Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), sur la situation des finances sociales, en prévision de la tenue du débat d'orientation sur les finances publiques.
Par cette audition qui s'inscrit dans le cadre de la préparation du débat d'orientation des finances publiques, nous souhaitons évoquer la situation de la branche famille, qui devrait connaître en 2010 un déficit de 4 milliards d'euros, ainsi que le processus de certification des comptes du régime général. Pour la première fois depuis l'instauration de la certification, en effet, la Cour des comptes a validé les comptes de la branche famille, en raison des progrès accomplis dans les contrôles internes et les systèmes d'information.
Le déficit attendu est effectivement de 4 milliards d'euros. En 2007, la branche était en excédent, en 2008, elle frisait l'équilibre mais avait déjà un solde négatif. En 2009, le déficit s'est établi à 1,8 milliard d'euros. On voit la pente sur laquelle nous sommes engagés... Les charges excèdent de 7 % les produits. La branche famille ne devrait pas structurellement se trouver en déficit mais la situation économique depuis fin 2008 se répercute sur le niveau des cotisations. De plus, la prise en charge de la majoration des pensions pour enfants atteindra 100 % en 2011. Davantage de personnes sollicitent les allocations versées sous condition de ressources, car leur revenu a chuté. Il y a des charges nouvelles à assumer, même si la montée en charge de la prestation pour jeune enfant, la Paje, est achevée. Je songe bien sûr aussi au revenu de solidarité active - l'allocation parent isolé (API) étant reprise dans le RSA.
La certification était attendue. La Cour des comptes, qui nous avait fixé un programme de travail, a reconnu que nous avions accompli des progrès significatifs, avec la création du répertoire national des bénéficiaires : la certification des numéros de sécurité sociale de 30 millions d'affiliés a donc pu se faire. Lorsque les numéros étaient départementaux, le risque de fraude était important, il suffisait de s'inscrire dans plusieurs caisses... Quelques difficultés d'immatriculation demeurent dans un certain nombre de cas. Mais nous avons des échanges avec l'administration fiscale, comme avec Pôle emploi, afin de contrôler la situation des bénéficiaires. Aujourd'hui les prestations sont sécurisées.
La Cour a aussi demandé un audit interne plus consistant : il a été mis en place, mais il a fallu du temps pour recruter dix auditeurs de qualité. Le contrôle interne a été révisé et les projets informatiques ont été menés à bien. Les réserves de la Cour portent sur le contrôle interne et la liquidation des dossiers : le risque d'erreurs a été jugé encore trop important. Les Caf traitent les dossiers dans un délai court et les opérations de reliquidation ont révélé beaucoup d'erreurs. Mais celles-ci s'auto-détectent et se corrigent très facilement a posteriori et la Cour a été sensible à cet aspect des choses.
Les réserves concernent également la sous-estimation comptable des impayés et des rappels de prestations. Pour apprécier la véracité des comptes, la Cour demande que les droits ouverts sur un exercice donnent lieu à des versements sur le même exercice. Elle juge que les provisions pour créances impayées et celles pour dépréciation de prêts aux assurés sociaux ne sont pas correctement évaluées.
Nous allons poursuivre notre travail afin d'obtenir à nouveau, à l'avenir, la certification. Les agents se sont fortement impliqués dans cette tâche et ils ont été très satisfaits que nous recevions enfin l'aval de la Cour des comptes.
En tant que rapporteur pour la branche famille du projet de loi de financement, j'accueille comme une bonne nouvelle la certification, qui récompense le travail fourni. En revanche, le déficit de la branche est sinon une surprise, du moins une mauvaise nouvelle. Il va entraîner des frais financiers versés à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'Acoss : de quel montant ?
Compte tenu de la structure démographique et du taux de croissance de notre pays qui ne dépassera sans doute pas 2 % par an dans les années à venir, combien de temps faudra-t-il pour revenir à l'équilibre ? Et si la note financière de la sécurité sociale, qui reflète la qualité de sa signature d'emprunteur, venait à baisser, rendant plus difficile l'emprunt, dans quels domaines pourrait-on trouver des sources d'économies ?
Enfin, la gestion du revenu de solidarité active (RSA) pose-t-elle des problèmes ? Les relations avec les départements sont-elles bonnes ? La charge de travail supplémentaire, dans les caisses, est-elle absorbée sans difficulté ?
En tant que maire, j'ai reçu le président de la Caf du Vaucluse : il m'a affirmé que la politique d'action sociale allait se contracter. Quelles actions sont prévues l'an prochain ?
Lorsqu'un projet de crèche exige des cofinancements, ceux-ci sont très difficiles à mobiliser au même moment. Vous avez procédé à une estimation des montants de dépenses engagées sans que l'investissement soit réalisé. Mais avez-vous fait des simulations pour savoir si une aide aux collectivités orientée vers un mode de garde plus individuel ne coûterait pas moins cher qu'une crèche collective ? Quand trois mille enfants, dans une commune, sont en âge d'aller à la crèche, doit-on absolument offrir trois mille places ? Je suis persuadée qu'il vaut mieux moduler les prestations. A Paris, nous avions versé dans le XVe arrondissement une prestation mensuelle - qui annonçait la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) - de 700 à 2 500 francs, à l'époque, selon le revenu, pour la garde à domicile ; environ 985 familles, en un an, avaient perçu cette allocation, alors que jamais nous n'aurions pu créer, même en plusieurs années, 985 places de crèche dans ce quartier.
Je suis donc convaincue qu'en changeant le concept de crèche, notamment en modulant les horaires d'accueil, et en restaurant la fonction initiale des haltes-garderies, nous ferions faire des économies à la caisse.
Pour assainir nos finances, le Premier ministre a l'intention de raboter les niches fiscales, non plus de 5 mais de 8 milliards d'euros. Il a demandé aux présidents de caisse d'analyser les économies possibles. Avez-vous été sollicité en ce sens ? Quelles sont vos réflexions à ce sujet ? Des efforts ont été accomplis contre la fraude : y a-t-il encore des marges de manoeuvre ? Il semble que le Gouvernement n'ait pas l'intention de revenir sur l'avantage fiscal lié à la garde à domicile. Le confirmez-vous ?
Les dotations aux collectivités locales vont être bloquées ; or ce sont elles qui décident la construction de crèches. Allez-vous réduire votre budget sachant que l'on construit moins de crèches et que vous serez amenés à verser moins d'aides financières ?
Quel a été l'impact de la création du répertoire national des bénéficiaires (RNB) sur la fraude et les versements injustifiés ?
Comment faire des économies, me demandez-vous. Les recettes ne sont pas de notre ressort ; les dépenses sont légales et après la revalorisation des prestations, nos marges de manoeuvre sont limitées... Il ne reste pas non plus grand-chose à réduire dans les coûts de gestion.
Les dépenses d'action sociale figurent dans la convention d'objectifs et de gestion signée en 2009 avec l'Etat. Ces dépenses doivent augmenter de 7,5 % par an entre 2009 et 2012 et si le taux de progression en 2009 n'est que de 2,4 %, c'est en raison de la sous-consommation des crédits du fonds national d'action sociale - principalement parce que les collectivités ont construit moins de crèches et signé moins de contrats temps libre pour les jeunes que ce que l'on avait imaginé. Elles diffèrent leurs projets car le plan pluriannuel couvre une durée suffisamment longue - elles peuvent donc, malgré tout, espérer respecter leurs objectifs sur la période.
Il faut effectivement viser un accueil pour moitié individuel, pour moitié collectif. L'individuel est moins cher, mais certaines familles sont attachées à la socialisation précoce de l'enfant en crèche collective. Il nous faut proposer l'offre la plus diversifiée possible : crèches parentales, familiales, collectives. Les dotations du fonds national d'action sociale sont en augmentation significative. Celui-ci finance aussi, désormais, des actions en direction de la jeunesse, je songe au contrat enfance et jeunesse.
La Cnaf supporte trois catégories de dépenses : les prestations légales, l'action sociale et la gestion administrative. Les prestations, surtout celles qui sont versées sous conditions de ressources, progressent. Mais aucune revalorisation des allocations familiales n'interviendra en 2010, pour « éponger » l'importante revalorisation qui a eu lieu début 2009. Les économies, en ce domaine, relèvent du législateur ou du Gouvernement.
L'action sociale dépend en grande partie des collectivités locales. La progression des dépenses est plus modérée que les 7,5 % programmés, mais la création de places suit tout de même un rythme soutenu, avec 100 000 places en mode de garde collectif, 100 000 en individuel, car ce sont des programmes antérieurement décidés qui s'achèvent.
Quant à la gestion, la convention d'objectifs et de gestion est ambitieuse et impose un autofinancement. Des postes supplémentaires - 1 257 au total - ont été octroyés au titre du passage au RSA, mais ils ont été compensés par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, si bien que l'effectif est constant par rapport au début de la convention.
Je ne connais pas le montant des frais financiers - nous ne sommes pas habitués à en payer à l'Acoss... S'agissant du répertoire national, il est difficile de chiffrer l'effet qu'il a eu sur la fraude, mais je puis vous dire que l'usurpation d'identité n'est plus possible, et la multi-affiliation est en passe d'être éradiquée. Des progrès considérables ont été accomplis dans la gestion des allocataires : c'est principalement cela qui a emporté la décision de certification par la Cour des comptes.
Je souhaite vous présenter bientôt un concept de crèche sur lequel je travaille avec une association. Pourquoi la possibilité pour les collectivités de compléter la prestation individuelle légale ne figure-t-elle pas dans la convention d'objectifs et de gestion ? Pourquoi la caisse ne pourrait-elle pas aider la collectivité ?
Une analyse financière comparée des modes de garde serait utile : si l'un se révèle moins onéreux que les autres, ne conviendrait-il pas de le favoriser ?
La Cnaf poussera-t-elle à la constitution de crèches multi-accueil ? Les femmes qui gardent leurs enfants à la maison ont tout de même le droit de disposer d'un peu de temps pour elles. Il faut leur donner les moyens de vivre normalement.
Oui, mais il a été dévoyé. Faut-il créer 40 000 places à Paris parce qu'il y a 40 000 enfants de moins de trois ans ? Impossible ! Il convient donc de moduler les aides. Une seule catégorie de la population a réellement le choix du mode de garde : celle qui en a les moyens financiers.
La Cour des comptes a repris dans son rapport une étude de la Cnaf sur les coûts comparés des modes de garde.
Nous développons à la Réunion les crèches bio, qu'il s'agisse de l'alimentation, des couches, mais aussi des bâtiments, certifiés de haute qualité environnementale. N'est-ce pas un exemple à suivre ?
Quel est le coût de gestion du RSA pour la Cnaf ? Et le coût du contrôle ? Quel est votre point de vue sur la répartition des tâches entre département et Caf ? Comme président de conseil général, je trouve le partage des responsabilités bien complexe...
Le Haut Conseil de la famille s'est penché sur les besoins des familles et sur leurs préférences en matière de mode de garde. Tout dépend du milieu géographique - on ne demande pas une crèche de trente berceaux en pleine campagne - et des priorités valorisées par les collectivités locales. Il faut donc jouer sur la diversité, dans les limites du raisonnable, bien sûr. La création récente des maisons d'assistantes maternelles, à l'initiative du Sénat, est une nouvelle réponse, à la fois individuelle et collective. En effet, l'accueil est à la fois individuel, pour la famille, et collectif puisque plusieurs professionnelles peuvent accueillir simultanément une dizaine d'enfants, avec des normes moins contraignantes qu'en crèche.
Oui, et c'est une bonne chose. Nous avons besoin d'un système multi-accueil, avec des places permanentes et des places ponctuelles, et une possibilité de surnombre à certaines heures de la journée, pour répondre aux besoins des parents. Un chômeur qui a rendez-vous pour un entretien d'embauche doit pouvoir trouver une place pour faire garder temporairement son enfant ! Il faut privilégier l'accès à l'emploi.
Nous essayons différentes formules, la Caf est à la disposition des collectivités pour travailler avec elles à définir la meilleure répartition, compte tenu des besoins des familles et des contraintes financières. Il y a des expérimentations de crèches bio, notamment outre-mer. Dans les Dom où la Caf verse une prestation de restauration scolaire, son versement est de plus en plus conditionné à la qualité des repas servis.
On compte 1 700 000 bénéficiaires du RSA, soit 1 300 000 pour le RSA socle, qui regroupe l'ancien RMI et l'allocation de parent isolé (API), et 400 000 bénéficiaires pour le RSA activité, pour un coût respectif de 6,4 milliards et de 600 millions d'euros. Quant aux relations entre les caisses et les départements, elles sont diverses, mais bonnes, me semble-t-il. L'instruction des dossiers de RSA est assurée par les Caf, par les centres communaux d'action sociale (CCAS), éventuellement, comme c'est le cas à Paris, ou par les départements, cela dépend. Il reste des progrès à accomplir sur les flux d'information des caisses aux départements. Les informations sont parfois trop nombreuses et ne se recoupent pas toujours ; elles sont parfois difficiles à comprendre. Nous travaillons avec le ministère de la jeunesse et des solidarités actives, qui a créé un groupe de travail sur la simplification du RSA.
En 2009, elle a été conforme à l'enveloppe prévue, de 100 millions d'euros.
En 2009, oui, en raison du basculement, qui exigeait une campagne d'information et de communication, des tests d'éligibilité, la création de plates-formes, etc. En gestion ordinaire, le coût reste aussi plus élevé car l'instruction du dossier exige une collecte beaucoup plus approfondie des données socioprofessionnelles, utile pour faciliter l'insertion sociale et professionnelle.