Bonjour et merci d'avoir rejoint cette commission d'enquête. Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.
Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. David Lappartient prête serment.
Merci. Ces rencontres commenceront par la possibilité qui vous est donnée de vous exprimer de dix minutes à quinze minutes, pour nous faire part de ce que vous avez à nous dire sur le problème de la lutte contre le dopage. Je me permettrais, si vous dépassiez par trop la fenêtre prévue, de vous l'indiquer.
Je vous laisse la parole, puis le rapporteur et les autres membres de la commission d'enquête auront des questions à vous poser.
C'est avec beaucoup de plaisir que je me trouve devant vous, pour vous donner le point de vue et l'analyse de la fédération française de cyclisme (FFC), que je représente, sur la lutte contre le dopage. Je répondrai également aux questions que vous ne manquerez pas de me poser.
Je commencerai par une note optimiste en vous disant que ça va mieux dans notre sport. On le voit au quotidien. La lutte contre le dopage peut toujours être considérée avec optimisme ou pessimisme mais, même si tout n'est pas parfait, les choses se sont améliorées et continuent à s'améliorer.
Pour la fédération française de cyclisme et comme pour la plupart des acteurs du sport, le dopage est tout simplement la négation des valeurs du sport. À la fédération française de cyclisme, nous combattons toute forme de tricherie, quelle qu'elle soit.
Ne nous le cachons pas, notre sport a été l'un des plus touchés par le dopage, et depuis des temps anciens. C'est pour cette raison que nous avons mis en place diverses mesures. Sans remonter jusqu'aux premiers contrôles antidopage, avant les années 1970, d'importantes avancées ont été observées avec la mise en place de contrôles sanguins, les interdictions de l'EPO, la mise en place du passeport biologique ou le suivi médical réglementaire. Toutes ces actions ont globalement concouru à améliorer l'état sanitaire du peloton.
Certaines affaires ont néanmoins été perçues comme des séismes dans notre sport. Je commencerai par évoquer l'affaire Festina, en 1998, et plus récemment l'affaire Armstrong. Personnellement, je n'avais guère de doute sur la crédibilité de ses résultats, et cette affaire n'a fait que confirmer mes soupçons. Au fond, même s'il peut sembler que les affaires se succèdent les unes après les autres, ces affaires deviennent aujourd'hui relativement anciennes.
Vous trouverez toujours deux ingrédients dans les affaires de dopage : un directeur sportif et un médecin à la vertu douteuse. En l'absence de ces deux intervenants, le dopage ne peut exister. Il faut ensuite disposer d'un coureur qui accepte de ne pas poser trop de questions. Il est impossible en tout cas qu'un directeur sportif ignore ce qui se passe dans son écurie.
Le cyclisme a été durablement impacté par les affaires de dopage. Aujourd'hui, même si le grand public peut encore associer cyclisme et dopage, c'est bien moins vrai. Il demeure certes des affaires de dopage, mais leur nombre a nettement diminué. Nous nous trouvons donc à la sortie du tunnel, tandis que d'autres sports ne font qu'y entrer et risquent d'y rester pour un certain temps.
De notre côté, nous nous réjouissons de toute mise en oeuvre de nouvelles mesures de lutte contre le dopage. D'importantes avancées internationales ont été constatées, avec notamment la création de l'Agence mondiale antidopage, du CPLD en France puis de l'AFLD. En m'autorisant une comparaison un peu simpliste, je dirais qu'il existe un radar et une patrouille qui arrête les contrevenants. Dans certains sports, il ne se trouve que des radars, sans patrouille, et dans d'autres il ne se trouve ni radar ni patrouille. Sur le plan statistique, tout va bien, alors que l'état de leur sport est sensiblement plus dégradé que le nôtre. Notez d'ailleurs que le cyclisme est le seul sport qui joue le jeu de la localisation des athlètes, qui était nécessaire pour la crédibilité de notre sport. Je souscris donc tout à fait à l'obligation de localisation de l'ensemble des athlètes, même si c'est difficile, et même si ces athlètes peuvent se sentir surveillés, écoutés et observés. La crédibilité de notre sport en dépend, et je pense que certains sports collectifs devraient suivre cette même voie.
Nous avons vécu dans notre sport des périodes difficiles. La crédibilité des résultats du cyclisme entre 1996 et les environs de 2005 a été sérieusement altérée. D'ailleurs, je n'accorde pas de crédit aux résultats enregistrés dans cette période. Entre 1996 et 2010, un seul des quinze vainqueurs du Tour de France n'a pas été impliqué dans un scandale, et ce n'était pas celui à la réputation la plus irréprochable, en particulier quand on connaît son surnom en Espagne.
Depuis quelques années, on revoit du vrai vélo. D'ailleurs les coureurs roulent moins vite. Ils prennent le départ d'une course avec l'ambition de gagner, alors qu'auparavant les coureurs savaient qu'ils allaient forcément se faire battre par des coureurs dopés. On constate aussi de vraies défaillances physiques parmi les coureurs. Nous sommes très clairement sur la bonne voie. Il n'y a néanmoins pas de victoire définitive contre le dopage. Il faut lutter sans cesse et tous les jours.
Nous souffrons par ailleurs de la présence de certains manageurs, qui sont aujourd'hui des propriétaires d'équipes. Ce sont les personnes que nous voudrions ne plus voir dans le cyclisme. J'aurai peut-être des propositions à vous faire les concernant.
Notre sport affiche une réelle volonté de s'en sortir, à la différence du football, par exemple. Aucun contrôle sanguin n'a par exemple été conduit lors de la dernière Coupe du Monde de football, sous prétexte que c'était trop compliqué et trop cher. Il apparaît manifestement une différence d'approche entre les sports.
Le travail de la fédération a été exemplaire et sans relâche. Moi-même et mes prédécesseurs avant moi, que ce soit le président Baal, le président Alaphilippe, le président Pitallier, nous avons eu de cesse de lutter contre le dopage et de mettre en place de nouvelles mesures. J'en suis à mon cinquième mandat au sein de la fédération. J'ai été élu relativement tôt. Je me souviens, en 1996, quand Daniel Baal, à l'époque président de la fédération française de cyclisme, Roger Legeay, président de la ligue nationale de cyclisme et Jean-Marie Leblanc, directeur du Tour de France, avaient lancé un appel solennel à l'aide au président du Comité international olympique (CIO) et à la ministre Marie-George Buffet. Nous demandions de l'aide, car notre sport partait dans des errements qu'il nous fallait à tout prix corriger.
C'était l'appel de 1996. Nous y avons répondu en 1998 à la fédération en mettant en place ce qui sous-tend aujourd'hui la loi française : le suivi médical longitudinal contrôlé, qui est devenu le suivi médical réglementaire. Il a été voté par le comité directeur de la fédération une semaine avant l'affaire Festina. On a souvent dit que la fédération n'avait pris des mesures qu'après l'affaire Festina, mais c'est incorrect. Le cyclisme a alors fait sa révolution culturelle et le suivi médical réglementaire a ensuite été inscrit dans la loi. Les fédérations sportives ont maintenant obligation de mettre en place un suivi médical réglementaire pour les athlètes de haut niveau et les athlètes en liste espoir, ce qui signifie que nous étendons aussi les contrôles aux espoirs. Au final, il nous faut suivre 1 200 athlètes, ce qui représente un travail important pour la fédération, qui bénéficie du soutien du ministère.
J'ai souvenir en 1998 d'un président de la fédération, Daniel Baal, dont on connaît l'intransigeance dans la lutte contre le dopage, qui a été mis en examen dans une affaire, avant de bénéficier d'un des non-lieux les plus rapides de l'histoire. La position de la justice nous concernant a depuis lors bien évolué. Nous nous portons partie civile dans toutes les affaires de dopage. Par le passé, notre constitution de partie civile était difficilement recevable. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Nos efforts sont reconnus et notre démarche ne rencontre pas de difficultés. Nous pensons que c'est nécessaire de nous porter partie civile dans toute affaire de dopage. J'étais par exemple présent en Guadeloupe la semaine dernière, où des peines de prison ont été demandées vis-à-vis de neuf prévenus.
Nous engageons également des actions de prévention auprès des jeunes, en expliquant les dangers et la manière d'éviter les écueils du dopage. Paradoxalement, nous rencontrons finalement moins de problèmes avec les professionnels qu'avec le meilleur niveau du cyclisme français amateur, car la surveillance y est moins resserrée.
Je suis président de la fédération européenne depuis mars. Un comité directeur de l'Union européenne se réunira la semaine prochaine. Nous tâcherons d'y dupliquer ce système au niveau européen, en espérant que ce soit aussi possible au niveau mondial.
Il est à souhaiter que tous les sports en fassent autant que nous, mais il faut reconnaître que certains n'engagent guère de mesures.
Il convient de renforcer l'action collective et les échanges entre les acteurs : Agence française de lutte contre le dopage, autorités de police et de gendarmerie (en particulier l'OCLAESP qui est compétent en la matière), les autorités judiciaires, les fédérations nationales et internationales et l'Agence mondiale antidopage. Les cloisonnements et interdictions d'échanger sont sans doute trop nombreux, ce qui est préjudiciable. Il nous est interdit de partager certaines informations. Il faudrait pourtant que nous puissions échanger entre nous, car nous pouvons contribuer ensemble à l'amélioration de la situation, notamment avec l`Agence française de lutte contre le dopage, dont le travail est très satisfaisant. Ses moyens devraient d'ailleurs être encore accrus. Cette action de lutte nécessite des fonds et des besoins.
Je pense en outre que les conditions d'exercice des professions de manageur ou de directeur sportif devraient être plus règlementées, en particulier au niveau international. Il semble nécessaire de demander l'obtention d'une licence ad hoc, en apportant des preuves de probité. Une personne condamnée pour des affaires de dopage ne devrait plus pouvoir exercer cette profession, tout comme une personne ne peut plus exercer dans la fonction publique d'État ou territoriale dès lors que son casier judiciaire n'est plus vierge. Certains directeurs techniques seraient ainsi écartés.
Il faut renforcer les sanctions. Une interdiction de deux ans semble courte en cas de prise volontaire d'EPO. Je préconise plutôt une durée de quatre ans, avant une interdiction à vie en cas de récidive.
Il faut également sanctionner financièrement les contrevenants. L'athlète tire en effet profit de son dopage. Il faut frapper ceux qui trichent au porte-monnaie, à hauteur du préjudice qu'ils causent. Quand un athlète gagne 6 à 8 millions d'euros par an en s'étant dopé, il doit être sanctionné à de tels montants.
Il faut aussi que l'athlète arrivé deuxième, et qui a été lésé, attaque le premier, qui s'est dopé. Quand ce sera possible, la situation évoluera grandement.
Je suis favorable à la pénalisation de l'usage de produits dopants en vue de modifier ses performances et donc d'organiser une tricherie sportive. En revanche, le pénal n'est peut-être pas la réponse adaptée si un athlète utilise un produit dopant sans intention de se doper ou parce qu'il se soigne et a oublié de le déclarer.
Il faut aussi décloisonner le suivi médical réglementaire et la lutte contre le dopage. Le suivi médical réglementaire se rapproche en un sens de la médecine du travail, alors que l'antidopage s'inscrit dans le champ de la sanction. Comme l'analyse du passeport biologique et l'antidopage se rejoignent sur certains points, une mutualisation des coûts est possible. Elle favoriserait en outre les relations entre les instances.
Je suis favorable à l'interdiction des corticoïdes, hormis bien évidemment en cas de prescription médicale. Dans ce cas, leur usage doit être associé à un arrêt de travail de dix ou quinze jours. Il apparaît sur ce point une réelle différence de méthodologie entre les Anglo-Saxons et les autres participants. En tout cas, comme les corticoïdes améliorent les performances, il faut les bannir.
Enfin, je prône la localisation de tous les athlètes, pas seulement pour notre sport. Pour autant, son existence dans le cyclisme ne doit en aucun cas constituer une circonstance atténuante, même si la situation s'est déjà quelque peu améliorée.
Vous avez évoqué ce qui peut être présenté comme un terreau favorable à la pratique du dopage, en particulier la présence dans une équipe d'un directeur sportif et d'un médecin qui seraient les éléments incitateurs pour passer à une pratique interdite. Ne pensez-vous pas qu'il soit très difficile de sérier les responsabilités dans une équipe professionnelle ? Est-il possible d'opérer des distinguos entre les uns et les autres ?
Les degrés de responsabilité peuvent effectivement être différents, mais il existe au fond deux types d'équipe. Dans le premier type d'équipes, le dopage est institutionnalisé. Dans le second type, il n'y en a pas du tout. Rappelez-vous qu'il se trouve en général entre vingt et trente coureurs par équipe. Nous ne sommes donc pas à l'abri d'un comportement individuel déviant.
Je reste persuadé qu'il revient au manageur de s'organiser pour que son équipe fonctionne correctement. Il est de sa responsabilité de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour que la lutte contre le dopage soit optimale. De son côté, le médecin intervient pour soigner des pathologies, pas pour améliorer les performances. Il n'est pas un entraîneur.
Par définition, les responsables sont le patron de l'équipe et le manageur, qui opèrent dans un cercle restreint. Une équipe est un petit monde. Les informations circulent nécessairement. Si un manageur n'est pas informé des pratiques de son équipe, il s'agit alors d'un mauvais manageur.
Vous avez soumis une réflexion concernant un statut qui pourrait être délivré aux manageurs, notamment au niveau européen, dans votre volonté de faire progresser l'exigence. Or certains directeurs sportifs d'équipes professionnelles ont eu affaire au dopage par le passé. Le moment n'est-il pas venu d'être plus sélectif les concernant ?
Très certainement. Pour autant, peut-être un homme peut-il changer ? Après un égarement datant d'il y a vingt ans, certains sont peut-être devenus des convaincus de la lutte antidopage. D'autres, en revanche, ont continué leurs agissements de coureur quand ils sont devenus directeurs sportifs. Ce sont ceux que nous ne voulons plus voir dans le vélo.
Il apparaît néanmoins une difficulté au niveau du World Tour. Alors que ces personnes étaient auparavant de simples directeurs sportifs, il arrive qu'ils soient aujourd'hui propriétaires de la licence Pro Tour. Il s'agit bien souvent des mêmes personnes. Les convaincus de la lutte antidopage sont rarement propriétaires de leur licence. Ceux qui souhaitent continuer à utiliser des oreillettes ou mettre en place un circuit fermé sont ceux que nous souhaitons combattre. Manifestement, deux visions du cyclisme s'affrontent. J'espère que la vision vertueuse l'emportera. C'était aussi le sens de ma candidature au niveau européen, qui prend appui sur le suivi réglementaire que nous avons mis en place en France, et qui est indépendant. Au niveau mondial, en revanche, le suivi réglementaire est conduit au niveau des équipes, et je n'ai pas confiance dans toutes les équipes.
Vous dites que deux conceptions s'affrontent dans le cyclisme. Avez-vous le sentiment que cette double vision se retrouve aussi dans d'autres sports ?
J'ai bien peur qu'une seule vision soit en vigueur dans certains sports. Quoi qu'il en soit, tout sport compte des gens vertueux et d'autres moins. Il faut faire en sorte que les moins vertueux n'aient pas le choix et deviennent vertueux.
Vous avez parlé de « sports dont l'état sanitaire est plus dégradé que le cyclisme ». À quel sport faisiez-vous allusion ?
Il y a quelques temps, le Docteur Lasne a cité certains de ces sports en évoquant des résultats particuliers. De même, le rapport annuel de l'AFLD ne place pas le cyclisme en tête des sports connaissant le plus de contrôles positifs.
J'ai souvenir d'un rapport du Président Bordry qui avait produit des résultats statistiques non nominatifs sur des cheveux d'athlètes. Dans ce rapport, le cyclisme était loin d'occuper la première place des sports qui présentaient le plus d'usages de dopants, de manière interdite ou de manière festive. En proportion, les contrôles positifs ne sont finalement pas si nombreux dans le cyclisme.
Par ailleurs, les fédérations nationales organisaient elles-mêmes les contrôles antidopage, jusqu'à l'arrivée de la loi Bambuck. 93 % des contrôles antidopage en France étaient alors réalisés dans le cyclisme. La loi Bambuck a ensuite passé le dispositif sous le contrôle du Ministère, ce qui a développé les contrôles dans les autres sports et a réduit la proportion des contrôles dans le cyclisme. Je tiens à ce propos à saluer le travail de qualité conduit par l'AFLD.
Ne croyez-vous pas qu'il soit nécessaire de faire très attention à l'expression publique quand une affaire de dopage éclate, notamment en termes de prévention et autour de la nécessité de faire passer des messages en direction de la jeunesse ?
Rappelons que le président de l'UCI disait en 1998 que l'affaire Festina était un cas isolé. N'est-ce pas préjudiciable à une vision saine de la pratique sportive ?
Les faits ont démontré que cette affaire n'était pas un cas isolé. Cette équipe avait institutionnalisé la pratique du dopage. Notre expression publique doit rester teintée de réalisme face à ce qui se passe. Mais la fédération avait mis en place le suivi médical réglementaire une semaine avant que cette affaire n'éclate, ce qui prouve que nous avions connaissance de la situation, sans disposer de moyens pour lutter. Il faut donc demeurer prudent.
Vous évoquez une difficulté relationnelle entre le cyclisme professionnel, la gouvernance et la place des fédérations, sachant que vous intervenez ici comme responsable fédéral. Depuis votre prise de fonction, quelles mesures avez-vous lancées pour contrarier le phénomène du dopage dans le cyclisme amateur, sachant qu'il s'agit d'un véritable fléau dans les compétitions amateurs ? Quelles actions locales ont été engagées ?
Les coureurs amateurs de première catégorie sont tout d'abord soumis au suivi médical règlementaire, par décision de la fédération française de cyclisme. C'est une vraie mesure.
Nous avons par ailleurs responsabilisé un médecin par équipe de division nationale. Il a la charge du suivi et de la prévention.
Nous disposons aussi d'une ligne budgétaire dédiée aux contrôles sanguins inopinés, qui peuvent occasionner une interdiction de départ. Il s'agit de vérifier les taux d'hématocrite ou de procéder à des stimulations d'hémoglobine. Ces contrôles portent plutôt pour les courses à étape où les coureurs sont regroupés. Un contrôle urinaire peut également être demandé dans la foulée, ce qui permet de repérer des contrevenants.
Le cyclisme amateur va mieux, mais les contrôles y sont moins nombreux qu'au niveau professionnel. Nous souhaiterions en engager davantage. Pour cela, nous avons aussi besoin d'aide.
Le budget de la lutte antidopage s'élève à 600 000 euros, sur un budget de 15 millions d'euros.
J'ai des questions à poser sur les tours comme la Vuelta ou le Giro : les contrôles sont-ils similaires à ceux effectués sur le Tour de France ? Par ailleurs, en tant que Président de l'Union européenne de Cyclisme, entretenez-vous des relations avec les fédérations des autres pays, au niveau européen ?
Les contrôles sont les mêmes sur la Vuelta ou le Giro, avec tout de même des approches politiques différentes. La volonté de lutter contre le dopage est la même en Italie et en France. Il n'en va pas de même en Espagne. Sachez quand même qu'au moment où Contador a été contrôlé positif, le premier ministre de l'époque et le leader de l'opposition ont tous deux immédiatement appelé à le soutenir. Je n'ose même pas imaginer que ça se passe ainsi en France.
L'affaire Puerto est également assez éloquente. Un prévenu a souhaité donner le nom de ses clients lui ayant acheté des produits dopants, et il lui a été interdit de les donner.
En France, la peur du gendarme est forte, et pas seulement dans le cadre des contrôles antidopage, qui sont stricts et renforcés. Des gendarmes et des policiers en civil sont aussi répartis à différents endroits durant les courses. Cette peur est au moins aussi efficace que la lutte en elle-même. C'est pour cette raison que j'invite au renforcement des collaborations entre ceux qui détiennent des moyens d'action et ceux qui détiennent des informations.
J'ai pour ma part été élu au niveau européen avec un programme très strict concernant la lutte contre le dopage. J'ai notamment proposé de généraliser au niveau européen ce qui est engagé au niveau français. J'ai obtenu 72 % des voix, ce qui tend à montrer que les fédérations européennes se sont retrouvées dans mon programme. Nous discuterons par ailleurs la semaine prochaine de la feuille de route de la commission médicale, présidée d'ailleurs par le Dr Mégret, le médecin fédéral de la fédération, qui a été chargé de réfléchir à une extension du système au niveau européen. Je souhaite maintenant aller encore plus loin, jusqu'au niveau mondial. Même si l'Europe représente 85 % du cyclisme, ce n'est pas 100 %.
Je souhaite revenir sur la peur du gendarme. Elle a été accentuée par la loi votée il y a quatre ou cinq ans, qui permet aux gendarmes de mettre des contrevenants en garde à vue dès que des produits dopants sont saisis. Cette pratique est très efficace pour interroger les contrevenants et remonter les filières, car ce sont aussi les pourvoyeurs de produits dopants qui nous intéressent.
Passons à l'affaire Armstrong. L'UCI a fait preuve d'importantes complicités pour couvrir cette affaire. Ne pensez-vous pas qu'il faille changer la direction de l'UCI pour enfin tourner la page ?
La limite de clôture des candidatures à la présidence de l'UCI a été fixée au 27 juin. Le président McQuaid s'est déclaré candidat. Il serait sain pour la démocratie qu'il y ait plusieurs candidats. Reconnaissons tout de même les efforts de l'UCI. Aucune autre fédération internationale n'en a fait autant. En revanche, il est vrai que l'image de l'institution reste très dégradée.
Il reviendra aux 42 votants de se prononcer à la fin septembre sur le candidat qui leur semblera le mieux à même de conduire aux destinées de l'UCI.
De mon point de vue, il me semble que notre fédération internationale ne pourra pas entretenir éternellement un conflit avec l'Agence mondiale antidopage, avec l'USADA ou avec l'ensemble des acteurs C'est préjudiciable à l'image de notre sport. Les trois prochains mois promettent d'être intenses.
On m'a effectivement sollicité pour que je me porte candidat à la présidence de l'UCI. Cette mission pourrait être intéressante. Néanmoins, j'ai encore beaucoup de missions à mener à bien dans ma fédération et la fédération européenne. Attendons de voir qui seront les autres candidats.
Vous avez déclaré être favorable à la pénalisation des dopants. Est-ce une crainte parmi les coureurs ? Cette évolution pourrait-elle présenter un effet dissuasif ?
Vous avez également déclaré que vous vous constituiez systématiquement partie civile dans les affaires de dopage. Demandez-vous uniquement un euro symbolique de dédommagement, ou bien des sommes considérables vous sont-elles octroyées par les juridictions, sachant que l'image de votre sport est à chaque fois ternie par ces affaires ?
Il faudrait déjà déterminer quelle est la sanction pénale encourue par l'athlète. Il reste en tout cas que la pénalisation fait réfléchir. Pour ma part, je cherche à faire punir pénalement la volonté de tricher en vue d'améliorer des performances. Je pense sincèrement que cette mesure dissuaderait des athlètes souhaitant utiliser ces produits.
Nous aurons franchi un pas important le jour où nous percevrons des dommages et intérêts d'un montant supérieur à un euro symbolique. Je précise que notre constitution de partie civile est quasiment toujours acceptée. Il arrive que des sommes parfois plus importantes soient versées. Dans l'affaire Gaumont, qui vient de décéder, nous avions reçu 15 000 euros. Nous réfléchissons actuellement à ce que nous pourrions demander dans le cadre de l'affaire Armstrong. Sachez que nous disposons de seulement 49 000 euros pour engager des actions en justice. Il faudra aussi déterminer dans quelle juridiction l'attaquer. Nous avons déjà demandé dès le 30 août dernier que ses sept Tour de France lui soient retirés, que les 2,95 millions d'euros de prix de course perçus soient restitués, et qu'il soit condamné en préjudice d'image. J'ai bien l'intention de continuer à avancer dans ce dossier, dans la limite de nos moyens. Peut-être une action concertée pourrait-elle être montée.
Un accord a été atteint avec le ministère de la jeunesse et des sports pour mettre en place des contrôles antidopage. Comment allez-vous être impliqués pour que l'accord prévu soit respecté ? Par ailleurs, où en est l'affaire Longo ? Quelles actions peuvent encore être engagées ?
J'aurais du mal à faire appliquer l'accord entre l'UCI et l'AFLD. Toute course internationale est placée sous la compétence de l'Union cycliste internationale, qui a elle-même traité avec l'Agence française de lutte antidopage.
Nous, fédération nationale, sommes chargés de la mise en oeuvre technique des contrôles. Comme un accord direct de traitement a été signé, des dispositions propres au Tour de France s'appliquent, mais nous sommes moins impliqués dans ces contrôles que dans les autres contrôles. C'est l'Agence française de lutte contre le dopage qui aura la responsabilité de la mise en place technique de ces contrôles. Je pense que l'accord entre l'UCI et l'AFLD est une bonne chose.
Dans l'affaire Longo, il y a d'un côté l'affaire Longo et de l'autre l'affaire Ciprelli, du nom de son mari. Jeanny Longo n'a pas été mise en examen. Elle a été renvoyée devant une commission disciplinaire de la fédération pour des vices de forme de l'AFLD sur sa notification d'appartenance au groupe cible. Notre fédération a dû constater le vice de forme, que l'AFLD a d'ailleurs confirmé ensuite, elle aussi. Elle n'encourt aucune sanction, mais il n'en est pas de même pour son mari. Une procédure judiciaire a été ouverte, et nous sommes partie civile dans ce dossier, comme dans tous les dossiers. Nous avons accès à tous les éléments du dossier. Le juge d'instruction n'a pour l'instant pas levé le contrôle judiciaire qui pèse sur M. Ciprelli. Sans doute a-t-il des interrogations fortes sur son implication dans certaines affaires de dopage. Les produits servaient-ils à sa femme ? Il conviendra au juge de le dire.
Je crois que nous avons transmis un tableau à la commission d'enquête, avec des statistiques disciplinaires. 17 coureurs ont été sanctionnés en 2006, 23 en 2007, 13 en 2008, 16 en 2009, 14 en 2010, 10 en 2011, 13 en 2012. Nous comptons environ une quinzaine de sanctions disciplinaires antidopage par an, amateurs et professionnels confondus. Nous avons rarement dépassé un professionnel par an. 90 % des cas concernent des amateurs.
Vous menez un combat européen en tant que président de l'union européenne de cyclisme. J'ai noté en particulier que votre adversaire avait été Andreï Tchmil, qui est Moldave. Or la Moldavie est un pays qui fabrique des stéroïdes anabolisants en toute liberté. Ferez-vous de votre mandat un combat contre ce type de produits ? Ils sont normalement interdits à l'exportation, mais la circulation reste bien évidemment libre sur le territoire européen.
Mon concurrent a également été ministre des sports de la Moldavie, ce qui prouve que deux versions du sport peuvent s'affronter. Il ne faut pas non plus surestimer les pouvoirs d'une fédération européenne qui ne compte qu'un seul salarié, face à des organisations gouvernementales. Au-delà de la Moldavie, sachez que ces produits sont fabriqués un peu partout. Il faut s'attaquer aux lieux de productions mais aussi aux trafics. Celles et ceux qui les utilisent doivent avoir la certitude d'être démasqués et condamnés.
Mettrez-vous au coeur de votre campagne électorale la question du dopage ?
Il me semble essentiel que le sujet de la lutte antidopage soit au coeur de la prochaine campagne de l'UCI.
Toutefois, les campagnes internationales - et je suis moi-même élu local, maire et conseiller général - ne se mènent pas de la même manière que les campagnes nationales. Elles sont plus feutrées et comptent moins de votants, seulement 42. Elles se jouent quasiment au corps à corps avec l'électeur. Il s'agit presque d'une élection sénatoriale, avec un corps électoral beaucoup plus faible. Dans ce contexte, les sujets du grand public ne sont peut-être pas les principaux sujets d'un certain nombre de votants. La gouvernance du sport mondial mériterait en tout cas une après-midi de débat.
Votre médecin général, M. Mégret, évoque souvent un retour des corticoïdes. Le confirmez-vous ?
Nous avons effectivement constaté une recrudescence de l'usage des corticoïdes après sa légalisation par l'Agence mondiale antidopage, que je regrette profondément. L'Agence a considéré que ce n'était pas forcément un produit dopant. Des études scientifiques l'ont pourtant prouvé. Un coureur qui en prend pour des raisons médicales doit arrêter le vélo pendant la durée de son traitement.
La fédération française de cyclisme est-elle destinataire des résultats des contrôles conduits sur le Tour de France ?
Non. Je ne crois pas que nous les ayons reçus jusqu'à présent. Nous ne recevons que les contrôles positifs qui concernent des coureurs français. J'ai par exemple reçu aujourd'hui le dossier d'un coureur français, qui est porteur d'une licence française.
Vous étiez défavorable à la dépénalisation des corticoïdes. J'imagine donc que vous êtes opposés à l'usage des AUT ?
Je suis défavorable aux AUT de circonstance. Toutefois, les personnes qui présentent des pathologies ont le droit de faire du sport. C'est de la responsabilité des médecins de déterminer si ce produit renforce les performances.
Je forme le voeu d'une vision prospective dans la lutte contre le dopage. Des faits se sont passés dans notre sport. Nous le savons. Il ne faut pas pour autant s'appesantir sur des faits datant d'il y a quinze ans. En revanche, il faut développer l'ensemble des coopérations qui permettront efficacement de lutter contre le dopage, entre les États, les acteurs du monde sportif, le CIO, les acteurs des fédérations internationales, le code mondial antidopage et la police. Il faudra aussi étendre ces mesures dans un autre domaine où des affaires ne manqueront pas d'éclater, le domaine des paris en ligne, domaine dans lequel nous avons pour l'instant été épargnés.
Merci pour votre intervention. Je retiens en particulier de vos propos la pénalisation de l'usage. Nous avons bien pris note de votre message, qui me semble important. Dans l'hypothèse où nous aurions besoin de précisions complémentaires, nous nous permettrions de faire à nouveau appel à vous. Dans ce cas, nous vous préviendrions à l'avance. Merci à vous.
Merci.
Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.
Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Francis Luyce et Lionel Horter prêtent serment.
C'est assez impressionnant de se retrouver dans cet établissement du fait de l'invitation qui a été faite à la fédération française de natation.
Je vous propose de suivre une présentation préparée par l'ensemble des services de la fédération française de natation. Cette présentation permettra de vous présenter la fédération française de natation et de traiter le sujet qui nous rassemble.
Je suis président de la fédération française de natation depuis vingt ans. J'entame mon sixième mandat. Je suis accompagné en ce jour du tout jeune directeur Lionel Horter, qui a succédé à notre regretté directeur technique national, Christian Donzé, décédé tragiquement le 21 octobre dernier.
La natation est le troisième sport olympique Nous comptons 1 300 clubs, et 290 000 licenciés pour 500 000 adhérents, au motif que nous constatons dans nos études respectives que 50 % des adhérents des clubs ne se licencient pas à la fédération française de natation. Notre budget s'élève à 13 millions d'euros.
Nous avons eu la chance de récolter sept médailles dont quatre d'or, une d'argent et deux de bronze aux derniers Jeux olympiques. Nous sommes classés troisième nation mondiale, première nation européenne et meilleure fédération olympique du comité national olympique et sportif français (CNOSF).
L'ensemble de nos activités sont les disciplines olympiques (natation, natation synchronisée, water-polo et plongeon libre), les autres disciplines associées aux activités non olympiques, les maîtres et la natation estivale, ainsi qu'un certain nombre d'activités éducatives et de santé, sur lesquelles je ne m'étendrai pas.
2 187 contrôles ont eu lieu entre 2006 et 2012 sur 1 325 athlètes. 64 ont débouché sur des procédures disciplinaires. 35 dossiers ont été classés sans suite, 28 sanctions ont été prononcées dont 17 relatives à la prise de cannabis. Une décision de l'organisme disciplinaire d'appel a annulé la décision de première instance.
Sur ces 64 tests positifs, 17 dossiers concernaient les athlètes de haut niveau, c'est-à-dire les athlètes inscrits sur les listes ministérielles (élite, senior et jeune).
La fédération française de natation, par l'intermédiaire de l'AFLD, a enregistré 1 697 contrôles entre 2006 et 2013, auxquels il faut ajouter les 490 contrôles diligentés par la fédération internationale de natation, Le total a donc atteint 2 187 contrôles.
Tous les médaillés olympiques ont été évalués entre 14 et 39 fois. Laure Manaudou a subi 25 contrôles, sachant qu'elle n'a pas été contrôlée pendant sa période de maternité. Florent Manaudou, tout jeune athlète et surprise des Jeux olympiques de Londres a lui aussi été contrôlé à plusieurs reprises. Pour rappel, il a remporté la médaille d'or sur 50 mètres nage libre.
Parmi les 17 tests positifs, trois sanctions ont été prononcées (dont un avertissement), avec deux à trois mois de suspension prononcés, ce qui reste relativement modeste.
Les délégués aux contrôles antidopage sont formés une fois par an. La fédération française de natation s'attelle à ce que la formation et la prévention soient liées.
Il convient de s'assurer de l'absence de dérive dans les équipes de France, tant dans les équipes de France jeunes que dans les équipes de haut niveau. De telles dérives nous mettraient en effet en grande difficulté. Diverses interventions sont organisées les concernant, en particulier des campagnes de pédagogie, qui est l'art de la répétition.
Même si nous ne sommes pas enseignants, la fédération et la direction technique apportent de nombreuses informations en termes de formation et de prévention. Grâce à l'animation du directeur technique, une certaine vigilance s'observe pour que les encadrants (médecins, kinésithérapeutes, etc.) interviennent bien au titre des missions qui leur sont confiées. Nous prenons la précaution de bien faire porter les messages, mais aussi d'éditer un guide pratique du sport de haut niveau. Chaque athlète inscrit sur les listes ministérielles le reçoit et ce document vous sera également remis. Vous constaterez qu'il s'agit d'un sujet majeur. Il ne comporte que cinq pages, mais un autre document de quinze pages de recommandations permettant d'éviter des situations délicates avait déjà été produit en 2007. Nous pourrons aussi vous le faire parvenir. Il va être réédité à l'occasion de la nouvelle olympiade.
Nous ne nous contentons pas de réserver l'information au siège et à la direction technique. Nous procédons également à des déclinaisons régionales, départementales et au niveau des clubs.
La formation, la prévention et l'information passent par ce que nous appelons une cellule de veille, qui est chargée de l'édition du guide de l'athlète de haut niveau, d'une veille sur les compléments alimentaires et d'une information et d'un partage entre les médecins. Enfin, des échanges sont organisés lors de regroupements à la direction technique avec les athlètes, pour leur communiquer des informations susceptibles de les intéresser.
La fédération française de natation souhaiterait développer la coordination entre l'AFLD et la fédération internationale de natation.
Nous envisageons d'utiliser un outil informatique unique très opérationnel, tout en conservant une option papier.
Nous exprimons par ailleurs des inquiétudes s'agissant des prélèvements sanguins des mineurs. La natation est un sport qui se pratique relativement jeune, et nous émettons des interrogations sur cette absolue nécessité.
Nous souhaiterons en revanche - et il s'agirait de l'un des points essentiels de notre démarche devant vous - que l'organisme disciplinaire passe par une procédure externalisée et n'intervienne plus en dépendance des fédérations. Nous aurions beaucoup à y gagner.
Nous voulons également souligner le décalage de législation entre pays, tant au niveau international qu'au niveau européen. Il faudrait que les législateurs se prononcent sur l'équité internationale. Pour l'heure, il n'apparaît guère d'équité dans la gestion des dossiers.
Il est fréquemment question du taux de marijuana. Je considère que la dépénalisation de certaines substances est beaucoup trop largement applicable.
Nous souhaiterions réfléchir à la formation des médecins et des pharmaciens. Une meilleure information sur les responsabilités mérite d'être mise en place autant que possible.
Nous souhaiterions lancer un jeu-programme d'éducation par Internet, appelé Real Winner. Il s'agit d'un jeu très qualifiant, qui permet de s'amuser tout en restant sérieux.
Enfin, nous ne comprenons pas pourquoi les tests AUT sont payants à l'AFLD et gratuits à la FINA.
Je préciserai simplement que seuls 17 des 64 procédures disciplinaires engagées depuis 2007 concernaient des sportifs de haut niveau (élite, senior ou jeunes). Sur ces 64 procédures disciplinaires : 28 sanctions prononcées dont 17 relatives à la prise de cannabis. 35 dossiers ont été classés sans suite au niveau de la testostérone, du fait de la variation individuelle des jeunes hommes, qui les conduit parfois à la limite du seuil, de manière temporaire. Enfin, une décision disciplinaire a annulé la décision de première instance.
Un contrôle conduit en 2011 a par ailleurs concerné Frédérick Bousquet, nageur de l'équipe de France. Il s'agissait d'un contrôle d'une substance dite spécifiée, l'Heptaminole, qui n'est pas classée dans les produits amenant à une suspension d'office (pour ces produits, le sportif n'est pas suspendu avant que l'organisme d'appel soit réuni).
Ces trois dernières années, la fédération internationale de natation a suspendu des athlètes russes, chinois et brésiliens, mais pas d'athlètes français. Est-ce une conséquence de la bonne prévention du dopage que vous avez menée ? Par quels moyens cette politique est-elle conduite ?
La fédération française de natation prend très au sérieux l'information. Je crois en avoir fait la démonstration par le guide pratique du sportif de haut niveau que nous éditons. Nous engageons également diverses actions de pédagogie. De plus, la direction technique compte en son sein un département qui s'intéresse exclusivement au suivi de la carrière des sportifs de haut niveau. Cette cellule fait en sorte que nous soyons suffisamment réceptifs à l'émission de la meilleure information
Comparaison n'est pas raison. Je n'essaierai pas de savoir comment les Chinois, les Allemandes de l'Est à une époque, les Brésiliens ou les Tunisiens se sont organisés. La fédération française de natation, de son côté, met en place un dispositif permettant d'éviter de se trouver face à ce genre de situation. Un équilibre de confiance existe entre les différents intervenants pour proposer de l'information et de la prévention, au motif des regroupements lors des épreuves internationales, mais aussi lors des séminaires des athlètes de haut niveau, en début de saison. La formation des médecins et des kinésithérapeutes, mais aussi des directeurs techniques nationaux et de leurs adjoints laisse supposer que nous essayons d'anticiper autant que possible les éventuelles dérives. Le traitement de la décision de Yannick Agnel de partir aux États-Unis est un bon exemple récent. La fédération française de natation s'est montrée réactive pour faire en sorte que tout se passe au mieux, dans l'intérêt de l'athlète, du club et dans son propre intérêt.
Les suspensions sont toujours consécutives à des contrôles sur des produits bien précis. Nous engageons toutes les actions nécessaires pour éviter que ce genre de cas ne se produise. Ce n'est encore jamais arrivé. Je suis en incapacité de vous affirmer que ça n'arrivera jamais, mais ce n'est simplement jamais arrivé.
Les pays que vous avez cités comptent une population de nageurs de haut niveau bien supérieure à la nôtre. Nous avons rencontré une réussite maximale cet été, mais elle fut vraiment exceptionnelle. En tout cas, la capacité à dialoguer avec la population des nageurs est bien plus réelle en France qu'aux États-Unis. Il se trouve en effet 2,5 millions de licenciés aux États-Unis, contre 200 000 en France, et 180 nageurs de haut niveau en France. Il est possible et aisé d'échanger avec ces sportifs.
Avant d'assumer les responsabilités qui sont les vôtres, vous avez été des nageurs de haut niveau. Le président a même été recordman du monde du 800 mètres. Durant votre parcours de pratiquant de très haut niveau, avez-vous été confrontés au dopage ? Étiez-vous persuadés que certains de vos adversaires étaient dopés ? Avez-vous été approchés par certains pourvoyeurs ?
Ma courte carrière professionnelle s'est étalée de 1961 à 1969, avec deux participations aux Jeux olympiques, à Tokyo en 1964 et Mexico en 1968, et un record du monde battu. Je n'ai jamais eu le moindre sentiment de soupçon pendant mon activité de nageur de haut niveau, que ce soit au sein de l'équipe olympique, de l'équipe de France ou dans l'environnement des Jeux olympiques.
Je dis souvent, en plaisantant, que la seule amélioration que l'on aurait pu observer de mon état physique aurait été due à mon habitude de consommer des bananes. Cela corrobore notre recherche actuelle d'un sport propre, pour parvenir à la certitude que la natation soit un sport propre, et nous nous engageons à travailler dans cette voie, au sein de la fédération française de natation, encore pour quatre ans. J'espère terminer mon mandat avec la même satisfaction qu'actuellement, en considérant que la natation française est un sport propre.
Quels seraient les produits illicites ou interdits susceptibles d'être utilisés dans la natation ? L'EPO serait-il utile à un tricheur ?
Je suis né en 1965. Je n'ai pas eu le bonheur de remporter des médailles internationales. J'ai participé à des compétitions internationales dans les années 1980. Nous nous trouvions alors dans un contexte de fort dopage de la part des pays de l'Est. Nous côtoyions régulièrement des jeunes femmes barbues, du fait des produits qu'elles absorbaient. Comme les trois meilleurs athlètes de chaque pays pouvaient participer aux Jeux olympiques, les podiums des femmes n'étaient occupés que par des représentantes des pays de l'Est, y compris face à la natation américaine et australienne.
L'éclatement des pays de l'Est a ensuite changé la donne. Ces pays se sont alors engagés dans un contrôle démocratique. Sur le plan sportif, la dynamique du dopage d'État a disparu. Ils sont passés à des aventures plus individuelles, comme il peut s'en rencontrer dans le reste du monde, où des personnes trichent individuellement.
J'ai alors été personnellement confronté à des situations de ce genre. J'entraînais alors une nageuse appelée Roxana Maracineanu, qui a été la première championne du monde française de natation, en 1998, à Perth. À ce moment-là, je n'ai honnêtement pas eu le sentiment que nous nagions contre des nageuses dopées. Tel fut mon sentiment en tant qu'entraîneur.
Par ailleurs, Roxana Maracineanu a battu à l'époque au 100 dos une nageuse appelée Christine Loto, la reine de la natation mondiale dans les années 1990, qui a confessé à la fin de sa carrière, vers 2002 ou 2003, qu'elle s'était dopée du temps des pays de l'Est. En 1998, Roxana nageait encore contre cette nageuse et l'a battue. Ce point m'a toujours interrogé, voire questionné sur l'utilité du dopage.
Nous avons aussi connu divers nageurs qui ont eu construit leur carrière en se dopant. Bien souvent, ceux qui se dopent ne travaillent pas intelligemment et passent très vite au haut niveau mais, au fond, je ne sais pas si quelqu'un qui se dope est vraiment plus fort que quelqu'un qui ne se dope pas.
Aviez-vous des doutes quant à l'authenticité de certaines performances chinoises ?
La nageuse en question n'a pas été contrôlée positive. En outre, les entraînements des nageurs sont très contraignants. Si nous arrivons par du travail à atteindre de bons résultats, d'autres peuvent aussi y arriver. Je n'ai donc pas de regard trop suspicieux.
Quoi qu'il en soit, le cas des personnes qui s'éloignent de la norme n'est pas propre au sport. Elles sont toujours montrées du doigt, à tort ou à raison.
Un travail de fond a été mené et semble avoir porté ses fruits, vu le faible nombre de nageurs français contrôlés positifs.
Comment analysez-vous l'évolution de certains clubs français qui font preuve d'une volonté d'autonomie, voire de gouvernance particulière ?
Un nageur qui pourrait partir aux États-Unis ne risque-t-il pas d'être plus difficile à suivre ? Son départ ne pourrait-il pas poser problème au niveau relationnel ?
Nous nous attachons à chaque olympiade à dresser les lignes d'un parcours d'excellence sportif. Dans ce parcours figurent les clubs auxquels vous faites allusion. La dynamique de la fédération française de natation se concentre à l'heure actuelle à Marseille, Antibes, Nice, Amiens et Mulhouse, et la fédération française de natation contrôle intelligemment le fonctionnement de ces clubs.
En premier lieu, chacune de ces structures a signé un contrat de préparation olympique, en lien direct avec la direction technique. Nous prenons également la précaution de maintenir le dialogue en évitant d'isoler les clubs dans leur fonctionnement. Ils font partie intégrante de la fédération française de natation, sans marginalisation au motif de leur développement. Ils font partie de la famille de la natation française. Vous n'auriez aucun exemple de club fonctionnant en indépendance. La fédération française de natation a toujours eu une politique stable en ce sens, mais sans conservatisme, avec des évolutions intelligentes. Avant de prendre des décisions, nous y associons le plus grand nombre de responsables, pour atteindre l'objectif que nous nous fixons.
Yannick Agnel n'est pas le seul à s'expatrier pour tâcher de devenir quadruple médaillé à Rio en 2016. Nous espérons qu'il le sera.
Clément Lefert ou Frédérick Bousquet ont eux aussi pris la décision intelligente de partir aux États-Unis. C'est une chance extraordinaire. Yannick Agnel va d'abord découvrir un autre monde et un nouveau fonctionnement. Le système universitaire américain est bien supérieur au système français. Leurs campus sont extraordinaires, tant au niveau sportif qu'intellectuel. Ils apportent des bénéfices tant sur le plan de la santé que de la formation.
J'ai à ce propos une anecdote à vous rapporter. Elle concerne le seul regret que j'ai eu dans ma carrière. Je n'ai pas pu partir à l'Université de Californie du Sud en 1963, car le secrétaire de l'époque ne m'en a pas donné les moyens. Un concurrent l'a pourtant obtenu en 1964, car ce sportif était originaire de la même ville que le secrétaire.
La décision de Yannick Agnel est formidable et nous l'accompagnons. Peut-être serais-je parti avec lui si je n'étais pas président de la fédération. Nous poursuivons nos relations étroites avec lui. C'est un garçon intelligent. Je n'ai aucune crainte. Il prendra toute précaution utile pour ne pas mettre la fédération en difficulté.
Nous nous félicitons des résultats de l'équipe de France de natation. Ils s'expliquent par le travail en profondeur qui est conduit. Nous nous sommes récemment rendus aux États-Unis, et les responsables de la fédération américaine n'ont exprimé aucune suspicion vis-à-vis des nageurs français.
Pensez-vous que des progrès ont été enregistrés dans le contrôle antidopage pour arriver à une égalité des chances ?
Que pensez-vous du suivi longitudinal ? Êtes-vous favorable aux contrôles inopinés et êtes-vous opposés aux AUT ?
Le contrôle antidopage offre la possibilité d'une compétition plus saine par rapport aux horreurs d'il y a trente ans. Or les femmes nagent aujourd'hui plus vite que les femmes-hommes qui nageaient alors, tout d'abord grâce au matériel.
Au demeurant, le sport est souvent un condensé de la vie réelle. Nous disposons aujourd'hui de meilleures capacités de contrôle de l'entraînement. Nous travaillons mieux et plus juste qu'il y a trente ans, comme dans beaucoup d'autres domaines. C'est effectivement assez étonnant, en particulier avec des personnes qui, je le pense, sont majoritairement non dopées.
Je suis favorable par ailleurs au contrôle longitudinal, qui garantira un réel contrôle.
Je rejoins les propos de mon directeur technique. Les contrôles longitudinaux sont nécessaires. En revanche, certaines expériences nous permettent de considérer que les contrôles inopinés ne sont pas toujours opportuns.
Le principal problème à ce niveau reste la gestion des contrôles par les organismes. Il peut arriver que les organismes engagent deux ou trois contrôles dans un même weekend. Or il est toujours dommage de faire rater un entraînement à un nageur, d'autant plus quand un autre contrôle est conduit l'après-midi du même jour, puis encore un autre le lendemain matin.
Le fait de réveiller un coureur à six heures du matin, puis encore le lendemain à la même heure, est également assez désagréable. Toutefois, si les contrôles n'avaient pas autant fait preuve de fermeté, certains coureurs n'auraient peut-être pas été contrôlés.
Les nageurs n'ont simplement pas la capacité et l'habitude de répéter des contrôles sur un à deux jours.
Certes, mais la procédure n'est jamais la même. Ce sont des organismes différents qui s'en chargent : la FINA, le ministère des sports et parfois la direction départementale jeunesse et sports, sans coordination. Est-ce souhaitable de fonctionner ainsi ? Je n'ai pas la réponse.
Voulez-vous bien nous répéter l'anecdote concernant Yannick Agnel au motif de l'invitation du Président de la République lors de la remise de sa légion d'honneur ?
Il n'était pas disponible, car il était alors en contrôle antidopage. Il n'a pas été possible de lui signifier cette invitation. Il a depuis pu recevoir sa médaille.
Votre fédération regroupe les cinq disciplines de la natation. Vous montrez-vous aussi exigeants vis-à-vis du waterpolo, de la natation synchronisée ou du plongeon ?
La cible reste le haut niveau. Or il n'existe pas de haut niveau en waterpolo. L'intérêt de la démarche de contrôle en haut niveau est donc quasi nul. En revanche, la quasi-totalité des contrôles au cannabis concerne cette discipline, ce qui explique peut-être le faible niveau de ces nageurs.
Sans doute avons-nous ici la preuve que le cannabis n'apporte rien, puisque ces sportifs ne sont pas performants. Le ministère des sports ne nous verse d'ailleurs plus aucune aide au titre de la convention d'objectifs sur le waterpolo, compte tenu des résultats obtenus.
Le plongeon reste pour sa part une toute petite discipline, avec cent plongeurs sur l'ensemble du territoire. Le principal problème reste un problème d'équipement.
Quant à la natation synchronisée, elle compte 18 000 licenciées en France, pour une centaine de jeunes filles inscrites sur le parcours d'excellence des sportives de haut niveau.
C'est donc majoritairement la natation qui est concernée.
Pensez-vous que les athlètes paralympiques soient eux aussi concernés par le dopage ?
Je ne me prononcerai pas au nom des présidents de la fédération française handisport ni de la fédération française du sport adapté. Je les pense suffisamment sérieux pour adopter la même discipline que la nôtre. Nous avons d'ailleurs signé diverses conventions.
Nous tâchons d'intégrer de plus en plus les paralympiques ou les sports adaptés à nos clubs et ils contribuent aussi au développement de notre fédération. Nous tâchons par ailleurs de nous mettre en ordre de marche afin de constituer aux JO de 2020 une fédération internationale de natation paralympique. Il s'agirait pour la fédération internationale, que je représente dans d'autres circonstances, d'intégrer dans ses programmes le programme de la fédération handisport et de la fédération du sport adapté. Ce ne semble toutefois pas être la tendance actuelle.
De notre côté, nous faisons en sorte de partager nos expériences avec nos partenaires, dès lors qu'elles peuvent servir. Je n'ai pas d'inquiétudes dans ce domaine, au vu de nos bonnes relations à ce niveau. En outre, les résultats des délégations paralympiques sont très bons. La natation est l'une des disciplines paralympiques qui affichent les meilleurs résultats.
Au demeurant, la fédération française de natation est souvent surprise de subir des contrôles antidopage dans une animation très qualifiante, la catégorie des maîtres. Il s'agit de jeunes gens de 25 à 92 ans qui participent à nos championnats de France, et qui subissent régulièrement des contrôles antidopage. Ces contrôles sont peut-être un peu excessifs, notamment du fait de leur coût. Cet argent pourrait être mieux affecté qu'au contrôle de personnes de 92 ans.
Il y a eu un déficit de champions après l'époque faste des années 80 et avant l'apparition d'une conjonction de très bons entraîneurs et de nageurs d'exception. Le grand public a alors pu constater combien il était exceptionnel de voir arriver de tels champions.
Vous avez raison. Nous avons d'excellents souvenirs liés à des nageurs d'exception comme Roxana Maracineanu, Stéphane Caron, Christine Caron, Alain Gottvallès, Michel Rousseau et tant d'autres.
La fédération française de natation a pris conscience de sa situation, après son bilan très mauvais des Jeux olympiques de 1996. Nous nous sommes interrogés à partir de cette date, avec le directeur technique de l'époque et ses successeurs, et la fédération française de natation a mis en place une politique de rigueur. Les athlètes de 1996 avaient confondu une invitation aux JO à une quinzaine au Club Med. La rigueur a ensuite été de mise, au motif de règles très précises de participation aux épreuves internationales. Aux championnats du monde, à Fukuoka, L'Équipe avait titré que la sélection française pouvait se déplacer en Smart, car elle ne comptait que cinq qualifiés. Désormais, quand nous nous déplaçons aux championnats du monde de Barcelone, 25 nageurs sont qualifiés.
Au-delà de cette politique de rigueur, des moyens plus conséquents ont également été affectés à la recherche de partenariats, pour faire en sorte que les moyens et les ambitions se rejoignent.
Nous bénéficions par ailleurs d'une conjonction de nombreux jeunes entraîneurs. Les entraîneurs précédents étaient de bon niveau, mais le nombre de bons entraîneurs est aujourd'hui plus élevé. De même, nous rencontrons de nombreux nageurs de très haut niveau (Yannick Agnel, Alain Bernard, Frédérick Bousquet, Hugues Duboscq, Amaury Leveaux, Florent Manaudou, William Meynard, Jérémy Stravius, etc.). Sans prétention aucune, car nous ne pouvons présager de l'avenir, il se pourrait que Rio confirme le bilan de la natation française, peut-être dans des proportions supérieures à celles de Londres 2012. Nous y travaillons, avec des entraîneurs de haut niveau qui sont parmi les meilleurs du monde, et des nageurs de talent, tant sur le plan physique qu'intellectuel. Ces jeunes gens et ces jeunes filles sont intelligents. En les écoutant parler en interview, on peut être fier d'appartenir à la fédération française de natation.
Votre réponse et votre affirmation concernant le championnat des maîtres me surprend. Il s'agit en quelque sorte d'un championnat de masse. Je me permets de vous préciser que nous avons modifié les propositions de loi Bambuck et Buffet, dont j'étais le rapporteur, en ajoutant que la loi devait être considérée comme « contre le dopage et pour la protection de la santé des sportifs ». De plus, cette loi s'applique aussi bien aux sportifs de haut niveau qu'aux autres sportifs, jeunes et moins jeunes. Or la bêtise n'épargne personne, quel que soit l'âge. Il faut donc maintenir la protection de la santé des sportifs à tous les niveaux, car ce n'est pas seulement l'argent qui motive les sportifs. Certains peuvent désirer à tout prix être champion de leur quartier, pour obtenir une petite gloriole personnelle.
Avez-vous eu des échanges avec les DTN des autres sports français ou étrangers ? Quelles sont vos relations avec le département des contrôles de l'AFLD ?
Je n'ai aucun contact avec l'AFLD. Je ne sais pas si j'y suis autorisé sur le plan réglementaire. Je rappelle que j'ai été nommé le 1er février dernier.
Vous m'interrogez ensuite sur mes échanges avec les DTN français. Un déjeuner est prévu avec eux mercredi prochain. Je les connais déjà de manière informelle, depuis les JO. Nous nous rencontrons dans le village olympique, pour nous consoler ou nous féliciter. De manière générale, je connais mieux les DTN étrangers ou les fédérations de natation amies (bien que nous n'ayons pas d'ennemis), ou les personnes qui occupent le même poste que moi à l'étranger.
Pensez-vous que le volet dopage soit suffisant dans la formation des maîtres-nageurs ?
Ce volet existe et fait partie du cursus des maîtres-nageurs, qui est un diplôme en cours d'évolution. Il s'agit d'un diplôme très lourd, qui prend 18 mois de formation. Ce métier est aujourd'hui devenu extrêmement formé. Les gens qui sortent de ces formations sont très compétents et très pointus, car ils sont à la fois entraîneurs, surveillants de baignade et éducateurs. En outre, ce diplôme donne à coup sûr un travail, car nous sommes actuellement en déficit de maîtres-nageurs en France. Les collectivités locales rencontrent de grandes difficultés pour trouver des maîtres-nageurs. L'activité syndicale - si ce n'est corporatiste - des maîtres-nageurs a verrouillé leur parcours, dont le diplôme est difficile. En tout cas, il comprend bien un volet antidopage.
J'ajouterai que nous avons créé il y a quelques années le conseil interfédéral des activités aquatiques (CIAA), qui fédère les fédérations comme la fédération française de triathlon, le handisport et le sport adapté, mais aussi des groupements dont la FNMNS (la fédération nationale des maîtres-nageurs sauveteurs), pour avancer groupés et réfléchir à toutes ces thématiques. On est toujours beaucoup plus fort ensemble.
L'assemblée plénière du CIAA s'est tenue jeudi dernier, et nous avons eu des préconisations à faire valoir, notamment sur le sujet de la formation. Nous n'excluons pas la possibilité d'inclure dans la formation des futurs enseignants de la natation une information sur les messages que la fédération française de natation et le CIAA souhaitent apporter.
Nous avons eu une grande joie à vous rencontrer, avec une certaine anxiété, car c'est la première fois que nous sommes auditionnés par le Sénat. Nous espérons avoir répondu à votre attente.
Je remercie le DTN adjoint, Philippe Dumoulin, qui a préparé notre dossier avec l'ensemble de mon équipe, le directeur technique national, Louis-Frédéric Doyez, le directeur général. Un volume de documentation important a été préparé collectivement. Je vous laisserai également un guide pratique du sportif de haut niveau.
Nous lisons régulièrement La Lettre de l'économie, et nous attendons avec beaucoup d'intérêt la future loi que le Sénat promet de rédiger et de faire voter. Je vous remercie.
Merci pour votre participation et pour les propos que vous avez tenus. Au-delà des documents que vous nous avez remis, faites-nous part avant la mi-juin des informations complémentaires que vous auriez à nous présenter. Tout élément complémentaire compte. Merci à vous.
Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.
Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Denis Masseglia prête serment.
Vous allez nous donner votre sentiment pendant un quart d'heure sur la lutte contre le dopage. Les membres de la commission présents, à commencer par le rapporteur, vous poseront ensuite des questions.
Votre interrogation première porte sur mon sentiment vis-à-vis de la lutte contre le dopage. D'après moi, les paramètres de la lutte contre le dopage, de la santé des sportifs et de la lutte contre la suspicion de dopage (qui est l'autre fléau qui nous concerne) sont tous liés.
Compte tenu de tout ce que nous avons vécu par le passé, c'est une nécessité absolue de développer un véritable arsenal pour garder notre sport aussi propre que possible. Il faut tout mettre en oeuvre pour que notre sport reste en adéquation avec les valeurs qu'il véhicule, même si cet arsenal crée des contraintes. Il faut que les progrès de la législation et de la science se placent au service du sport et des athlètes, pas de ceux qui voudraient triche et en tirer profit.
Il faut commencer au plus jeune âge. C'est aux jeunes qu'il faut inculquer l'envie de faire du sport. Rappelons à ce propos qu'un jeune sur trois ne fait pas de sport. Cette problématique devrait être l'une des préoccupations majeures des gouvernants. En parallèle à la sensibilisation au sport, il faudrait sensibiliser sur la nécessité pour le sport d'être pratiqué avec loyauté et respect, mais aussi indiquer que le dopage est une mise en danger de soi-même et du fondement de ce qui fait la pratique elle-même, c'est-à-dire la loyauté. La prévention est donc incontournable.
Par ailleurs, la lutte antidopage concerne à la fois les mesures prises vis-à-vis des sportifs de haut niveau, mais aussi les pratiquants dits de second niveau, qui sont eux aussi contrôlés. Les moyens mis en oeuvre dans ces contrôles ne peuvent bien évidemment pas être comparables à ceux des sportifs de haut niveau. En ce qui concerne ces derniers, il est évident que les contrôles et dispositifs sont la meilleure garantie pour que le sport pratiqué ne souffre d'aucune suspicion, ou du moins que la suspicion soit la moindre possible. Je sais que ce système est contraignant. Nombre d'athlètes m'ont fait part des contraintes du système ADAMS. Tous ne partagent pas la même opinion le concernant, ce qui est compréhensible, mais je pense tout de même qu'ils s'expriment plutôt favorablement vis-à-vis de ce système, même s'il leur crée des difficultés. Il est en effet une manière de conserver à l'esprit l'importance de la propreté du sport. Il est toujours satisfaisant de les entendre s'exprimer en ce sens.
Comme beaucoup ont dû le dire avant moi, nul n'est à l'abri d'une initiative personnelle ou de chimères d'amélioration des performances que certains feront miroiter, en particulier via des moyens ultramodernes qui pourraient être indétectables. À ce titre, il est important d'évoquer l'autorisation des techniques de congélation d'échantillons d'urine et de sang. Cette pratique permet de remettre à plus tard la détection de produits dont la présence était indétectable au moment du prélèvement. Ce système fait planer une formidable épée de Damoclès au-dessus des tricheurs et me semble constituer un élément essentiel de la lutte antidopage. On a vu des athlètes disqualifiés pour dopage jusqu'à trois ans après la course. Ce procédé me semble extrêmement positif pour l'efficacité de la lutte antidopage, car il génère du doute parmi les apprentis-sorciers qui pourraient chercher à contourner la législation.
Il demeure que nous ne pouvons nous prémunir de toutes les tentatives de dopage. Au-delà des athlètes qui ont pu être sanctionnés par l'analyse de prélèvements congelés, l'omerta semble elle aussi levée en partie. Si Lance Armstrong est tombé, ce n'est pas suite à des analyses de prélèvements congelés, mais parce qu'il a lui-même été dénoncé par d'autres. Ce contexte-là me semble aussi être important. Je constate une véritable prise de conscience parmi celles et ceux qui ne souhaitent pas rester complices d'un système - pour peu qu'ils en avaient connaissance.
Ne faisons pas preuve de naïveté ou d'angélisme. Il est clair que la tricherie fait partie de la nature humaine. Néanmoins, plus elle sera traitée en amont, plus les athlètes seront sensibilisés et menacés de sanctions, plus les risques diminueront.
Je considère que les progrès dans la lutte antidopage ont été énormes, tout comme les progrès dans la suspicion de dopage. Il ne faut pas penser que seuls les vainqueurs sont dopés et que les perdants sont parfaitement propres. Fort heureusement, de nombreux vainqueurs gagnent en étant propre, sur la base de leur travail et de leur talent.
Tout cela nécessite une information permanente des jeunes et une approche fiable et indéniable sur le plan technique et médical. Le passeport biologique et l'établissement de paramètres stricts constituent des progrès incontestables dans la lutte antidopage. En tout cas, toute mesure dissuasive doit être soulignée et prise en considération.
Je souhaite par ailleurs exprimer une opinion sur un autre paramètre, et qui n'est peut-être pas partagée. Je suis défavorable à toute peine pénale, toute peine de prison, car le tricheur n'est pas non plus un hors-la-loi. Le préjudice vis-à-vis du sport, tant via le dopage que la corruption ou la violence, m'amène en revanche à appeler de mes voeux des sanctions financières à l'égard des accusés, pour atteinte à l'image du sport. Il faudra bien évidemment peser auparavant les conditions des faits.
Avant de donner la parole à notre rapporteur, je souhaite vous interroger : quelle appréciation portez-vous sur l'engagement du Comité national olympique et sportif dans la lutte contre le dopage ? Ses moyens humains et financiers sont-ils suffisants ?
Le CIO a été extrêmement volontariste pour créer la fédération Internationale antidopage, mais aussi pour harmoniser les dispositifs de prévention et les systèmes de sanction. Sans la volonté du CIO de mettre en avant certaines mesures, nous n'aurions pas atteint les progrès dont j'ai fait l'écho.
Pour y parvenir, il a fallu que des cas soient constatés, et que les difficultés soient suffisamment importantes et médiatisées pour que la réaction soit à la mesure du fléau. On pourrait néanmoins lui reprocher de ne pas avoir agi de façon plus anticipée.
Je ne souhaite pas reprendre l'adage « tout le monde savait mais personne ne savait », qui a entretenu le statu quo. Néanmoins, les présomptions de dopage peuvent ne pas déboucher sur des sanctions en cas d'absence de preuve absolue, voire placer en difficulté celui qui exprime ces présomptions. J'ai souvenir d'une époque où Butch Reynolds avait la capacité de mettre la fédération internationale d'athlétisme en réelle difficulté financière. Ce genre de conséquences peut forcer un directeur sportif à s'interroger, non pas sur sa volonté de lutter, mais sur l'appréciation des risques encourus, en particulier face à une décision de justice qui pourrait lui être défavorable sur la forme. À l'heure actuelle, personne n'est à l'abri. Néanmoins, le fait d'avoir associé les États à la lutte contre le dopage, qui est une cause humanitaire, a apporté davantage de garanties.
Merci pour votre contribution. Vous avez été sportif de haut niveau avant d'avoir exercé des responsabilités fédérales. Avez-vous rencontré des cas de dopage quand vous pratiquiez l'aviron ? L'aviron est-il un sport à risque, qui pourrait être incité à recourir au dopage ?
Mon meilleur titre de gloire a été de terminer dixième au championnat d'Europe d'aviron. Je n'ai donc pas atteint un très haut niveau. En tout cas, je n'ai jamais vu de mes yeux de pratiques illicites pendant mes deux ans de présence en équipe nationale. J'ai eu en revanche des contacts avec des rameurs qui étaient mes coéquipiers ou qui ont fait carrière, et qui ont pu être privés d'une médaille par des rameurs dopés. En 1980, les rameurs bulgares ont battu les rameurs français à une demi-seconde et leur ont indiqué ensuite comment faire pour être médaillés la fois suivante.
J'ai fait partie pendant douze ans de la fédération internationale d'aviron. Cette fédération a établi pour principe l'exclusion à vie de tout rameur dopé, dès la première incartade. Nous avons beaucoup réfléchi sur l'efficacité de cette règle, que nous étions presque les seuls à appliquer au début des années 2000. Pour ma part, j'étais plutôt favorable à donner une seconde chance aux contrevenants. La création du code mondial antidopage a ensuite accéléré la procédure. Désormais, ce sont les règles de l'AMA qui s'appliquent. Tout cas de dopage avéré par des produits nocifs entraîne une exclusion de deux ans. La récidive est punie d'une exclusion à vie.
Plusieurs équipages russes contrôlés positifs se sont présentés il y a quatre ou cinq ans. La fédération internationale d'aviron a alors indiqué qu'elle n'accepterait plus de rameurs russes tant que la fédération russe ne changerait pas de dirigeants. Elle a alors procédé au changement de ses dirigeants, pour regagner la confiance des instances.
Des cas ont donc été relevés dans mon sport mais ils sont restés rares. J'espère que nous luttons suffisamment. Sans doute notre lutte ne sera-t-elle jamais parfaite. En tout cas, les rameurs se conforment toujours aux règles. Je n'ai jamais entendu de récriminations face à l'idée de se soumettre à un contrôle, que ce soit dans un bassin national ou étranger. Les règles sont bien assimilées dans le milieu, mais j'ai conscience que cela ne nous garantit pas contre le risque zéro.
Vous fédérez l'ensemble des fédérations, notamment au niveau olympique. Avez-vous parfois le sentiment d'une inégalité de traitement entre les disciplines, en termes de contrôles et de sanctions ?
Je crois qu'il faut tout faire pour éviter que l'on puisse le penser. Le traitement égalitaire doit prévaloir. Je suis donc favorable à une forme de cohérence qui le confirmerait. Or il demeure des politiques insuffisamment volontaristes dans certaines fédérations. L'agence mondiale antidopage s'est fixée comme objectif d'oeuvrer pour cette cohérence.
Pensez-vous que les moyens actuels soient suffisants pour atteindre les objectifs ?
Voulez-vous dire en termes d'arsenal technique, de contrôles, sur le plan juridique ou bien des sanctions ?
Je m'interroge d'une part sur les contrôles techniques et ensuite sur les éléments de législation.
Les contrôles et en particulier les contrôles inopinés sont un moyen important de lutte contre le dopage. Pour sa part, le passeport biologique constitue une véritable carte d'identité qui permettra d'inventorier les paramètres qui ne doivent pas évoluer au cours du temps. Il ne peut exister de politique efficace sans moyens adaptés.
Plusieurs faits divers mettant en cause des laboratoires justifieraient de mettre en place une incitation spécifique des laboratoires, de la part de toutes les autorités (gouvernementales, sportives, médiatiques ou économiques). Il pourrait être intéressant qu'une loi française incite les laboratoires à investir dans la lutte antidopage, qui a besoin de 7 à 8 millions d'euros pour mener à bien sa mission. Il serait intéressant de recherche un financement via les laboratoires, qui peuvent directement bénéficier d'une campagne d'amélioration de leur image. Le coût d'une telle action resterait modique au regard du chiffre d'affaires astronomique de l'industrie pharmaceutique. Je pense que cette piste mériterait d'être explorée, ne serait-ce qu'au regard des dégâts qu'un contrôle positif peut causer sur les rêves de nombreux jeunes ou sur l'image du sport. Nous n'en ferons jamais assez pour davantage de contrôles ou d'actions de prévention dans la lutte contre le dopage ou la suspicion de dopage, sujets que je place toujours ensemble.
Je crois avoir compris que vous écartiez la pénalisation de l'acte de dopage. Le fait de se doper ne serait pas pénalisable. Est-ce votre position ?
Je ne suis pas favorable à une sanction pénale, comme une peine de prison. Je suis en revanche favorable à une sanction financière, car le préjudice vis-à-vis de l'image du sport est réel, notamment face à quelqu'un qui a pu s'enrichir. Pour l'instant, la sanction ne porte que sur le plan sportif et il me semble illogique que le contrevenant ne participe pas à la prise en charge financière du préjudice.
Votre position est originale et intéressante. Nous avons plutôt entendu des intervenants défendre la sanction pénale ou l'absence de toute sanction.
Nous avons effectivement connu des appréciations divergentes. Pensez-vous que les sanctions doivent échapper aux mouvements sportifs ? Faut-il externaliser le processus, via l'Agence française de lutte contre le dopage par exemple, pour éviter que les fédérations soient à la fois juge et partie ?
Il s'agirait de faire en sorte d'éviter toute iniquité de traitement entre discipline. Ce serait sans doute très intéressant, dans la mesure où chaque fédération est aujourd'hui responsabilisée dans les procédures de contrôle et de sanction.
Il me gêne toutefois de penser que dans le dispositif actuel certaines fédérations sont plus laxistes en termes de sanction, ce qui pourrait justifier une externalisation.
Pour ma part, je pense qu'un système efficace doit être confié à des experts expérimentés et choisis par le mouvement sportif. Toutefois, si nous devions passer par une cellule constituée de personnes choisies de manière paritaire entre la structure gouvernementale et le mouvement sportif, il faudrait avant tout qu'elle inclue des personnes dont la compétence ne pourrait être mise en cause. Il ne faudrait pas non plus que le pouvoir sportif se défile. Le problème doit être traité, avec un mouvement sportif responsabilisé et responsable, mais pas nécessairement acteur.
Le choix des membres de cette commission ou cellule pourrait être une piste à explorer. Il s'agirait d'aboutir à une cohérence maximale et d'éviter que certains se montrent plus volontaristes que d'autres.
Vous avez souligné l'intérêt de demander des comptes d'un point de vue financier à ceux qui trichent. Est-ce que le comité national olympique et sportif se constitue partie civil dans des affaires de dopage de sportifs, notamment dans des affaires de trafic de produits dopants ?
Nous avons auditionné le président de la fédération française de cyclisme. Il a indiqué que la fédération française de cyclisme se constituait systématiquement partie civile et demandait des dommages et intérêts. Pourriez-vous vous aussi engager une démarche similaire ?
Si je comprends bien, vous m'interrogez sur ma position dans le cas de trafics de produits dopants, pas d'affaires de dopage individuelles. J'ai simplement indiqué qu'il me semblait nécessaire que les sportifs dont les dérives ont causé le plus de dommages à l'image du sport puissent être poursuivis et sanctionnés. Je précise que je ne suis pas juriste. Peut-être la recherche de sanctions financières n'est-elle pas envisageable dans des cas de ce type. En tout cas, il me semblerait recevable de prononcer des sanctions financières, pour que ces contrevenants participent à la réparation du préjudice de l'image du sport. N'oublions pas que son image est ce que le sport a de plus précieux.
Si une fédération est directement concernée par un trafic, il n'est pas nécessaire que le comité national olympique et sportif se porte partie civile. En revanche, la fédération pourra solliciter le comité national olympique et sportif pour qu'il se place à ses côtés et l'aide à obtenir réparation.
Le contenu de la loi est effectivement utilisé par la fédération française de cyclisme, et c'est tout à fait louable. Nous n'avons pas à agir plus avant, sauf si la fédération le souhaite.
Vous dites être favorable à une sanction financière. Seriez-vous favorable à ce que l'argent récupéré lors des condamnations soit fléché et affecté à un fonds dédié à la lutte contre le dopage ?
Pourquoi pas. Sous réserve d'une vérification par un juriste, il me semble important d'ouvrir la possibilité de sanctions financières pour réparation du préjudice de la dégradation de l'image du sport. La lutte contre le dopage va d'ailleurs dans ce sens. Je suis donc favorable à ce genre d'option. La participation de l'industrie pharmaceutique me semblerait également bénéfique.
Que pensez-vous de l'idée d'un prélèvement sur certaines recettes d'événements sportifs, au crédit de la lutte antidopage ?
Les événements sportifs lucratifs apportent un impact économique, mais aussi un impact en termes de cohésion sociale. Or de nombreuses actions de solidarité ont déjà été mises en oeuvre, notamment la taxe sur la retransmission télévision. Aller dans votre sens pourrait tracer un parallèle entre un événement médiatisé et le dopage. Je n'y suis donc pas favorable.
Nous savons que les contrôles doivent être conduits rapidement après les épreuves. Les contrôles inopinés sont également très importants. Certains représentants de fédération ont pourtant exprimé leur désaccord vis-à-vis de ces contrôles, qui pourraient présenter des contraintes importantes et notamment faire manquer des entraînements à des sportifs. Ne pensez-vous pas que la lutte contre le dopage nécessite d'accepter certaines contraintes ?
J'apporterai une réponse en deux étapes. Le citoyen que je suis trouve que les lois sont parfois trop nombreuses, alors que seuls 4 à 5 % de la population globale risque de les enfreindre. Au fond, la loi va pénaliser les 95 % de personnes qui font bien leur travail. Pour répondre à votre question, je dirai que nous ne nous trouvons pas dans un contexte qui nécessite une généralisation sur le plan juridique.
Les contrôles inopinés peuvent se dérouler tout à fait bien. Ils sont d'ailleurs très bien acceptés. Je pense que ces contrôles sont le prix à payer pour avancer. Le système ADAMS est par exemple très bien accepté par Roger Federer, qui s'y soumet normalement. Ce système renvoie au souci de montrer que sa performance n'est due qu'à son talent et son travail.
Des critiques dont j'ai été l'écho renvoient à de rares excès qui ont pu être observés. Un médecin préleveur a par exemple sonné à 7 heures du matin à la porte d'un sportif et n'a pas attendu suffisamment longtemps pour que l'athlète se lève. Celui-ci a alors fait l'objet d'une alerte vis-à-vis de son engagement de présence. Toutefois, ces cas ne représentent sans doute que 2 % à 3 % des cas. Il ne faut pas généraliser.
Incontestablement oui. Je n'ai jamais émis de doute sur ce point. Je suis également favorable au programme ADAMS, qui va bien au-delà du précédent système de contrôle inopiné. Dans les années 1990, un athlète n'avait qu'à communiquer le lieu de son stage, pas sa localisation précise.
Non. Nous sommes simplement allés beaucoup plus loin pour garantir la probité du sport, qui est un métier pour les sportifs professionnels et la passion de tous les pratiquants.
La question que j'ai posée renvoie au fait que l'action internationale du sport relève désormais du mouvement sportif lui-même. Dans quelques semaines, des élections auront lieu pour la présidence de l'AMA. Que pensez-vous de la candidature éventuelle d'un compatriote, Patrick Schamasch ?
Tous les six ans, la présidence de l'AMA revient soit à un haut représentant des autorités gouvernementales, soit à un représentant du mouvement sportif. Patrick Schamasch a émis son ambition d'être élu à la présidence de l'AMA. Il affiche toutes les compétences nécessaires pour cela. Sa nationalité n'entre pas en ligne de compte. Sur le plan de la lutte antidopage, c'est surtout la compétence qui compte. M. Schamasch affiche une expérience importante, car il a été le médecin du CIO. Il a de plus participé à toutes les commissions juridiques chargées d'évaluer des dossiers. La qualité de son engagement et de ses compétences ne fait aucun doute.
Sa candidature est extrêmement intéressante, et sa nationalité reste secondaire.
Le CNOSF et le Sénat ont exprimé la volonté de mettre en place un passeport sanguin à compter du 1er juillet 2013. Pensez-vous que nous serons prêts ?
Si nous ne sommes pas prêts, nous ne sommes pas loin de l'être. Je n'ai néanmoins pas suivi de près l'état de ces travaux. Je vous apporterai une réponse plus précise après avoir pris connaissance de la réalité exacte de ces travaux. Je préfère ne pas apporter présentement de réponse erronée.
Je crois sincèrement qu'il existe des aspects pervers et négatifs qui mettent en danger l'existence même du sport. Il ne s'agit pas seulement du dopage, mais aussi de la corruption et de la violence, ou d'autres problèmes sociétaux comme le racisme.
En concertation avec les parties prenantes politiques, économiques ou médiatiques, les autorités sportives doivent faire en sorte de lutter pour préserver l'intégrité du sport et des sportifs. Le sport reste en effet un bien précieux pour l'humanité. Il est un élément constitutif des sociétés, quelle que soit leur histoire.
Il est toujours plus courant de citer les trains qui déraillent, et je regrette parfois que l'image du sport soit ternie par des affaires qui, au fond, ne représentent qu'une infime partie de ce que l'ensemble des participants peuvent exprimer. C'est à ce niveau que j'évoquais une sanction financière : même si une sanction financière ne réparera jamais le préjudice, il me semble important de nous sensibiliser sur l'importance de l'épanouissement de l'être humain dans le sport, quel que soit son niveau de pratique. Cet épanouissement ne doit pas passer au second plan face aux aspects pervers. Il faut certes lutter contre ces effets pervers, mais ils ne constituent pas l'essentiel de la pratique sportive. Mon travail consiste aussi à promouvoir les points positifs. N'oublions pas que 80 % des Français ont été licenciés et que 15 millions de français le sont actuellement. Grâce à l'action de 3 millions de bénévoles.
J'ai par ailleurs eu le plaisir de rédiger avec Pascal Boniface un livre, Le Sport c'est bien plus que du sport. Ce livre inclut quelques pages sur mon expérience personnelle, mais il présente surtout des perspectives qui ne peuvent vous laisser indifférents quant à l'organisation du sport dans notre pays. L'importance transversale du sport me semble insuffisamment reconnue. Je rêve que l'on organise un jour les Jeux olympiques, non pas pour le plaisir de les organiser, mais pour inspirer une génération. Il doit s'agir de notre principal souci pour l'avenir : faire en sorte que les jeunes fassent du sport. N'oublions pas qu'un jeune sur trois ne pratique pas de sport, et un jeune sur deux dans les quartiers difficiles. J'ai commencé en évoquant cette idée. Il m'apparaissait important de terminer aussi sur cette idée.