Déposé le 23 juin 2021 par : Mme Doineau.
Supprimer cet article.
N'ayant pas ou plus de parents en mesure de répondre à leurs besoins et veiller à leur avenir, les pupilles de l’État sont pris en charge par la société et bénéficient d’un statut protecteur.
La pluralité de regard dissociant le suivi de la vie du pupille et les décisions à prendre pour lui – fonction du tuteur et du conseil de famille – et la mise en œuvre de celles-ci et du financement des structures (familles d'accueil, foyers, etc.) – fonction du département – permet d’éviter toute confusion entre les rôles de décideur et payeur.
L'adoption de l'article 38 romprait l'équilibre entre service de l’État, conseil de famille et conseil départemental. En effet tuteur et gardien ne seront plus qu’une seule et même personne, le président du conseil départemental. Les attributions du conseil de famille seront certes conservées mais qu’en sera-t-il du caractère obligatoire de ses décisions, puisque le Conseil Départemental sera devenu juge et partie ?
Une telle mesure de désengagement de l’État peut-elle être considérée comme pertinente alors que l’IGAS met en évidence, dans un rapport, de nombreuses disparités tant quantitatives que qualitatives dans le fonctionnement des services de protection de l’enfance? Afin de lutter contre les inégalités, l’IGAS préconise au contraire que l’État prenne une plus grande responsabilité dans la prise en charge des enfants.
On constate ainsi que dans un certain nombre de départements, le « projet pour l’enfant » qui doit s’articuler avec le projet de vie du pupille n’est pas déterminé, que les ODPE (Observatoire départemental de la protection de l’enfance) et les CESSEC (Commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés) prévus respectivement dans les lois de mars 2007 et mars 2016, ne sont toujours pas mis en place partout. Quand ils le sont, ils fonctionnent rarement de manière satisfaisante, faute de moyens et de personnel. Confier la tutelle des pupilles de l’État au département ne fait-il pas courir le risque que le tuteur, président du département, trouve, dans le manque de moyens, une raison de s’affranchir de ses obligations légales ?
L’argument avancé quant à la nécessité de légiférer est celui d’une « logique de cohérence et de simplification de la gestion », au prétexte que les services du président du conseil départemental «ont des ressources étoffées comparé aux moyens fragiles dont disposent les services de l’État ». Or, le budget alloué par les départements à la protection de l’enfance est dans une très grande majorité d’entre eux insuffisant pour faire face aux dépenses générées par cette mission.
Alors que le tuteur, représentant de l’État, n’a d’autre intérêt que celui de l’enfant pupille, le tuteur, président du département, ou son représentant qu’il soit élu ou agent, sera pris dans l’étau des restrictions budgétaires ou de personnel, ce qui pourrait influencer les décisions à prendre pour les enfants. Selon les départements, les enfants pupilles peuvent être moins de 10 ou plus de 300 ; la mission du tuteur est plus ou moins intense et peut demander des moyens humains importants. On peut aussi imaginer que, face à ces difficultés, certains départements recourent ultérieurement à l’externalisation de cette mission qui serait alors confiée à des services privés. Est-ce ce que nous voulons pour les pupilles de l’État ?
Dans l’intérêt supérieur des enfants, il ne paraît ni possible ni pertinent de confier aux départements la tutelle des 3220 enfants pupilles de l’État.
L’objectif principal de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, rendue publique fin 2019 par le secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet est de « garantir à chaque enfant les mêmes chances et les mêmes droits ». Le projet de loi relatif à la protection des enfants en cours d’examen à l’Assemblée nationale met en avant la nécessité « d’une coordination plus efficiente de l’État et de l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance ». Dès lors, l’article 38 du projet de loi « 4D » est en contradiction flagrante avec cet autre projet de loi, interrogeant fortement sur la cohérence d’ensemble de l’objectif poursuivi.
Le processus de décentralisation de la tutelle des pupilles de l’État n’aurait de sens que si la prise en charge de ces enfants en était améliorée, ce qui, pour toutes les raisons évoquées, paraît fort improbable.
Tel est l'objet de cet amendement de suppression.
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