La réunion

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La commission nomme :

Gérard Bailly, rapporteur sur la proposition de résolution européenne relative au secteur laitier, sous réserve de son dépôt sur le Bureau du Sénat ;

Charles Revet, rapporteur sur la proposition de résolution européenne relative à la réforme de la politique commune de la pêche, sous réserve de son dépôt sur le Bureau du Sénat.

La commission procède ensuite à l'audition de M. Louis Gallois, président exécutif d'EADS, sur le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Au nom des commissions de l'économie et des affaires européennes, je souhaite la bienvenue à M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et, depuis juillet 2007, président d'EADS. Pourriez-vous nous présenter les différentes activités de votre groupe et ses perspectives au niveau mondial ? Je me réjouis du discours positif que vous avez tenu sur la place de vos principales filiales que sont Airbus, Eurocopter et Astrium au sein de la concurrence internationale lors de l'émission télévision de dimanche soir. Enfin, je salue la présence de M. François Desprairies, directeur des affaires publiques France d'EADS, avec qui j'ai organisé cette audition lors d'une récente visite du Président de la République à Marignane.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, président exécutif d'EADS

Je me réjouis d'échanger avec la représentation nationale sur des sujets qui touchent certes à mon entreprise, mais la dépassent aussi.

EADS a un chiffre d'affaires de 43 milliards d'euros. Le groupe est composé à 65 % d'Airbus, à 35 % des autres activités, c'est-à-dire Eurocopter, spécialisé dans la fabrication d'hélicoptères, Astrium, dédié à la construction de lanceurs spatiaux, de missiles balistiques et de satellites. DS regroupe les activités de défense classiques avec MDBA, le premier missilier mondial, des activités de défense liées à l'aéronautique -nous sommes le 1er partenaire de l'Eurofighter- ou encore des activités de sécurité, par exemple la surveillance des frontières de l'Arabie Saoudite dont nous avons remporté le marché l'an dernier. Autrement dit, Airbus est une composante essentielle d'EADS, sans être la seule. Le cauchemar financier de l'A400M, avion de transport militaire promis à un grand avenir, explique les résultats négatifs de l'an dernier. Nous souhaitons qu'Airbus, qui a longtemps porté le groupe et qui supporte les surcoûts de l'A380 et de l'A400M, redresse sa situation. En la matière, les perspectives s'améliorent.

De fait, la crise a eu un effet relativement limité sur le secteur des avions commerciaux car nous réalisons près de 70 % de nos ventes en Asie, Moyen-Orient et Amérique latine, zones qui ont bien résisté à la crise. Nous avons livré plus d'avions en 2009 que jamais -même si cela n'est pas autant que nous l'aurions souhaité. Après une année 2010 qui sera du même ordre, la production augmentera en 2011. Si les commandes massives, comme celle annoncée par la compagnie Emirates au salon de Berlin il y a quinze jours, seront l'exception, la reprise du trafic aérien, sensible partout sauf en Europe, permettra aux compagnies de reconstituer leur situation financière et de procéder à de nouveaux achats, à partir de 2011-2012. Pour l'heure, notre carnet de commandes est suffisamment rempli. L'important est, pour nous, d'avoir de solides perspectives de reprise, ce qui est le cas. En revanche, le secteur des hélicoptères civils a davantage souffert de la crise. Ce marché, actuellement plat, ne se dégrade plus. Il se redressera lorsque les 500 hélicoptères récents actuellement sur le marché de l'occasion seront écoulés. Bref, la crise a été gérée, la reprise est devant nous, au moins hors des frontières européennes.

Quelques mots sur les programmes. Les retards de livraison de l'A380, notre « super gros bébé », s'expliquent par les perturbations du processus de mise en oeuvre industrielle dues aux exigences des compagnies aériennes quant à l'individualisation de la cabine dont elles ont fait leur porte-drapeau. Pour autant, la situation s'est nettement améliorée depuis neuf mois : nous avons livré 7 avions depuis le début de l'année, et nous en prévoyons d'en livrer vingt au total en 2010 contre 10 en 2009. Nous poursuivrons cet effort en 2011. Après avoir maîtrisé les incertitudes liées à un processus industriel très complexe, nous devons maintenant travailler à réduire le coût de fabrication de cet avion.

L'A400M représente, pour EADS, une rude épreuve : nous avons déjà provisionné 4 milliards sur le contrat de 180 avions à livrer aux sept pays européens clients, soit une perte de 20 %. D'autant que, contrairement à nos concurrents américains qui bénéficient d'un système de prix dit « cost plus » selon lequel le Pentagone prend en charge le coût de production et paie une marge aux entreprises, nous travaillons avec un système de prix fixe qui nous impose de prendre en charge le surcoût des avions. Au terme de négociations, nous sommes parvenus à un accord en mars avec les sept États acquéreurs : un effort de 2 milliards des États, soit une augmentation de 10 % du prix de l'avion, et 1,5 million d'avances remboursables sur les exportations. Les négociations pour transformer cet accord en contrat se déroulent dans un climat difficile : le diable est dans les détails, disent nos amis anglais, et surtout l'heure est au serrage de vis pour les budgets de la défense. Néanmoins, le respect de cet accord est sur la bonne voie. Au plan technique, les essais se poursuivent -deux avions volent, un troisième volera dans les prochains jours. Cependant, certains défis techniques demeurent : le système de contrôle de vol ou le système de gestion des charges.

Autre point positif, le retour de l'euro à un niveau raisonnable. Contrairement à nos concurrents américains qui travaillent uniquement avec le dollar, nous achetons en euros et vendons en dollars. Un euro fort avantageait donc Boeing. Pour nous, le taux moyen de l'euro qui correspond à une parité de pouvoir d'achat doit être de 1 euro pour 1,15 à 1,20 dollar. Nous sommes à 1,24 actuellement. Une augmentation du cours de l'euro de dix centimes représente une diminution d'1 milliard de résultat net pour EADS : il conditionne donc les résultats de l'entreprise. L'inverse est également vrai. Ayant pris des couvertures de change pour nous protéger d'un dollar faible, nous ne bénéficierons des effets d'un euro plus raisonnable qu'en 2013-2014. Quoi qu'il en soit, la baisse de l'euro, si elle est durable, bouleverse le paysage pour une industrie de long terme comme la nôtre.

Quels sont nos principaux défis ? Le premier est de construire l'A350, le successeur de l'A330, majoritairement construit à partir de matériaux composites, y compris le fuselage. Cependant, nous avons tiré les bons enseignements du programme 787 de Boeing dont la mise au point est loin d'être une partie de plaisir pour les Américains. Nous maintenons le calendrier de la livraison d'un premier avion en juillet 2013, mais nous n'avons plus de marges calendaires. Second défi : la réduction des budgets de la défense de nos principaux clients, les pays « domestiques », soit l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et l'Espagne. Dans le dialogue avec les États, nous devons montrer l'importance de préserver notre capacité en recherche et développement pour l'avenir et de ne pas opérer de coupes budgétaires, en priorité, sur les programmes de coopération, sources d'économies, au bénéfice des programmes nationaux, parfois plus sensibles pour les opinions publiques nationales. Pour exemple, la France ne saurait financer seule le programme de l'A400M, un avion militaire de transport qui reste moins cher que l'avion américain à la tonne transportée, malgré la hausse des prix qui a été acceptée. En bref, depuis quelques mois, la sortie de crise, l'évolution de l'euro et la remise en ordre du processus industriel de l'A380 inscrivent l'entreprise dans une dynamique positive ressentie par le personnel, dont le moral était assez bas selon un sondage de début 2009.

EADS fête cette année son dixième anniversaire. Ce projet, conçu par deux chefs d'entreprise, le Français Jean-Luc Lagardère et l'Allemand Jürgen Schrempp, patron de Daimler, soutenus par les gouvernements français, allemands et espagnols, avait pour but de constituer un groupe européen capable de faire face aux industries américaines qui s'étaient regroupées autour de quatre géants, Boeing, Lockheed Martin, Northrop Grumman et Raytheon. Ce pari est réussi. Avec une taille comparable à celle de Boeing, que nous avons devancé en 2008, nous avons réalisé un chiffre d'affaires en augmentation de 75 % en dix ans, investi 22 milliards dans la recherche et développement -soit plus que Boeing. EADS est le premier contributeur à la balance commerciale française. Nous avons créé 15 000 emplois nets dans la haute technologie en Europe, y compris durant la crise. Enfin, nous achetons en France pour quelque 13 milliards. Dans le paysage industriel mondial, nous sommes désormais placés au même rang que Boeing. Pour preuve, le Pentagone, pour la première fois, a souhaité que nous participions à l'appel d'offre concernant les avions ravitailleurs, le plus gros programme à lancer par le Pentagone pendant cette décennie, en qualité de maître d'oeuvre du programme, et non de sous-traitant comme en 2008.

Pour conclure, rappelons le succès de cette entreprise véritablement franco-allemande, qui représente l'Europe pour les citoyens à travers AIRBUS et ARIANE. Avec une trésorerie nette de 9 milliards en cette fin d'année, nous sommes prêteurs sur le marché monétaire dans des proportions que seuls atteignent les pétroliers. Cela confirme la robustesse de notre entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Donc, le groupe EADS, s'il a traversé des périodes difficiles dont la presse rend volontiers compte, fait maintenant jeu égal avec Boeing, grâce à votre gestion et aux personnels du groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je me réjouis également de cette audition commune. Dans cette période de turbulences, EADS fait figure de modèle alors que nous en revenons au noyau dur de l'Europe, le couple franco-allemand. Comment vivez-vous les différences culturelles et salariales entre la France et l'Allemagne au sein de votre entreprise ? Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour d'autres projets franco-allemands ? La notion de gouvernance à 27 -j'aurais préféré une gouvernance des 16 États membres de la zone euro, mais la position allemande a prévalu- qui a émergé au cours de la crise, va-t-elle faciliter votre quotidien ? Avez-vous prévu des clés de sécurité pour prévenir les effets de l'évolution du taux de change entre l'euro et le dollar ? Pensez-vous être suffisamment protégé en matière de propriété intellectuelle ? Enfin, où en êtes-vous du contentieux avec Boeing au sein de l'OMC ?

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, président exécutif d'EADS

EADS est une entreprise franco-allemande, mais n'oublions pas les Espagnols ! Leur participation est essentielle à notre groupe. Les différences culturelles entre la France et l'Allemagne ne constituent pas un obstacle dans le travail. S'agissant de la question salariale, historiquement et en traçant la situation à grands traits, l'Allemagne a fait un choix qui est à rebours de celui de la France : l'emploi plutôt que les salaires. Résultat, au cours de la crise, l'Allemagne a très peu perdu d'emplois. Par ailleurs, le système de chômage partiel très long qu'elle a mis en place lui a permis de préserver les emplois indispensables à son industrie pour la phase de reprise. Je n'ai pas d'avis définitif sur la gouvernance économique européenne, si ce n'est qu'elle serait plus simple peut-être à 16 autour de la monnaie unique qu'à 27. Les relations franco-allemandes, celles entre la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Espagne, nos marchés d'exportation, voilà quels sont nos réels sujets d'intérêt. Pour prévenir les effets de la volatilité des monnaies qui nous impactent sans toucher Boeing qui est naturellement déjà en dollars, notre couverture de change s'élève à 66 milliards. Le président Sarkozy veut légitimement mettre sur la table du G20 la question monétaire. Je pense qu'il a raison, même si cela suscite de fortes oppositions. Il y a là un véritable sujet. Nous nous battons à l'OMC entre Américains et Européens sur des aides publiques qui sont en fait secondaires par rapport aux effets monétaires : une variation de l'euro de dix centimes a un impact bien plus décisif sur les résultats de notre entreprise. Entre quatre grands ensembles monétaires -le dollar américain, le yen japonais, le yuan chinois et l'Euro-, il faut éviter que l'Euro ne soit la variable d'ajustement et freiner la volatilité des marchés, pour retrouver une certaine visibilité sur les taux de change.

S'agissant de la propriété industrielle, le groupe, dépose de plus en plus de brevets, l'inconvénient de la publicité étant compensé par une plus forte protection dans un champ plus concurrentiel. La réglementation européenne en la matière ne suscite pas de remarques particulières.

Le rapport de l'OMC, qui nous a été communiqué, ne donne droit qu'à 30 % des réclamations américaines, et il y a les bases d'un appel. Il sera rendu public le 1er juillet, soit neuf jours avant le dépôt de notre offre sur les Tanker. A l'inverse, la communication du rapport intérimaire sur Boeing, suite à la plainte de l'Europe, a été repoussée au 16 juillet, soit huit jours après cette date importante. Je ne peux que le constater et le regretter ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Je salue votre flegme et votre pragmatisme en ces temps difficiles. Je salue en vous le visionnaire qui met l'accent sur la recherche et développement quand la réflexion à moyen et long termes manquent tant à l'industrie française. Pourriez-vous en dire plus sur la question des nouveaux carburants, que vous avez abordée lors d'une émission sur LCI ? Au sein de la commission de l'économie, nous nous interrogeons sur l'opportunité de réserver des surfaces agricoles à la production de ces carburants. En outre, en tant que sénateur de Haute-Garonne, je désire savoir comment vous comptez assurer le développement d'Astrium à Toulouse et, ce faisant, préserver un équilibre entre les régions françaises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La réussite de ce projet européen montre tout l'intérêt qu'il y aurait à développer des projets industriels européens, par exemple, dans le secteur de l'automobile que M. Bourquin connaît bien. Pour rester compétitif face à la Chine et à l'Inde, il faudrait sortir un Airbus et un métro d'avance sur eux. Soit, vous avez investi 22 milliards dans la recherche et développement, mais quid de la clause de transfert de technologie qui accompagne la signature des contrats ? Nous avions adressé la même question à la présidente d'Areva, car la problématique est la même pour les centrales nucléaires. Ce transfert technologique ne nous condamne-t-il pas à terme ?

Enfin, si nous n'avons peut-être pas assez sauvegardé l'emploi au niveau macro-économique, permettez-moi de souligner que, pour entreprendre des comparaisons entre la France et l'Allemagne, il faut tenir compte de la productivité -nous n'avons pas à en rougir si j'en crois les échos que j'ai eus du travail dans les usines Volkswagen, y compris avec un temps de travail de 35 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Comment se passera la coopération et le transfert technologique avec la Chine, le Brésil et l'Inde ? La réévaluation du yuan aura-t-elle des effets positifs sur EADS ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Vous n'avez pas évoqué le plan « Power 8 » qui n'est pas étranger aux bénéfices dégagés par votre entreprise. En outre, si le moral des salariés connaît une embellie, rappelons tout de même que les salariés d'Airbus ont organisé une grève sur tous les sites français, inquiets de leurs conditions de travail et de salaire et de la stratégie industrielle d'Airbus. De fait, ils ont été les premiers touchés par les problèmes liés à l'A380 et l'A400M. Si Toulouse va bénéficier de l'augmentation des ventes de l'A380 et fabriquera l'A350, reste que l'A320 reste le produit phare d'Airbus et que les Allemands comptent produire son successeur. Toulouse ne veut donc pas lâcher la proie pour l'ombre... Ajoutons à cela que, en matière d'aérostructure, une filiale française Aerolia ne présente pas les mêmes garanties que l'allemande Aerotec : elle externalise d'ailleurs une petite partie de sa production en Tunisie. Enfin, sept ou huit sous-traitants sont regroupés autour de l'entreprise en Allemagne ou en Espagne, contre une vingtaine en France. Cet éparpillement constitue un handicap. Preuve est faite qu'un changement de braquet est nécessaire pour rationaliser les moyens humains, intellectuels et financiers. Enfin, vous n'avez rien dit du rôle du principal actionnaire de votre entreprise, l'État français, dans la défense de nos intérêts stratégiques. EADS n'est pas une entreprise comme les autres. Or notre gouvernement est parfois muet, souvent absent, ce qui tranche avec la position du gouvernement allemand où une personne est spécifiquement chargée de l'aéronautique. Enfin, les parlementaires devraient être mieux informés sur le dossier de l'A400M !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

En ces temps de réduction des budgets de la défense, quel avenir pour les projets de coopération si les États adoptent des stratégies différentes ? Comment maintenir la capacité en recherche et développement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Votre trésorerie de 9 milliards est le signe de votre gestion de qualité. Pour autant, la situation des sous-traitants est plus difficile. Comment, dans ce contexte de concurrence accrue et de délocalisation, garantir la pérennité de la sous-traitance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

L'Allemagne n'a pas opté pour l'emploi contre les salaires -il s'agit d'un raccourci-, elle a eu depuis longtemps une ambition industrielle quand la France a préféré les services, mis à l'honneur dans des théories fumeuses qui nous ont conduit dans l'impasse. Or la réussite économique s'appuie toujours sur un socle industriel fort, une stratégie de filière pour les sous-traitants qui nous fait cruellement défaut, et la conservation sur le territoire national du coeur de métier. Il n'est jamais trop tard pour revenir à une politique industrielle cohérente. La France n'a pas fait le choix des salaires contre l'emploi, elle a opté pour le « ni salaire ni emploi ». Enfin, la croissance doit également s'appuyer sur de l'investissement, une offre et une demande fortes que risque d'étouffer la politique de rigueur salariale du Gouvernement. Je tenais à ces observations en ces temps de campagne contre les salaires et les retraites. Tout à coup, les salariés sont quasiment qualifiés de nantis ! La France a besoin de salariés qui gagnent leur vie !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Pouvez-vous nous donner des informations sur l'évolution de l'actionnariat de votre groupe après les bruits sur un éventuel retrait de Lagardère ? Où en est-on de l'A400M ? Le ministère de la défense a fait des déclarations il y a quelques semaines. Qui mène la danse, vous ou le Gouvernement ? Où en est le partenariat ? Quand le premier A400M verra-t-il le jour ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Godard

N'oublions pas qu'il existe en France une petite industrie de matériaux de production de matériaux composites telles les aciéries Aubert et Duval pour la production de l'A350 et encore les forges qui fabriquent des pièces détachées pour Airbus dans le centre de la France. Comment voyez-vous l'avenir de ces entreprises, implantées dans des régions peu tournées vers l'aéronautique ? Ensuite, quel rôle entend jouer EADS pour le programme Ariane et la réalisation des vecteurs spatiaux ?

Debut de section - Permalien
Louis Gallois, président exécutif d'EADS

Monsieur Chatillon, dans l'industrie aéronautique, il est indispensable d'avoir une vision de long terme quand nos programmes ont une durée de vie de 30 à 40 ans. Mon métier est de regarder à long terme. Pour m'en tenir à un seul exemple, les avions de transport militaire ont une durée de vie moyenne de 40 ans. Et Ariane 6 est à un horizon 2025-2030. Autrement dit, 2013-2014, moment où nous commencerons à ressentir les effets bénéfiques d'un euro raisonnable, pour nous, c'est demain !

Nous croyons beaucoup au développement des nouveaux carburants à partir de produits non alimentaires, telles les algues qui présentent l'avantage d'une forte capacité énergétique et d'un bilan carbone excellent. S'ils ne remplaceront pas le kérosène du jour au lendemain, il faut y réfléchir dès aujourd'hui. Nous avons fait voler un petit avion alimenté par un tel carburant au salon de Berlin. Boeing vient à son tour d'annoncer le lancement de recherches sur les carburants à base d'algues...

Toulouse a effectivement subi deux déconvenues avec Galileo ; nous examinons notre gestion de l'appel d'offres ; s'agissant de Météosat -notre responsabilité m'apparaît moins évidente dans cette affaire. Pour autant, une entreprise ne peut pas remporter toutes les compétitions auxquelles elle participe ! A court terme, il n'y a pas de raison de s'inquiéter.

Monsieur Raoul, oui, nous avons besoin de projets industriels européens. Hélas, l'heure est plutôt au repli sur soi avec la crise quand nous devrions lancer des projets concrets et valorisants, incarnation de l'Europe aux yeux de nos concitoyens, en matière de véhicule électrique, ou de génétique, pour ne pas parler que de l'aéronautique et de l'espace !

Les pays émergents représentent un marché très important grâce auquel nous avons pu faire face à la crise. Si nous voulons vendre chez eux, nous devons accepter la coopération industrielle. Ne nous faisons pas d'illusions : il y aura transfert de technologies, malgré toutes les précautions prises et leur propre niveau est de plus en plus élevé. La Chine a lancé un homme dans l'espace, pas l'Europe ! En 2016, la Chine sortira son premier avion, concurrent de l'A320. Pour faire face à cette nouvelle concurrence qui mettra fin au duopole Airbus-Boeing, trois mots : innovation, qualité et service. Le différentiel auprès des compagnies aériennes s'opérera sur notre niveau de qualité de service, notre capacité, par exemple, à dépêcher une équipe sur place en cas de problème, dans les délais les plus brefs et cela durant 30 ans après l'acquisition de nos appareils.

Si nous n'avons pas à rougir de la productivité en France, convenons que le nombre d'heures travaillées en France, où l'on entre tard sur le marché du travail pour le quitter tôt, se situe dans le bas de la fourchette européenne. Ce problème mérite d'être étudié de près. Pour avoir longtemps travaillé à la SNCF, je sais qu'il faut offrir des contreparties dans une négociation, en matière par exemple de droits des salariés au sein de l'entreprise. Le système de co-détermination en Allemagne, s'il n'est sans doute pas transposable tel quel en France, me semble, dans son principe, une piste intéressante.

Monsieur Bécot, la coopération avec les pays émergents peut être très productive : je pense à la fabrication de l'hélicoptère avec les Chinois dont les coûts sont partagés également entre nous et qui nous donne accès à leur marché où nous sommes leur principal fournisseur pour le marché civil. La réévaluation du yuan n'a pas d'impact sur EADS. L'installation d'une chaîne d'assemblage en Chine n'avait pas pour objectif de faire des économies -cela nous coûte même plus cher qu'une production en France ou en Allemagne-, mais de faciliter notre accès au marché chinois, le premier du monde. Nous vendons aujourd'hui 20 % de nos avions en Chine et sommes passés de 10 à 40 % de parts de marché !

Monsieur Mirassou, Hambourg se plaint que Toulouse concentre tous les pouvoirs d'Airbus. Je vous rappelle que Toulouse assemble l'A380, soit l'équivalent en charge de travail par avion de la production de huit A320, et on va y assembler l'A350, soit l'équivalent par avion de 5 A320. Nous avons 530 commandes d'A350, soit l'équivalent de 2 500 A320, dont l'assemblage est partagé entre Hambourg et Toulouse. Est-il raisonnable de conserver deux chaînes d'assemblage pour un avion ? Je ne crois pas que cela soit compétitif. Je défends le choix industriel d'assembler le successeur de l'A320 à Hambourg fait en 2001 lorsque l'A380 a été lancé car Toulouse n'est pas lésée. Sans la contribution financière des Allemands, Airbus n'existerait pas, même si la capacité technique était principalement française. Conservons un équilibre. Quant à la grève à Airbus, j'estime que le blocage des approvisionnements de l'usine par un groupe limité de salariés n'est pas acceptable. Les personnels ont obtenu de substantielles augmentations de salaires. Bref, le sacrifice supposé de Toulouse au bénéfice de Hambourg relève d'un procès d'intention récurrent et commode.

J'en viens aux sous-traitants. Aerolia construit une usine en Tunisie, mais Premium Aerotech en prépare une en Roumanie. Nous devons effectivement conserver les points critiques et les compétences-clés du processus industriel en Europe tout en étant présents dans le monde entier, pour une entreprise comme la nôtre qui exporte 75 % de sa production. Mais, dans le même temps, AIRBUS investit 200 millions d'euros cette année à Méaulte, autant à Nantes, et l'A350 représente 1,4 milliard d'euros investis en France entre Toulouse, Nantes, Saint-Nazaire et Méaulte. Nous ne sommes donc pas en train de quitter la France ! En matière de sous-traitants, Airbus a fait son devoir envers le groupe Latécoère via des avances de trésorerie, ou le préfinancement d'investissements et le maintien de nos commandes. Nous ne pouvons pas prendre en charge nos sous-traitants, mais nous y sommes très attachés pour une raison simple : nous réalisons 15 % de la valeur ajoutée d'un avion en interne, 85 % provient de la chaîne des fournisseurs. D'où les énormes progrès d'Airbus depuis environ quatre ans pour éclairer les sous-traitants sur l'évolution des plans de charges, celle des technologies nécessaires et les conditions de la concurrence. Notre fonds Aerofund, que nous avons mis en place avec Safran et la Caisse des dépôts et consignations, vise à les aider à se regrouper. L'application de la loi de modernisation de l'économie a également impliqué un transfert de centaines de millions de trésorerie vers les fournisseurs. Au cours de la crise, nous avons soutenu nos sous-traitants par nos commandes de sorte qu'aucun n'est resté au bord de la route, contrairement à ce qui s'était passé, par exemple, lors de la crise de 1993 qui avait frappé plus durement encore notre secteur. J'ai eu autrefois une expression malheureuse mais réaliste : « nous ne pouvons pas être le Père Noël de la chaîne des sous-traitants ». Cependant, nous pouvons les aider à être plus compétitifs. Reste que l'aérostructure est effectivement trop dispersée en France : la question devra un jour être traitée. Enfin, EADS a des interlocuteurs au sein du gouvernement français, M. Jean-Louis Borloo et M. Dominique Bussereau, comme M. Hervé Morin ou Mme Christine Lagarde, et a bénéficié d'un soutien constant de notre pays. Les parlementaires ont obtenu des informations sur l'A400M avec la publication du rapport des sénateurs Gautier et Masseret. Je suis moi-même venu devant le Sénat expliquer la situation. Au plan technique, nous avons procédé à des essais de vol. Reste à régler les deux problèmes techniques que sont le système de contrôle du vol et le système de gestion de la charge. Le premier avion sera livré en 2013 avec quatre standards selon les logiciels donnant les performances de vol, notamment pour les vols de basse altitude. L'A400M a généré un surcoût de 7,6 milliards, dont 4 pris en charge par EADS, 2 par les États clients et 1,5 par des avances remboursables sur les exportations au terme de l'accord de mai qui doit être maintenant traduit dans un contrat.

Monsieur Navarro, l'avenir est effectivement aux projets de coopération. Il faut également veiller à ce que les coupes budgétaires ne touchent pas prioritairement les programmes de nouveaux matériels au bénéfice des plans de livraison de matériel existants que les ministères de la défense ont tendance à privilégier en temps de crise : leurs révisions budgétaires doivent s'attacher à préserver un bon équilibre, supportable pour nos bureaux d'études.

Monsieur Bourquin, concernant l'ambition industrielle, je vous renvoie à l'article que j'ai publié dans la revue Commentaire. L'industrie française se trouve dans une situation préoccupante. La part de l'industrie dans le PNB a reculé de 22 à 16 % entre 1998 et 2010, quand elle a progressé de 28 à 30 % en Allemagne. La France manque de ces entreprises moyennes de 2 à 5 000 employés, qui font la solidité du socle industriel allemand, capables d'exporter et de s'implanter à l'étranger en conservant leur coeur de métier sur le territoire. Nos entreprises moyennes souffrent d'un problème de financement. Comment orienter l'épargne française vers l'industrie ? Une portion négligeable des 1 200 milliards de l'assurance vie s'oriente aujourd'hui vers l'industrie. Un dernier mot sur le problème des salaires et de l'emploi : l'augmentation du pouvoir d'achat est une revendication compréhensible, mais ne profite-t-elle pas surtout aux biens importés ?

Monsieur Poniatowski, l'actionnariat d'EADS est constitué à 22,5 % de Daimler, à 22,5 % de SOGEADE (Etat français 15 % et Lagardère 7,55 %), 5 % de SEPI (société d'Etat des participations industrielles, espagnole) et à 50 % de flottant sur le marché. Les rumeurs de retrait vont et viennent. En tant que président d'EADS, je n'ai jamais eu confirmation d'un retrait de Lagardère ou de Daimler.

Monsieur Godard, les aciéries Aubert et Duval ainsi que les forges sont des fournisseurs très importants pour EADS. Nous avons avec Aubert et Duval, très présente à Toulouse, un dialogue proche et technique très régulier. Le lanceur Ariane 5 est extrêmement fiable, mais peu souple : il exige le lancement de deux satellites ou d'un gros satellite. D'où l'idée d'abord d'améliorer l'étage supérieur d'Ariane 5 pour lui permettre des mises en orbite plus diversifiées et de lancer Ariane 6, en complément d'Ariane 5, d'une taille plus réduite. Aucune décision n'a été prise sur Ariane 6, mais nous avons proposé le financement via le Grand emprunt, d'un intégrateur de technologies, préparant la voie pour Ariane VI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Merci Monsieur le Président de cet exposé très clair. Je remercie également François Desprairies de sa présence.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Permettez-moi une observation sur la difficulté que représente l'organisation de deux auditions concomitantes par la même commission...