que les personnes relevant du statut civil de droit commun pouvaient également être musulmans. Il a jugé qu'à cet égard la départementalisation devait provoquer une prise de conscience, afin de montrer aux Mahorais que le droit applicable se distinguait de la religion.
a insisté sur la nécessité d'intégrer dans les différents rapports budgétaires examinés lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009 des considérations relatives à l'effort que doit mettre en oeuvre l'Etat pour assurer le développement de Mayotte.
La commission a ensuite donné son accord à la publication du rapport d'information.