La mission a d'abord procédé à l'audition de M. Yannick Chenevard, président de la Fédération nationale de protection civile, Mme Jacqueline Roy, présidente, M. Pascal Miclot, vice-président, et M. Philippe Potier, directeur, de l'Association départementale de protection civile de la Vendée.
a tout d'abord rendu hommage aux intervenants, ainsi qu'à l'ensemble des bénévoles s'étant impliqués, pour leur action sur le terrain. Il les a ensuite invités à présenter leur fédération et à relater la façon dont ils avaient vécu les évènements.
a précisé que la Fédération nationale de protection civile (FNPC), première association agréée de sécurité civile en France, comportait 32 000 bénévoles répartis dans 500 antennes.
Interrogé sur le déroulement de l'alerte et le rôle de l'Association départementale de protection civile de la Vendée (ADPCV) par M. Bruno Retailleau, président, Mme Jacqueline Leroy a rapporté la demande du préfet, vers 4h00 le 28 février, de se mettre en situation de pré-alerte. Une cinquantaine de secouristes étaient prêts dans la matinée. 250 lits, qui n'ont finalement pas servi en raison des propositions d'hébergement faites par les résidents, ainsi que des couvertures ont alors été proposés aux victimes de la tempête. L'association a ensuite procédé au recensement et à l'évacuation des sinistrés, qui ont été dirigés vers le centre d'accueil provisoire de L'Aiguillon-sur-Mer. Puis elle a accompagné ceux souhaitant revenir à leur domicile pour constater les dégâts. Enfin, elle a procédé au nettoyage des habitations sinistrées à partir du troisième jour.
Interrogée par M. Bruno Retailleau, président, sur l'articulation des secours, Mme Jacqueline Leroy a indiqué que son association avait été chargée de coordonner l'action des bénévoles, arrivés après le premier jour, certains d'entre eux ayant ressenti une certaine frustration pour ne pas avoir été autorisés à s'investir davantage. Elle a précisé avoir travaillé avec le Secours catholique.
a complété ses propos en indiquant que l'association avait, dans les premiers jours, orienté son action vers l'hébergement des victimes à court terme, chez des habitants de la commune, le conseil général prenant ensuite le relais pour le moyen terme. Puis la protection civile a opéré à trois reprises le recensement des besoins et moyens disponibles en nourriture, eau, chauffage et soutien psychologique. Des dizaines de bénévoles ont du être accueillis et encadrés afin de les distinguer de personnes offrant des services aux victimes à des coûts exorbitants. Après cette première phase, qui a duré une semaine, la protection civile a procédé au nettoyage des maisons, en mettant à disposition un numéro d'appel et en conseillant les victimes, souvent totalement désorientées. Au cours de cette seconde phase, qui a duré un mois environ, 1 000 secouristes ont été mobilisés et onze départements sont venus en renfort.
A la fin de la première semaine, a ajouté M. Pascal Miclot, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) a demandé à se désengager au profit de l'association, qui a accepté. Elle s'est alors occupée de la coordination des différents acteurs, dont les 250 bénévoles quotidiens, tandis que le Secours catholique a géré les aspects humanitaires.
A M. Michel Doublet, qui s'interrogeait sur l'articulation avec les services d'autres départements, M. Pascal Miclot a indiqué que les associations de protection civile de Loire-Atlantique et des Deux-Sèvres notamment s'étaient investies, tandis que la veille nationale avait assuré la coordination générale.
a précisé que les associations de onze autres départements avaient apporté de l'aide. Soulignant la gravité des dégâts à l'intérieur des maisons, où presque plus rien n'était récupérable, elle a témoigné de la grande détresse des victimes. Une cellule de soutien psychologique a rapidement été mise en place. Elle devra demeurer en fonction pendant longtemps.
Interrogée par M. Bruno Retailleau, président, sur les lacunes éventuelles de la procédure de secours, Mme Jacqueline Roy a fait état d'un manque de moyens pour le nettoyage, pallié par ceux mis à disposition par d'autres acteurs, que des aides devraient permettre de compenser. Elle a précisé que l'ordre de mission de la préfecture, avec laquelle les relations avaient été étroites, était de nature orale et avait évolué dans le temps, sans que cela n'ait posé de problèmes.
Après avoir à son tour remercié et félicité les intervenants, M. Alain Anziani, rapporteur, les a interrogés sur d'éventuels problèmes de communication.
a indiqué que si des difficultés avaient été relevées dans les premières 48 heures, la fédération, qui possède son propre réseau radio et rendait compte au poste central des sapeurs-pompiers, lesquels en référaient à la préfecture, n'en avait pas été affectée.
Questionné sur ce point par M. Bruno Retailleau, président, M. Yannick Chenevard a insisté sur le manque de culture du risque. Si des dépenses substantielles sont engagées en vue de protéger les infrastructures, et si l'arsenal juridique et les moyens techniques sont suffisants, la formation des citoyens est, elle, en revanche très insuffisante.
A M. Bruno Retailleau, président, qui lui demandait la façon d'améliorer les procédures d'alerte, M. Yannick Chenevard a relevé l'existence du réseau national d'alerte (RNA), dont il toutefois souligné l'état dégradé. L'Etat s'est engagé à y venir en aide, sachant que le coût d'une sirène s'élève à 42 000 euros. L'abonnement à des systèmes d'appels groupés - fax, email, SMS et téléphone - se monte quant à lui à 15 000 euros par an et permet de communiquer avec potentiellement 70 000 personnes. Dès que le maire ou le préfet a pris une décision, il conviendrait de pouvoir activer ce type de dispositif.
Interrogé sur ce point par M. Bruno Retailleau, président, M. Yannick Chenevard a indiqué que les plans communaux de sauvegarde (PCS) étaient d'un contenu fort variable, tout étant question de volonté et de moyens. Estimant délicat pour les petites communes d'élaborer de tels plans, il a préconisé leur conception à l'échelle intercommunale, ajoutant que les services préfectoraux pouvaient apporter une aide.
Indiquant qu'elle avait fait adopter un tel plan dans sa commune de 16 000 habitants, en ayant recours à un contrat de mission pour son élaboration, et soulignant l'importance du temps et des moyens requis, Mme Marie-France Beaufils a estimé que l'Etat n'était plus en mesure d'y répondre en préfecture, et que les petites communes ne pouvaient y parvenir seules.
lui ayant demandé s'il était opportun de définir des PCS types et d'autres plus spécifiques, M. Yannick Chenevard a estimé nécessaire de conserver en ce domaine une certaine simplicité, source d'efficacité. Reflet d'une commande, ces plans doivent distinguer la gestion du quotidien et le traitement de l'alerte. A cet effet, ils analysent les risques auxquels est exposée la commune et recensent les moyens d'y faire face.
a fait valoir que l'Etat était en principe responsable de la protection de la population mais que les maires étaient chargés de mettre en oeuvre cette protection sans en avoir les moyens. Il s'est demandé s'il ne fallait pas réaffirmer plus clairement la responsabilité de l'Etat dans ce domaine.
a considéré que l'Etat pouvait formuler des recommandations mais qu'une prise en charge de la protection au niveau intercommunal, par exemple par un syndicat mixte, pouvait permettre de promouvoir une approche à la fois humaine et méthodique.
Après avoir noté que le caractère inopérant des réseaux téléphoniques tenait à leur fonctionnement simultané, M. Yannick Chenevard a souligné la nécessité pour les maires de disposer des moyens de transmission véhiculant voix, image et géolocalisation des correspondants leur permettant de prendre des décisions à tout moment. Il a chiffré à deux millions d'euros le coût d'un tel réseau autonome de 10 pylônes et 500 postes.
Jugeant qu'il revenait aux maires de hiérarchiser les risques, Mme Gisèle Gautier a relevé les appréciations divergentes de deux préfets, l'un ayant décidé de faire évacuer les populations menacées tandis que l'autre leur recommandait de rester chez elles. Estimant que les maires auraient mieux apprécié les circonstances locales, elle a relaté que nombre d'entre eux n'avaient pas allumé ce jour là leur téléphone mobile. Déplorant l'excessif cloisonnement de l'administration, elle a plaidé pour des moyens techniques permettant de joindre les élus locaux en un minimum de temps.
a précisé que le dispositif qu'il avait évoqué ne cessait que lorsque le message avait été reçu par son destinataire.
ayant fait observer que la procédure d'évacuation devait être correctement préparée pour se dérouler de façon satisfaisante, M. Yannick Chenevard a renchéri en ce sens, jugeant nécessaire d'aider les maires à apprécier leur déclenchement, tout en la dédramatisant.
Relatant le dispositif en vigueur dans sa commune où, à défaut du maire, un élu et un service d'astreinte doivent être joignables en permanence, M. Philippe Darniche a proposé de le rendre obligatoire. Il a distingué deux niveaux de responsabilité :
- le directeur de la sécurité publique à la préfecture, qui devrait être en mesure de mettre en oeuvre le PCS sur toutes les communes à risque ;
- le maire, appelé à prendre les décisions opérationnelles.
Rapportant par ailleurs avoir reçu sur son téléphone mobile, peu avant la tempête Xynthia, un message d'alerte ne comportant pas d'indication de surcote, il s'est dit désireux d'informations fiables et graduées selon les risques réels.
a fait état de la multiplication des alertes auprès des maires, sous l'effet du principe de précaution. Or la plupart ne sont pas justifiées, ce qui tend à les décrédibiliser. Il a par ailleurs exprimé ses doutes quant à la possibilité d'obtenir des élus municipaux d'être joignables en permanence notamment pour ceux qui travaillent hors de la commune.
a fait remarquer que les difficultés se concentraient sur les nuits et les week-ends.
a renchéri sur la multiplication des alertes inutiles. Il a indiqué avoir organisé, dans chaque commune de son département, une opération « référent tempête », et s'apprêter à en faire de même pour EDF.
ayant souligné la nécessité de mieux caractériser les alertes, M. Jean-Claude Merceron a suggéré qu'elles soient davantage graduées et pondérées selon les risques.
l'ayant interrogé sur les moyens de mieux diffuser la culture du risque auprès de la population, M. Yannick Chenevard y a vu la principale problématique en matière de prévention. Il a rappelé que la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 faisait du citoyen le premier de ses acteurs, préconisant de rendre obligatoire pour chaque étudiant, entre la classe de seconde et celle de terminale, de choisir une association de sécurité civile pour s'y former et obtenir ainsi un pré-requis qui lui serait demandé lors des journées d'appel et de préparation à la défense.
A M. Bruno Retailleau, président, qui lui demandait s'il ne serait pas davantage pertinent d'intégrer cette formation dans les programmes éducatifs, M. Yannick Chenevard a répondu qu'elle y était théoriquement inscrite mais n'était pas suivie d'effet. Il serait en outre préférable d'obtenir des jeunes un acte volontaire de formation. Il conviendrait davantage de réintroduire, comme c'était le cas auparavant, un module de formation sur l'alerte des populations dans le programme de prévention et secours civiques (PSC), qui forme 100 000 jeunes citoyens chaque année, contre 200 000 à la protection civile. Pourraient également être envisagées, pour un coût raisonnable, des incitations à la formation dans les polices d'assurance.
a conclu en insistant sur l'importance, dans la gestion des problématiques de sécurité civile, du lien avec les élus.
a évoqué, pour finir, l'importance du mouvement de solidarité spontanée né au lendemain de la tempête et ayant mobilisé 722 bénévoles, dont de nombreux jeunes, qui en ont retiré une expérience très enrichissante. Elle a souligné la le travail collectif réalisé par les 24 antennes du département et celles situées dans 12 autres départements.
Puis, la mission a entendu M. Jérôme Bignon, président du Conservatoire national du littoral.
Ayant rappelé que le Conservatoire national du littoral (CNL) avait été créé en 1975 sous l'impulsion de M. Michel Poniatowski, alors ministre de l'Intérieur, dans une perspective d'aménagement du territoire plutôt que de préservation de la biodiversité, M. Jérôme Bignon a souligné que :
- le Conservatoire était, comme le National trust britannique, un établissement public foncier dédié à l'acquisition de terrains sensibles ;
- l'objectif qui lui avait été fixé initialement était de maintenir un tiers des territoires littoraux à l'état « sauvage » ;
- au 31 décembre 2009, le CNL était propriétaire de 120 000 hectares de terrains (dont 30 000 provenant d'affectations de l'Etat), tous étant inconstructibles et inaliénables ; il achetait entre 3000 et 4000 hectares chaque année sur tout le territoire français, sauf dans les anciens territoires d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française) ;
- le CNL disposait d'un budget de 50 millions d'euros (dont 12 millions consacrés au fonctionnement du Conservatoire ; pour éviter que les crédits affectés au littoral ne soient gelés par le gouvernement pour faire face aux contraintes budgétaires, M. Jacques Chirac avait décidé, lorsqu'il était président de la République, d'affecter certaines ressources au Conservatoire (à savoir la taxe de francisation des navires de plaisance) ; le CNL bénéficiait également de contributions en nature accordées par les collectivités territoriales (prise en charge du salaire de certains gardes du littoral, travaux...) et de dotations de l'Union européenne pour certaines acquisitions ciblées ;
- le Conservatoire préservait les lieux remarquables dont il était propriétaire dans une logique non seulement de protection de l'environnement, mais aussi en tenant compte de la dimension culturelle et paysagère de ces espaces ;
- le CNL assurait une mission de médiation entre les propriétaires personnes physiques et les collectivités territoriales ;
- le CNL ne gérait pas lui-même les terrains dont il était propriétaire, mais en déléguait la gestion aux collectivités territoriales, à des associations ou à des syndicats mixtes ; en 1990, l'association « Rivages de France » a d'ailleurs été créée afin de mettre les différents gestionnaires et les 650 « gardes du littoral » en contact et de leur permettre de partager leurs expériences et leurs bonnes pratiques ; comme l'avait rappelé la Cour des comptes, le CNL conservait une large responsabilité dans la gestion de ces espaces.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les enseignements à tirer de la tempête Xynthia en termes de gestion du trait de côte, M. Jérôme Bignon a tout d'abord déclaré que le Conservatoire était solidaire des sinistrés. En outre, il a estimé que les outils existants (c'est-à-dire les instruments issus de la loi « Littoral » et de la législation relative à la prévention des risques) étaient suffisants, mais mal appliqués. Parallèlement, il a fait valoir que, si le CNL n'avait pas une vision d'aménageur de lieux habités et ne pouvait donc pas se prononcer sur les problématiques de protection des populations. Il a décrit les actions du Conservatoire dans la baie de Somme, où, en l'absence d'enjeux humains et de risques pour les personnes, il effectue un travail de dépolderisation et de réestuarisation des fleuves. Cependant, il a souligné que le CNL tenait compte des particularités des territoires sur lesquels il agissait, et notamment de la présence humaine ou de l'existence d'enjeux économiques ou patrimoniaux : dans ce cas, le Conservatoire collabore avec les acteurs en charge de la prévention des risques et de la protection des populations (ce qui peut l'amener à participer financièrement et techniquement à la rénovation des digues), mais ne prend pas ces problématiques en charge directement. Il a affirmé que le Conservatoire évaluait le degré de risque des espaces dont il est propriétaire et le degré d'exposition des populations à la mer afin de déterminer comment il convenait de gérer le cordon dunaire et le trait de côte.
En réponse à une remarque de M. Bruno Retailleau, président, qui citait l'exemple du village des Boucholeurs où un kilomètre de digue n'a pas pu être construit en raison d'une prise en compte excessive des problématiques environnementales au détriment de la protection, M. Jérôme Bignon a préconisé une gestion souple des espaces naturels sensibles, et a appelé à un renforcement de la coopération entre les acteurs chargés de la protection de l'environnement et ceux qui assument la protection des populations.
a indiqué que la réserve d'Yves, en Charente-Maritime, était assurée par la Ligue de protection des oiseaux, qui avait fait obstacle au prolongement de la digue protégeant les Boucholeurs, et que ce type de conflit entre les associations environnementales et les collectivités était fréquent.
a estimé que la situation à Yves était en réalité plus complexe, notamment parce que tous les acteurs -et non la seule Ligue de protection des oiseaux- avaient fait preuve d'inertie.
a jugé nécessaire d'alléger les procédures de construction et de renforcement des digues et a souhaité que la mission formule des propositions en ce sens.
a marqué son accord avec ces propos et a jugé qu'un opérateur unique, détenant seul la responsabilité de la gestion de l'espace en cause et agissant en partenariat avec les autres intervenants, devait être mis en place pour gérer les terrains les plus sensibles. Pour illustrer cette déclaration, il a cité l'exemple des inondations ayant eu lieu dans la Somme en 1990, en précisant que le renforcement de la digue qui avait été décidé à la suite de cette catastrophe avait été financé à 50 % par l'Etat.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les réformes souhaitable en matière de gouvernance et de propriété des digues, M. Jérôme Bignon a réaffirmé l'intérêt d'avoir un opérateur unique, la forme juridique de celui-ci (syndicat mixte, établissement public d'Etat comme aux Pays-Bas...) important peu, dès lors que le système ainsi institué était simple et permettait d'associer les riverains à la gestion du milieu. En outre, soulignant qu'il était anormal qu'un agriculteur paie la même cotisation qu'un propriétaire profitant de la présence d'une digue pour faire de la spéculation immobilière, il a estimé qu'une réflexion devait être menée sur le financement et la fiscalité des digues.
a estimé nécessaire de mieux gérer le cordon dunaire et a craint que cette problématique soit mal prise en compte à cause d'une focalisation excessive sur les digues artificielles.
a estimé que les dunes ayant un rôle de protection des populations devaient être gérées avec la même attention et la même rigueur que les digues.
a souhaité savoir s'il serait légitime de mettre en place un « plan Dunes », sur le modèle du « plan Digues » annoncé par le gouvernement.
a jugé nécessaire d'évaluer la contribution des ouvrages naturels à la défense des populations contre la mer ; il a d'ailleurs fait valoir que des dunes artificielles pourraient être bâties pour assurer la protection des populations et que les dunes avaient une capacité d'absorption et jouaient un rôle d'amortisseur, de « tampon » que les digues solides ne peuvent pas assumer.
a signalé que des phénomènes d'érosion puissants pouvaient avoir lieu et que, dans ce cas, l'intervention des pouvoirs publics était nécessaire.
Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur les techniques de construction des digues, M. Jérôme Bignon a estimé que la France devait développer son ingénierie en la matière et que ce champ n'avait pas été suffisamment investi par les grandes entreprises de travaux publics.
s'est associé à ce constat et a rappelé que les collectivités territoriales, lorsqu'elles souhaitaient édifier des digues, n'avaient pas de cahier des charges ni de prescriptions techniques précises.
a souligné que les compétences en matière de construction de digues étaient dispersées, et a souhaité que, dans le cadre du « plan Digues », des solutions adaptées à chaque milieu, au cas par cas, soient mises en place.
En réponse aux interrogations de M. Bruno Retailleau, président, M Jérôme Bignon a indiqué que le CNL était consulté lors de l'élaboration des PPRN, mais seulement de manière informelle, ce qui n'était pas satisfaisant. Il a souhaité que les différents acteurs impliqués dans la gestion des phénomènes naturels, qui travaillent aujourd'hui de manière isolée, mettent en oeuvre un partenariat afin de créer des synergies et qu'une « mise en réseau » soit instituée entre l'Etat, les collectivités territoriales et les grandes entreprises pour résoudre les problèmes d'ingénierie.
a estimé que la distinction stricte entre les milieux habités et les milieux naturels n'était pas pertinente, dans la mesure où tous deux interagissaient de manière permanente.
a confirmé que les espaces naturels avaient un impact sur les milieux urbanisés ; toutefois, il a précisé que le CNL ne tenait compte des espaces habités que lorsqu'il existait un lien direct et évident avec les terrains dont il était propriétaire.
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Pierre Baudry, directeur général adjoint de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de Poitou-Charentes-Vendée, et de M. Stéphane Marco, responsable du service départemental de la Charente-Maritime de la SAFER de Poitou-Charentes-Vendée.
A titre liminaire, M. Stéphane Marco, responsable du service départemental de la Charente-Maritime de la SAFER de Poitou-Charentes-Vendée, a indiqué que la démarche proposée consiste à ce que la SAFER, opérateur foncier de l'espace rural au service de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des professions agricoles, procède, dans les zones rétro-littorales immédiates, à une anticipation et à une gestion foncière de long terme, sécurisée et économe vis-à-vis des finances publiques.
Cette démarche résulte d'une réflexion alimentée par trois facteurs :
un facteur intrinsèque résultant de la tempête Xynthia et qui vise à en tirer les conséquences afin d'optimiser la protection du littoral et des personnes, de pérenniser les marais dans leur rôle d'absorbeurs naturels et d'adapter le droit des sols ;
un facteur national de pression foncière exacerbée sur le littoral. Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, présenté le 13 janvier 2010 en Conseil des Ministres, vise ainsi à réduire de moitié la perte annuelle de 75 000 hectares de terres agricoles ;
enfin, un facteur local en raison de la présence de zones classées « espaces naturels sensibles » (ENS), que le conseil général peut acquérir au prix de 1,07 euro par mètre carré. Il convient d'observer à cet égard la réduction des ressources fiscales du département de la Charente-Maritime, sous l'effet notamment de l'abaissement des droits de mutation.
Ce contexte est également marqué par l'évolution de la demande d'acquisition foncière recensée par la SAFER auprès de la profession agricole, qui tient compte de la valorisation économique des biens.
a proposé d'utiliser le dispositif issu de la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005 et du décret n° 2006-821 du 7 juillet 2006, codifié dans le code de l'urbanisme, et qui repose sur le recours à la création d'un périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PPAEN).
Il a précisé que la démarche proposée nécessite une interprétation large du champ d'application des articles L. 143-3 et R. 143-7 du code de l'urbanisme en permettant à la SAFER de réaliser des acquisitions amiables. Elle conduirait à la mise en oeuvre d'une stratégie d'acquisition foncière par voie de préemption par la SAFER, en vue de permettre des rétrocessions à des personnes physiques ou morales. Cette stratégie serait la traduction pratique d'une politique de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels, qui présente l'intérêt de ne pas pénaliser le développement des collectivités territoriales en identifiant les territoires susceptibles de faire l'objet d'une réorientation à long terme.
La mise en oeuvre d'un programme d'action, élaboré par le département en accord avec les communes ou EPCI concernés, serait un facteur de sécurité juridique de par son intégration dans chaque acte notarié.
a ensuite évoqué la possibilité d'économies budgétaires pour les départements en raison de l'acquisition et de la rétrocession à l'amiable par la SAFER. Il s'agit ainsi d'une démarche déjà mise en place de fait dans certaines zones du nord de l'estuaire de la Gironde.
Par ailleurs, il a relevé que toute modification du PPAEN ayant pour effet de retirer de ce dernier un ou plusieurs terrains ne peut intervenir que par décret, ce qui assure une grande stabilité au périmètre concerné par les acquisitions amiables.
s'est interrogé sur les objectifs précis du dispositif proposé. Il a de plus observé que la SAFER étant déjà titulaire d'un droit de préemption, les modalités d'une extension éventuelle de celui-ci restent à déterminer.
a indiqué que la finalité de sa proposition réside dans l'anticipation de la gestion foncière à long terme, dans un cadre juridique et financier sécurisé. Les protections naturelles contre le risque de submersion, à l'instar des marais, doivent pouvoir jouer leur rôle d'absorbeur. Il doit s'agir de conjuguer, dans les zones sinistrées, la remise en état avec un principe général d'inconstructibilité.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Pierre Baudry, directeur général adjoint de la SAFER de Poitou-Charentes-Vendée, a indiqué que la procédure envisagée aurait au moins permis d'éviter la pénétration aussi lointaine de la mer dans les terres. Il a rappelé que l'objectif principal consiste à sécuriser durablement un périmètre en vue de son maintien en tant qu'espace naturel ou de sa réaffectation en tant que terre agricole.
s'est demandé si des outils tels que les ENS ou les conventions agropastorales ne pouvaient d'ores et déjà garantir une certaine sécurisation des zones.
a observé que les ENS sont loin de couvrir l'ensemble des terres agricoles et qu'il apparaît donc pertinent d'étendre la zone sécurisée au-delà.
ayant souligné la lourdeur de la procédure réglementaire, M. Pierre Baudry a estimé que ce dispositif est adapté, y compris pour les zones périurbaines, surtout qu'il ne s'agit pas de créer un nouveau droit de préemption au profit des SAFER, mais d'encourager les procédures d'acquisition à l'amiable. Sans les prévoir explicitement, le droit en vigueur ne les empêche pas. Leur efficacité serait accrue par l'adoption de cahiers des charges contraignants qui permettraient de préserver les surfaces naturelles.
s'est interrogé de manière générale sur le bilan qui peut être dressé, à ce stade, des conséquences de la tempête, sur les différentes filières agricoles, ainsi que sur les mesures envisagées, afin de relancer l'activité au sein des territoires sinistrés.
a fait état de l'impact important de Xynthia sur le foncier, de l'ordre de 20 000 hectares ayant été touchés en Charente-Maritime. La remise en état des terrains en vue de leur retour à une activité normale demandera un temps certain. Il a rappelé ensuite que les SAFER n'ont pas la possibilité d'apporter directement leur concours à la définition de mesures de relance de l'activité. Elles ont toutefois la faculté de ne pas réclamer les montants dus au titre du fermage ou d'autres redevances locatives.
a mentionné les difficultés particulièrement fortes rencontrées par les filières ostréicoles et conchylicoles. Certaines exploitations ont vu leur production être totalement détruite et la reconstitution envisagée pour 2011 ne devrait être que d'environ 50 %. Enfin, s'agissant de la productivité des terres agricoles, la salinisation des terrains nécessitera des apports considérables en gypse.
a souhaité savoir si le conseil d'administration de la SAFER avait validé les propositions faites devant la mission et quelles étaient les réactions du monde agricole.
a précisé que le conseil d'administration de la SAFER ne s'était pas encore prononcé sur les propositions qui venaient d'être défendues.
a souligné la fragilité financière de nombreux agriculteurs face à la conduite de travaux coûteux, notamment pour ce qui concerne les ouvrages hydrauliques, particulièrement onéreux.
est convenu de l'incapacité des SAFER à résoudre la diversité des difficultés rencontrées par les agriculteurs.
a précisé que le dispositif proposé constitue une piste utile mise à la disposition des élus locaux et qu'il présente notamment l'intérêt de ne pas affecter l'équilibre des finances publiques.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Pierre Baudry a indiqué que le département serait maître d'oeuvre au sein des périmètres retenus. Dans ce cadre, et à droit constant, la SAFER pourrait négocier les acquisitions amiables, préalables à la réorientation à long terme de la destination de ces territoires.
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Jacques Serris, directeur général adjoint de l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER), et de M. Fabrice Lecornu, responsable du projet d'observations et prévisions côtières PREVIMER.
a expliqué que l'IFREMER avait développé un modèle de prévision du niveau d'eau à la côte, baptisé PREVIMER, et qu'il intervenait également dans la surveillance de la qualité des eaux et des coquillages après la tempête Xynthia. Le programme PREVIMER est financé par le contrat de plan entre l'Etat et la Région Bretagne, et bénéficie d'une contribution de l'Union européenne. Il est développé en partenariat avec le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM), le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le Centre d'Etudes Techniques Maritimes et Fluviales (CETMET) et Météo-France. Il permet une observation précise et quantifiée des niveaux d'eau et des courants côtiers et s'appuie sur des données numériques.
a relevé que les organismes cités, notamment Météo-France et le SHOM, développaient des modèles de prévision de hauteur d'eau sur les côtes, mais que l'on ne disposait pas encore d'un modèle sur l'effet de la submersion sur ces côtes. Il a demandé si des liens entre les établissements publics de recherche étaient développés pour résoudre cette difficulté.
a répondu que résoudre cette difficulté figurait au nombre des priorités du partenariat entre les organismes cités. Il a expliqué que les modèles utilisés dans le cadre du projet PREVIMER disposaient d'une résolution spatiale de 5,6 kilomètres et concernaient d'abord la façade Atlantique et la Manche. Des modèles à grande échelle baptisés ARPEGE sont développés ainsi que des modèles côtiers plus précis par exemple sur le bassin d'Arcachon, autour de Brest, et dans la zone de la Manche et de la Mer du Nord. Dans le cas de la tempête Xynthia, les modèles numériques ont été performants puisque la surcote à La Rochelle avait été évaluée à un mètre dès le 25 février 2010, avant d'être révisée à un mètre et vingt centimètres le 27 février 2010.
et M. Alain Anziani, rapporteur, ont demandé comment et auprès de qui les données du système PREVIMER étaient diffusées.
a répondu que ces données étaient issues d'un modèle expérimental, pré-opérationnel, et n'étaient donc pas directement reliées à un système d'alerte. Elles servent essentiellement à donner une information qui est mise en regard des résultats provenant d'autres modèles de prévision, Météo-France développant ses propres modèles. Lors de la tempête Xynthia, les données délivrées par les différents modèles de prévision sont apparues comme cohérentes. L'IFREMER travaille désormais pour préciser la résolution spatiale de ses modèles, augmenter la fréquence des données délivrées (toutes les heures) et mieux intégrer l'effet des vagues.
a demandé dans quel délai il était possible de développer cette nouvelle modélisation.
a répondu que le projet PREVIMER était conçu pour une période de recherche 2008-2012 et qu'à l'issue du programme, en ayant démontré la validité du modèle, il pourrait être envisagé de le relier aux systèmes de prévisions opérationnels. Ces systèmes ont besoin de plusieurs sources d'informations et de plusieurs modèles numériques, afin notamment de réduire les cas de fausse-alerte, qui comptent pour 17 % des messages d'alerte aujourd'hui.
a demandé si le modèle de prévision de l'IFREMER pourrait être lié à des objectifs opérationnels en permettant par exemple de donner des consignes d'évacuation.
a répondu que les travaux de l'IFREMER s'arrêtaient à la mesure du niveau de l'eau et qu'il revenait à ses partenaires (SHOM, BRGM, Météo-France) d'en faire la traduction en termes de risques physiques. L'objectif de l'IFREMER est notamment d'aider les prévisionnistes de Météo-France à mieux mesurer les phénomènes extrêmes qui sont toujours difficiles à estimer. Les travaux de l'Institut portent sur la hauteur d'eau, les prévisions de vagues, de courants marins et d'une manière générale le suivi de la masse d'eau, y compris en profondeur. Les outils de suivi de l'évolution du trait de côte sont de la compétence du BRGM.
a confirmé que la mission de l'IFREMER s'arrêtait à l'aléa marin et que ses données devaient être croisées avec celles relatives au littoral. L'IFREMER a lancé fin 2009 un projet d'amélioration des modèles de mesure des surcotes avec Météo-France, le BRGM et le SHOM, ses propres estimations s'arrêtant à la mesure de la surcote atmosphérique et à l'intégration des courants marins. En 2011, le projet devrait également être pleinement étendu à la Méditerranée où la marée est peu importante mais les effets d'une éventuelle submersion potentiellement très significatifs.
a demandé à quel organisme il revenait de traduire en termes opérationnels les données récoltées grâce aux divers modèles de prévision.
a répondu que Météo-France était le premier maillon de la chaîne car elle rédigeait les bulletins d'alerte. Il a souligné qu'aujourd'hui l'information était départementale mais qu'elle pourrait être déclinée de manière infra-départementale et permettre ainsi d'enrichir les bulletins de prévisions. Des zones cibles ont été définies par les chercheurs, en fonction de l'intérêt et des caractéristiques spécifiques des côtes, qui devraient permettre ensuite d'élargir la modélisation à l'ensemble de la côte. Pour le moment, les modèles de prévision fonctionnent tous les jours en continu mais sans personne pour les surveiller. C'est la raison pour laquelle l'IFREMER a proposé en Comité interministériel de la Mer (CIMER) la création d'un service national d'océanographie côtière opérationnelle.
a demandé quelle forme juridique prendrait ce service et quelles missions lui seraient confiées.
a répondu que ces points n'avaient pas encore été définis.
a demandé si l'IFREMER avait constaté une élévation du niveau de la mer.
a répondu que le modèle PREVIMER fonctionnait sur des échelles de temps très courtes, en l'occurrence quelques jours et que le programme avait été lancé il y a seulement quatre ans. Il a ajouté que la réponse pourrait davantage être apportée par le SHOM.
a fait part de son sentiment d'une certaine absence de réactivité des programmes de recherche aux évènements concrets et il s'est demandé si la catastrophe Xynthia avait permis de mettre en valeur l'urgence de progresser sur le sujet de la submersion marine. Il a également fait part de son impression d'un morcellement des travaux de prévision et d'un manque de mise en oeuvre sur le terrain, les autorités préfectorales et territoriales ne disposant pas toujours de l'ensemble des informations nécessaires pour faire face aux risques.
a répondu que l'IFREMER était un organisme de recherche qui avait fait le choix de développer des programmes prioritaires, dont l'océanographie côtière, bien avant la tempête Xynthia. La catastrophe avait ainsi renforcé un sentiment d'urgence préexistant. Par ailleurs, il a fait valoir que les modèles de prévision étaient bons mais que la principale difficulté était leur transposition dans une phase opérationnelle. Les travaux de l'IFREMER en partenariat avec Météo-France et le SHOM visent précisément à réduire cet écart entre la recherche et la mise en pratique, en introduisant des résolutions spatiales plus fines et des horizons temporels plus longs.
a ajouté que la tempête Xynthia avait renforcé la légitimité du projet PREVIMER qui était déjà forte.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Jacques Serris a indiqué que l'IFREMER était placée sous la triple tutelle du Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer, du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche et du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche. L'essentiel de son budget provient du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
a demandé si la multiplicité des organismes de recherche constituait un stimulant ou un frein aux activités de recherche en milieu marin et il s'est interrogé sur la qualité des travaux en France par rapport à ceux des pays ayant une grande tradition maritime.
a précisé que la réponse différait selon que l'on s'intéressait aux missions de recherche ou de surveillance. Pour les premières, les organismes de recherche français recherchent des synergies, y compris au plan européen et international et s'associent par exemple avec des partenaires britanniques pour étudier la Manche ou avec des pays riverains de la Méditerranée, avec parfois des difficultés à trouver des équipes de chercheurs de taille suffisante. Pour les secondes, on peut se poser la question de la complexité du système français et il serait sans doute nécessaire de procéder à une unification ou à tout le moins à la mise en place d'un service opérationnel unique et cordonné. Le projet de création d'un service national d'océanographie côtière opérationnelle est une réponse possible.
a ajouté que les besoins de surveillance se développaient sur le milieu marin, pour appliquer la directive-cadre sur l'eau, ou encore en termes de sécurité maritime. Certaines offres, aujourd'hui mises gratuitement à disposition sur internet, pourraient par ailleurs répondre à des besoins de secteurs économiques, par exemple pour la navigation.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur la gestion côtière intégrée et la prise en compte du développement durable, il a indiqué que l'IFREMER pouvait apporter un soutien aux organismes compétents.
Sur la question particulière de l'effet de la tempête Xynthia sur les parcs ostréicoles et la conchyliculture, M. Jacques Serris a rappelé que l'IFREMER avait procédé à des analyses biologiques sur l'eau pour tenir compte du phénomène de reflux consécutif à la tempête. Les analyses ont fait apparaître au mois de mars 2010 une efflorescence bio-planctonique toxique exceptionnelle en raison du reflux de l'eau de mer chargée en produit azotés issus notamment de nitrates. Une variété de phytoplancton très toxique a été retrouvée dans les coquillages et les crabes entraînant une interdiction de leur commercialisation, interdiction désormais levée.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, M. Jacques Serris a précisé que l'expertise avait été réalisée en lien avec la déclaration de catastrophe naturelle et permettait d'ouvrir droit à une indemnisation.
Pour conclure, il a souligné le besoin d'avoir des procédures opérationnelles d'alerte afin de pouvoir mieux suivre les impacts après la survenance d'une tempête.
Enfin, la commission entend M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Merci, Monsieur le ministre de l'Intérieur, de vous livrer à cet exercice d'audition. Le président de la République l'a dit en Vendée : le drame consécutif à la tempête Xynthia tient à des éléments climatiques exceptionnels, mais aussi à des décisions antérieures, des faits ; c'est pourquoi nous attendons beaucoup de votre point de vue sur la prévention, la prévision et la protection contre ce type de catastrophes.
L'histoire retiendra de la tempête Xynthia ses 53 morts, ce qui est un bilan particulièrement lourd et inacceptable. Pour qu'un tel drame ne se reproduise pas, nous devons développer une culture partagée du risque. J'évoquerai les trois domaines d'intervention de mon ministère, la sécurité civile, le soutien aux collectivités territoriales et le contrôle de légalité.
Premier point, la chaîne de sécurité civile a été efficace, grâce en particulier à l'anticipation des services, qui ont déployé les secours à temps et auxquels j'ai rendu hommage dès le 25 mars place Beauvau. Des mesures ont été prises dès le passage en vigilance rouge de Meteo France : activation du centre de gestion interministérielle des crises (COGIC), audio-conférence immédiate entre services de l'Etat et grands opérateurs, mise en alerte des préfectures et des SDIS, pré-positionnement de la sécurité civile dès le 27 février, avec 330 sapeurs-sauveteurs près de Poitiers et Angoulême, mise en alerte de 8 hélicoptères et acheminement de moyens de pompage lourds. Dès le dimanche 28 février, tous les moyens nécessaires étaient mobilisés avec 1 800 personnes au titre de la sécurité civile, dont 450 militaires ; les hélicoptères ont secouru 90 victimes, au cours de 92 heures de vol, la moitié de nuit, grâce à l'équipement en vision nocturne. Les soixante pompes installées, représentant une capacité de pompage de 26 000 mètres cubes à l'heure, constituent l'intégralité de la réserve nationale disponible.
Des difficultés, cependant, sont apparues pour la coordination des hélitreuillages, du fait que la zone sinistrée coïncidait avec deux zones de défense distinctes ; en quelques heures, les moyens de secours ont été redéployés, pour une meilleure efficacité. Désormais, la coordination sera systématique entre les trois niveaux, national, zone de défense et départemental.
On a pu parer aux difficultés parce qu'un sapeur-pompier qui était aussi pilote a pris la direction des opérations à la tour de contrôle de La Rochelle mais il faut prévoir des réponses immédiates et automatiques.
Le réseau de communication a bien fonctionné, qu'il s'agisse du réseau ANTARES, utilisé par le SDIS de Charente-Maritime, qui a pallié la saturation des lignes téléphoniques, ou du réseau analogique encore en usage en Vendée. Le passage à ANTARES sera un progrès.
Deuxième point, les demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle ont été traitées dans des délais records, avec un arrêté dès le 1er mars pour les départements de Charente-Maritime, des Deux-Sèvres, de la Vendée et de la Vienne et dès le 12 mars pour 62 communes de Gironde et de Loire-Atlantique.
Tous les records ont été battus, pour la vitesse comme pour le périmètre puisque toutes les communes de la zone d'alerte rouge ont été prises en compte.
Nous avons débloqué 3 millions de crédits d'extrême urgence, dont 1,6 million déjà utilisés pour des secours personnalisés et des réquisitions d'entreprises locales en vue des travaux de première urgence.
Les collectivités ont rencontré de très nombreuses difficultés - vous avez déjà évoqué le relogement des victimes, la reconstruction des digues et la mobilisation du fonds Barnier, je n'y reviens pas. Un mot des mesures d'urgence que j'ai ordonnées dans les premières heures - je rends hommage aux préfets et à leurs services. Le Fonds d'aide au relogement d'urgence (FARU) a permis d'attribuer un million à la Charente-Maritime et 500 000 euros à la Vendée. Nous avons prêté une attention particulière aux infrastructures détruites ; une mission d'inspection interministérielle recense actuellement les dommages, elle doit me rendre son pré-rapport cette semaine. Les dommages, d'après les premières estimations des préfets, s'élèveraient à 117 millions pour les quatre départements touchés, l'Etat subventionnera les réparations à 40 %. J'ai demandé d'ores et déjà l'inscription d'une ligne de 25 millions, c'est chose faite dans le collectif budgétaire et je veillerai à ce que cette somme soit versée dans les meilleurs délais. J'ai également sollicité le fonds de solidarité de l'Union européenne, qui avait été mobilisé notamment pour la tempête Klaus. La Commission européenne a reçu le dossier, elle rendra sa réponse fin juin. Nous avons mis tous les moyens de notre côté. Mais il faut rester lucide : il n'est pas tout à fait certain que les dégâts constatés convergent avec les critères de ce fonds, notamment quant aux périmètres concernés. J'ai encore obtenu du ministre du Budget le remboursement en année n de la TVA pour les dépenses des collectivités touchées ; la dotation a été fixée à 30,2 millions, la procédure est en cours.
D'une manière plus générale, nous avons besoin, pour faire émerger une culture commune du risque, de mieux coordonner la prévision, la prévention et la protection contre les risques naturels, et de conforter le rôle prééminent de l'Etat dans cette politique. J'ai saisi les ministres du budget, de l'économie, de l'écologie et du logement pour des réformes de structure dans ce sens.
S'agissant de mon ministère, j'ai donné instruction pour intégrer à l'alerte météo le risque de submersion marine. Un dispositif « Vague-submersion » devrait être opérationnel d'ici fin 2011, avec des données sur les vents violents et les fortes vagues, les zones de littoral fragile et des connaissances sur les hauteurs d'eau.
L'expérience nous démontre qu'une évacuation ne s'improvise pas, c'est là toute l'importance des plans communaux de sauvegarde (PCS), qu'il faudra mieux lier aux plans de prévention des risques naturels (PPRN). Sur les 21 communes de Charente-Maritime pour lesquelles un plan communal de sauvegarde était prescrit, une seule l'avait réalisé avant Xynthia ; en Vendée, aucune n'y était réglementairement contrainte... Le délai entre la prescription et la réalisation du plan communal de sauvegarde peut atteindre deux ans, c'est trop long : je proposerai qu'une commune ait l'obligation de réaliser un tel plan dès qu'il lui est prescrit de le faire. Par circulaire du 6 avril, j'ai demandé aux préfets d'agir dans ce sens.
J'ai toujours accordé une importance majeure au contrôle de légalité en matière de sécurité des personnes. Je n'ai jamais laissé croire qu'il s'agissait d'une activité secondaire, au contraire. Depuis mon arrivée place Beauvau, je l'ai rappelé par deux instructions écrites aux préfets, la première du 23 juillet et la seconde, très circonstanciée, du 1er septembre 2009, qui rappelle le caractère prioritaire du contrôle de légalité des documents collectifs d'urbanisme aussi bien que des permis de construire. Au lendemain de la tempête Xynthia, j'ai encore adressé une nouvelle instruction aux préfets dans ce sens, pour accélérer le développement des PPRN.
Les outils existent donc pour que l'Etat soit au premier rang dans la gestion des crises ; j'ai fait de la sécurité des personnes au sens large une priorité de mon action, cela vaut particulièrement pour les conséquences de cette catastrophe.
La mission d'information considère que les règles en France sont déjà suffisamment complexes ; ce n'est pas en en ajoutant qu'on développera la culture commune du risque, mais il faut plutôt mieux coordonner et rendre plus cohérents les outils de prévision, de prévention et de protection.
S'agissant de la prévision, Météo France sait prévoir la montée du niveau marin mais pas les conséquences sur le trait de cote. Aussi l'alerte de submersion marine sera-t-elle un très bon outil. Nous sommes convaincus, comme vous, qu'il faut mieux lier les PCS et les PPRN. Cependant, beaucoup de petites communes touristiques, très fréquentées l'été n'ont qu'une faible population permanente, elles n'ont pas les moyens techniques de réaliser par elles-mêmes un PCS : l'Etat peut-il les aider dans cette tâche ? L'échelle pertinente est-elle toujours la commune, ou plutôt l'intercommunalité ?
Que l'Etat apporte son concours pour aider les communes à élaborer leur PCS, j'y suis très favorable. Quant au périmètre de ces plans, ils sont communaux, exception faite de l'agglomération de Toulon, où l'on a entrepris un plan intercommunal.
C'est qu'un maire-adjoint, que nous avons reçu, est aussi le président de la fédération nationale de la protection civile. Monsieur le ministre, vous nous aideriez en nous communiquant des informations sur les PPRN prescrits et les PCS déjà signés, de telle sorte qu'on puisse cartographier ces dispositifs en parallèle.
S'agissant de l'urbanisme, notre mission a repéré trois faiblesses. Les préfets, d'abord, ont du mal à déférer aux tribunaux administratifs les actes individuels que sont les permis de construire : il n'y aurait que 0,024 % de recours. L'Etat, ensuite, pour quatre permis de construire sur cinq, a la double responsabilité d'instruire et de contrôler la légalité du permis : cette double fonction ne biaise-t-elle pas l'attitude de l'administration ? Il apparaît, enfin, que les préfectures manquent de moyens pour exercer le contrôle de légalité : n'y aurait-il pas intérêt à le rendre systématique dans les territoires pourvus d'un PPRN, en constituant une sorte de géographie prioritaire où les risques sont plus importants ? La sécurité est une mission régalienne.
Le contrôle de légalité s'exerce au vu des éléments connus au moment de la décision. Or, jusqu'en 2000, le risque de submersion marine pour le littoral était inconnu et le contrôle de légalité consistait principalement dans le respect de la loi littoral. Les permis de construire dans la cuvette de La Faute-sur-mer n'ont pas été déférés pour la simple raison qu'ils respectaient les obligations légales de l'époque. Mais en 2001, une fois cartographié le risque de submersion, le préfet de Vendée a déféré au tribunal administratif l'autorisation de construire un parc de loisir, et c'est le juge administratif, tribunal puis cour d'appel de Nantes, qui a cru bon de maintenir l'autorisation. Ce n'est qu'à partir de fin 2004 que les préfets ont observé une évolution de la jurisprudence et ainsi, depuis, 17 autorisations ont été déférées par le préfet de Charente-Maritime et 12 par le préfet de Vendée.
S'agissant de la double fonction d'instructeur et de contrôleur qui est celle de l'Etat en matière de permis de construire, la loi de 1983 a posé le principe de la séparation, qui est strictement appliqué : l'agent qui contrôle n'est pas le même que celui qui a instruit le dossier. Ce principe se traduit dans l'organisation même des services en préfecture, c'est le cas en Vendée comme, avec des différences, en Charente-Maritime, où la priorité est donnée à l'examen des dossiers faisant l'objet d'avis divergents.
Nous avons été très impressionnés par la franchise du préfet de Vendée...
Tout au long de sa carrière, il n'a jamais caché ses positions, même quand elles étaient divergentes...
Il s'est étonné de la faiblesse du contrôle de la légalité des permis de construire avant son arrivée, estimant que des dossiers qui auraient dû être déférés en justice, ne l'avaient pas été ; on peut s'étonner aussi que des habitations aient été construites sans aucune autorisation et n'aient pas fait l'objet d'une procédure de destruction. Nous connaissions cette règle voulant que le contrôleur ne soit pas la même personne que l'instructeur, mais un fonctionnaire auditionné a souligné la gêne, pour un agent de la préfecture, à déférer en justice un acte instruit par l'un de ses collègues... Pourquoi ne pas mieux distinguer les fonctions ?
J'ai déjà répondu sur ces points. Ma circulaire du 1er septembre 2009 est très précise sur le contrôle de légalité. Nous avons aussi amélioré le conseil aux préfets dans la phase d'élaboration des documents d'urbanisme, ce qui est aussi une façon d'alléger le contrôle de légalité. Comme je vous l'ai dit, j'ai rappelé aux préfets, sans aucune ambiguïté, le caractère prioritaire du contrôle de légalité, en particulier sous l'angle de la sécurité.
Nous avons constaté, cependant, que de nombreuses habitations ont été construites sans aucune autorisation, en particulier à l'Aiguillon, y compris sur le domaine public. On nous a dit que le délai de prescription était seulement de trois ans : voilà un droit acquis dans des conditions bien avantageuses, une vraie prime à la triche ! Nous pourrions proposer d'allonger ce délai.
Les constructions sans autorisation font l'objet de référés pour 34 dossiers en Charente-Maritime et 24 dossiers en Vendée. Quant à l'interdiction de construction sur le domaine public, elle est bien imprescriptible et ne donne lieu à aucun droit acquis, malgré les apparences, ceci sur le littoral atlantique comme sur d'autres littoraux...
La RGPP se traduit par une certaine régionalisation des services de l'Etat, avec des transferts de moyens de l'échelon départemental à l'échelon régional, lequel est devenu le niveau privilégié de la décentralisation. Monsieur le ministre, ne craignez-vous pas qu'un tel mouvement ôte par trop de moyens aux préfets de départements, qui demeurent pourtant responsables du contrôle de légalité, y compris pénalement ?
En arrivant place Beauvau, venant du ministère des collectivités locales, j'étais favorable à l'instauration d'une certaine autorité hiérarchique des préfets de région sur les préfets de département. J'ai changé d'avis à l'expérience, car une telle autorité érigerait immanquablement l'échelon régional en instance d'appel des décisions départementales. Le contrôle de légalité demeure une compétence du préfet de département, c'est une prérogative constitutionnelle, même si une certaine ambiguïté existe dans les esprits.
L'Etat doit garantir la sécurité des personnes, il faut rendre un hommage aux préfets de Vendée et de Charente-Maritime, qui ont assumé pleinement leur rôle et démontré que l'échelon départemental est le plus pertinent, pour agir en proximité.
S'agissant de l'indemnisation des collectivités locales, au-delà des dispositifs propres aux catastrophes naturelles, il existe des subventions d'équipement pour les biens non assurables des collectivités locales : monsieur le ministre, comptez-vous mobiliser ces moyens ?
De nombreux et importants biens non assurables des collectivités locales ont été endommagés dans les quatre départements les plus touchés par la tempête, qu'il s'agisse de la voirie, de ponts et ouvrages d'art, de réseaux d'adduction d'eau ou d'assainissement ou encore de stations d'épuration. La mission d'inspection va rendre son rapport. Les dommages sont évalués à 69 millions en Charente-Maritime, à 30 millions en Vendée, à 13 millions en Gironde et à 5 millions en Loire-Atlantique. L'Etat subventionnera 40 % des réparations, 25 millions sont réservés en autorisation d'engagement par le collectif budgétaire, 5 millions en crédits de paiement. L'enveloppe est validée, elle sera répartie en tenant compte de l'urgence et de l'importance de la population concernée.
L'Etat donnera donc suite aux demandes de subvention d'équipement pour les biens non assurables des collectivités locales (M. le ministre le confirme).
S'agissant des acquisitions amiables, l'Etat envisage-t-il une forme de compensation de la perte de base fiscale subie par les communes ? Des habitations vont être détruites, après avoir été construites en toute légalité, les communes vont y perdre de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, dans des proportions qui peuvent aller jusqu'au tiers : peut-on imaginer, comme cela s'est fait avec la taxe professionnelle, que l'Etat compense en partie la perte avec un lissage sur plusieurs années ?
Cela représenterait jusqu'à 1,8 million d'euros. La compensation de perte de base n'existe pas pour la taxe d'habitation ni pour la taxe foncière, sa mise en place exigerait une large concertation et une loi.
Cependant, il ne faudrait pas qu'après avoir subi la tempête, les populations subissent une double peine avec une augmentation des impôts, du fait de la perte de base...
Les PPR sont prescrits sans date butoir et l'on constate qu'après neuf ans, des communes s'en dispensent sans en être inquiétées. Ne peut-on pas envisager, en cas de défaillance de la commune après un certain délai, que le PPR soit établi par l'Etat ?
S'agissant de l'alerte, il semble que les éléments de prévision arrivent au maire en ordre dispersé, depuis l'IFREMER, Météo France ou les ports, et que le préfet ne dispose pas non plus d'éléments mieux coordonnés : trop d'alertes font perdre de la crédibilité au message, il faut savoir à quel moment décider une évacuation.
En Gironde, enfin, nous n'avons pas de zones noires ; pourtant, des gens ont dû monter sur le toit de leur maison pour éviter les eaux, et ils ne bénéficieront pas de la cession amiable : faut-il attendre une prochaine tempête ? Ne peut-on pas étendre la cession amiable aux biens ainsi exposés ?
Je souhaite également que les PPRN soient assortis d'une date butoir, mais l'Assemblée nationale vient de se prononcer contre.
L'alerte est une compétence du maire, son interlocuteur naturel est le préfet : j'ai exposé les améliorations qui vont être apportées au système de prévision.
Enfin, la procédure de cession amiable relève du ministère de l'économie et des finances, je ne saurais m'y substituer. Il me semble, cependant, que si des habitations ne sont pas en zone noire, c'est que les experts ont jugé que le danger n'était pas mortel.
Les gens ont dû monter sur le toit...Doivent-ils se dire qu'ils ont eu de la chance ?
Monsieur le ministre, avez-vous le sentiment que, dans la gestion de cette catastrophe, la décentralisation ait été remise en cause d'une quelconque façon ? Le curseur entre élus et contrôle de l'Etat est-il à la bonne place ? Nous avons entendu des commentaires peu amènes sur les conditions d'exercice de la démocratie locale dans cet épisode, des tentatives de désigner des boucs émissaires : quelle est votre analyse ?
J'ai été comme vous très attentif aux multiples commentaires. La loi de 1982 a fait le choix du transfert de la compétence de l'urbanisme aux maires, je me souviens que certains, en zone urbaine, y étaient réticents, mettant en avant la difficulté à résister aux demandes de telle famille nombreuse ou de telle personnalité en villégiature, et des maires sont allés jusqu'à passer convention avec la préfecture. D'autres demandaient que la compétence soit attribuée au conseil général, plus à même de résister à de telles pressions.
La décentralisation n'a pas été remise en cause : les maires décident et les préfets contrôlent.