Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 21 février 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CNRPA
  • harmonisation
  • pensions de réversion
  • réversion
  • veuvage
  • veuve
  • âge

La réunion

Source

Debut de section - Permalien
Janine Dujay-Blaret, M. Benoît Jayez, responsable de la commission territoriale

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission a procédé à l'audition de Mmes Janine Dujay-Blaret, vice-présidente, Christiane Journeau, responsable de la commission ressources des retraités, M. Benoît Jayez, responsable de la commission territoriale, et de Mme Marie Rozet, membre du Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA).

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Au préalable, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a précisé que la Mecss souhaite plus particulièrement analyser la spécificité du veuvage, par rapport aux problématiques beaucoup plus larges des retraites et du vieillissement de la population. Puis, après avoir rappelé la difficile mise en oeuvre de la réforme des pensions de réversion intervenue en 2003-2004, il a invité les membres du Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA) à présenter cet organisme, et à faire valoir leurs observations et leurs propositions sur ces questions.

Debut de section - Permalien
Janine Dujay-Blaret, vice-présidente

a indiqué que le CNRPA comprend au total trente-deux membres rassemblant des représentants des institutions (notamment Assemblée nationale et Sénat), des associations, des syndicats et des personnes qualifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a souhaité savoir quelle appréciation le CNRPA porte sur la réforme des pensions de réversion et de l'assurance veuvage intervenue en 2003 et 2004.

Debut de section - Permalien
Benoît Jayez

Après avoir indiqué que le CNRPA n'entend pas sortir des limites de ses attributions et n'a donc pas participé au dialogue préalable entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, M. Benoît Jayez a souligné les vives inquiétudes soulevées parmi la population des veuves et des veufs par les mesures réglementaires d'application publiées en août 2004. A cette occasion, le comité s'était unanimement prononcé contre la transformation du mécanisme des pensions de réversion en un système d'allocation différentielle, révisable et présentant in fine le caractère d'une aide sociale.

Debut de section - Permalien
Janine Dujay-Blaret, vice-présidente

s'est déclarée fermement attachée aux principes fondamentaux des pensions de réversion. Elle a estimé que, compte tenu de l'importance du développement récent du travail à temps partiel et de la fréquence des carrières incomplètes, les retraites de droits directs des femmes ne seront pas, à elles seules, avant longtemps suffisantes pour leur permettre de disposer d'un niveau de vie décent à l'âge de la retraite.

Debut de section - Permalien
Marie Rozet

A ce titre, Mme Marie Rozet a fait valoir que, dans le secteur du commerce et de l'artisanat, les épouses ont pendant longtemps participé à l'activité professionnelle de leur mari, sans pour autant acquérir de droits propres. La possibilité qui leur est dorénavant offerte de constituer des droits propres risque de s'avérer un marché de dupes à cause du plafond de ressources, qui entraînera mécaniquement une diminution de leur pension de réversion. Il paraît nécessaire de revoir ces plafonds et notamment la règle de prise en compte des biens propres dans la limite de 3 % de leur valeur. Mme Marie Rozet s'est par ailleurs inquiétée de constater que certaines veuves, conjointes d'artisan, en soient désormais réduites à recourir aux Restaurants du coeur pendant les mois d'hiver.

Debut de section - Permalien
Christiane Journeau, responsable de la commission ressources des retraités

a considéré que la réversion constitue un droit qui est la contrepartie légitime des cotisations acquittées par les assurés sociaux pendant leur vie active.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

s'est demandé s'il convient d'aller vers une harmonisation, voire une unification pure et simple, des règles d'octroi des pensions de réversion. Il s'est également interrogé sur l'opportunité d'étendre le bénéfice de la réversion aux formes de vie en couple autres que le mariage, c'est-à-dire le pacte civil de solidarité (Pacs) et le concubinage.

Debut de section - Permalien
Janine Dujay-Blaret, vice-présidente

Après avoir constaté la grande diversité des règles d'indemnisation du veuvage entre les grands régimes sociaux, Mme Janine Dujay-Blaret s'est inquiétée de l'instabilité juridique qui affecte les pensions de réversion : d'une part, du fait du risque de changement brutal des règles, d'autre part, parce que la pension de réversion est devenue aujourd'hui une allocation différentielle à caractère d'aide sociale révisable périodiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a souhaité savoir quel régime pourrait, le cas échéant, servir de modèle aux autres en matière de réversion.

Debut de section - Permalien
Benoît Jayez, responsable de la commission territoriale

s'est prononcé en faveur d'une harmonisation sur la base du « mieux disant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Revenant sur la réforme de 2003-2004, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a précisé que le législateur avait alors supprimé les conditions d'âge et de non-remariage, sans pour autant aborder dans le détail la question des plafonds de ressources. S'il est exact que les décrets intervenus en cette matière ont suscité des incompréhensions, voire des inquiétudes, les disparités plus générales de niveau d'indemnisation entre les régimes sociaux sont tout aussi mal vécues par les Français.

Debut de section - Permalien
Christiane Journeau, responsable de la commission ressources des retraités

s'est prononcée en faveur de la réalisation d'études approfondies avant la mise en oeuvre d'un futur projet de réforme dans le sens d'une harmonisation, tout en rappelant que ces questions techniques ne relèvent pas des attributions du CNRPA et doivent faire l'objet d'une négociation préalable avec les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a précisé que la Mecss souhaite simplement connaître le sentiment des membres du CNRPA sur une telle perspective d'harmonisation.

Debut de section - Permalien
Janine Dujay-Blaret, vice-présidente

et M. Benoît Jayez ont tous deux indiqué qu'ils seront vigilants, à l'occasion de la prochaine réforme des retraites, face au risque de voir remis en cause les fondements du système des pensions de réversion. En tout état de cause, si une meilleure harmonisation devait être recherchée, ce serait dans la direction d'une amélioration des conditions d'octroi des pensions de réversion, et notamment de la suppression des conditions de ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a fait valoir que la Mecss a conscience des problèmes rencontrés par les veuves et les veufs et entend aborder cette question dans un esprit constructif, loin de toute considération politicienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a souhaité connaître l'opinion des membres du CNRPA sur l'objectif du système de pension de réversion et sur sa justification actuelle, alors que le taux d'activité des femmes s'est considérablement accru depuis 1945. Il s'est demandé par ailleurs si ce dispositif juridique doit ou non rester au sein de l'assurance vieillesse.

Debut de section - Permalien
Janine Dujay-Blaret, vice-présidente

a estimé que si le taux d'activité des femmes a effectivement progressé depuis 1945, leur situation se caractérise toutefois par une durée de carrière plus courte que celle des hommes, et donc par des retraites d'un niveau nettement plus faible. Elle s'est déclarée très hostile à un financement de la réversion par des mécanismes de solidarité, notamment par la caisse nationale de solidarité par l'autonomie (CNSA), dont les fonds sont déjà très sollicités.

Debut de section - Permalien
Benoît Jayez, responsable de la commission territoriale

a défendu la spécificité du système français de réversion et s'est prononcé en faveur de son maintien au sein de l'assurance vieillesse. Se poser la question d'un retrait de la réversion de l'assurance vieillesse équivaut déjà à envisager sa suppression pure et simple.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Après avoir relevé que le CNRPA prône une harmonisation des pensions de réversion sur la base du « mieux disant », M. André Lardeux a souhaité savoir comment le surcoût de cet alignement pourrait être financé.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a pris acte des positions de principe du CNRPA et s'est inquiété de la diminution du pouvoir d'achat des retraités, qui semble avoir avoisiné 15 % depuis 1993. Il a qualifié de « machiavélique » les dispositions des décrets de 2004 sur les conditions de ressources applicables aux veuves et aux veufs, dans la mesure où le renforcement du plafonnement n'avait jamais été clairement annoncé au préalable.

Debut de section - Permalien
Janine Dujay-Blaret, vice-présidente

a considéré qu'il sera sans doute difficile de réaliser une harmonisation immédiate pour tous les assurés sociaux, tout en soulignant que le rôle du CNRPA ne consiste pas à réfléchir au mode de financement si une telle décision politique venait à être prise.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Après avoir remercié le CNRPA pour l'éclairage qu'il a fourni aux parlementaires, M. Claude Domeizel, rapporteur, a souligné que la Mecss entend aborder avec un esprit objectif la question de l'avenir des pensions de réversion.

Debut de section - Permalien
Dominique Arviset, présidente

Puis la commission a procédé à l'audition de Mmes Dominique Arviset, présidente, Christiane Poirier, vice-présidente, Andrée Mengin, secrétaire générale, et Geneviève Lobier, secrétaire générale adjointe, de la Fédération des associations des conjoints survivants (Favec).

a insisté, en introduction, sur les données relatives au veuvage : il existe actuellement en France près de 4 millions de veufs et de veuves, ainsi que 500 000 orphelins de moins de vingt ans. La fédération des associations de conjoints survivants (Favec) regroupe seize unions régionales, ainsi que quatre-vingt-quatorze fédérations départementales. Elle revendique 40 000 adhérents, chiffre à nouveau en hausse après la baisse constatée ces dernières années. La fédération est dorénavant ouverte aux hommes, mais les femmes y demeurent très majoritaires, les statistiques faisant état de six veuves pour un veuf.

La principale préoccupation de la Favec a trait à la reconnaissance du veuvage précoce, pour lequel plus aucun dispositif spécifique ne sera prévu au terme du processus de disparition progressive de l'allocation veuvage. L'absence d'allocation d'orphelin généralisée est également l'un des thèmes prioritaires qui mobilisent la fédération.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a rappelé que le législateur de 2003 n'avait adopté que deux dispositions précises en matière de réversion : la disparition de l'obligation d'âge et celle de l'obligation de non-remariage du bénéficiaire de la pension. Au vu de l'ampleur des contestations suscitées par la précédente réforme, peut-être conviendra-t-il, la prochaine fois, que les assemblées entrent plus avant dans le détail des modifications à adopter.

Approuvant les propos de Mme Arviset sur le veuvage précoce, il a estimé qu'il n'est pas pertinent de traiter sur un pied d'égalité la jeune veuve avec des enfants encore à charge et la veuve plus âgée, dont le conjoint décédé était déjà à la retraite. Il a interrogé les représentantes de la Favec sur les grandes lignes de leurs propositions concernant l'avenir de l'assurance veuvage.

Debut de section - Permalien
Andrée Mengin, secrétaire générale

a rappelé les revendications de la fédération, exprimées avant la réforme de 2003 : l'abaissement de la limite d'âge imposée pour le bénéfice de la pension de réversion, la revalorisation du taux de liquidation jusqu'à 60 %, enfin le renouvellement, voire la suppression, du plafond de cumul.

La suppression de la condition d'âge est incontestablement une avancée pour les conjoints de personnes décédées ayant effectué une carrière complète, c'est-à-dire la plupart des bénéficiaires de cinquante ans et plus. En revanche, pour les bénéficiaires plus jeunes, dont le conjoint n'a pas suffisamment cotisé, les montants servis apparaissent extrêmement modiques : au 1er janvier 2007, la pension mensuelle de réversion s'élevait à 258,08 euros pour une durée de cotisation du conjoint décédé égale à quinze ans ; en dessous de cette durée, le montant de la pension est établi au prorata et n'atteint ainsi que le tiers de la somme si la durée de cotisation n'a été que de cinq ans. Cette allocation apparaît très faible pour une personne qui peut par ailleurs avoir encore des enfants à charge.

S'agissant de la suppression des règles de cumul des droits directs et des droits dérivés instaurée par la réforme de 2003, cette mesure est incontestablement avantageuse pour les petites retraites.

Le principal problème subsistant à l'heure actuelle vient en fait de la suppression progressive de l'allocation veuvage, même si son montant (au maximum 549 euros par mois) est faible et si le nombre de ses bénéficiaires très limité, du fait d'un plafond de ressources fixé à 2059 euros par trimestre.

Antérieurement à la réforme de 2003, l'allocation veuvage était alimentée par une cotisation égale à 0,1 % des salaires, mais la somme ainsi collectée n'était véritablement affectée à sa destination première qu'à hauteur d'un peu plus de 25 %, le reste étant attribué à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), sans contrôle de son utilisation. Le montant des prélèvements effectués au titre de l'allocation veuvage et conservés par la Cnav s'est ainsi élevé à 5 milliards d'euros. La Favec était pour sa part favorable, en 2003, à une amélioration des conditions d'octroi de cette allocation, qui aurait permis un usage intégral du montant des cotisations.

Après la parution de la loi de 2003 et de ses décrets d'application en août 2004, la Favec s'est opposée au durcissement des conditions de plafond de ressources, ainsi qu'au principe de vérification annuelle du respect de ces conditions. En dépit des améliorations apportées par le Gouvernement en 2005, la situation demeure insatisfaisante sur deux points : d'une part, parce que les pensions de réversion de base sont dorénavant incluses dans le calcul du plafond de ressources ; d'autre part, parce que la suppression de la condition d'âge a été repoussée au 31 décembre 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

En réponse à une question de M. Claude Domeizel, rapporteur, sur l'opportunité d'harmoniser à terme les règles d'octroi des pensions de réversion et d'en étendre le bénéfice aux formes de vie en couple autres que le mariage (pacte civil de solidarité [Pacs] et concubinage), Mme Christiane Poirier, vice-présidente, a exprimé la conviction que la pension de réversion doit rester un droit contributif lié au versement préalable de cotisations.

Cependant, l'avenir des pensions de réversion doit être examiné dans un contexte plus large, englobant la question du pouvoir d'achat, des politiques familiales et de l'emploi. Les taux de remplacement des retraites ont diminué depuis 1994. 12 % des retraités vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. S'agissant plus particulièrement du statut des femmes, celles-ci ne peuvent exercer une profession sans l'autorisation de leur mari que depuis 1965, ce qui se traduit encore aujourd'hui par le fait que le niveau des retraites qu'elles perçoivent est en moyenne inférieur de 38 % à celui des retraites des hommes. Dans ce contexte, les pensions de réversion apparaissent indispensables pour assurer un rééquilibrage au profit des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Poirier

s'est déclarée en faveur d'une extension du bénéfice de la pension de réversion à toutes les formes de couple.

Debut de section - Permalien
Dominique Arviset, présidente

Interrogée par MM. Claude Domeizel et Dominique Leclerc sur la praticabilité de cette extension, notamment afin d'éviter les unions de complaisance, Mme Dominique Arviset a estimé qu'il conviendrait peut-être de réserver le droit à réversion aux couples ayant eu au moins un enfant, preuve d'une vie en commun d'une durée minimale.

Debut de section - Permalien
Geneviève Lobier, secrétaire générale adjointe

a de nouveau insisté sur la situation particulièrement préoccupante des jeunes veuves. Il convient en effet de relativiser l'affirmation selon laquelle le taux d'activité des femmes se serait considérablement accru depuis 1945. Si les femmes seules ont un taux d'activité (79,5 %) légèrement supérieur à celui des femmes vivant en couple (75,7 %), c'est parce que l'on comptabilise les femmes travaillant à temps partiel et celles au chômage.

Les femmes représentent 85 % des personnes travaillant à temps partiel. Elles n'ont en outre que rarement des carrières complètes, ayant interrompu ou réduit leur activité, notamment pour élever leurs enfants. La pension de réversion apparaît donc comme une nécessité vitale pour la plupart de ces veuves. Il ne faut pas oublier que les femmes seules avec des enfants sont aujourd'hui en tête du public se trouvant en dessous du seuil de pauvreté.

Sans doute, à l'avenir, faudra-t-il prendre des mesures pour que les femmes accèdent plus facilement à des carrières complètes.

En réponse à la question des rapporteurs sur la nature des pensions de réversion, Mme Geneviève Lobier a estimé à son tour que cette prestation ne relève pas des principes de solidarité et doit rester dans le périmètre des assurances sociales, constitué en contrepartie du versement de cotisations.

Revenant sur la question de l'harmonisation des règles d'octroi des pensions de réversion en réponse à MM. Claude Domeizel, rapporteur, et Guy Fischer, les représentantes de la Favec ont souligné la nécessité d'une harmonisation par le haut grâce à un alignement sur les conditions les plus favorables existant dans les différents régimes. Pour autant, cet effort de rapprochement suppose un travail préalable considérable de mise à jour des données relatives à la réversion : la Favec ne connaît pas, par exemple, le nombre actuel de bénéficiaires de pension de réversion et leur répartition dans les différents régimes.