Nous examinons le rapport d'Yves Daudigny sur le projet de loi de finances rectificatif pour 2012.
Deux articles du projet de loi de finances rectificative pour 2012 intéressent directement notre commission des affaires sociales qui s'en est donc saisie pour avis : l'article 1er, intitulé « dispositions fiscales améliorant la compétitivité des entreprises », qui comporte la mesure dite « TVA sociale » et tous les ajustements qui lui sont liés ; l'article 8, relatif à la contribution supplémentaire à l'apprentissage, dont le barème est augmenté pour les entreprises de plus de 250 salariés qui ne respectent pas un quota d'alternants, lui-même en augmentation.
Avant de vous présenter le dispositif détaillé de ces deux articles et de vous livrer mes principales observations sur leur contenu, je voudrais d'abord insister sur la méthode employée par le Gouvernement.
Nous sommes le 22 février, à deux mois exactement d'une échéance politique majeure pour notre pays, et le Gouvernement nous demande de voter - en urgence - une réforme de grande ampleur, qu'il dit déterminante pour l'avenir de notre économie et la compétitivité de nos entreprises, touchant à la fois la structure de nos prélèvements obligatoires et le mode de financement de notre système de protection sociale. Est-ce bien le moment ?
De deux choses l'une en effet : soit il fallait faire cette réforme avant, et je vous renvoie alors aux rapports Besson et Lagarde de la fin 2007 qui n'étaient clairement pas favorables à la mise en place d'une telle mesure ; soit il faut en faire l'un des éléments phares et prioritaires du programme présidentiel et en prévoir la mise en place après les échéances électorales du printemps. Je note d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale, tant Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, que Gilles Carrez, rapporteur général du budget, ont vigoureusement soutenu à la tribune que, selon eux, il s'agit là d'une réforme de début de législature. Jean Arthuis ne nous a pas dit autre chose hier.
Deux autres points encore me paraissent contestables dans la méthode :
- premièrement, l'urgence dans laquelle nous débattons. Le projet de collectif a été adopté en Conseil des ministres il y a tout juste deux semaines. La commission des finances de l'Assemblée nationale l'a examiné le jour même - une performance à mettre au crédit de cette commission et de son rapporteur général, mais qui laisse planer un doute sur la nature suffisamment approfondie du travail effectué. Enfin, après le vote hier après-midi par l'Assemblée nationale, notre commission des finances a examiné le texte dès hier soir et notre commission des affaires sociales ce matin, avant d'entamer la discussion en séance publique cet après-midi... La suite du calendrier est elle aussi déjà acquise. Au total, le Parlement aura donc adopté en à peine trois semaines un texte aux conséquences très loin d'être négligeables pour l'ensemble de nos concitoyens. Quel parlementaire, quelle que soit son appartenance politique, peut décemment accepter un tel passage en force ? Et qui plus est, sur des sujets aussi importants ? Ce sont les fondements même de notre démocratie que l'on remet en question : les Parlements n'ont-ils pas été créés précisément pour examiner et voter en toute indépendance et sérénité les lois budgétaires des Etats ?
- deuxième source d'interrogation : les dates d'entrée en vigueur des réformes qu'on nous demande d'adopter. La mesure « TVA sociale » est prévue pour s'appliquer à compter du 1er octobre prochain : comment dès lors justifier l'urgence d'un vote avant les élections ? Sauf bien sûr à croire son promoteur qui attend un rebond de consommation du seul fait de l'annonce de la mesure... alors que, dans le même temps, il se dit persuadé qu'aucune hausse des prix n'interviendra après l'augmentation de la TVA ! Il en va de même pour la mesure apprentissage : l'article 8 prévoit de relever à 5 % le quota d'alternants dans l'effectif de l'entreprise à compter des rémunérations versées en 2015, c'est-à-dire pour le calcul de la taxe payée en 2016 ! Qui peut comprendre, là encore, l'urgence de la réforme ?
Ces motifs pourraient à eux seuls justifier le rejet du collectif et le dépôt d'une question préalable, ce qu'a fait hier soir la commission des finances. Je ne m'en tiendrai toutefois pas à ces seuls arguments et voudrai donc maintenant vous parler du contenu des deux articles qui nous concernent.
L'article « TVA sociale » tout d'abord.
Il s'agit d'une mesure à plusieurs facettes :
- le premier volet est une baisse des cotisations sociales patronales affectées à la branche famille. Actuellement, celles-ci s'élèvent à 5,4 % de la totalité des salaires versés par les entreprises. Le dispositif proposé tend à les supprimer complètement jusqu'à 2,1 Smic, puis à prévoir leur diminution progressive jusqu'à 2,4 Smic. Ce faisant, la mesure étend le dispositif d'allégement général dit « Fillon » sur les bas salaires. Elle vise en particulier l'emploi industriel. Au total, la baisse de cotisations envisagée atteindrait 13,2 milliards d'euros ;
- pour compenser cette perte de recettes pour la branche famille, deux ressources sont mobilisées : la TVA et la CSG. Le taux normal de la TVA serait ainsi relevé de 1,6 point, passant de 19,6 % à 21,2 %, ce qui rapporterait 10,6 milliards d'euros. Le taux de la CSG sur les revenus du capital serait relevé de deux points, passant de 8,2 % à 10,2 %, pour un produit attendu de 2,6 milliards d'euros ;
- un compte de concours financiers est créé pour permettre le suivi des versements de l'Etat aux caisses de sécurité sociale. En effet, outre l'affectation d'une fraction de 6,7 % de la TVA à la branche famille, il est prévu de supprimer les affectations de TVA particulières, sur les produits pharmaceutiques, le tabac ou l'alcool, qui alimentent aujourd'hui les comptes de la Cnam et de l'ensemble des caisses au titre des exonérations de charges sur les heures supplémentaires, et de les remplacer par deux nouvelles fractions de la TVA nette.
Je passe sur les autres mesures de moindre importance contenues dans cet article. Vous en trouverez l'analyse dans le rapport écrit.
L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements dont deux me paraissent devoir être mentionnés : la substitution de la hausse du prélèvement social portant sur les revenus du patrimoine et de placement à l'augmentation de la CSG sur ces mêmes revenus ; la répercussion de la modification du taux normal de TVA sur le taux de remboursement forfaitaire du FCTVA, deux compléments judicieux.
Cela étant, la mesure en elle-même, c'est-à-dire la mise en place d'une TVA curieusement dite « sociale », ne me paraît pas acceptable. En effet, malgré tous les démentis du Gouvernement, il est clair que la hausse de la TVA aura un effet inflationniste, au moins partiel, - cela a toujours été le cas, en France comme dans les autres pays lorsqu'on a augmenté les taux - et donc un impact sur la consommation des ménages et, par voie de conséquence, sur la croissance. N'est-ce pas l'inverse de l'effet recherché ?
Par ailleurs, comme nous l'avons toujours dit, la TVA est un impôt injuste qui touche particulièrement les plus modestes dont la totalité du revenu est consommée. Tous ceux qui aujourd'hui ont des fins de mois difficiles auront, dès la rentrée, des fins de mois impossibles !
L'effet attendu en termes de compétitivité semble aussi devoir être relativisé. Thomas Piketty nous a dit qu'il n'aurait qu'un temps limité car nos partenaires et voisins européens s'adapteront vite au nouveau contexte. Jean Arthuis a, de son côté, assimilé la mesure à une dévaluation ; or, chacun sait que les dévaluations n'ont qu'un effet à court terme. Notre problème de compétitivité est en effet d'une tout autre nature : il résulte d'un retard en termes de création, de recherche, d'innovation. C'est d'une vraie politique industrielle dont notre pays a besoin aujourd'hui !
Enfin, que dire de l'objectif affiché par le Gouvernement qui attend de la mesure 100 000 créations d'emplois ! Même dans les rapports de 2007, rédigés par deux membres du Gouvernement de l'époque, Eric Besson et Christine Lagarde, on ne tablait pas sur plus de 30 000 à 40 000 emplois créés et cela dans un délai de plusieurs années.
Vous le voyez, mes chers collègues, quel que soit l'angle sous lequel on examine la réforme proposée - qui, je ne le conteste pas, peut avoir des aspects, en théorie, séduisants - on est conduit à douter fortement de son efficacité. Il me paraît donc impossible de l'adopter aujourd'hui en l'état et d'imposer à nos concitoyens une hausse aveugle de la TVA.
J'ajouterai encore un mot pour dire qu'aucune garantie réelle n'est apportée pour une compensation à l'euro près à la branche famille de la perte d'une partie de ses recettes. Certes un rapport au Parlement, faisant le bilan des comptes, est prévu. Mais notre commission a déjà connu de telles situations dans le passé. On en revient toujours au fait que la sécurité sociale est une variable d'ajustement commode pour le budget de l'Etat ! Dans la situation dégradée des comptes de la branche famille, nous ne pouvons cautionner une telle légèreté.
J'en viens à l'article 8 sur la réforme de la contribution supplémentaire à l'apprentissage.
Cet article, d'une moindre ampleur, n'en est pas moins surprenant car il entrera pleinement en vigueur en 2016 seulement... Une fois de plus, il s'agit avant tout d'affichage ! Or, je vous le rappelle, nous avons réformé ce mécanisme de soutien à l'apprentissage il y a quelques mois à peine, en juillet dernier, lorsque nous avons décidé de le rendre progressif afin de récompenser les entreprises qui augmentent leur nombre d'alternants ou dépassent l'obligation légale, soit actuellement 4 % de salariés en alternance.
La mesure proposée relève à 5 % ce quota d'alternants à compter de 2015. Elle prévoit également une modification des taux de la contribution, en fonction de l'écart des entreprises au seuil fixé par la loi.
N'aurait-il pas été plus pertinent d'attendre quelques mois la complète application de la loi de juillet dernier et d'en effectuer une évaluation sérieuse avant de modifier ses dispositions ? Tout cela milite en faveur du rejet de cet article. C'est pourquoi, je vous propose de nous rallier à la motion adoptée hier soir par la commission des finances et de nous associer au vote de la question préalable qu'elle a décidé de présenter cet après-midi au Sénat.
Une fois de plus, la branche famille sert de variable d'ajustement. J'avais déjà émis des doutes et des inquiétudes sur sa pérennité financière lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 : alors qu'elle était traditionnellement bénéficiaire, la branche famille connaît depuis plusieurs années une trajectoire déficitaire. Le projet de TVA sociale renforce mes inquiétudes. Dans la période de crise que nous connaissons, comment va-t-on parvenir à financer les prestations des familles qui sont de plus en plus nombreuses à être en situation de précarité ?
Nous débattons aujourd'hui d'un texte avant tout technique. Qui peut contester le fait que le coût du travail en France est trop élevé ? Qui ne souhaite pas éviter les délocalisations ? Certes, le coût du travail n'est qu'un élément de la compétitivité française. D'autres mesures ont été mises en oeuvre comme le grand emprunt, la réforme de la taxe professionnelle ou le crédit d'impôt recherche. Il ne s'agit pas de réformer le financement de la protection sociale, sujet sur lequel nous devrons revenir pour trouver des solutions globales. Les auditions par la commission des affaires sociales, de Thomas Piketty et Jean Arthuis, ouvrent des pistes pour une réforme à long terme du financement de la protection sociale. Mais dans la période de crise actuelle, nous devons prendre des mesures immédiates. Si les esprits n'étaient sans doute pas assez mûrs il y a quelques années pour adopter la TVA sociale, ce n'est plus le cas maintenant. Pour cette raison, nous voterons contre l'adoption de la question préalable.
Je souhaiterais faire remonter les préoccupations de certaines collectivités territoriales. Les agents de la fonction publique ne seront pas concernés par la baisse des charges sociales. Pouvez-vous m'éclairer sur ce point ?
Je partage entièrement les propos du rapporteur général, tant sur la méthode que sur le fond. Le Président de la République nous a promis une idée par jour jusqu'à la fin de la mandature, c'est ce à quoi nous assistons. Cependant, lorsqu'on a des idées, il faut savoir les mettre en perspective : pourquoi nous présenter ce projet maintenant ? Ne soyons pas dupes. La crise existe depuis longtemps et le Gouvernement pouvait prendre des mesures bien avant, ce qui aurait laissé au Parlement le temps de les examiner. Nous avons adopté hier la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine, texte pour lequel la navette parlementaire a duré trois ans. Dans le cas présent, il s'agit de faire payer les consommateurs pour alléger les charges des entreprises. Je trouve cela déplorable dans le contexte actuel.
L'initiative de la France n'est pas isolée. Le Danemark et l'Allemagne, qui ont des taux de chômage bien moins élevés que le nôtre, ont mis en place une TVA anti-délocalisations ou TVA de compétitivité. La Commission européenne ne recommande pas autre chose, en encourageant le développement des taxes carbone et des impôts sur la consommation. La déclaration finale du sommet européen du 30 janvier 2012 souligne la nécessité d'alléger le coût du travail. Nous devons trouver les moyens d'être plus compétitifs dans le monde actuel.
Qui seront les salariés concernés par la baisse des charges ? Il s'agit particulièrement du monde agricole et de l'industrie. Je pense notamment à l'industrie automobile dont 85 % des salariés devraient être concernés. Or nous savons bien que l'industrie automobile tend à délocaliser ses activités.
Quand j'observe la situation de la Grèce, de l'Italie, du Portugal ou de l'Espagne, j'estime qu'il faut agir au plus vite. Il est donc légitime que le Président de la République et le Gouvernement continuent de travailler, même en période électorale.
La TVA sociale constitue une mesure parmi d'autres pour renforcer notre compétitivité, j'y suis favorable. Le texte proposé concerne les charges patronales, il s'agit d'un premier pas. Lorsque j'étais en campagne avec Christophe Béchu dans notre département, nous avons très souvent évoqué la TVA sociale. Il s'agit d'un sujet technique, difficile à expliquer, mais qui, au final, est assez bien compris. Une question récurrente revenait : aurez-vous le courage nécessaire pour la mettre en oeuvre ? Aujourd'hui, l'augmentation de TVA proposée est mesurée : elle ne touche pas les taux réduits et ne s'applique donc pas aux produits de première nécessité. Si j'attendais cette mesure depuis longtemps, je ne suis pas étonnée par le calendrier. Contrairement à Ronan Kerdraon lorsqu'il évoque la proposition de loi relative aux recherches sur la personne, je ne pense pas que nous puissions imposer aux entreprises des délais démesurés pour la mise en oeuvre d'une telle réforme.
Les propos de nos collègues UMP me semblent en contradiction avec ceux du Président de la République. Ce dernier souhaite se rapprocher des Français. Pourquoi alors ne pas organiser de référendum sur la TVA sociale ? Il existe aujourd'hui un fossé entre ses propos et les actes de son Gouvernement.
Par ailleurs, je pense que les chefs d'entreprise se plaignent moins du manque de rapidité des réformes que de l'instabilité législative. Nous devons prendre davantage notre temps car les réformes que nous votons engagent le pays dans son ensemble.
En 2007, personne ne pouvait anticiper l'impact qu'aurait la crise. Il y a une grande différence entre ce que nous souhaitions faire alors et ce qui est aujourd'hui possible. Cela s'applique aussi bien à nous sénateurs qu'au Président de la République. Quant à organiser un référendum, cela ne paraît pas adapté. Il faudrait alors soumettre chaque budget à référendum ?
J'admets que l'augmentation de la TVA peut sembler importante et qu'une hausse des prix, même modérée, est loin d'être négligeable pour les Français.
Le rapporteur général n'a pas parlé de la taxe sur les transactions financières, qui permet de faire contribuer le secteur financier au redressement de nos finances publiques. Il s'agit pourtant d'un élément important de ce collectif budgétaire. Concernant la méthode proposée, je trouve regrettable de demander l'adoption d'une question préalable sur un sujet aussi important, ce qui empêche tout débat.
Isabelle Debré parle de TVA anti-délocalisations. Est-ce que cela veut dire qu'une telle mesure inciterait Renault à construire son usine en France plutôt qu'à Tanger ? Je reste dubitative.
Je regrette que notre assemblée ne puisse débattre plus avant et utilise cet artifice que constitue la question préalable. On peut certes contester la date à laquelle nous est présenté ce projet de loi. Je voterai cependant contre la question préalable. Je rappellerai également qu'avec Alain Vasselle, nous avons essayé de longue date de rééquilibrer nos comptes sociaux à travers une augmentation de la CSG. Or le projet de loi qui nous est présenté propose une augmentation de deux points de la CSG sur les revenus du capital. La majorité sénatoriale pourrait au moins être d'accord avec cette mesure. Je regrette qu'on ne puisse décortiquer ce projet de loi afin d'aller plus au fond des choses et d'adopter des mesures permettant de rééquilibrer les comptes sociaux.
Si nous sommes tous soucieux de revoir le mode de financement de notre protection sociale, deux approches économiques s'opposent. L'élection présidentielle constitue un moment fort pour confronter ces deux approches et permettre aux Français de trancher. J'estime pour ma part qu'il y a une erreur économique à vouloir transférer les impôts des entreprises sur les ménages : cela leur fait perdre du pouvoir d'achat et enfonce un peu plus notre pays dans la crise. La ministre du budget explique que la TVA sociale permettra de créer environ 100 000 emplois. La rapporteure générale de la commission des finances table plutôt sur une fourchette allant de 40 000 emplois non détruits à 10 000 emplois créés. En outre, le Gouvernement voit dans le coût du travail l'élément central de notre compétitivité. Cela est discutable. L'Allemagne n'est d'ailleurs pas si éloignée que nous du point de vue du coût horaire du travail.
Je crains qu'on ne confonde ici vitesse et précipitation, d'autant que les mesures proposées n'auront d'effet qu'après l'élection présidentielle. S'il y a urgence à revoir notre système de financement de la protection sociale, il faudrait profiter de la période présidentielle pour permettre à nos concitoyens de trancher entre les deux approches qui leur sont proposées.
La minorité sénatoriale considère que nous abaissons le rôle du Parlement en ayant recours à la question préalable. Ce raisonnement, qui a déjà été utilisé de façon inutilement agressive lors de l'examen de la proposition de loi sur le transport aérien, me semble faux. Opposer la question préalable constitue un acte politique fort : il s'agit d'affirmer que les conditions nécessaires pour le débat ne sont pas réunies. Nous avons justement trop de respect pour le Parlement pour nous contenter de faux semblants. Vous confondez l'empirisme, c'est-à-dire une réponse mécanique ne s'inscrivant pas dans une réflexion d'ensemble, et pragmatisme. Refuser aujourd'hui le débat, c'est respecter le Sénat.
Au regard de l'agressivité des débats qui ont eu lieu sur la proposition de loi relative aux licenciements boursiers, je serais tenté de dire « un partout, balle au centre ».
La TVA sociale permet de corriger une anomalie historique qui consiste à faire peser le financement de la branche famille sur les entreprises. En outre, nous oublions que la mesure proposée n'entraîne pas une augmentation sèche de la TVA mais aura des conséquences sur les coûts de revient des entreprises. Enfin, je souligne que la TVA peut être un impôt juste lorsque l'on tient compte du panier de biens du consommateur. Nous devons donner aujourd'hui des signaux forts. Il s'agit d'un premier pas qu'il faudra compléter par la suite en jouant sur les taux réduits ou en créant un taux plus élevé pour les produits haut de gamme. Tout l'enjeu est de parvenir à utiliser de façon intelligente le levier de la TVA. Je note par ailleurs qu'il y a encore quelques temps, certains amis de la majorité sénatoriale étaient favorables à une TVA anti-délocalisations.
Je regrette que la discussion sur la TVA sociale arrive aussi tard dans la mandature et sans une étude d'impact réelle. Le groupe centriste partage de longue date la position de Jean Arthuis et, comme lui, nous considérons que le présent projet de loi ne va pas suffisamment loin et devrait s'inscrire dans une réforme beaucoup plus globale du financement de la protection sociale. Je voterai cependant contre la question préalable.
Nous sommes certes à deux mois de l'élection présidentielle mais la gravité de la situation économique nous impose de continuer à travailler. Pourquoi se priver des gains de compétitivité que permettrait la TVA sociale ? Je suis convaincue que cette question fera bientôt l'objet d'un consensus.
Il s'agit de tout sauf d'une mesure technique mais bien d'une réforme révélant deux positions politiques opposées. Je partage les inquiétudes qui ont été exprimées concernant la situation financière de la branche famille : aucune garantie ne permet d'assurer la neutralité de la réforme sur son financement. Je suis également sensible aux arguments de Claude Jeannerot sur le respect du travail législatif. Compte tenu de l'ampleur du sujet, il serait nécessaire d'être en mesure de travailler correctement.
Pour répondre à la question d'Isabelle Pasquet, je ne suis pas sûre que la TVA sociale empêcherait une telle délocalisation. Je me souviens cependant qu'un précédent candidat à l'élection présidentielle avait déclaré : « contre le chômage, on a tout essayé ». De notre côté, nous continuons d'essayer et de travailler.
Nous connaissons tous la situation économique de la France. Son déficit commercial s'élève à 70 milliards d'euros, un record jamais atteint. La dette de la Cades atteint 140 milliards d'euros. La France est aujourd'hui la seule démocratie occidentale à financer à crédit sa protection sociale. Comme le disait Gilbert Barbier, il faut retourner à l'équilibre des comptes sociaux.
Nous voulons tous donner plus de compétitivité à notre industrie mais nous n'avons pas la même vision de l'impact qu'auraient des mesures portant sur le coût du travail. Ce n'est pas seulement le coût du travail qui explique notre déficit de compétitivité vis-à-vis de l'Allemagne et la TVA sociale n'aura que peu d'effets. Si l'on prend l'exemple de l'industrie automobile, une Laguna coûtera un peu moins cher et une Audi un peu plus cher. Est-ce que cela veut dire que les consommateurs français n'achèteront plus de voitures allemandes ?
Concernant les circonstances dans lesquelles cette réforme nous est présentée, la ficelle est un peu grosse : certes, il faut agir en fonction de la conjoncture, mais pas uniquement du calendrier électoral. Le Gouvernement veut montrer qu'il continue de travailler en ouvrant des chantiers dont la mise en oeuvre n'interviendra que dans plusieurs mois voire plusieurs années.
Comme je l'ai écrit dans mon rapport, il y a dans la TVA sociale des aspects intellectuellement intéressants. Mais si j'ai écouté hier Jean Arthuis avec intérêt, les bienfaits qu'il envisage de la mesure ne peuvent se réaliser pleinement que dans un monde économique idéal. Or c'est loin d'être le cas. Face à la baisse des charges sociales, un chef d'entreprise peut aussi bien choisir de diminuer ses prix que d'augmenter ses marges, d'investir ou d'augmenter les salaires.
Le Medef proposait de diminuer les cotisations salariales en plus des cotisations patronales. Le Gouvernement n'a pas fait ce choix : les salariés ne bénéficieront donc pas directement de la baisse de charges mais seront pleinement pénalisés en tant que consommateurs par la hausse des prix.
Pour répondre à Patricia Schillinger, les salariés du secteur public, qui sont à l'abri de toute concurrence internationale, ne sont en effet pas concernés par la mesure. Ils subiront cependant de plein fouet la hausse des prix.
Pour répondre à Gilbert Barbier, la TVA sociale n'apporte aucune réponse à la question du financement de la protection sociale puisque son impact sera, dans le meilleur des cas, neutre sur le niveau des recettes.
Concernant l'intervention de Jean-Noël Cardoux, il n'est pas si simple de moduler le taux de TVA en fonction des produits. Nous sommes en effet liés sur ce point par les contraintes communautaires. S'agissant de l'anomalie historique qu'il conviendrait de corriger, je rappelle que notre système de protection sociale a été pensé à la fin de la Seconde Guerre mondiale sur un mode contributif et assurantiel, à une époque de plein emploi. Les évolutions intervenues ces dernières années, notamment la fiscalisation d'une partie des recettes de la protection sociale, nous invitent à le faire évoluer. Il s'agit là d'un débat bien plus général.
J'acquiesce totalement à l'intervention de Claude Jeannerot sur le rôle du Parlement. Respecter le Parlement, c'est tenir compte des calendriers électoraux et respecter le temps d'analyse nécessaire.
Gilbert Barbier soulignait que certaines propositions du collectif budgétaire pourraient nous convenir. Il est cependant difficile de sélectionner certaines dispositions au sein de cet article « fourre-tout » qu'est l'article premier. Il est plus clair de refuser en bloc la démarche du Gouvernement.
Colette Giudicelli a parlé de la taxe sur les transactions financières. Il s'agit en effet d'une mesure intéressante mais qui n'est pas du ressort de la commission des affaires sociales.
Sur la question de la compétitivité dont personne ne remet en cause le sérieux, un document de la Commission européenne a été présenté hier à la commission des finances qui place la France en deuxième position en termes de perte de parts de marché sur les cinq dernières années, derrière la Grèce et à égalité avec Chypre. L'Allemagne a certes perdu de la compétitivité mais dans une moindre mesure.
Je terminerai sur ce qui nous a été avancé concernant la difficulté à mettre en oeuvre immédiatement la TVA sociale. Je remarque que le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait une augmentation du taux réduit de TVA qui s'est appliquée dès le mois de janvier dernier. S'il est aussi urgent de mettre en place la TVA sociale, pourquoi reporter sa mise en application au mois d'octobre? Aucun argument technique ne semble en tout cas s'opposer à son application rapide.
La commission des affaires sociales décide qu'elle votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Avant d'entendre Valérie Létard, je souhaite la bienvenue à notre collègue de la commission de la culture, Françoise Laborde, qui s'intéresse de très près au sujet de l'autisme et que j'ai invitée à assister à notre réunion.
La ministre des solidarités, Roselyne Bachelot-Narquin, m'a confié, au printemps dernier, une mission d'évaluation du troisième plan autisme, près de quatre ans après le début de sa mise en oeuvre. L'objectif était d'établir un premier point d'étape sur les différentes mesures préconisées en 2008. Ont-elles répondu aux attentes des familles en souffrance dans les domaines du diagnostic précoce ou de l'accompagnement des jeunes adultes ? Le rapprochement avec le handicap a été confirmé. Dans la perspective d'un prochain plan, faudra-t-il inventer de nouveaux dispositifs ou réactiver les outils en place ?
D'abord, le constat. Les chiffres parlent d'eux-mêmes sur la nécessité de donner un coup d'accélérateur à l'accompagnement de l'autisme. En effet, 5 000 à 8 000 enfants naissent chaque année atteints d'autisme ou de troubles envahissants du développement (TED). Aucune enquête épidémiologique poussée n'a jamais été menée en raison des difficultés à établir le diagnostic. On estime néanmoins que la France compte entre 350 000 et 600 000 autistes. A minima, le taux de prévalence est d'un enfant sur cent cinquante ; une fille pour quatre garçons serait atteinte d'autisme ou de TED. Comparable par son ampleur à la maladie d'Alzheimer, l'autisme représente une charge très lourde pour les familles.
Grâce au plan 2008-2010, de réelles avancées ont eu lieu. Au niveau quantitatif, de nouveaux moyens ont été déployés : 187 millions d'euros, dont 173 affectés à la création de 4 100 places supplémentaires en établissements spécialisés. Si 1 672 places sont effectivement installées, toutes n'ont pas encore vu le jour en raison du délai entre l'obtention de l'autorisation et leur ouverture effective. Un effort particulier a aussi été porté sur l'accompagnement hors établissement, puisque 711 places de services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ont été autorisées en trois ans. Le plan n'en prévoyait que six cents en cinq ans. Les objectifs chiffrés ont donc été atteints. En outre, vingt-quatre structures expérimentales ont été mises en place, ce qui représente 381 places pour un coût global de 20 millions d'euros. Le montant par an et par enfant s'y élève à 50 000 euros. S'y exercent plusieurs méthodes, parmi lesquelles ABA, Teacch et Makaton, dans le but de fournir aux enfants un accompagnement spécifique. Nous sommes actuellement dans une phase d'expérimentation ; il faudra attendre plusieurs années pour dresser le bilan de ces centres.
Au niveau qualitatif, la Haute Autorité de santé (HAS) a validé, en mars 2010, le socle de connaissances partagé, qui donne pour la première fois une définition de l'autisme et des TED, en précisant les spécificités du fonctionnement d'une personne autiste et les outils de repérage, de diagnostic et de suivi de l'évolution de son état de santé. A la différence des Etats-Unis et des autres Etats européens, l'autisme était en France jusqu'alors assimilé à une psychose infantile, classée parmi les maladies mentales. La prise en charge était pilotée par la psychiatrie et la psychanalyse. La validation du socle de connaissances a constitué un point de départ pour un nouveau mode de suivi, qui utilise tous les outils disponibles pour accompagner individuellement les enfants et les adultes autistes. A la suite de mes auditions avec les différents acteurs, il m'est apparu nécessaire de nous inspirer des exemples étrangers pour cheminer vers un accompagnement individualisé, dit pluriméthode. Un autiste atteint d'un trouble sévère ne doit ainsi pas être pris en charge de la même façon qu'un enfant atteint du syndrome d'Asperger. Quand le premier devra être accueilli dans un établissement hospitalier spécialisé, le second pourra, avec l'aide d'un auxiliaire de vie scolaire (AVS), bénéficier de méthodes comportementales à l'école et dans sa famille.
Cependant, les délais restent insupportables pour les familles. Dix mois sont nécessaires pour accéder au dépistage dans un centre de ressources autisme (CRA) et un an pour obtenir une place dans une structure spécialisée. Dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple, ce délai est porté à deux ans et cent cinquante enfants attendent d'être dépistés. L'approche des CRA est conforme à la nouvelle définition de l'autisme. Très recherchés pour leur diagnostic, ils sont engorgés et s'écartent de leur mission fondamentale d'information et de diffusion des bonnes pratiques. Enfin, le délai d'examen des plans d'aide par les commissions d'accès aux droits varie de six à dix-huit mois.
En outre, le diagnostic n'est pas encore assez précoce, ce qui se traduit par une diminution des chances de l'enfant de gagner en autonomie. En moyenne, un enfant est dépisté vers l'âge de six ans, alors que des outils existent pour un dépistage dès l'âge de trois ans.
De plus, certaines mesures n'ont pas donné le résultat escompté. L'étude de l'épidémiologie de l'autisme n'en est qu'à ses balbutiements. En février 2010, l'institut national de veille sanitaire (InVS) et l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont lancé un programme d'élaboration d'un protocole d'études épidémiologiques. Mais on ne dispose pas encore d'outils épidémiologiques opérationnels. Or, le premier objectif du plan était de mieux connaître l'autisme.
La formation des professionnels est, quant à elle, encore insuffisante et le pilotage, au niveau national, de la politique de formation à l'autisme manque de cohérence.
Enfin, en raison du retard de la validation de la définition de l'autisme, d'autres mesures listées par le plan n'ont, jusqu'à présent, pas été suivies d'effet : l'évolution des métiers du médico-social, la prise en charge des adultes, l'accompagnement dans l'emploi et le logement ou l'accès aux soins somatiques.
Après l'élan du démarrage, le plan s'est progressivement essoufflé. Le comité national réunissant les représentants de la psychiatrie, du secteur médico-social, de l'éducation nationale et les associations familiales, ne se réunit plus depuis deux ans. Or, il constituait le lieu du dialogue et de l'évaluation entre les acteurs du secteur. Nous perdons du temps. Un travail supplémentaire de définition est nécessaire, notamment sur le contenu de la formation des AVS. Je vous propose de définir cinq champs de travail.
D'abord, il faut piloter, c'est-à-dire relancer une gouvernance dynamique et cohérente du plan. C'est en apaisant les différences d'approches que la nouvelle définition de l'autisme pourra servir de point de départ au suivi individualisé des enfants. Après le pilotage interministériel, le plan doit se décliner au niveau régional à travers les agences régionales de santé (ARS) et les CRA.
Deuxième axe, la connaissance. Il faut s'appuyer sur l'état des connaissances partagées pour mettre en place les prises en charge individualisées.
Il est nécessaire également de former, en se fondant sur la définition acceptée par la communauté internationale. Un groupe de travail dédié à la formation doit réunir tous les acteurs. Sans forcément déployer de nouveaux moyens, il convient d'adapter la formation continue à tous professionnels, de mieux encadrer l'agrément des formateurs et d'activer les formations en place.
Un autre champ d'action est celui de l'accompagnement dans le parcours de vie. En l'absence de diffusion des outils d'accompagnement sur le territoire national, aucun modèle national d'insertion professionnelle ni d'accès au logement adapté n'est disponible. C'est pourquoi il est important que l'autisme soit, cette année, élevé au rang de Grande cause nationale.
Enfin, le dernier axe consiste à diversifier la palette des solutions d'accueil et d'accompagnement. Les méthodes doivent être adaptées à la forme d'autisme et à l'environnement de l'individu.
En réactivant le comité national, nous serons en mesure de dépassionner le débat. En nous appuyant sur le socle de connaissances partagé, nous pourrons tourner la page des modes de prise en charge traditionnels, dans l'intérêt des personnes autistes.
Votre rapport propose trente mesures et cinquante recommandations. Vous dites que la définition de l'autisme est fondamentale pour déterminer les modalités de prise en charge. Pouvez-vous nous préciser les dispositifs d'accompagnement des familles ?
En tant que président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, je travaille actuellement sur le schéma départemental de l'autonomie, en partenariat avec l'ARS. Il concerne à la fois les personnes âgées, autistes et handicapées et sera adopté en juin prochain. Quels moyens seront donnés aux ARS pour la mise en oeuvre de ce schéma ?
A mesure que nous l'établissons, nous constatons le manque de porteurs de projets solides et de périmètre juridique clair. A la différence du handicap et de la dépendance, la compétence des collectivités territoriales en matière d'autisme est floue. Alors que les familles souhaitent sortir des grandes structures au profit d'établissements plus humains, quels types de personnel seront reconnus et validés par les ARS ?
Enfin, des programmes de formation sur l'autisme se développent, par exemple entre les universités de Bilbao et des pays de l'Adour. Comment encourager ce type de formation universitaire ?
Quelles sont les parts respectives de l'autisme et des TED dans les statistiques que vous nous avez exposées ? La différence est de taille puisque des TED sont diagnostiqués comme de l'autisme, qualification dont on connaît les effets culpabilisants sur les parents. Je suis étonné que le dépistage mène à un classement des enfants dans une catégorie donnée. Il devrait être évolutif.
Le conflit relatif à la mainmise de la psychiatrie, en particulier de la psychanalyse, sur l'autisme a été porté sur la place publique. La décision de la HAS de mars 2010 constitue une avancée, mais doit être suivie d'autres publications scientifiques. Quelle est votre position sur l'approche comportementale, jusqu'à présent cantonnée à un rôle subalterne ?
Il me semble que la connaissance devrait figurer avant le pilotage dans le classement de vos axes d'action. On est loin de tout savoir : les recherches génétiques n'en sont qu'au stade du balbutiement.
En France comme ailleurs, l'autisme doit être abordé de manière empirique. La recherche est la priorité et la condition pour mettre en oeuvre une démarche épidémiologique. Je me félicite du changement de définition de l'autisme. Mais il n'appartient pas aux politiques d'entrer dans le débat médical. La recherche doit se poursuivre : comment, par exemple, expliquer la différence de prévalence entre les filles et les garçons ?
Les autistes et leur famille vivent des drames. On a insisté sur l'importance de la diversification de la formation des professionnels. Il faut également donner des clés aux parents, qui se trouvent souvent dans un état d'incompréhension et de désespérance. Une approche diversifiée et adaptée à chaque catégorie sociale est donc également nécessaire.
Sans entrer dans un débat politicien, je pense que l'autisme est réellement une grande cause nationale. Il touche 600 000 personnes, sans que les moyens suffisants soient fournis pour améliorer le dépistage précoce et le suivi individuel. Ainsi, chaque année, des AVS sont contraints de quitter leur poste, quand la permanence du lien est en l'espèce si fondamentale. Comment traduire le plan national au niveau régional, puis individuel ? Peut-être pouvons-nous nous inspirer des lieux de vie communs qui, à Arras par exemple, fournissent à la fois un suivi médico-social et médical ainsi qu'un logement adapté ?
Certains AVS travaillent douze heures par semaine : ce n'est pas suffisant. Le contingent horaire des AVS doit être augmenté et leur emploi pérennisé.
L'enfant autiste est souvent renvoyé dans sa famille avant tout dépistage ou accompagnement. On a créé 4 100 places pour 600 000 personnes, avez-vous dit : l'écart est effrayant ! En outre, les vingt-quatre structures expérimentales se situent-elles exclusivement en région parisienne ? C'est une discrimination territoriale de plus.
Enfin, alors qu'une famille aisée trouvera toujours des solutions de prise en charge de l'enfant autiste, une famille défavorisée ou monoparentale sera totalement démunie.
Il est vrai que certaines familles sont contraintes de déménager pour se rapprocher des structures adaptées.
Comment dépiste-t-on l'autisme ? Les enseignants et les médecins sont-ils formés pour identifier un enfant autiste ?
Nous devons garder vos chiffres à l'esprit. Beaucoup de familles, désespérées, sont livrées à elles-mêmes. Certaines doivent en effet déménager, j'ai en mémoire l'exemple d'un couple de fonctionnaires, dont l'un a été contraint de demander sa mutation en zone frontalière, afin que leur enfant autiste puisse bénéficier des méthodes utilisées en Belgique.
La connaissance doit constituer la priorité. Je comprends la volonté de Valérie Létard de mettre l'accent sur le pilotage, qui est fondamental pour la recherche. La validation de la nouvelle définition de l'autisme par la HAS est un progrès. Mais il est regrettable que le comité national ne se réunisse plus depuis deux ans. Ce sont autant d'années perdues pour les autistes et leurs familles ! Une volonté politique nationale forte est indispensable pour que les moyens, notamment en matière de scolarisation, soient renforcés. Il est urgent de rattraper notre retard qui, malgré le plan autisme et la Grande cause nationale, continue de se creuser.
Au sein de la commission pour l'application des lois, nous étudions actuellement l'application de loi handicap votée en 2005. A l'époque, aucun distinguo n'avait été fait entre l'autisme et le handicap. En ma qualité de corapporteure, je veillerai à ce que l'autisme entre dans le champ de notre rapport.
Les chiffres annoncés sont effectivement inquiétants. Les parents sont souvent poussés au nomadisme : ils passent de médecin en médecin, parfois dans des territoires désertés par les pédiatres. Les charges peuvent s'élever à 3 000 euros par mois pour certaines familles, qui doivent chercher des financements par elles-mêmes. Nous devons leur donner des réponses sans attendre, en nous inspirant du modèle allemand par exemple.
N'oublions pas le rôle du conseil général : il assure souvent l'hébergement des personnes autistes via la prestation de compensation du handicap (PCH). Les plans de compensation du handicap vont jusqu'à 10 000 euros par personne et par mois, car les personnes autistes peuvent être polyhandicapés. Il est temps de reconnaître l'engagement du conseil général dans ce domaine.
Il faut clarifier ce qui relève du conseil général, de la Grande cause nationale et des ARS. Ces dernières doivent davantage s'approprier cette mission.
Certains mots ont un tel poids qu'il faut se garder de les extraire de leur contexte. C'est le cas de l'autisme. Il est pertinent d'appréhender chaque personne autiste en fonction de sa place au sein de la famille, de l'école et de la cité. Je suis également favorable à la démarche pluriméthode. Comme Gilbert Barbier, je pense qu'il est temps de mettre un terme aux trente ans de guerre qui oppose les comportementalistes aux psychanalystes. Mais comment appliquer de manière pragmatique cette décision politique ?
Deux pistes doivent être explorées : la sensibilisation des professionnels de la petite enfance au dépistage de l'autisme et la mise en place d'une véritable guidance parentale grâce au renforcement de l'information.
Comme les autres présidents de conseil général, je m'interroge sur le financement du plan autisme. La contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sera-t-elle déduite des crédits globaux de la PCH et de l'aide personnalisée à l'autonomie (APA) ?
Par ailleurs, la querelle entre les partisans de la psychanalyse et ceux des théories comportementales se poursuit-elle ? Le député Daniel Fasquelle a déposé, le mois dernier, une proposition de loi visant à mettre fin aux pratiques psychanalytiques dans l'accompagnement des personnes autistes. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, comment soutenir les familles ? Dans l'Aisne, j'ai l'exemple d'un enfant autiste pris en charge par ses grands-parents, parce qu'il n'existe aucun centre spécialisé dans le département. Comment résoudre les difficultés juridiques et financières des familles ?
Des structures spécifiques sont-elles dédiées aux personnes âgées autistes ? Des places leur sont-elles réservées dans les établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ephad) ? Quelles sont les parts prises en charge respectivement par le plan gérontologie et par le plan autisme dans le département ?
Beaucoup d'AVS ne sont pas suffisamment formés et sont susceptibles d'être remplacés au bout de deux ans d'exercice, à tout moment de l'année scolaire. Il est indispensable de progresser sur cette question.
Je constate aussi qu'une véritable inégalité territoriale sévit dans la prise en charge de l'autisme. Il semble préférable pour une famille d'habiter non loin de la Belgique ! Le degré d'implication de l'ARS compte également, en particulier pour l'encadrement des appels à projet.
Par ailleurs, je suis étonnée que les professionnels continuent d'être formés à la méthode du packing. Un cadrage politique de cette pratique, qui relève de la maltraitance, s'impose.
Enfin, la nouvelle définition de l'autisme déculpabilise les parents. Merci de dire haut et fort que les mères ne sont pas responsables !
Je diffuserai votre rapport, Madame Létard, dans le Doubs, où le dialogue entre les élus, les familles et les associations est permanent. En tant que président de conseil général, je ne ferai pas un plaidoyer en faveur de l'institution, mais il est vrai que le rôle du conseil général est cité trop tard dans le rapport. C'est bien à lui que les associations et les parents font appel. La responsabilité départementale doit être clarifiée et reconnue.
Je m'interroge également sur le choix de la méthode que vous avez adoptée. Vous avez privilégié, semble-t-il, l'étude des grandes régions urbanisées. J'ai l'intuition que les difficultés n'y sont pas les mêmes que dans les territoires ruraux...
Quels enseignements tirez-vous des expériences belge et néerlandaise ? Sous quel délai pourrons-nous espérer être performants dans la prise en charge de l'autisme ?
Grâce à la Grande cause nationale, la société et les médias vont être mobilisés. Il faut avant tout expliquer au plus grand nombre ce qu'est l'autisme pour que les regards changent. A chaque niveau de la société et du territoire, tous les acteurs doivent faire évoluer l'image caricaturale et réductrice qui en est véhiculée.
Concernant les appels à projet, des structures associatives organisent des réseaux d'accompagnement des projets de qualité. En développant un maillage territorial, elles constituent une réponse aux difficultés de gestion connues par les porteurs de projet, en particulier dans les zones rurales.
Le nombre de places créées - 4 200 - peut paraître dérisoire, mais c'est un premier pas. Il est possible d'aller tellement plus loin ! Par exemple, dans les instituts médico-éducatifs (IME) généralistes, une dizaine de places pourrait être dédiée aux autistes, selon une accréditation et un budget définis par l'ARS. Sans se substituer aux places en établissement spécialisé, ce contingent pourrait être une solution complémentaire, parmi un panel de modes de prise en charge. En outre, grâce à des transferts de moyens du sanitaire vers le médicosocial, nous pourrions converger vers une prise en charge plus équilibrée. Cette fongibilité asymétrique dégagerait des marges de manoeuvre.
S'agissant des AVS, il est certain que l'enfant autiste a besoin d'un fil rouge entre le domicile et l'école. Mais la mise en place d'un AVS unique implique une formation plus étendue que les soixante heures dispensées actuellement et un contrat de plus longue durée. Peut-être faut-il envisager qu'une association reconnue, jouant le rôle de référent régional, emploie et forme les AVS ? Ces derniers ont indéniablement un rôle majeur à jouer dans la continuité territoriale et temporelle de l'accompagnement.
Evidemment, le conseil général a beaucoup contribué, en association avec les ARS, à la prise en charge, notamment financière, de l'autisme. Mais le plan handicap départemental n'est pas toujours adapté. Des problèmes de compensation demeurent.
Dans le domaine du diagnostic, mieux les professionnels de première intervention - médecins généralistes, orthophonistes - et les enseignants seront formés, plus le dépistage sera précoce. Une fois le diagnostic posé, l'accompagnement des familles doit débuter. Il ne s'agit pas de stigmatiser les enfants mais de leur fournir, le plus rapidement possible, un suivi médical adapté. Un maillage territorial resserré réduira les délais de diagnostic et le nomadisme des parents.
La connaissance était la première mesure du plan autisme. Mais elle dépend directement du pilotage : la recherche ne progressera que si tous les acteurs peuvent dialoguer au sein du comité national. En 2012, l'autisme est une Grande cause nationale. C'est l'année ou jamais d'agir pour lutter contre la souffrance des personnes concernées et les inégalités territoriales.
La proposition de loi de Daniel Fasquelle tend à supprimer le remboursement des soins psychanalytiques dans la prise en charge de l'autisme. Je pense que la définition validée par la HAS doit avant tout se traduire par la mise en place de bonnes pratiques d'accompagnement et de formation. Historiquement, tout a été organisé autour du sanitaire : il faut du temps pour que la prise en charge évolue.
Enfin, le packing ne peut désormais plus être utilisé sans lien avec une structure hospitalière et un suivi médical, sous peine de poursuites pour maltraitance. Les familles et les associations rejettent cette méthode. A partir de l'évaluation du professeur Delion à Lille, des décisions devront être prises avec sang-froid. Il faut faire cesser cette guerre et tourner la page.
Il est en effet temps que cesse le conflit sur un sujet si important. Nous resterons vigilants sur les suites de votre rapport et les moyens à apporter pour rattraper notre retard en matière de prise en charge de l'autisme.
Je vous indique, pour finir, que j'ai sollicité la cellule de l'initiative parlementaire du Sénat, pour qu'elle nous fasse des propositions juridiques précises destinées à faire sortir les AVS de la précarité.
Nous examinons maintenant l'unique amendement déposé sur la proposition de loi relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations.
Cet amendement présenté par le groupe RDSE, que je suppose d'appel, entend garantir le droit des enfants et de leurs grands-parents à entretenir des relations personnelles, et notamment dans les situations où le ou les titulaires de l'autorité parentale sont victimes d'une dérive sectaire.
Bien sûr, je partage pleinement la préoccupation de ses auteurs, mais je ne peux y être favorable car, comme je vous l'ai indiqué la semaine dernière lors de l'examen du rapport, je souhaite un vote conforme sur ce texte afin qu'il soit adopté avant la suspension de nos travaux.
Je demanderai donc le retrait de l'amendement, sinon mon avis sera défavorable.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement.
Je vous donne lecture de la composition du groupe de travail interne que nous avons décidé de consacrer à la situation sanitaire des étudiants et à leur couverture sociale.
Sont désignés Luc Carvounas (Soc.), Christiane Demontès (Soc.), Ronan Kerdraon (Soc.), Jacky Le Menn (Soc.), Michelle Meunier (Soc.), Patricia Schillinger (Soc.), Marie-Thérèse Bruguière (UMP), Colette Giudicelli (UMP), Marc Laménie (UMP), Claude Léonard (UMP), Catherine Procaccia (UMP), René-Paul Savary (UMP), Jean-Léonce Dupont (UCR), Jean-Marie Vanlerenberghe (UCR), Isabelle Pasquet (CRC), Dominique Watrin (CRC), Anne-Marie Escoffier (RDSE) et Aline Archimbaud (Ecolo).
Sait-on déjà à quelle fréquence ce groupe se réunira ? Nous sommes sollicités par de nombreuses structures de travail durant cette période de suspension parlementaire.
Vous serez convoqués dès la semaine prochaine pour constituer le bureau de ce groupe et organiser son programme de travail. Nous essaierons de veiller à ce que les réunions des différentes instances ne se chevauchent pas.
Je viens d'être informée qu'au cours de la réunion du Bureau du Sénat de ce matin, aurait été présentée une demande de notre commission pour constituer un groupe d'études sur l'amiante, sujet au demeurant très intéressant, mais que nous n'avions jusqu'à présent pas évoqué. De quoi s'agit-il ?
Je l'ignore mais je peux vous assurer que la commission n'a fait aucune demande en ce sens, d'autant que, traditionnellement, nous privilégions la constitution de groupes de travail internes dans l'objectif de déboucher sur un rapport ou une proposition d'amélioration législative.