Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède, conjointement avec la commission des finances, à l'audition de M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Au nom du président Arthuis, qui nous rejoindra dans quelques instants, et de moi-même, je souhaite la bienvenue à M. le ministre Devedjian. La Cour des comptes, dans une récente enquête réalisée pour la commission des finances de l'Assemblée nationale en application du 2° de l'article 58 de la LOLF, a fait valoir que les dépenses au titre du plan de relance étaient plus importantes que prévu. Pour ma part, je me réjouis de sa mise en oeuvre. Je m'en tiendrai à un seul indicateur : les grands experts avaient osé imaginer une croissance annuelle de 1,6 % pour l'année 2010, elle est déjà de 1,4 % au premier semestre. Le plan de relance n'y est pas pour rien !
Merci de m'accueillir pour ce rendez-vous régulier... Le sixième rapport au Parlement sur la mise en oeuvre du plan de relance fait le point à la mi-2010 alors que nous entamons le dernier semestre du plan de relance pour un arrêt prévu à la fin de l'année.
Où en sommes-nous ? A ce jour, 37 milliards d'euros ont été injectés par le plan de relance dans l'économie française, soit 95 % des montants annoncés pour les années 2009 et 2010. L'action du plan est multiple : aider les entreprises et soutenir l'emploi ainsi que préserver la recherche-développement pour l'avenir, multiplier les investissements publics utiles afin de pallier la forte défaillance de l'investissement privé, qui vient seulement de redémarrer.
Plus précisément, du début 2009 à mi-2010, pas moins de 6,1 milliards d'euros ont été restitués aux entreprises innovantes sous la forme du remboursement accéléré du crédit d'impôt recherche. Quelque 5,3 milliards d'euros de garanties de prêts ont été distribués par Oseo à 23 000 entreprises. La Caisse centrale de réassurance a géré des assurances crédits, CAP et CAP+, pour 1,5 milliard d'euros au bénéfice de 76 000 entreprises, dont 3 000 dossiers à l'export. La prime à la casse a eu deux résultats simultanés : cette mesure de soutien aux ménages a eu un impact majeur sur les entreprises du secteur automobile qui, je le rappelle, représentent 10 % de l'emploi salarié en France. Elle a été un énorme succès : le 26 août dernier, nous avons atteint la millionième prime. Les constructeurs français en ont profité à plus de 60 %, la demande s'étant concentrée sur des petits modèles, plus écologiques, marché sur lequel la France est bien positionnée. En matière de soutien à l'emploi, le dispositif « Zéro charges TPE », clos le 30 juin dernier, sauf pour les apprentis, continuera à s'appliquer pour les recrutements effectués avant cette date. Ce système a bénéficié à plus d'un million d'embauches, dont 42 % en contrat à durée indéterminée. Le Fonds d'investissement social (FISO), qui finance l'activité partielle, des aides à l'embauche, des formations et des aides à la reconversion, a bénéficié à plus de 2 millions de personnes pour un coût de 1,3 milliard d'euros. Je veux d'ailleurs saluer les efforts consentis par les entreprises françaises en matière de formation des salariés. Le plan de relance y a également contribué en finançant la formation des demandeurs d'emploi ou des personnes mises au chômage partiel.
Le lancement de nombreux projets d'investissement publics avait pour but, je le rappelle, de soutenir le carnet de commande des entreprises. Nous avons anticipé la réalisation de projets déjà prévus qui, pour certains, avaient été écartés en raison de leur coût. Je vous garantis que tous étaient prêts, utiles et porteurs de valeur ajoutée à long terme. Les 1 500 projets lancés en 2009, contre 1 000 prévus initialement, sont, pour la moitié d'entre eux environ, terminés ; les autres sont encore en phase de travaux avec des paiements à mesure de leur avancement. Les intempéries de l'hiver dernier en ont retardé quelques-uns. Globalement, les deux tiers des crédits alloués aux infrastructures ont été dépensés à ce jour. S'agissant du logement, de la rénovation urbaine et de l'hébergement, les opérations continuent en 2010, après la construction de 130 000 logements en 2009. Ces efforts ont été relayés par ceux des grandes entreprises françaises chargées des services publics - EDF, La Poste, GDF-Suez, la RATP et la SNCF - qui ont engagé rapidement 3,8 milliards d'euros, dont 88 % ont été décaissés. Enfin, au niveau local, le remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) a donné de bons résultats en 2009 : les collectivités territoriales ont investi 45 milliards d'euros l'année dernière. Sans surprise, les résultats sont plus modestes en 2010 puisque 2 878 conventions ont été signées. Celles-ci prévoient 2,7 milliards d'euros d'investissement, soit une hausse de 100 % par rapport à la moyenne de référence des collectivités considérées.
Quel est le bilan économique du plan de relance ? Ce dernier a produit les effets escomptés. « Les mesures de relance mises en oeuvre en 2009-2010, temporaires et bien ciblées, ont contribué à maintenir la demande intérieure et à éviter une récession plus marquée », note le FMI dans son rapport. De fait, la France a enregistré un recul de son PIB de 2,5 %, contre moins 4,9 % en Allemagne - qui s'est révélée moins efficace dans la lutte contre la crise, bien qu'elle soit souvent plus brillante que nous - et moins 4,6 % en Grande-Bretagne. En 2010, la prévision de croissance est de 1,4 %, contre 2,2 % au deuxième trimestre en Allemagne grâce à son meilleur positionnement à l'export et au redémarrage de la demande dans les pays émergents. Ne nous y trompons pas : le dynamisme de l'économie allemande est bon pour la France, elle est notre premier partenaire. Son exemple doit nous encourager à poursuivre les réformes structurelles, après la suppression de la taxe professionnelle et, aujourd'hui, la réforme des retraites. En sus de la croissance, j'avais retenu deux critères en 2009 pour mesurer les progrès dans la sortie de crise : l'amélioration de l'emploi et le retour de l'investissement privé. Sur le front de l'emploi, le chômage est redescendu à 9,3 % en France métropolitaine au deuxième trimestre, avec la création de 35 000 emplois. Le dynamisme, comme toujours en sortie de crise, touche d'abord l'intérim et les postes de cadres, dont les offres d'emploi ont augmenté de 53 % entre juin 2009 et 2010. Nous devons poursuivre l'effort : la démographie française commande de créer beaucoup d'emplois.
En matière d'investissements, les administrations publiques ont été les seules à accroître leurs investissements l'an dernier. Pour autant, les pouvoirs publics n'ont ni la prétention ni l'intention de se substituer durablement à l'investissement privé, sans quoi nous changerions de modèle de société... Aussi, je me réjouis que l'investissement privé, après deux ans de baisse continue, enregistre au deuxième trimestre 2010 une hausse de 1,1 %. Même si cette tendance reste à confirmer, nous attendions cette bonne nouvelle. Enfin, si l'accent était mis sur l'investissement, 7 % des crédits du plan de relance ont été consacrés à soutenir les revenus des ménages modestes. Ils ont permis un redémarrage de la consommation de 0,6 % en 2009. A titre de comparaison, la Grande-Bretagne, qui avait construit son plan de relance autour d'une baisse non ciblée de la TVA ...
Il faut le croire. La Grande-Bretagne, disais-je, a connu, au contraire, un recul de la consommation de 3 %. Le nouveau gouvernement britannique, du reste, a choisi de rehausser la TVA de 15 % à 17,5 % et, l'an prochain, à 20 %.
Quelles sont les perspectives pour 2010, date prévue de la fin du plan de relance ? La grande majorité des crédits a été dépensée. Il est temps de dresser un bilan. Quelques chantiers sont encore en cours, certains paiements interviendront seulement début 2011 - il en va ainsi de la prime à la casse pour les véhicules achetés fin 2010. Je ferai tout pour respecter les engagements du plan de relance jusqu'à leur terme. Néanmoins, le succès du plan dépend de notre capacité à mener des réformes structurelles. Par exemple, la comparaison entre la reprise en Allemagne et en France au deuxième trimestre illustre la difficulté que pose la moindre compétitivité de nos entreprises, surtout à l'export. Après la réforme sur l'autonomie des universités et le lancement de la révision générale des politiques publiques en 2007, la création du Fonds stratégique d'investissement en 2008, le plan de relance, la suppression de la taxe professionnelle et la modification du crédit d'impôt recherche, il faut poursuivre, réformer nos retraites et maîtriser les dépenses courantes. Autre chantier en cours, le choix des investissements du Grand emprunt national. C'est également l'esprit du Single Market Act en préparation à Bruxelles, auquel je souhaite que la France s'associe.
Pour conclure, je suis heureux de cet échange qui donne au Gouvernement l'occasion de se faire entendre, ce qu'il n'a pas pu faire lors de l'audition à l'Assemblée nationale du président de la Cour des comptes. Au reste, la Cour a qualifié le pilotage du plan de « globalement bien assuré », observation plutôt rare. Nous l'avons connue moins bienveillante... J'espère que la représentation nationale soutiendra l'analyse positive de la Cour et que le Grand emprunt national confortera la bonne tendance actuelle. Aux côtés des aides aux banques, des stabilisateurs automatiques et de la protection sociale, je suis heureux et fier que le plan de relance ait permis un retour rapide à la croissance. La France ne s'est pas résignée. Pays cartésien, elle a été le seul pays à concentrer 75 % de son plan de relance sur 2009, l'acmé de la crise. Nos résultats prouvent que nous avons bien fait !
Pardonnez-moi de mon arrivée tardive. Je m'associe aux félicitations que vous a adressées le président Emorine. La Cour des comptes a rendu ses conclusions récemment. Sans flagornerie aucune, son appréciation est globalement positive, donc méritée. Permettez-moi quelques questions afin de dissiper quelques ambiguïtés. Les dépenses engagées par les ministères bénéficiaires relevaient-elles du plan de relance ou de la gestion courante ? La réponse n'est pas toujours évidente. D'après la Cour des comptes, la Justice et la Culture, en particulier, ont consommé leurs crédits de relance, mais non leurs crédits ordinaires. Quelle est l'ampleur de ce phénomène ? A l'inverse, la Cour estime que certaines mesures du plan de relance sont de nature pérenne, notamment les dispositifs de garantie d'Oseo et les dotations allouées aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale ainsi qu'aux centres d'hébergement d'urgence. Quel est le coût annuel de ces mesures pérennes ? Nous aimerions éviter une sous-évaluation des crédits dans la loi de finances initiale.
La Cour note un effet d'aubaine concernant le remboursement anticipé du FCTVA. A considérer la situation dans mon département de la Mayenne, ce n'est pas mon opinion. Qu'en pensez-vous ? Vous aviez prévu, dans le plan de relance, l'engagement de 4,1 milliards d'euros de crédits par les entreprises chargées de services publics. Selon la Cour, seuls 1,145 milliard d'euros ont été engagés à ce jour. Autrement dit, ces entreprises n'auraient pas répondu à l'attente du Gouvernement. Partagez-vous cette analyse ? Enfin, vous parlez de 400 000 emplois créés grâce au plan de relance. Nous avons une appréciation plus modeste : d'après les calculs de la commission des finances, le nombre d'emplois créés par un supplément de croissance de 0,6 point serait plutôt de l'ordre de 80 000. Comment justifier cet écart ? Nous manquons d'arguments consistants ...
Tout d'abord, la Cour des comptes a évalué, non l'entièreté de la période 2009-2010, mais une partie seulement. C'est le reproche méthodologique que je lui adresserais : on ne peut pas calculer la dépense sur toute la période alors que tous les paiements n'ont pas eu lieu, et mesurer l'impact sur une seule partie de ladite période. En outre, la Cour n'a pas pris en compte le chiffre de la croissance pour 2010, puisque nous le connaîtrons seulement en fin d'année.
Les 400 000 emplois recouvrent les emplois sauvegardés et créés. Comment définir un emploi sauvegardé, me direz-vous ? Laissez-moi vous donner un exemple. Un grand sous-traitant automobile de la région Centre était au bord du dépôt de bilan en février 2009. Pas moins de 1 500 emplois étaient en jeu. En coordination avec le préfet, remarquable en cette affaire, nous lui avons accordé une avance sur le remboursement du crédit d'impôt recherche de 50 millions d'euros. Nous sommes parvenus à débloquer les fonds en huit jours ! Ultérieurement, le chef de cette entreprise m'a confié : « Vous avez sauvé l'entreprise ! Sans vous, c'était la pendaison. » L'entreprise a également bénéficié de mesures de trésorerie. Comptabilisez-vous ces emplois-là ? Moi, oui. L'évaluation est difficile quand le sinistre n'a pas eu lieu. Le maréchal Foch disait : « Je ne sais pas qui a gagné la guerre, mais je sais bien qui l'aurait perdue. » Il en va de même pour l'emploi : je ne sais pas si nous avons sauvegardé des emplois, mais je sais qu'il y aurait eu des chômeurs.
Un effet d'aubaine sur le FCTVA ? Je ne le pense pas. Les collectivités ont investi 45 milliards d'euros en 2009 et se sont engagées à investir 54,5 milliards d'euros, soit 19 milliards de plus que la moyenne des trois années de référence. L'investissement a bien eu lieu. Nous ne nous sommes pas contentés de rembourser la TVA sur les opérations qui auraient eu lieu de toute façon. En outre, on observe généralement un rétrécissement des investissements les années qui suivent des élections municipales. Certes, il y a des exceptions vertueuses ! Mais, tout de même, le phénomène inverse s'est produit en 2009 avec 19 milliards d'investissement de plus que la moyenne. Ce n'est pas moi qui le dis, mais l'Insee : les collectivités signataires ont augmenté leur investissement de 4,8 %, celles qui ne l'étaient pas l'ont réduit de 13,8 %.
J'en viens aux substitutions de crédits. La Cour évalue leur montant à 300 millions d'euros, soit une part extrêmement faible aux dires mêmes du président de la Cour lorsqu'il a été auditionné à l'Assemblée nationale. La Justice et la Culture ont peut-être sous-consommé leurs crédits. Nous avons arrêté la liste des opérations dès janvier, liste qui ne comportait pas de substitutions. Peut-être les ministères ont-ils renoncé à des investissements programmés, profitant du plan de relance... Mais laissez-moi prendre l'exemple, qui me tient à coeur en tant qu'ancien avocat, de la rénovation de la « souricière » du Palais de justice à Paris. Le plan de relance l'a entièrement financé, la Chancellerie n'avait rien prévu. Peut-être cesserons-nous enfin d'être stigmatisés par l'Union européenne, et d'ailleurs, à juste raison : c'était une honte !
Les entreprises chargées de services publics ont engagé plus tard que prévu leur financement. La Cour des comptes n'a donc pas pu en rendre compte. Au total, elles ont engagé 87 % de leur budget relance.
En février dernier, nous avons adopté une loi de finances rectificative consacrée à la mise en oeuvre du Grand emprunt. Il était prévu, pour les infrastructures de transport, de soutenir les programmes intégrés urbains les plus urgents. Je regrette que cela n'ait pas été l'occasion de lancer les lignes à grande vitesse actées dans la loi dite « Grenelle I ». A ma connaissance, seule la deuxième phase du TGV Est a été retenue. Ensuite, 4,5 milliards d'euros doivent être consacrés à un Fonds national pour la société numérique. S'agissant des projets urgents d'infrastructures, il est fait état, dans votre rapport d'étape, de 580 millions de crédits de paiement, alors qu'entre 2009 et 2010 avaient été inscrits 920 millions d'euros en autorisations d'engagement et la même somme en crédits de paiement. Comment expliquer cet écart entre les engagements et les réalisations ? Pour l'aménagement numérique, je ne trouve aucune indication dans le rapport d'étape. Qu'en est-il ? Le Fonds national pour la société numérique a-t-il été créé ?
Je vous adresse également mes félicitations, Monsieur le Ministre. Les pôles de compétitivité sont une innovation majeure pour l'irrigation industrielle et le développement de nos territoires. Cependant, le Fonds unique interministériel (FUI) vient à s'épuiser et les dossiers se multiplient. Faut-il réduire leur nombre ou accroître le FUI ? Le fonctionnement des pôles, durant la première période de trois ans, était financé par l'État et la région. Qu'en sera-t-il ensuite ? Au regard d'autres projets, les pôles présentent un bon ratio - peu de frais, beaucoup de développement. Bref, comment passer à la nouvelle étape pour les pôles de compétitivité ?
J'évoquerai un sujet proche des pôles de compétitivité : les PME innovantes. Ne pensez-vous pas que le plan de relance aurait dû être l'occasion d'optimiser le crédit d'impôt recherche et de mettre fin à des effets d'aubaine ? Les grands groupes en ont largement profité, surtout dans le domaine de la finance où ils font preuve d'une créativité dont nous avons ressenti ensuite les effets pervers, sans augmenter pour autant la recherche et développement. Or nos PME, contrairement aux allemandes, manquent de recherche et développement. Il aurait fallu provoquer des regroupements des moyens humains, des groupements d'employeurs, pour développer leur capacité en recherche et développement.
J'en viens aux substitutions de crédits qui, dans ma région, ont concerné le contrat de plan État-région et les programmes de modernisation des itinéraires routiers. Comment financerons-nous ces programmes dans les années à venir ? Nos collectivités sont debout sur le frein concernant les investissements de 2011, elles s'interrogent, car elles ne bénéficieront plus de l'effet one shot du remboursement anticipé du FCTVA. En outre, il y a de quoi s'interroger sur les ressources des collectivités territoriales en 2011 avec la suppression de la taxe professionnelle. Sans compter les simulations erronées de Bercy ! Dans ma commune, l'écart était de 6 millions d'euros entre les simulations et les crédits touchés en 2008. D'où notre prudence à investir.
Enfin, concernant le logement, les crédits ont disparu, sans parler du racket sur le 1 % logement. Quant à l'aide à la pierre, elle est en train de fondre.
Je salue la pertinence et la rapidité du plan de relance, ainsi que le respect exemplaire des règles, dont s'est fait l'écho la Cour des comptes. Plutôt que de vous poser une question, je formulerai une observation. Cela vous évitera de me répondre... Le ministre de l'Ecologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer agit à contre-courant sur certains dossiers. Pour l'heure, la France a renoncé à 2,2 milliards d'euros d'investissement sur un tronçon autoroutier entre Grenoble et Gap qu'il faudra bien réaliser un jour. Actuellement, on roule à 50 km/h quand l'on rejoint Genève depuis Marseille ou Lyon depuis Nice. Ce chantier devait créer 2 400 emplois durant six ans, dont 250 emplois permanents, sans oublier les emplois induits.
Monsieur Teston, notre règle a été de sélectionner, pour les projets d'infrastructures de transport, les seuls projets qui étaient suffisamment prêts pour démarrer immédiatement. Autrement dit, ceux qui avaient déjà fait l'objet d'études, d'enquête publique, voire de déclaration d'utilité publique. Cela nous a permis de concentrer 75 % du plan sur 2009. Nous avons délibérément privilégié l'effet anticrise. En outre, les retards sont inévitables. Aujourd'hui, seule la moitié des chantiers est achevée. Attendons le rapport final pour nous prononcer.
Le plan de relance consacre 50 millions d'euros au numérique.
Certes, mais il s'agit du plan numérique. Dans le plan de relance, 50 millions sont consacrés au numérique, notamment en milieu rural via le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
Monsieur Chatillon, j'étais ministre délégué à Bercy lorsque les pôles de compétitivité ont été lancés. Ceux-ci fonctionnent bien, quoique je regrette leur nombre trop élevé. Certains sont formidables, d'autres moins. Il faudrait faire un tri. Les collectivités territoriales les financent largement, mais elles ont peu de visibilité sur l'effet de leur contribution. Bref, cette innovation est heureuse, malgré quelques déceptions. Nous devons l'améliorer, notamment concernant la gouvernance et la transparence, ce qui, je le pense, répondra au problème que vous soulevez. Les collectivités territoriales, qui, parfois, ne perçoivent même pas les effets des pôles sur leur territoire, doivent être mieux associées à leur gestion. Sans quoi elles se montreront pour certaines, c'est déjà le cas aujourd'hui, peu désireuses d'investir.
Un rapport sénatorial a préconise de réduire le nombre de pôles de 60 aujourd'hui à un chiffre compris entre 40 et 45. En revanche, la gouvernance ne semble pas poser problème. Les collectivités territoriales disposent d'informations suffisantes et participent activement aux pôles. C'est le cas du pôle toulousain dans ma région. Quid du FUI ? Le pôle toulousain était l'un des premiers bénéficiaires du FUI. Hélas, il n'y a plus d'argent !
L'argent de la relance ne peut servir à cela...
D'après le rapport de la commission de l'économie et l'audit d'un cabinet spécialisé, les pôles fonctionnent bien dans leur grande majorité. En revanche, les petites entreprises éprouvent des difficultés à développer leur recherche et développement.
On peut penser que le Grand emprunt prendra le relais de la relance. D'après M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, les subsides du Grand emprunt seront conditionnés à une meilleure coordination et à une plus grande synergie au sein des pôles.
Le crédit d'impôt recherche doit être mieux encadré, quelques entreprises l'ayant utilisé pour financer des projets peu légitimes. Le cadrage vient. Mais retenons surtout que ce crédit d'impôt représente un avantage compétitif considérable pour la France. Le président de Microsoft m'a confié avoir choisi Issy-les-Moulineaux pour y installer son siège européen uniquement à cause de ce crédit d'impôt qui intéresse, hélas !, nombre de délégations étrangères désireuses de nous imiter. Localiser la recherche en France est une stratégie extrêmement favorable car si nous avons la recherche, nous avons l'état-major et la production.
La production est souvent réalisée en Europe centrale ou en Asie ! Et le crédit d'impôt finance parfois des recherches délocalisées en Europe centrale.
D'où la nécessité de localiser le noyau fort de la recherche en France. Le contact avec la production excite l'imagination du chercheur. « Les pensées qui mènent le monde arrivent sur des ailes de colombe », disait Nietzsche. Autrement dit, elles naissent du subalterne, du très banal. Pour l'état-major, le contact avec le chercheur est capital. Voyez l'exemple de la direction de Kodak qui n'a pas vu arriver la révolution numérique. Incroyable !
Le crédit d'impôt recherche a coûté 4 milliards d'euros en 2009, contre 1,5 milliard en 2008. Les crédits de recherche engagés par les entreprises, en revanche, ont peu progressé, de 200 millions seulement...
Un retour sur investissement un an après, cela n'existe pas ! La France est un pays d'impatients !
Monsieur le ministre, d'après votre rapport d'étape, 840 millions d'euros ont été investis outre-mer via Oseo et l'agence française de développement au 31 décembre dernier. Cette dernière est destinée à financer les pays étrangers. Pourquoi y recourir outre-mer et comment expliquer cette différence de traitement avec la métropole ? Ensuite, combien d'entreprises ultra-marines ont bénéficié de la garantie de prêt et pour quel montant global ?
Une question flotte dans mon esprit. Monsieur le ministre, le plan de relance ne constitue-il pas une réponse modèle à un certain type de crise ? Un mémoire sur le bon usage du plan de relance serait fort utile.
Outre les pôles de compétitivité, il faut souligner l'efficacité du partenariat public-privé, le PPP, un outil créé en 2008, qui remporte désormais un franc succès, quelles que soient les couleurs politiques des collectivités territoriales. Il y en a 347, si je ne me trompe, aujourd'hui sur le sol national. Ne faut-il pas les utiliser comme un levier pour la relance ?
Les secteurs ruraux, plus fragiles, méritent davantage d'accompagnement. La relance aurait pu financer la construction de bâtiments d'élevage ou encore les dessertes forestières. A lire votre rapport, la ruralité est l'oubliée du plan de relance. Cette impression est-elle juste ?
Monsieur Patient, je vous adresserai ultérieurement un récapitulatif précis des effets du plan outre-mer.
Monsieur Gaillard, vous m'avez posé une question presque métaphysique sur le concept de plan de relance. Bien que l'expérience comporte une part incontournable de pragmatisme, il est possible de la modéliser. Tout d'abord, le choix de l'investissement. Il fut possible dans notre pays en raison de stabilisateurs sociaux automatiques, qui ont soutenu la consommation. Ensuite, la notion d'immédiateté est décisive. Grâce à sa structure centralisée, la France a réagi rapidement, contrairement à l'Allemagne où les ministres doivent négocier avec les Länder après le vote au Bundestag ou encore aux États-Unis si bien que l'administration Obama parle d'un nouveau plan de relance ! Il est vrai qu'elle a pris les rênes au plus fort de la crise en 2009, d'où une certaine lenteur à monter dans le train. Le succès du plan de relance s'explique donc par des facteurs structurels. Prenons la prime à la casse : j'étais réservé, le Président de la République y croyait. En bon ministre, j'ai soutenu cette mesure sans état d'âme. Elle a bien fonctionné et a plutôt profité aux entreprises françaises...
Mais celles-ci réalisent seulement 50 % de la fabrication.
La France construisait 3 millions de voitures en 2002, contre moins de 2 millions aujourd'hui...
Certes, mais les délocalisations ne sont pas seules en cause. Il y a également un problème d'offre : les constructeurs, faute d'une analyse pertinente du marché, n'ont pas anticipé le succès de la Logan.
C'était une façon sympathique de nous leurrer sur les vrais objectifs !
Les Logan sont en rupture de stock ! On ne peut tout de même pas se plaindre de cette demande ! Les constructeurs ne sont pas blanc-bleu !
Monsieur Gaillard, vous m'avez tracé le devoir d'être le Montesquieu du plan de relance. J'aurai peut-être bientôt des loisirs qui me permettront de répondre à votre sollicitation !
Monsieur Houel, deux dispositions facilitent les PPP dans la loi de relance. Le mécanisme est compliqué, mais intéressant. Pour un équipement public qui fera l'objet d'une délégation de service public, il permet d'associer, dès le début, le gestionnaire au projet, ce qui évite aux collectivités territoriales de coûteux réaménagements. Autre avantage, il coûte cher, mais il ne relève pas de la dette...
Avec la mission PPP, nous travaillons actuellement à la constitution d'un marché des PPP entre compagnies d'assurances, banques et grands constructeurs. De fait, les banques hésitent à financer ces partenariats et à les garder dans leur bilan pendant toute leur durée. D'où l'idée que les PPP donnent lieu à une obligation transmissible, cessible, une fois le projet achevé. Les compagnies d'assurance pourraient ainsi se porter acquéreuses de PPP auprès des banques.
Il y aura déjà une garantie de la collectivité, mais la question mérite débat.
Monsieur Bailly, la ruralité serait oubliée ? Le plan de relance comprend 30 millions pour la performance énergétique en milieu rural, ce qui comprend le photovoltaïque, des fonds pour l'équipement numérique des écoles en milieu rural, 8 millions pour l'enseignement agricole et d'autres mesures via le FNADT. Reconnaissons qu'il est difficile de trouver dans le monde rural des effets de levier immédiats pour la reprise, ce qui était l'objectif du plan de relance.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Cette audition a suscité une certaine émotion. Peut-être pourrions-nous la dissiper en vous demandant si vous étudiez des crédits pour le projet de loi de finances pour 2011 ? En tous les cas, notre consolation est de savoir que nous aurons le plaisir de vous revoir à l'occasion du rapport final !