a d'abord présenté un bref rappel sur le déroulement des travaux de la délégation, conformément aux orientations qu'elle avait annoncées lors de la réunion constitutive du 3 décembre 2008.
Elle a rappelé que le déjeuner de travail du 14 janvier dernier avait permis de constater une large convergence de vues autour du thème des « femmes dans les lieux privatifs de liberté », qui avait été acté, dès le lendemain, comme thème de travail par le bureau, et de celui de la lutte contre les violences faites aux femmes, qui a fait l'objet d'une question orale avec débat lors de la séance publique du 19 mars 2009.
Elle a indiqué que le numéro un du fascicule intitulé « La parole de la délégation », qui recueille l'ensemble des prises de positions prises par les membres de la délégation sur les questions qui intéressent les droits des femmes, avait rencontré un écho favorable.
Enfin, elle a rappelé que le bureau de la délégation s'était réuni à deux reprises, le 15 janvier et le 4 février 2009 pour tracer les grandes lignes du programme de travail de l'année et évoquer la délicate question du calendrier des réunions, dans le contexte de la réforme en cours du Règlement du Sénat.
Abordant, pour commencer, le programme de travail sur le thème « des femmes dans les lieux privatifs de liberté », Mme Michèle André, présidente, a rappelé que la délégation avait déjà procédé à huit auditions et à la visite du centre pénitentiaire de Rennes.
Elle a proposé de procéder à deux nouvelles séries d'auditions les jeudis 7 et 14 mai au matin, et de procéder, le jeudi 4 juin, à une visite de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, couplée avec une visite d'un centre de l'Association Réflexion Action Prison et Justice (ARAPEJ) à Athis-Mons.
Elle a également envisagé un déplacement aux Baumettes, à Marseille, dont M. Yannick Bodin a souligné l'intérêt.
Elle a également rappelé que Mme Jacqueline Panis avait proposé de visiter la nouvelle prison de Nancy en fin d'année.
Elle a également suggéré que la délégation effectue un déplacement à l'étranger, par exemple en Espagne, car ce pays est apparemment l'un des rares à expérimenter la mixité en prison et l'incarcération de couples de détenus.
Elle a rappelé que le bureau de la délégation avait décidé que la présentation du rapport aurait lieu en fin d'année civile.
est ensuite revenue sur les réflexions en cours concernant la réforme du Règlement du Sénat et les conséquences que celle-ci pourrait avoir sur le bon fonctionnement de la délégation.
Elle a rappelé que le groupe de travail qui a préparé cette réforme a recommandé de réserver un certain nombre de créneaux prioritaires, en milieu de semaine, à la séance publique et aux réunions des commissions.
Estimant que ce principe aurait les plus graves conséquences si son application devait conduire la délégation à ne plus se réunir qu'en tout début ou en extrême fin de semaine, Mme Michèle André, présidente, a indiqué qu'elle avait adressé, le 7 avril, un courrier à M. le Président du Sénat, pour lui faire part de sa préoccupation et de ses suggestions.
Elle a souhaité que la délégation puisse se réunir le jeudi matin comme l'ancienne délégation aux affaires européennes, maintenant érigée en commission, mais dont elle reste proche par l'effectif et le mode de fonctionnement, et dont l'existence est également consacrée par l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Elle a d'ailleurs remarqué que la délégation se réunissait le jeudi matin depuis sa dernière reconstitution, et que ce créneau semblait convenir puisqu'il permettait une forte présence aux auditions.
Elle a ensuite estimé que le partage d'un même créneau hebdomadaire avec la commission des affaires européennes ne devrait pas soulever trop de difficultés pratiques dans la mesure où les deux organismes n'ont, sur un effectif global de trente-six sénatrices et sénateurs, qu'un membre commun.
a indiqué qu'elle devait rencontrer le président du Sénat le 28 avril prochain pour évoquer cette question, et que Mme Jacqueline Panis était disposée à l'y accompagner en qualité de première vice-présidente.
Elle a ajouté qu'elle avait également adressé des courriers à M. Jean-Jacques Hyest et à M. Bernard Frimat pour leur demander à être auditionnée par le groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement du Sénat.
Cette démarche a été approuvée par la délégation au terme d'un échange de vues auquel ont participé Mme Michèle André, présidente, M. Yannick Bodin et Mme Muguette Dini.
a ensuite indiqué que, au cours des entretiens qu'elle avait eus ces derniers jours en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes, deux séries d'amendements lui avaient été présentés : l'une tendait à permettre aux pharmaciens d'officines de délivrer sans ordonnances des médicaments contraceptifs, l'autre tendait à une meilleure reconnaissance de la profession de sage-femme.
a indiqué qu'elle porterait une attention particulière à ces propositions lors de leur examen devant la commission des affaires sociales.
La délégation a ensuite procédé à l'audition de M. Damien Nantes, responsable du service Défense des étrangers reconduits (centres de rétention), et de Mme Caroline Bollati, responsable de la Commission prisons, du Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE).
a accueilli les intervenants en leur précisant que le thème d'étude retenu par la délégation portait sur les femmes détenues non seulement dans les lieux privatifs de liberté mais aussi dans les centres de rétention administrative et les hôpitaux psychiatriques. Elle leur a précisé les principaux thèmes sur lesquels la délégation souhaitait obtenir leur point de vue.
a rappelé que le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) intervenait, en tant qu'association de défense des droits des immigrants, dans vingt-trois centres de rétention localisés en métropole - et dans deux outre-mer sur les quatre existants - ainsi que dans soixante-cinq établissements pénitentiaires.
Il a énuméré les difficultés auxquelles est confrontée la CIMADE dans l'accomplissement de son rôle de soutien aux femmes immigrantes placées dans les centres de rétention :
- la brièveté fréquente des entretiens, liée au nombre d'étrangères placées en rétention ; celles-ci doivent être suivies dans l'urgence, ce qui ne permet ni d'effectuer une véritable analyse de leurs besoins, ni d'assurer leur accompagnement dans leurs démarches de demande d'asile lorsqu'elles le souhaitent ;
- la barrière linguistique, renforcée par le manque criant d'interprètes dans les centres de détention ;
- le faible nombre de femmes - entre 6 et 10 % de l'effectif global - qui conduit l'administration à réaffecter un certain nombre de centres aux hommes, dont le nombre croît ;
- la situation difficile dans laquelle se trouvent les femmes et leurs enfants, angoissées par la perspective d'un éventuel retour dans leur pays d'origine ;
- les difficultés spécifiques liées à certains motifs d'interpellation, comme c'est le cas, par exemple, pour les prostituées, victimes de réseaux de proxénètes organisés et au contrôle desquels elles échappent très difficilement, qu'elles soient reconduites à la frontière ou libérées sur le territoire français, les dispositifs de protection pourtant prévus par la loi n'étant que très peu efficaces.
Evoquant ensuite l'aménagement des centres de rétention, il a indiqué que ceux-ci comportaient généralement des espaces distincts pour les hommes et les femmes, mais que la séparation n'était pas totale. Se refusant à toute position trop tranchée, il a estimé qu'une certaine forme de mixité, dans les zones communes aux deux sexes, pouvait présenter des aspects positifs. Il a cependant relevé que des incidents s'étaient récemment produits au centre de rétention de Toulouse, à la suite d'un incendie qui s'était traduit par un regroupement précipité de femmes et d'hommes dans un même bâtiment.
a ensuite indiqué qu'elle procédait, en tant que responsable de la « commission prison » de la CIMADE, à des interventions bénévoles dans soixante-cinq établissements pénitentiaires. Elle a constaté que l'administration pénitentiaire n'avait pas pu quantifier, au sein de la population féminine incarcérée, la proportion de femmes immigrantes, en précisant qu'elle avait rencontré soixante-dix-huit femmes en 2008.
Elle a signalé que le premier obstacle à un soutien efficace aux femmes immigrantes incarcérées était d'ordre linguistique, l'interprétariat étant doté de moyens insuffisants. Elle a ensuite évoqué la disparité des conditions d'accueil de ces femmes, en estimant qu'elles faisaient l'objet d'une prise en charge plus conviviale et plus attentive dans les petits établissements pénitentiaires. Elle a indiqué que les nationalités roumaine et nigériane étaient les plus représentées parmi les femmes immigrantes emprisonnées : beaucoup de roumaines parlaient un peu le français, mais la communication avec les nigérianes était particulièrement difficile.
Elle a ensuite évoqué les difficultés liées à la sortie de prison : faute de papiers en règle, les femmes étrangères ne peuvent pas prétendre à des aménagements de peine ; or, le renouvellement des titres de séjour suppose tout un ensemble de démarches que les personnes incarcérées peuvent très difficilement accomplir ; dans ces conditions, ces démarches, souvent longues, ne peuvent être engagées qu'à la sortie de prison, et pendant cet intervalle, qui va jusqu'à l'obtention du titre, les femmes ne peuvent exercer un emploi, ce qui réduit l'efficacité de la formation qu'elles ont pu recevoir durant leur incarcération. La possibilité d'entamer ces démarches pendant l'incarcération lui a paru indispensable pour mieux préparer les sorties, et éviter d'acculer ces femmes à la récidive.
Insistant alors sur l'indigence de ces femmes, elle a, par exemple, souligné l'obstacle financier que représentent pour elles les frais liés à l'établissement d'un passeport. S'agissant des femmes qui sont dirigées vers leur pays d'origine à l'issue de leur incarcération, elle a déploré que l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) ne soit pas habilitée à fournir une aide au retour aux personnes faisant l'objet d'une mesure d'expulsion.
Elle a cependant ajouté, au titre des efforts consentis par l'administration pénitentiaire, que certaines de ces femmes avaient désormais accès à un enseignement du français et à une activité en prison, tout en constatant que le travail proposé aux femmes immigrantes ne correspondait, bien souvent, qu'à des qualifications peu valorisantes, qui préparent mal à la réinsertion dans des conditions satisfaisantes.
Faisant enfin observer que les conditions de détention de ces femmes demeuraient insatisfaisantes en dépit de la bonne volonté de tous les acteurs, elle a signalé deux difficultés spécifiques à la prison des Baumettes : d'une part, le trousseau normalement fourni aux mères pour s'occuper de leurs enfants est insuffisant et, parfois, faute de moyens, il ne leur est pas livré ; d'autre part cet établissement pénitentiaire, en cours de rénovation, souffre d'une vétusté qui engendre des conditions de détention difficiles.
Puis un débat s'est instauré.
a souligné l'intérêt d'une présentation qui n'hésite pas à montrer les conséquences de l'indigence financière des femmes étrangères comme, par exemple, l'impossibilité de renouveler, à la sortie de prison, un passeport, ou les problèmes concrets qui surgissent à la sortie de prison, au point que, paradoxalement, la période de l'incarcération pourrait apparaître comme un moment relativement protégé au regard des difficultés qui entourent la sortie. Elle a rappelé que les barrières linguistiques avaient été évoquées dans la discussion de la loi pénitentiaire.
a fait observer que l'indigence favorisait la récidive. Puis elle a signalé que la publication par l'administration pénitentiaire d'un guide des droits et devoirs des personnes détenues constituait un progrès notable, mais que cet opuscule n'était traduit qu'en anglais, en allemand et en arabe, alors que de plus en plus de détenus sont originaires des pays d'Europe orientale.
Soulignant le caractère récurrent de la question des conditions de sortie de prison, M. Yannick Bodin s'est alors interrogé sur les possibilités d'intervention concrètes des associations pour venir en aide aux femmes démunies sortant de prison ou du centre de détention.
a estimé que les réponses variaient beaucoup d'un lieu à l'autre. Elle a cité les actions du réseau « Coup de pouce » de Rennes, qui apporte une aide aux femmes dans leurs démarches administratives, ainsi que le rôle du Secours catholique, en matière d'hébergement. Elle a, en revanche, déploré l'absence de moyens d'intervention à Riom liée à son relatif isolement, en signalant toutefois que l'administration pénitentiaire prévoyait normalement un billet de train pour que les détenues puissent rejoindre leur domicile, mais que les personnes isolées et sans abri ne pouvaient pas en bénéficier. Elle a, par ailleurs, évoqué le foyer d'hébergement géré par l'Association Réflexion Action Prison et Justice (ARAPEJ) à Athis-Mons, qui accepte de prendre en charge les anciennes détenues étrangères, y compris celles qui sont dépourvues de titres de séjour.
a ensuite souligné les insuffisances des actions de réinsertion conduites au cours de l'incarcération, en déplorant le blocage d'un certain nombre de démarches visant à obtenir un titre de séjour. Elle a signalé qu'un protocole avait été passé entre l'administration pénitentiaire et les préfectures pour remédier à cette difficulté, et regretté que la préfecture de l'Essonne ait refusé de la signer, au motif que les femmes concernées étaient trop peu nombreuses.
Elle a enfin signalé la quasi impossibilité, pour les détenues, de procéder à une demande d'asile pendant l'incarcération.
a complété ces propos en évoquant les difficultés des femmes qui sortent d'un centre de rétention administrative et se retrouvent en situation irrégulière au regard de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Il a également souligné l'angoisse de certaines femmes liée aux conséquences prévisibles de leur retour dans leur pays d'origine, où les droits et la condition des femmes ne sont pas assurés.
a demandé des précisions sur l'âge des femmes concernées et sur les motifs de leur détention.
a précisé que ces dernières étaient, à plus de 85 %, âgées de moins de quarante ans, M. Damien Nantes indiquant que, dans les centres de rétention, la moyenne d'âge des femmes se situe aux alentours de trente ans. Il a ajouté qu'il convenait de distinguer les femmes intégrées dans un tissu social ou familial, et les personnes isolées ou en errance, comme les prostituées. Il a également signalé que les femmes détenues dans les centres de rétention étaient, pour la plupart, originaires du Maghreb, de Chine ou d'Afrique de l'Ouest.
a ensuite précisé à Mme Françoise Cartron que les femmes algériennes avaient, plus souvent que les roumaines, des attaches familiales en France.
a conclu son propos en indiquant que l'émergence des problèmes spécifiques aux femmes avait été prise en compte par la CIMADE, et que celle-ci avait implanté, à leur intention, notamment en Ile-de-France, des permanences qui pourraient apporter à la délégation des informations détaillées illustrées d'exemples concrets.
Il a précisé à M. Yannick Bodin que la CIMADE, née d'une initiative des milieux protestants en faveur des évacués d'Alsace-Lorraine, était maintenant une association laïque, mais qu'elle conservait des liens avec le monde réformé.
La délégation a ensuite procédé à l'audition de Mme le Docteur Pascale Giravalli, psychiatre, en charge des soins psychiatriques délivrés aux femmes détenues au Centre pénitentiaire pour femmes des Baumettes et aux mineurs de l'Etablissement pénitentiaire de La Valentine.
Après avoir accueilli l'intervenante, Mme Michèle André, présidente, a indiqué aux membres de la délégation que celle-ci était également présidente de l'association Relais Enfants Parents. Elle a rappelé que son audition s'inscrivait dans le cadre du thème de réflexion que la délégation s'était assigné cette année, qui porte sur la question des femmes dans les lieux privatifs de liberté, et qui fera l'objet d'un rapport rendu en fin d'année. Elle a ensuite fait part à Mme le Dr. Pascale Giravalli des différents points sur lesquels la délégation souhaitait l'interroger.
Elle a lui tout d'abord demandé de bien vouloir présenter l'Association des secteurs de psychiatrie en prison et d'évoquer les conditions de sa création. Elle a ensuite souhaité connaître son appréciation sur l'état sanitaire, plus spécifiquement sous l'angle psychiatrique, de la population carcérale féminine, l'interrogeant notamment sur les caractéristiques particulières que pouvaient présenter les mineures. Elle a également abordé la question de l'articulation entre incarcération et hospitalisation en établissement psychiatrique, s'enquérant des voies d'amélioration possibles en la matière. Elle lui a aussi demandé de détailler l'organisation des services médicaux psychiatriques, de préciser leur lien avec l'administration pénitentiaire et d'évaluer les moyens matériels et en personnels au regard des besoins correspondants. Enfin, elle a souhaité avoir des éléments d'information concernant le suivi psychiatrique à la sortie de prison.
Après avoir indiqué que l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, l'ASPMP, présidée par le Dr. Catherine Paulet, avait été créée à la fin des années 1980 par des psychiatres, le Dr. Pascale Giravalli a expliqué qu'elle avait été réactivée à partir de 1995, à la suite de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale qui concernait la prise en charge sanitaire des détenus, et qu'elle était ouverte à tous les professionnels exerçant dans les prisons dans le champ de la santé mentale. Elle a ajouté que l'ASPMP était en relation avec une association homologue pour les soins somatiques, l'Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP), présidée par le Dr. Patrick Serre, et qu'elle était régulièrement sollicitée pour travailler sur des dossiers relatifs à la santé et à la justice.
Après avoir insisté sur l'importance de la place du dispositif sanitaire, qu'il soit somatique ou psychiatrique, en milieu pénitentiaire, le Dr. Pascale Giravalli a indiqué qu'il était dépendant d'une bonne articulation avec les différents dispositifs prévus en amont et en aval de la période d'incarcération. Elle a en effet considéré, d'une part, que l'état des dispositifs sanitaires, ou encore sociaux comme l'hébergement ou l'accès au droit, prévus en amont et en aval de la période d'incarcération, avait un impact sur le dispositif sanitaire mis en oeuvre en prison, et que d'autre part, à l'intérieur de la prison, ce dispositif devait être articulé avec les autres partenaires intervenant en milieu carcéral, tout en gardant une certaine souplesse et une capacité de décentrement. Elle a ainsi insisté sur la nécessité, pour soigner, de préserver l'indépendance technique et statutaire des personnels soignants ainsi que l'information, la confidentialité et le consentement des détenus à recevoir des soins. Elle a rappelé à cet égard le travail pédagogique accompli depuis la loi de 1994, qui a prévu des temps d'articulation avec les services de l'administration pénitentiaire, par le biais de structures destinées à faciliter les échanges.
Elle s'est inquiétée de l'état sanitaire de la population carcérale, de plus en plus fragilisée, paupérisée et malade, notant à cet égard une aggravation de la situation depuis quelques années. Elle a indiqué que le développement de peines de plus en plus longues faisait surgir des problèmes nouveaux, liés en général au vieillissement de la population carcérale, au handicap mais aussi à la démence dans certains cas. Elle a, à cet égard, jugé que ces éléments étaient à mettre en relation avec ce qui se passait à l'extérieur des prisons, citant par exemple la diminution de moyens budgétaires à laquelle est confronté le milieu psychiatrique ou encore les difficultés rencontrées par le secteur hospitalier d'une manière plus générale.
a indiqué que, du fait de leur faible nombre, les femmes étaient souvent défavorisées en milieu carcéral, illustrant son propos par la prison des Baumettes à Marseille, qui concentre sur un même lieu une maison d'arrêt et un centre de rétention des mineures mais aussi des mères avec leurs bébés, avec des conditions d'accueil qui ne sont pas toujours adaptées. Elle a également souligné que le faible nombre de places pour les femmes en centre de détention, particulièrement dans le Sud de la France comme au centre pénitentiaire des Baumettes, où il n'y en a que trente-huit, ainsi que l'inadaptation de ces centres - dépourvus notamment de quartiers « portes ouvertes » - pouvaient poser problème et rendre la vie quotidienne plus difficile pour les femmes détenues.
Concernant la prise en charge des femmes dans le domaine de la psychiatrie, elle a indiqué qu'elles concentraient un certain nombre de difficultés : problèmes sociaux, troubles psychiques, difficultés liés à la prise de produits toxiques ou à l'alcoolisation. Elle a précisé que 80 % de la population féminine incarcérée faisait l'objet d'un suivi psychiatrique. Elle a jugé que cette forte proportion n'était pas liée à des troubles mentaux plus graves ou plus fréquents mais qu'elle résultait d'une plus grande propension des femmes à faire appel à des soins psychiatriques. Elle a ajouté que les problèmes liés à l'éloignement des enfants ou à la difficulté de préserver les liens familiaux conduisaient aussi les femmes à demander un tel suivi. Par ailleurs, elle a ajouté que certaines violences et certains états de désespérance nécessitaient un accompagnement psychologique mais aussi social et juridique. Elle a, sur ce sujet, salué le travail du médiateur de la République à Marseille.
a considéré que les femmes étaient défavorisées en matière de soins psychiatriques, dans la mesure où la plupart des établissements ne leur offrait qu'une possibilité de consultation, contrairement aux hommes qui peuvent souvent bénéficier d'une prise en charge renforcée en hôpital de jour, dans les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) par exemple.
Sur la question de l'hospitalisation, elle a jugé que les difficultés rencontrées concernaient aussi bien les hommes que les femmes. Elle a indiqué que, pour les femmes en particulier, les hospitalisations ou les consultations s'effectuaient dans des conditions parfois peu dignes, regrettant que les équipes hospitalières soient tenues de soigner et de surveiller avec des moyens réduits.
Elle a ensuite considéré que les projets de construction des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, constituaient une avancée importante dans la mesure où elles permettraient l'accueil d'hospitalisations psychiatriques, en hospitalisation libre comme en hospitalisation contrainte, des hommes, des femmes et des mineurs, améliorant ainsi le système actuel qui consiste à accueillir les détenus dans les hôpitaux psychiatriques, souvent maintenus dans des conditions peu adaptées, comme les chambres d'isolement strict. Elle a indiqué que la première UHSA devrait voir le jour en 2010. Elle a rappelé que le programme prévoyait la création de 19 UHSA, qui seront construites en deux vagues, la première comportant 9 unités situées notamment à Lyon, Nantes, Toulouse et Marseille. Elle a ajouté que des difficultés existaient, notamment au niveau du choix des terrains destinés à accueillir ces unités, prenant l'exemple de Marseille, où l'UHSA était prévue sur le terrain d'un hôpital psychiatrique mais géré par l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille. Insistant sur le fait que ces UHSA nécessiteraient une très grande articulation avec les dispositifs internes aux prisons, elle a indiqué qu'un groupe de travail avait été constitué au ministère de la santé pour réfléchir à l'évolution du dispositif de soins psychiatriques dans les prisons en vue de l'ouverture des UHSA.
a souligné, à ce sujet, que les UHSA n'auraient pas vocation à garder des détenus malades mais à les soigner pendant une période d'hospitalisation déterminée.
a jugé qu'il était nécessaire de s'interroger sur les problèmes psychiatriques situés en amont de la période d'incarcération.
Concernant la continuité et le suivi des soins psychiatriques après la période d'incarcération, elle a expliqué que cette mission était articulée avec la question de l'hébergement et celle des droits sociaux des anciens détenus une fois sortis de prison mais que la loi de 1994, qui comportait des dispositions en ce sens et relatives aux droits des personnes, avait connu beaucoup de ratés dans son application. Elle a noté que, dans le cas de personnes condamnées, un véritable travail pouvait être accompli par les psychiatres, en partenariat avec les services d'insertion et de probation, du fait d'une certaine visibilité sur la date de la libération. Elle a néanmoins précisé que, même dans ce type de cas, il était possible de rencontrer des difficultés, citant l'exemple d'une détenue condamnée à sept ans d'emprisonnement et qui, quinze jours avant sa libération, restait dans l'incertitude sur son sort, faute de place dans les foyers prenant en charge les personnes sortant de prison. Elle a expliqué, en revanche, que ce travail était plus difficile en maison d'arrêt, où la date de libération est souvent imprévisible. Elle a ajouté que la question du suivi psychiatrique à la sortie de prison était intimement liée à la localisation de l'établissement pénitentiaire et aux conditions d'accès au droit.
Concernant les détenues mineures, elle a indiqué que les inégalités, si elles avaient toujours existé, s'étaient accentuées depuis la création des établissements pour mineurs. Elle a expliqué que leur faible nombre avait tout d'abord conduit l'administration pénitentiaire à les incarcérer dans les maisons d'arrêt pour femmes, mais que la volonté de séparer par la suite les détenues mineures des détenues majeures s'était heurtée à l'absence de dispositifs et de quartiers adaptés. Elle a indiqué que les établissements pour mineurs prévoyaient, dans leur projet initial, quatre places réservées à l'accueil de jeunes filles sur un total de soixante, avec des activités mixtes, mais que ces dispositions n'avaient été que peu ou pas appliquées selon les lieux, citant le cas de Marseille, où les jeunes filles détenues resteraient incarcérées aux Baumettes et ne rejoindraient pas l'établissement pour mineurs de La Valentine, ce qui confirme la nécessité d'une prise en charge spécifique.
En termes de pathologies psychiatriques, Mme le Dr. Pascale Giravalli a indiqué que les jeunes filles mineures cumulaient souvent les handicaps. Revenant sur l'interrogation liminaire de Mme Michèle André, présidente, concernant l'opportunité d'incarcérer pour soigner, elle s'est également interrogée sur l'opportunité, dans le cas de ces établissements pour mineurs, d'incarcérer pour éduquer, soulignant les difficultés rencontrées concomitamment par les structures extérieures existantes. Elle a, par ailleurs, déploré que ces établissements soient situés à l'intérieur des prisons.
En réponse à Mme Michèle André, présidente, qui l'interrogeait sur les centres éducatifs fermés, Mme le Dr. Pascale Giravalli a regretté que les structures extérieures, dont ils sont l'une des composantes, ne soient pas plus développées.
a souhaité savoir si le faible nombre de femmes incarcérées se retrouvait dans les centres éducatifs fermés et si ces derniers étaient mixtes.
a indiqué que ces centres n'étaient pas mixtes et qu'ils avaient parfois rencontré des difficultés liées à un encadrement défaillant. Elle s'est également interrogée sur la question du suivi des dispositions relatives à l'implantation de ces centres.
Parmi les 80 % de femmes bénéficiant d'un suivi psychiatrique en prison, M. Yannick Bodin a souhaité savoir quelle était la proportion de celles qui en bénéficiaient déjà avant leur incarcération et a demandé à l'intervenante si l'incarcération pouvait constituer en elle-même un facteur de troubles psychiatriques.
Le Dr. Pascale Giravalli a indiqué que, selon une enquête nationale de 2003 concernant aussi bien les hommes que les femmes, 30 % des détenus avaient bénéficié de soins psychiatriques avant leur entrée en prison. Se fondant sur son expérience personnelle, elle a considéré qu'à un jour donné, sur 133 femmes par exemple, entre cinq et dix présentaient des troubles psychiatriques graves, et qu'il existait une frange de jeunes femmes majeures présentant des troubles de la personnalité ou des difficultés liées à des conditions de vie chaotique. Elle a, par ailleurs, confirmé que, si l'incarcération ne rendait pas psychotique les sujets indemnes de toute perturbation mentale au moment de leur entrée en prison, l'enfermement aggravait les difficultés psychiatriques des détenus déjà sujets à de tels troubles, en dépit de la qualité des soins qui pouvaient être dispensés à l'intérieur des prisons. Elle a souligné que certains détenus, dont la personnalité était plus vulnérable, pouvaient présenter des troubles mentaux, voire se retrouver en situation de délire psychiatrique aigu, sans être malades mentaux. Elle a, par ailleurs, indiqué que les femmes pâtissaient moins des troubles liés à la promiscuité, étant moins touchées par la surpopulation carcérale. S'appuyant sur le cas spécifique de Marseille, elle a indiqué que le suivi des femmes détenues pouvait en revanche être affecté par un redéploiement des psychiatres exerçant en milieu pénitentiaire, lié à un manque de médecins et à une augmentation du nombre de consultations, la priorité étant accordée au suivi psychiatrique des détenus présentant les troubles les plus graves au détriment des autres thérapies comme par exemple les injonctions de soins judiciaires. Elle a ajouté qu'il existait une grande hétérogénéité des moyens, de nombreux postes médicaux restant non pourvus et certains établissements pénitentiaires ne disposant pas de psychiatre.
Revenant sur le très faible nombre d'hospitalisations de jour pour les femmes, Mme Claudine Lepage a souhaité savoir si la thérapie psychiatrique pour elles se limitait à la prescription de médicaments ou s'il existait d'autres méthodes thérapeutiques qui leur soient accessibles.
Le Dr. Pascale Giravalli a indiqué que les consultations constituaient de véritables soins psychiatriques en dehors des prescriptions, qui ne concernent qu'un tiers des femmes suivies.
a rapporté les propos de la psychiatre du centre pénitentiaire de Rennes, que la délégation a rencontrée lors de son déplacement, qui soulignait la forte demande d'un suivi psychiatrique par les femmes, notamment dans le cas des longues peines pour des crimes graves qui sanctionnaient un parcours chaotique et difficile.
Le Dr. Pascale Giravalli a indiqué que le centre pénitentiaire de Marseille aux Baumettes accueillait une quarantaine de femmes condamnées à de longues peines, pour lesquelles un important travail de suivi psychiatrique pouvait être envisagé, mais que la maison d'arrêt regroupait des détenues incarcérées pour des durées plus courtes, soulignant qu'il était alors nécessaire de proposer un travail différencié selon les cas et adapté à toutes ces femmes. Elle a également regretté le faible nombre d'aménagements de peine pour soins, trop peu pris en compte par les juges d'application des peines.
Sur la question de la rétention de sûreté, M. Yannick Bodin a souhaité savoir sur la base de quel taux de récidive se basait cette logique.
Après avoir rappelé que la mission essentielle des psychiatres dans les établissements pénitentiaires était le soin à la personne et non le traitement de la récidive, le Dr. Pascale Giravalli a indiqué que, si elle ne pouvait pas apporter de réponse globale concernant le taux de récidive, ce dernier était pour les viols de 1,7 %. Elle a par ailleurs indiqué que les psychiatres pratiquaient déjà des hospitalisations d'office prévues par la loi pour des détenus présentant une dangerosité psychiatrique liée à des troubles mentaux. Elle a considéré en revanche que la rétention de sûreté des détenus au moment de leur sortie reposerait sur des critères de dangerosité mal définis.