Déposé le 8 juillet 2013 par : Mme Aïchi.
Supprimer cet article.
L’article 2 bis (nouveau) du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière adopté par l’Assemblée Nationale a étendu les contours du délit général de blanchiment incriminé par l’article 324-1 du Code pénal en créant, au-delà des deux formes classiques du blanchiment (blanchiment par aide apportée à la justification des ressources ou du patrimoine d’un délinquant ; blanchiment par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un crime ou d’un délit), une forme nouvelle de ce délit sévèrement sanctionné.
Constituerait désormais également un blanchiment, « le fait de dissimuler ou de déguiser, ou d’aider à dissimuler ou à déguiser, l’origine de biens ou de revenus dont la preuve n’a pas été apportée qu’ils ne sont pas illicites.»
Aux termes de cette définition, dont la rédaction repose sur une double négation inquiétante, une personne qui n’est pas capable d’apporter la preuve que ses biens ou ses revenus sont licites pourrait se voir reprocher le délit et être exposée à cinq années d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende, outre la confiscation de tout ou partie de son patrimoine, peines qui sanctionnent la commission du délit de blanchiment.
Le texte ainsi adopté par l’Assemblée Nationale est préoccupant en ce qu’il érige un principe d’illicéité de l’origine de tout bien ou revenu : à suivre la logique d’une telle incrimination, toute personne est invitée à être en mesure de rapporter la preuve que ses biens ou ses revenus « ne sont pas illicites». Le principe inverse prévaut pourtant dans notre actuel droit de la propriété, à tout le moins en matière mobilière (dont relèvent les revenus), puisque l’article 2276 du Code civil dispose qu’en matière de meuble la possession vaut titre.
En outre, aucune restriction quant à la valeur ou l’importance du bien ou de revenu concerné et dont l’origine doit pouvoir être justifiée par son détenteur n’est prévue par le projet de loi. Aucune restriction quant à l’ancienneté de la date d’acquisition de ce bien ou de ce revenu n’est non plus avancée par le projet de loi.
Certes l’incrimination prévoit que cette forme nouvelle de blanchiment serait caractérisée par le fait de dissimuler ou de déguiser l’origine du bien concerné. Mais il est à craindre que, pour la personne incapable de rapporter la preuve de l’absence d’illicéité de l’un de ses biens ou de ses revenus, l’assimilation soit rapide par une autorité de poursuite ou de jugement entre impossibilité de justifier de l’origine du bien et dissimulation de cette origine.
Ce texte est donc tout à la fois attentatoire au droit de propriété et au principe de légalité des délits ou des peines.
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